Encyclique Musicae Sacrae Disciplina de Pie XII

Pie XIICette encyclique reprend les principes du motu proprio de saint Pie X sur la musique sacrée, en développant davantage certains aspects et en adaptant la pratique. Du 25 décembre 1955.

 

 

 

I HISTOIRE

Dans l’Ancien Testament et l’Eglise primitive

Le chant grégorien

La polyphonie

Le rôle des Papes



II LOIS FONDAMENTALES

Règles de l’art en général

Règles de l’art sacré en particulier

Rôle éminent de la musique sacrée



III DIFFÉRENTS GENRES DE LA MUSIQUE SACRÉE

Le chant grégorien

Dans les rites non romains

La polyphonie

Les instruments de musique

Le chant populaire

Dans les missions



IV DISPOSITIONS PRATIQUES

 

 

INTRODUCTION

La musique sacrée et son ordonnance ont toujours été pour Nous un sujet du plus vif intérêt. C’est pourquoi il Nous a semblé que le moment était venu d’en reprendre l’étude méthodique dans une Encyclique en même temps que de répondre plus au long à de nombreuses questions qui ont été soulevées et discutées durant ces dernières dizaines d’années, afin que cet art si noble et délicat rehausse davantage encore la splendeur de la célébration du culte divin et développe plus sûrement la vie spirituelle des fidèles. Nous voulons aussi donner une réponse aux vœux que beaucoup d’entre vous, Vénérables Frères, Nous ont manifestés, dans leur sagesse pastorale, ainsi qu’aux souhaits que d’éminents musiciens et des maîtres réputés de la musique sacrée ont formulés dans les Congrès réservés à ce sujet et enfin à tout ce que l’expérience de la vie pastorale ou les progrès des connaissances en cet art et en cette science suggèrent d’opportun. Nous avons l’espoir, par là, que les dispositions prises par saint Pie X dans son motu proprio qu’il appela à juste titre « le code juridique de la musique sacrée »[2] en seront de nouveau confirmées et imposées, qu’elles apparaîtront encore plus lumineuses et fondées sur de nouvelles raisons. Ainsi donc, en s’adaptant aux conditions actuelles et en s’étant comme enrichi, l’art magnifique de la musique sacrée répondra toujours de mieux en mieux à sa fonction élevée.

I HISTOIRE

Parmi tant et tant de qualités naturelles dont Dieu, en qui se trouve l’accord de l’harmonie la plus parfaite et de l’unité la plus achevée, a paré les hommes en les créant à son « image et ressemblance » (Gen. I, 26), la musique a évidemment sa place, elle à qui il appartient, avec les autres arts libéraux, de procurer les joies de l’âme et la récréation de l’esprit. D’elle saint Augustin écrit très justement : « C’est pour leur rappeler cette grande réalité que la libéralité de Dieu a accordé même aux mortels doués d’une âme raisonnable, la musique qui est la science et l’inspiration des modulations »[3].

Dans l’Ancien Testament et l’Eglise primitive.

Personne, donc, ne s’étonnera que le chant sacré et l’art de la musique, comme il ressort de nombreux documents anciens et récents, aient servi de tout temps et en tous lieux, à l’ornement et à la beauté des cérémonies même religieuses, même chez les peuples païens, et que surtout le culte du véritable et souverain Dieu ait, dès l’origine, usé de cet art. Le peuple de Dieu, tiré sain et sauf de la Mer Rouge par un miracle de la puissance divine, chanta au Seigneur un hymne de victoire ; et Marie, la sœur de Moïse, son conducteur, saisie de l’inspiration prophétique, accompagnait du tambourin le chant du peuple (Ex. XV, 1-20). Plus tard lorsque l’on conduisait l’arche de Dieu de la maison d’Obededom à la cité de David le roi lui-même « et tout Israël jouaient, devant le Seigneur de toutes sortes d’instruments de bois, de cithares, de lyres, de tambourins, de sistres et de cymbales » (II Sam. VI, 5). Le roi David détermina lui-même les règles du chant et de la musique à exécuter dans le culte sacré (I Paral. XXIII, 5 ; XXV, 2-31). Cette ordonnance fut rétablie après le retour d’exil et fidèlement respectée jusqu’à la venue du divin Rédempteur. Dans l’Eglise fondée par le divin Sauveur, le chant sacré fut en usage et en honneur dès les premiers temps ; saint Paul l’exprime clairement quand il écrit aux Ephésiens : « Soyez remplis de l’Esprit-Saint, récitant ensemble des psaumes, des hymnes, des cantiques spirituels » (Eph. V, 18 s. ; Col. III, 16). Et cet usage de chanter des psaumes était pratiqué même dans les assemblées chrétiennes, ce qui est indiqué par ces paroles : « Lorsque vous vous réunissez, quelqu’un de vous a-t-il un cantique à faire entendre ? » (I Cor. XIV, 26). Il en fut de même après l’âge apostolique. Pline l’atteste quand il écrit que ceux qui avaient renié leur foi affirmaient que « l’essentiel de leur faute ou erreur était d’avoir l’habitude de se réunir à jour fixe, avant l’aurore et de chanter un hymne au Christ comme à un dieu »[4]. Les paroles du proconsul romain en Bithynie montrent clairement que même au moment des persécutions, la voix de l’Eglise qui chante ne fut jamais tout à fait réduite au silence. Et Tertullien le confirme quand il rapporte que, dans les assemblées chrétiennes, « on lit les Ecritures, on chante des psaumes, on tient des discours »[5].

