Quinzième dimanche après la Pentecôte (XV)

Table des matières

Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.

LEÇONS DES MATINES : En août : Ecclés. En septembre : Job, Tobie, Esther ou Judith.

ÉPÎTRE : Il faut marcher selon l’Esprit (Gal. V. VI.)

ÉVANGILE : Résurrection du fils de la veuve de Naïm (Luc VII, 11)

IDÉE CENTRALE : On peut, partant de l’Évangile, tout grouper autour de la vie surnaturelle que le Christ nous a donnée au Baptême qu’il entretient en nous, qu’il nous rend avec tant de miséricordieuse bonté si nous nous y laissons mourir. C’est cette vie que l’Église dans la collecte, demande à Dieu de purifier et de fortifier. C’est elle aussi que Saint Paul dans l’Épître, nous presse de mettre pleinement en acte – car nous ne l’avons qu’en puissance – « si nous vivons par l’Esprit, marchons aussi par l’Esprit » et cela jusqu’à ce qu’ayant ainsi « semé dans l’Esprit tout au long de nos années » nous « moissonnions de l’Esprit » l’épanouissement de cette vie, à jamais dans l’éternité. Enfin c’est elle encore qui est figurée sous la vie naturelle rendue au fils de la veuve de Naïm. Le Christ, cédant aux prières et aux larmes de l’Église, notre Mère, nous la rend dans la joie de sa miséricordieuse bonté, chaque fois que, l’ayant perdue, nous revenons à lui pour la lui redemander.

INTROÏT

LE TEXTE

Incline, Seigneur, ton oreille vers moi et exauce-moi. Sauve ton serviteur, mon Dieu, qui espère en toi. Aie pitié de moi, Seigneur, parce que vers toi j’ai crié tout le jour.

Ps. – Réjouis l’âme de ton serviteur, parce que vers toi, Seigneur, j’ai élevé mon âme.

Ps. LXXX. 1.2.3.

Très belle prière d’une âme humble, d’un « serviteur » aimant qui se trouve dans l’angoisse et qui, plein de confiance, fait appel à la pitié de Dieu, pour que, répondant à sa prière qui ne cesse de tout le jour, il le remonte. Notre prière, à nous aussi, quand la honte et la douleur du péché montent à nos lèvres et que la confiance en la miséricorde nous fait lever les yeux; pauvres et misérables que nous sommes alors, mais serviteurs tout de même, fils de la servante fidèle, notre Mère l’Église qui, comme la veuve de Naïm, nous suit en pleurant.

LA MÉLODIE

Elle est du commencement à la fin pénétrée d’humilité confiante. Ce n’est pas la dépression accablée et plaintive de l’Exurge ni la tristesse monotone et lourde aussi du Reminiscere; à la réserve discrète de la prière, se mêle ici une touche de confiance qui l’éclaire déjà tout en la gardant très humble.

La première incise est celle du Rorate.

Prière paisible et confiante qui monte vers le pressus de Domine où elle revêt un accent d’intense supplication, mais qui, au lieu de continuer à s’élever comme Rorate, dans une sérénité lumineuse, descend, discrète, effacée sur les clivis allongées. Elle remonte, mais comme timide, sur aurem tuam et finalement revient au ré où elle murmure le mot qui supplie, avec ardeur encore, mais si humblement : exaudi me.

Elle s’avive à nouveau sur salvum fac au début de la seconde phrase, insiste délicatement sur servum tuum puis, quittant le ré pour la tonalité claire du mode de fa, monte en une magnifique progression vers sperantem. Ce n’est plus de la supplication, c’est de la joie de l’espérance qui pour un instant chante sur les lèvres de l’humble serviteur.

Pour un instant seulement car, passée la cadence de in te si pénétrée de joie aimante, l’humble supplication revient sur les rythmes élargis des mots  qui demandent pitié : miserere mihi Domine. La mélodie descend très bas. Il semble que l’âme soit plus que jamais envahie par le sentiment de son indignité après le beau cri d’espoir et qu’elle n’ose plus élever la voix; elle ne fait que rappeler son cri de tout le jour : quoniam ad te clamavi tota die. C’est un rappel discret mais où passe tout de même l’ardeur de la confiance et de l’amour qu’elle a gardés intacts au fond de sa misère.