Le chant grégorien

La liberté et la paix rendues à l’Eglise, de nombreux témoignages des Pères et des auteurs ecclésiastiques confirment que les psaumes et les hymnes du culte liturgique furent d’un usage quasi quotidien. Mieux, on créa peu à peu de nouvelles formes de chant sacré, on inventa de nouveaux genres de chants que les Scholae cantorum, surtout dans la ville de Rome, cultivaient avec un progrès continu.

Selon la Tradition, Notre prédécesseur, d’heureuse mémoire, saint Grégoire le Grand recueillit avec soin et mit en ordre avec sagesse tout ce que les anciens avaient légué ; ses lois opportunes et ses règlements préservèrent la pureté et l’intégrité du chant sacré. De Rome le chant romain gagna peu à peu les autres parties de l’Occident. Non seulement il s’enrichit de nouvelles formes et de nouveaux modes mais on vit entrer en usage un nouveau genre de chant sacré : l’hymne religieux, parfois composé en langue vulgaire. Quant au chant du chœur, que l’on commença à appeler « grégorien » du nom de son restaurateur saint Grégoire, il reçut un nouvel éclat, dès le VIIIe ou le IXe siècle, dans presque toutes les régions de l’Europe chrétienne, grâce à l’accompagnement de l’instrument de musique qu’on appela « l’orgue ».

La polyphonie.

A ce chant du chœur vint s’ajouter peu à peu, dès le IXème siècle, le chant polyphonique dont on cultiva de plus en plus la théorie et la pratique et qui, surtout aux XVe et XVIe siècles, sous la direction des plus grands artistes, atteignit une étonnante perfection. L’Eglise a toujours eu la plus haute considération pour ce chant polyphonique, et afin de donner une magnificence plus grande encore aux fonctions sacrées, l’a admis volontiers dans les basiliques romaines et dans les cérémonies pontificales. Sa force et sa splendeur furent encore augmentées lorsque les voix des chanteurs furent accompagnées, en plus de l’orgue, par d’autres instruments de musique.

C’est ainsi que, encouragée et protégée par l’Eglise, l’organisation de la musique sacrée a parcouru une longue route qui l’a élevée peu à peu, bien que lentement et péniblement parfois, vers une plus grande perfection : à partir des simples et pures mélodies grégoriennes jusqu’aux grandioses et magnifiques oeuvres que non seulement les voix humaines mais aussi les orgues et les instruments de musique rehaussent et amplifient presque sans limite. Ce progrès, qui montre clairement combien l’Eglise a eu à cœur de rendre le culte divin toujours plus splendide et plus agréable au peuple chrétien, montre aussi clairement pourquoi l’Eglise a dû empêcher qu’on dépasse les justes limites et que, mêlé au véritable progrès, quelque chose de profane et d’étranger au culte divin s’infiltre dans la musique sacrée et l’avilisse.

Le rôle des papes

Les Souverains Pontifes ont toujours rempli avec soin ce devoir d’attentive vigilance et le Concile de Trente a sagement proscrit « ces œuvres musicales dans lesquelles soit l’orgue, soit le chant introduirait quelque élément sensuel ou impur »[6]. Sans oublier beaucoup d’autres Souverains Pontifes, Notre prédécesseur d’heureuse mémoire Benoît XIV, par son encyclique du 10 février 1749, en préparation du Grand Jubilé, avec une remarquable érudition et une grande abondance d’arguments, exhortait tout particulièrement les évêques à écarter de toutes manières les procédés illicites et inconvenants qui s’étaient introduits indûment dans la musique sacrée[7]. Nos prédécesseurs Léon XII, Pie VIII[8], Grégoire XVI, Pie IX, Léon XIII ont suivi la même voie[9]. On peut toutefois affirmer à bon droit que Notre prédécesseur d’immortelle mémoire saint Pie X, a réalisé la somme pour ainsi dire, de la restauration et de la réforme de la musique sacrée, en imposant de nouveau les principes et les règles de la tradition des anciens, grâce à la rédaction d’un statut d’ensemble tel que les réclamaient les temps modernes[10]. Enfin, de même que Notre prédécesseur immédiat, d’heureuse mémoire. Pie XI dans la Constitution apostolique Divini cultus sanctitatem du 20 décembre 1929[11], Nous avons Nous aussi par la lettre encyclique Mediator Dei du 20 novembre 1947, voulu développer et confirmer les prescriptions des Pontifes précédents[12].

II LOIS FONDAMENTALES

II n’y aura personne à s’étonner que l’Eglise veille avec un tel soin sur la musique sacrée. Ce qui l’intéresse n’est pas de porter des lois esthétiques ou techniques dans le domaine de la noble doctrine de la musique mais de la préserver contre tout ce qui pourrait la rendre moins digne, car sa destination est d’être appelée au service d’une chose aussi importante qu’est le culte divin.

Règles de l’art en général.

En ce domaine la musique sacrée n’obéit pas à d’autres lois ni à d’autres règles que celles qui s’imposent à tout art religieux, voire à l’art en général. Nous n’ignorons pas que ces dernières années quelques artistes, en causant une grave offense à la piété chrétienne, ont osé introduire dans les édifices sacrés certaines de leurs œuvres, totalement dépourvues d’inspiration religieuse et absolument contraires aux justes règles de l’art. Ils s’efforcent de justifier cette déplorable manière d’agir par des arguments spécieux qui découlent, affirment-ils, de la nature propre et du caractère de l’art. Ils ne cessent de répéter que l’inspiration qui guide la pensée de l’artiste est libre et qu’il n’est pas permis de lui imposer des lois ou des règles étrangères à l’art même, qu’elles soient religieuses ou morales, sans léser gravement la dignité de l’art et sans passer des chaînes et des entraves à l’activité de l’artiste qui est mue par l’inspiration sacrée.

De tels arguments soulèvent une question vraiment difficile et grave qui concerne tout art et tout artiste et dont la solution ne peut être trouvée dans des raisonnements tirés de l’art et de l’esthétique ; c’est à partir du principe suprême de la fin dernière qu’elle doit être tranchée, de ce principe sacré et inviolable qui régit tout homme et toute action humaine. Fondée sur la nature et l’infinie perfection de Dieu même, la loi qui oriente et ordonne l’homme vers sa fin suprême – qui est Dieu – est si absolue, si nécessaire que Dieu lui-même ne pourrait en dispenser personne. Cette loi éternelle et immuable oblige l’homme lui-même et toutes ses actions à manifester et, dans la mesure de ses forces, imiter l’infinie perfection de Dieu, à la louange et à la gloire du Créateur. L’homme donc, puisqu’il est né pour parvenir à cette fin suprême, a le devoir de se conformer au divin archétype et d’orienter l’action de toutes ses facultés, aussi bien du corps que de l’esprit, en les ordonnant sagement entre elles et en les soumettant, comme il convient, à la fin à atteindre.

C’est donc d’après leur harmonie et leur concordance avec la fin dernière de l’homme que même l’art et ses œuvres doivent être jugés; car l’art doit certainement être compté parmi les plus nobles activités du génie humain puisqu’il cherche à exprimer dans des réalisations humaines ce qui touche à l’infinie beauté divine et pour ainsi dire, à en refléter l’image.

C’est pourquoi « l’art pour l’art », comme l’on dit si souvent, ce principe d’après lequel, au mépris de cette fin essentielle à toute créature, on affirme que l’art est totalement libéré des lois qui n’émaneraient pas de lui seul, ou bien n’a aucune valeur. ou bien cause une grave offense à Dieu lui-même. Créateur et fin dernière. Car la liberté de l’artiste – qui n’est pas une force aveugle le poussant à agir suivant son propre jugement ou guidé par quelque besoin de nouveauté – n’est pas du tout contrainte ou abolie mais plutôt ennoblie et perfectionnée du fait qu’elle est soumise à la loi de Dieu.

Règles de l’art sacré en particulier.

Ces considérations que l’on doit appliquer à toutes les productions de n’importe quel art, il est évident qu’elles valent aussi pour l’art religieux et sacré. Plus encore. L’art religieux, en effet, est voué à Dieu, à sa louange et à sa gloire puisqu’il n’a pas d’autre but que d’aider les fidèles à élever pieusement leur esprit en Dieu par les œuvres qu’il propose à leurs yeux et à leurs oreilles.

C’est pourquoi l’artiste qui ne professe pas les vérités de la foi ou qui vit éloigné de Dieu dans sa mentalité et dans sa conduite ne doit en aucune manière toucher à l’art religieux ; il lui manque en effet cette sorte d’œil intérieur capable de lui montrer ce qui est requis par la majesté de Dieu et par son culte. Il ne peut espérer que ses œuvres, dépourvues de sens religieux, même si éventuellement elles révèlent l’homme qualifié dans son art et doué d’une certaine habileté technique, inspirent jamais cette piété et cette foi qui conviennent au temple de Dieu et à sa sainteté, et par conséquent, soient dignes d’être admises dans les édifices sacrés par l’Eglise, gardienne et maîtresse de la vie religieuse.

Quant à l’artiste dont la foi est solide et la vie digne d’un chrétien, lorsqu’il sera poussé par l’amour de Dieu et qu’il utilisera avec religion les dons reçus du Créateur, il tendra tout son effort à exprimer et traduire avec tant d’adresse, d’élégance et de bonheur, grâce aux couleurs, aux lignes, aux sons et à l’harmonie, ces vérités qu’il professe, cette piété qu’il pratique, que cet exercice sacré de son art sera pour lui-même aussi une sorte d’acte de culte et de religion et qu’il apportera aux fidèles une aide puissante et vive pour la foi et la piété.

De pareils artistes, l’Eglise les a toujours mis et les mettra toujours à l’honneur. Elle leur ouvre toutes grandes les portes de ses églises, heureuse de reconnaître l’aide considérable que leur art et leurs activités apportent à l’efficacité de son ministère apostolique.

Rôle éminent de la musique sacrée.

Or, ces règles et ces lois de l’art religieux obligent plus étroitement et plus intégralement encore la musique sacrée, car elle touche le culte divin lui-même de plus près que la plupart des autres beaux-arts, comme l’architecture, la peinture et la sculpture. Ceux-ci en effet, s’appliquent à préparer pour les rites divins un cadre digne, alors que la musique sacrée occupe une place importante dans les cérémonies et les rites eux-mêmes. C’est pourquoi l’Eglise doit prendre garde avec le plus grand soin, du fait que la liturgie en fait comme son auxiliaire, d’écarter de la musique sacrée tout ce qui conviendrait moins au culte sacré ou tout ce qui pourrait empêcher les assistants d’élever leur âme vers Dieu.

C’est bien la dignité de la musique sacrée et son but sublime que de parer et d’embellir de ses plus belles mélodies et de ses splendeurs soit la voix du prêtre offrant le sacrifice soit celle du peuple chrétien louant le Très-Haut, que de rendre plus vivantes et plus ferventes les prières liturgiques de la communauté chrétienne afin que tous puissent avec plus de force, d’intensité, d’efficacité, louer et supplier le Dieu Un et Trine. Grâce à la musique sacrée, grandit l’honneur que rend à Dieu l’Eglise unie au Christ son chef, s’accroissent les fruits que les fidèles entraînés par les chants sacrés, recueillent de la liturgie sacrée et manifestent par une vie et une conduite dignes d’un chrétien. L’expérience quotidienne l’enseigne. De nombreux auteurs anciens et modernes en témoignent.

Voici, à propos de chants exécutés « avec une voix limpide et sur une très heureuse mélodie » ce que saint Augustin écrit : « Je sens que, chantées de cette façon, les paroles sacrées elles-mêmes enflamment la piété de nos âmes avec plus de dévotion et de ferveur que si elles n’étaient pas ainsi chantées, et que tous les sentiments de notre esprit, chacun suivant ce qu’il y a de différent dans son caractère, possèdent leurs modes particuliers d’expression dans la voix et le chant qui les excitent par je ne sais quelle affinité secrète[13]. »

On peut facilement conclure que la dignité de la musique sacrée et son importance sont d’autant plus grandes qu’elle touche de plus près à l’acte suprême du culte chrétien, le sacrifice eucharistique de l’autel. Il n’y a donc rien de plus élevé, rien de plus sublime pour elle que de faire un délicat accompagnement à la voix du prêtre offrant la divine victime, de répondre joyeusement à ses demandes avec l’assemblée des assistants et d’embellir toute la fonction sacrée par la noblesse de son art. De ce service éminent se rapproche fort le rôle que joue la musique sacrée lorsqu’elle accompagne et rehausse les autres cérémonies liturgiques, en premier lieu la récitation au chœur de l’office divin. Cette musique « liturgique » mérite donc le plus grand hommage d’honneur et de louange.

Toutefois, c’est aussi dans une grande estime qu’on tiendra la musique qui, sans être au service particulier de la liturgie, aide cependant beaucoup la religion par son style et sa finalité et qu’on appelle à juste titre musique « religieuse ».

Il est exact que ce genre de musique sacrée, qui trouva son origine dans l’Eglise et commença sous sa protection à se développer heureusement, peut lui aussi, l’expérience en fait foi, exercer sur le cœur des chrétiens une grande et salutaire action soit au cours des fonctions et cérémonies non liturgiques dans les églises, soit à l’extérieur pour les diverses solennités et célébrations. En effet, la mélodie de ces chants, le plus souvent composés en langue vulgaire, s’imprime dans la mémoire presque sans effort ni travail et, en même temps que les airs, les mots et les idées pénètrent l’esprit, sont souvent répétés et plus profondément compris. Il s’ensuit que même les jeunes garçons et filles, en apprenant ces chants dès le jeune âge, y trouvent une aide excellente pour connaître, goûter et retenir les vérités de notre foi au grand profit du ministère catéchétique. Les adolescents et les adultes, dans leurs moments de récréation, y trouvent un plaisir pur et sain. Les réunions et les plus solennelles assemblées en reçoivent une sorte de grandeur religieuse ; enfin les familles chrétiennes en tirent une pieuse joie, un doux réconfort et un avantage spirituel. Aussi ces chants religieux populaires apportent-ils à l’apostolat catholique une aide puissante qui commande de les cultiver et encourager avec tout le soin possible.

C’est pourquoi lorsque Nous insistons sur les multiples qualités et l’efficacité apostolique de la musique sacrée Nous mettons en relief une chose qui peut apporter la plus grande joie et la plus grande satisfaction à tous ceux qui se sont voués d’une manière ou d’une autre, à son étude et à sa pratique. Tous, en effet, qu’ils composent des pièces musicales avec tout leur art, qu’ils les dirigent ou qu’ils les exécutent dans un ensemble choral ou instrumental, tous exercent sans aucun doute, quoique sous des aspects variés et différents, un véritable et authentique apostolat, et ce sont les récompenses et les honneurs des apôtres qu’ils recevront avec abondance du Christ, Notre-Seigneur, chacun selon qu’il aura fidèlement rempli son emploi. Qu’ils conçoivent donc pour celui-ci une grande estime : il les fait non seulement artistes et maîtres en leur art, mais encore ministres du Christ Seigneur et ses collaborateurs dans l’apostolat. Qu’ils en reconnaissent la dignité jusque dans leurs mœurs et dans leur vie.

III DIFFÉRENTS GENRES DE LA MUSIQUE SACRÉE

Puisque, si grande est la dignité, si grande l’efficacité de la musique sacrée et du chant religieux, comme Nous venons de l’exposer, il est d’une souveraine nécessité d’apporter un zèle et un soin très attentifs à les disposer sous tous les rapports de telle manière qu’ils puissent heureusement produire leurs fruits salutaires.

Tout d’abord, le chant et la musique sacrés qui ont les liens les plus étroits avec le culte liturgique de l’Eglise doivent conduire à la fin sublime qui leur est proposée. Donc cette musique, selon les sages avertissements de Notre prédécesseur saint Pie X, « doit nécessairement posséder les qualités propres à la liturgie ; en premier lieu la sainteté et l’excellence de la forme ; d’où découle de soi-même cette autre note qui est l’universalité »[14].

Le chant grégorien

Qu’elle soit sainte. Tout ce qui a saveur profane, elle ne doit ni l’admettre en elle-même, ni le laisser s’insinuer dans sa présentation. Cette sainteté est l’attribut éclatant de ce chant grégorien qui a été en usage dans l’Eglise au cours de tant de siècles, et que l’on peut appeler en quelque sorte son patrimoine. Ce chant, en effet, en raison de la convenance intime des mélodies avec le texte sacré des paroles, non seulement s’adapte à celles-ci de la façon la plus étroite, mais encore est comme une traduction de leurs sens et de leur vertu et insinue leur charme dans les âmes des auditeurs. Et elle produit ce résultat par des moyens musicaux simples et purs, mais inspirés par un art si sublime et si saint qu’ils excitent chez tous une sincère admiration, et que les spécialistes eux-mêmes de la musique sacrée et ses praticiens les considèrent comme une source inépuisable d’où ils feront jaillir des œuvres nouvelles. Conserver avec zèle le précieux trésor du chant sacré grégorien, le répandre largement dans le peuple chrétien est le devoir de tous ceux à qui le Christ Seigneur a confié la garde et la dispensation des richesses de son Eglise. C’est pourquoi ce qui a été sagement réglé et prescrit par Nos prédécesseurs, saint Pie X, appelé à juste titre le restaurateur du chant grégorien[15], et Pie XI[16] , Nous aussi, en considération des caractères remarquables que possède le chant grégorien original, Nous désirons et ordonnons de le réaliser, c’est-à-dire que dans l’accomplissement des rites sacrés de la liturgie son usage soit d’un emploi très large, et qu’on donne tout son soin à l’exécuter avec fidélité, dignité et piété. Si l’introduction des fêtes récentes réclame la composition de mélodies nouvelles, celles-ci seront demandées à des maîtres vraiment experts en cet art, afin qu’elles obéissent fidèlement aux lois particulières du chant grégorien authentique, et que ces nouvelles compositions s’accordent pleinement avec les anciennes en valeur et en pureté.

Si ces règles ont été vraiment observées sur tous les points, satisfaction sera donnée aussi à cette autre propriété de la musique sacrée, qu’elle doit présenter un type d’art véritable. Et si le chant grégorien résonne dans toute sa pureté et son intégrité dans les églises catholiques du monde entier, lui aussi, comme la sainte Liturgie romaine, présentera la note d’universalité, de telle sorte que les chrétiens, où qu’ils se trouvent, reconnaissent ces chants comme ceux de leur famille et de leur maison natale et qu’ils éprouvent avec grande consolation spirituelle, jusqu’où va l’admirable unité de l’Eglise. C’est là une des principales raisons pour lesquelles l’Eglise souhaite tellement que le chant grégorien, pour les paroles, soit strictement lié au texte latin correspondant de la liturgie sacrée.

Certes, Nous n’ignorons pas que le Saint-Siège lui-même, pour certains motifs graves, mais tout à fait définis, a concédé en ce domaine certaines exceptions, dont cependant Nous ne voulons absolument pas qu’on les étende ou qu’on les développe ni que, sans la nécessaire permission du Saint-Siège, on les applique à d’autres régions. Bien plus, là même où il est permis d’utiliser ces concessions, les Ordinaires des lieux et les autres pasteurs doivent veiller avec zèle à ce que les chrétiens, dès l’enfance, apprennent les mélodies grégoriennes au moins les plus faciles et les plus courantes, et sachent les exécuter jusque dans les fonctions liturgiques afin qu’en cela aussi l’unité et l’universalité de l’Eglise resplendissent toujours davantage.

Cependant, là où une coutume séculaire ou immémoriale admet qu’à la messe solennelle, après que les paroles sacrées de la liturgie ont été chantées en latin, on introduise quelques cantiques populaires en langue vulgaire, les Ordinaires des lieux pourront le laisser faire « si, étant donné les conditions des lieux et des personnes, ils jugent que cette (coutume) ne peut pas en prudence être déracinée »[17], en maintenant cependant la loi qui prescrit qu’on ne doit pas chanter une traduction littérale en langue vulgaire des paroles liturgiques, comme on l’a fait remarquer plus haut.

Mais pour que les chanteurs et le peuple chrétien comprennent bien ce que signifient les paroles liturgiques liées aux mélodies musicales. Nous Nous plaisons à emprunter aux Pères du Concile de Trente l’exhortation qu’ils adressent surtout « aux pasteurs et à chacun de ceux qui ont charge d’âmes d’expliquer souvent ou de faire expliquer par d’autres, au cours de la célébration de la messe, quelque chose de ce qui s’y lit et qu’ils s’attachent particulièrement à faire entendre quelque mystère de ce très saint sacrifice, surtout les dimanches et les jours de fête »[18].

Qu’ils le fassent surtout au moment où l’on donne la catéchèse au peuple chrétien. La chose est plus facile et plus libre en notre temps qu’aux siècles passés, parce que les textes de la liturgie traduits dans la langue du peuple, avec leur explication, se trouvent dans des livres portatifs et des livrets qui, étant dans presque tous les pays l’œuvre d’écrivains qualifiés, peuvent efficacement aider et éclairer les fidèles, si bien qu’eux aussi comprennent ces textes qui sont prononcés en langue latine par les ministres sacrés de façon à pouvoir en quelque sorte y participer.

Dans les rites non romains

Il est aisé de saisir que ce que Nous venons d’expliquer brièvement au sujet du chant grégorien concerne principalement le rite romain de l’Eglise, mais qu’on peut l’adapter aussi, toutes proportions gardées, aux chants liturgiques des autres rites, soit d’Occident, comme l’Ambrosien, le Gallican, le Mozarabe, soit des divers rites orientaux. Tous en effet, en même temps qu’ils montrent l’admirable richesse de l’Eglise en actions liturgiques et formules de prières, gardent aussi dans leurs chants liturgiques respectifs, de précieux trésors qu’il faut protéger et venger non seulement contre toute destruction, mais aussi contre toute diminution ou déviation. Parmi les monuments les plus anciens et les plus considérables de la musique sacrée, la première place revient sans aucun doute aux chants liturgiques des divers rites orientaux dont les mélodies ont exercé une grande influence dans la formation des genres musicaux de l’Eglise occidentale elle-même, compte tenu des adaptations réclamées par le génie propre de la Liturgie latine. Nous souhaitons que le répertoire des chants des liturgies orientales – dont l’établissement est poursuivi assidûment par l’Institut Pontifical des Etudes Orientales, avec la collaboration de l’Institut Pontifical de Musique sacrée – connaisse d’heureux développements sur le plan scientifique aussi bien que pratique en sorte que les étudiants ecclésiastiques des rites orientaux de l’Eglise, parfaitement instruits dans le chant sacré, puissent contribuer en ce domaine également, lorsqu’ils auront reçu le sacerdoce, à développer intensément la beauté de la maison de Dieu.

La polyphonie

Notre intention n’est pas, en louant et en recommandant le chant grégorien comme Nous venons de le faire, d’exiler la polyphonie sacrée loin de la liturgie, vu que si elle possède les qualités requises, elle peut contribuer puissamment à la magnificence du culte divin et à susciter de pieux sentiments dans les âmes des fidèles. Personne n’ignore que beaucoup de chants polyphoniques, surtout ceux qui ont été composés au XVIe siècle brillent d’une telle pureté artistique et d’une telle richesse de mélodies, qu’ils méritent à tous égards d’accompagner les rites sacrés de l’Eglise et en quelque sorte de leur donner de l’éclat. S’il est vrai qu’au cours des siècles le véritable art polyphonique a peu à peu déchu et subi souvent la contagion de l’art profane, en ces dernières dizaines d’années le travail inlassable de savants maîtres lui a valu une sorte de restauration, du fait que les œuvres des auteurs anciens, soigneusement étudiées, ont été proposées à l’imitation et à l’émulation des musiciens contemporains.

C’est ainsi qu’aujourd’hui dans les basiliques, les cathédrales et les églises des religieux, on peut exécuter aussi bien les grandes œuvres des vieux maîtres que les compositions polyphoniques d’auteurs récents, pour la plus grande beauté de la liturgie, et que même dans des sanctuaires plus modestes. Nous savons qu’on exécute souvent des chants polyphoniques plus simples mais composés avec une distinction et un art véritables. L’Eglise favorise tous ces efforts, car, comme l’a écrit Notre prédécesseur d’immortelle mémoire, saint Pie X, « elle n’a cessé de cultiver et favoriser le progrès artistique, admettant au service de la religion tout ce que l’esprit de l’homme a trouvé de bon et de beau au cours des siècles, pourvu cependant que soient observées les lois de la liturgie »[19].

Or ces lois réclament qu’en cette matière importante on mette toute prudence et tout soin à ne pas introduire dans les églises des chants polyphoniques dont le style ampoulé et la redondance rendraient obscures, par cette prolixité, les paroles sacrées de la liturgie, ou arrêteraient le cours de la fonction, ou enfin ravaleraient le talent et les dons des chanteurs, en déshonorant le culte sacré.

Les instruments de musique

Les mêmes règles doivent être appliquées également a l’emploi de l’orgue et des autres instruments de musique. Parmi les instruments qui ont leur place dans les églises, le premier rang revient à juste titre à l’orgue, en raison de sa remarquable adaptation aux chants et aux rites sacrés. Il ajoute un merveilleux éclat et une grandeur spéciale aux cérémonies de l’Eglise; il touche le cœur des fidèles par la puissance et la douceur de sa sonorité; il verse dans les âmes une joie comme céleste tout en les élevant intensément vers Dieu et les réalités surnaturelles.

Outre l’orgue, il y a aussi d’autres instruments qui peuvent aider efficacement la musique sacrée à atteindre sa fin si élevée, du moment qu’ils n’ont rien de profane, de criard, de tapageur, ce qui serait contraire à la nature de l’action sacrée et à la dignité du lieu. A cet égard, on mettra au premier rang le violon et les autres instruments à archet car, soit employés seuls, soit unis aux autres cordes ou à l’orgue, ils expriment avec une force indicible aussi bien la tristesse que la joie de l’âme. D’ailleurs au sujet des genres de musique qui ne sont pas à écarter facilement du culte catholique, Nous-même déjà, dans l’encyclique Mediator Dei, avons abondamment et clairement statué : « Bien mieux, pourvu qu’ils n’aient rien de profane ou d’inconvenant, étant donné la sainteté du lieu et des offices sacrés, qu’ils ne témoignent pas non plus d’une recherche d’effets bizarres et insolites, il est indispensable de leur permettre alors l’entrée de nos églises car ils peuvent grandement contribuer à la magnificence des cérémonies aussi bien qu’à l’élévation des âmes et à la vraie dévotion »[20].

Mais il est presque superflu d’avertir que là où les ressources et le talent ne sont pas à la hauteur d’œuvres de cette qualité, il vaut mieux renoncer à ces tentatives plutôt que d’offrir une œuvre qui ne serait pas digne du culte divin et des saintes assemblées.

Le chant populaire

Dans ce qui se rattache plus étroitement à la Liturgie de l’Eglise, il faut faire entrer, comme Nous l’avons déjà fait observer, les chants religieux populaires, pour la plupart en langue vulgaire, qui tirent leur origine du chant liturgique lui-même mais qui offrent entre eux de grandes différences selon le génie propre des diverses populations et régions, parce qu’ils sont davantage adaptés à l’esprit et au tempérament de chaque peuple en particulier. Pour que ces cantiques procurent au peuple chrétien fécondité et profit spirituels, ils devront être pleinement conformes à la doctrine de la foi catholique, la proposer et la développer correctement, user d’un langage clair et d’une mélodie simple, éviter dans leurs paroles une prolixité prétentieuse et vide, et enfin, tout en étant brefs et faciles, manifester une gravité et une dignité vraiment religieuses. S’ils satisfont à ces exigences, ces cantiques, nés du plus profond de l’âme populaire émeuvent puissamment les esprits et les cœurs en suscitant des sentiments de piété ; et lorsque, dans les fonctions religieuses la foule rassemblée les chante d’une seule voix, ils ont une grande puissance pour élever vers le ciel l’âme des fidèles. C’est pourquoi, si on ne peut les employer dans les messes chantées solennellement sans la permission du Saint-Siège, comme Nous l’avons écrit plus haut, cependant ils peuvent, dans les messes célébrées non solennellement, contribuer merveilleusement à ce que les fidèles n’assistent pas au Saint Sacrifice comme des spectateurs muets et inertes, mais accompagnant l’action sacrée de l’âme et de la voix, unissent leur piété aux prières du prêtre, à condition que ce soient des chants bien adaptés aux diverses parties du Sacrifice. Cela se pratique déjà en de nombreuses régions de l’univers catholique. Nous l’avons appris avec beaucoup de joie.

Dans les cérémonies qui ne sont pas strictement liturgiques, ces cantiques, pourvu qu’ils possèdent les qualités que Nous venons de dire, peuvent contribuer beaucoup à attirer heureusement le peuple chrétien, à l’instruire, à l’imprégner d’une vraie piété, et enfin à le combler d’une sainte joie. Et cela à l’intérieur comme à l’extérieur des églises, surtout dans le déroulement des processions et dans les pèlerinages aux sanctuaires, aussi bien que dans la célébration des congrès religieux nationaux ou internationaux. Ils pourront être particulièrement utiles pour former l’enfance, garçons et filles, à la vérité catholique, ou encore dans les groupements de jeunesse et les réunions des associations pieuses. Bien des fois l’expérience l’a montré avec évidence.

C’est pourquoi Nous ne pouvons Nous empêcher de vous exhorter vivement, vénérables Frères, à favoriser et à promouvoir ce chant populaire de tout votre zèle et de toute votre activité dans les diocèses qui vous sont confiés. Vous ne manquerez pas d’hommes qualifiés pour rassembler utilement ces cantiques et en établir un recueil, là où ce n’est pas encore fait, afin que tous les fidèles puissent plus facilement les apprendre, les chanter volontiers et les retenir par cœur. Les éducateurs religieux des jeunes garçons et des jeunes filles ne voudront pas se priver de leur aide efficace dans la mesure voulue, et les dirigeants de jeunesse catholique seront bien avisés d’y recourir dans leur mission si importante. On peut espérer ainsi obtenir cet autre résultat qui est dans les vœux de tous, que les chansons profanes dont les mélodies langoureuses ou les paroles souvent voluptueuses et lascives sont dangereuses pour des chrétiens, surtout les jeunes, disparaissent pour être remplacées par des chants qui procurent un plaisir chaste et pur, tout en entretenant et en augmentant la foi et la piété. Puissions-nous par là parvenir à ce que le peuple chrétien commence déjà sur cette terre à chanter ce cantique de louange qu’il chantera dans l’éternité du ciel : « A celui qui siège sur le trône et à l’Agneau, bénédiction, honneur, gloire et puissance aux siècles des siècles » ! (Apoc. V, 13).

Dans les missions

Ce que Nous venons d’écrire jusqu’ici concerne avant tout les peuples dans lesquels la religion catholique est déjà solidement installée. Mais dans les territoires de mission, il sera impossible de le réaliser en tout point avant que le nombre des chrétiens soit assez élevé, que de grandes églises aient été construites, que des écoles instituées par l’Eglise soient suffisamment fréquentées par des enfants de chrétiens et qu’enfin les ministres sacrés y soient assez nombreux pour suffire aux besoins. Pourtant Nous exhortons vivement les ouvriers apostoliques qui travaillent avec zèle dans ces immenses domaines de la vigne du Seigneur, à compter aussi parmi les très graves soucis de leur charge, cette question qui mérite une active attention. Beaucoup de peuples confiés au ministère des missionnaires jouissent étonnamment des rythmes de la musique et se servent du chant sacré dans les cérémonies dédiées au culte des idoles. Il n’est donc pas habile pour les hérauts du Christ, vrai Dieu, de sous-estimer ou de négliger entièrement cette aide efficace de leur apostolat. Aussi les messagers de l’Evangile dans les régions païennes s’attacheront volontiers dans leur ministère apostolique à développer cet amour du chant religieux si vivant parmi les populations dont ils ont la charge. C’est ainsi que ces peuples compareront à leurs propres chants religieux, qui excitent souvent l’admiration des étrangers les plus raffinés, des cantiques chrétiens similaires, qui célébreront dans leur langue et sur leurs mélodies traditionnelles les vérités de la foi, la vie de Notre Seigneur, les louanges de Notre-Dame et des saints.

Les missionnaires doivent aussi se rappeler que l’Eglise catholique, dès les temps anciens, lorsqu’elle envoyait des messagers de l’Evangile dans les régions que la foi n’avait pas encore éclairées, a essayé d’introduire, en même temps que ses rites sacrés, ses chants liturgiques, et parmi eux les mélodies grégoriennes, et qu’elle l’a fait en pensant que les peuples à amener à la foi, charmés par la douceur des mélodies, seraient plus facilement conduits à embrasser les vérités de la religion chrétienne.

IV DISPOSITIONS PRATIQUES

Afin que se réalisent comme Nous le désirons Nos présentes recommandations et prescriptions, dans cette Encyclique où Nous marchons dans les traces de Nos prédécesseurs, vous aurez, Vénérables Frères, à mettre habilement en œuvre tous les moyens que vous procure la charge très haute qui vous est confiée par le Christ Seigneur, et commise par l’Eglise et qui, l’expérience le prouve, sont employés avec beaucoup de fruit dans de nombreuses églises du monde entier.

Vous veillerez tout d’abord que dans l’église cathédrale elle-même et autant que le permettent les conditions locales, dans les autres grandes églises de votre juridiction, soit recrutée au choix une Schola Cantorum qui soit pour les autres un exemple et un encouragement à l’étude et à l’exécution soignée du chant sacré. Là où il n’est pas possible d’avoir de Scholae cantorum ni de réunir un nombre convenable de petits chanteurs, on concédera « qu’un groupe d’hommes et de femmes ou jeunes filles, placé en dehors du chœur dans un endroit réservé à cette fonction seulement, puisse chanter les textes liturgiques de la messe solennelle, pourvu que les hommes soient tout à fait séparés des femmes et jeunes filles et qu’on évite tout inconvénient ; la conscience des Ordinaires étant engagée sur ce point »[21].

On veillera avec grand soin à ce que dans les Séminaires du diocèse et dans les Instituts missionnaires et religieux, les candidats aux ordres sacrés soient formés comme il se doit selon la pensée de l’Eglise, à la théorie et à la pratique de la musique sacrée et du chant grégorien par des maîtres qualifiés dans ces arts, qui témoignent d’un grand respect pour les usages et les principes des anciens et d’une obéissance absolue aux lois et règlements du Saint-Siège. Si parmi les élèves des séminaires ou collèges religieux il se révèle un sujet remarquable par une facilité et une inclination particulière pour cet art, les supérieurs des séminaires ou des collèges ne manqueront pas de vous en avertir pour que vous puissiez lui ménager le moyen de cultiver plus sérieusement ses dons et l’envoyer à l’Institut pontifical de musique sacrée à Rome ou dans une Faculté de la même spécialité, pourvu que sa conduite et ses qualités permettent d’espérer qu’il sera un excellent prêtre.

C’est pourquoi il faut prévoir que les Ordinaires des lieux et les Supérieurs religieux possèdent quelqu’un pour les aider dans une affaire de cette importance dont leurs tâches si nombreuses et si lourdes leur rendrait difficile de s’occuper par eux-mêmes autant qu’il serait nécessaire. Le mieux c’est de trouver dans le Conseil diocésain d’art sacré quelqu’un tout à fait qualifié en musique sacrée et en chant qui puisse surveiller activement ce qui se pratique dans le diocèse, informer l’Ordinaire sur ce qui se fait et ce qui doit se faire, recevoir et transmettre ses décisions et veiller à leur exécution. S’il existe dans le diocèse une de ces associations que l’on a eu la sagesse de fonder pour cultiver la musique sacrée et qui ont été chaleureusement louées et recommandées par les Souverains Pontifes, l’Ordinaire pourra s’il le juge bon, l’utiliser à cette fin.

Ces associations pieuses, qu’elles visent l’enseignement populaire de la musique sacrée ou sa culture plus poussée sont capables de contribuer grandement par leurs cours et par leur exemple au développement du chant sacré. Aussi vous les aiderez, Vénérables Frères, de vos encouragements et de votre appui afin qu’elles débordent d’activité, qu’elles emploient les maîtres les meilleurs et les plus qualifiés et que dans tout votre diocèse, elles soient zélées à faire progresser la connaissance, l’amour et la pratique de la musique sacrée et des chants religieux en accordant aux lois de l’Eglise la soumission qui leur est due et en pleine obéissance envers Nous-même.

C’est presque avec trop d’abondance que Notre paternelle sollicitude a développé ces questions, car Nous sommes assuré, Vénérables Frères, que vous aurez à cœur de mettre tout votre zèle pastoral au service de cette sainte tâche si importante.