Le psaume demeure dans cette atmosphère, en demandant la joie.

GRADUEL

LE TEXTE

Il est bon de louer le Seigneur. Et de chanter un psaume à ton nom, ô Très Haut.

Verset. – Pour publier le matin ta miséricorde, et ta fidélité durant la nuit.

Ps. XCI. 2, 3.

Ces deux versets disent le bonheur qu’il y a à chanter la gloire de Dieu. Après l’Épître, qui s’achève sur l’image splendide du juste moissonnant la vie éternelle, ils sont, sur les lèvres de l’Église, un chant de joie enthousiaste qui célèbre la miséricorde et la fidélité de Celui qui nous a donné son Esprit pour mettre en nous sa propre vie et nous inspirer à jamais le chant de sa Gloire et de notre béatitude.

LA MÉLODIE

Elle commence, comme celle du Graduel Bonum est confidere du Dimanche précédent , par une bivirga épisématique. On y sent tout de suite une plénitude de joie qui se déploie ensuite dans le grave tout au long de la thésis. La mélodie monte alors d’un bond à la dominante sur les notes de l’accord parfait et s’y fixe, ferme et légère à la fois sur la tristropha de confiteri, et enveloppant Domino d’une ferveur enthousiaste. Il y a là une très belle expression de louange ardente et pleine de joie. Cette ferveur se prolonge dans la phrase suivante, s’avive même sur la cadence de tui et sur les distrophas et les répercussions de Altissime et atteint toute sa

puissance sur la cadence splendide de la formule finale.

Le verset

La joie ici est plus exubérante encore. Ce sont les formules des grandes allégresses que nous avons si souvent trouvées. Elles ne prennent pas sur ce texte nouveau de nuances particulières. Elles revêtent seulement les mots de leurs ornements somptueux, et l’âme, à travers elles, peut dire à loisir à son Dieu le bonheur qu’elle a à chanter du matin au soir sa miséricorde et sa fidélité sans défaillance.

ALLELUIA

LE TEXTE

Parce que Dieu est le Suprême Seigneur, et le Grand Roi sur toute la terre.

Ps. XCIV. 3

En eux-mêmes ces mots n’ont pas de sens, faute d’une proposition principale. En fait, c’est l’idée du Graduel qui continue : Il est bon de chanter le Seigneur parce qu’il est le Suprême Seigneur, le Grand Roi… Ainsi l’âme, ici encore, exalte le Dieu qui lui a donné la vie et qui va tout à l’heure, dans l’Évangile, manifester sa puissance par son Fils d’une manière si éclatante.

LA MÉLODIE

La bivirga de Deus attaquée par un mouvement de quarte ascendante, le salicus, la trivirga du sommet et le retard que les clivis allongées apportent au mouvement donnent à la première incise quelque chose de noble et de grand. L’âme, avec une fierté imposante proclame à la face de la terre la suprême Majesté de son Dieu. Mais sur Dominus, aussitôt après, une nuance de douceur se mêle à cette solennelle grandeur et la domine peut-être.

Simple nuance qui s’efface au début de la troisième phrase devant l’affirmation solennelle qui revient très marquée sur Rex magnus et qui se prolonge jusqu’à la fin par une formule des graduels du VIIe mode, qui la sert d’ailleurs très bien.

OFFERTOIRE

LE TEXTE

J’ai attendu et attendu le Seigneur et il m’a regardé. Et il a exaucé ma prière et il a mis dans ma bouche un cantique nouveau, une hymne à notre Dieu.

Ps. XXXIX. 2, 3, 4.

Le Psaume XXXIX est messianique, et sans doute dans le sens strict. Par delà le Psalmiste, c’est donc au Christ que s’appliquent ces deux versets. Ils se diraient bien de sa Résurrection car le verset 3, qui n’est ici qu’en partie, continue ainsi : « Il m’a tiré de la fosse fatale », c’est-à-dire de la mort.

Au sens liturgique, il faut les entendre du Christ total, de tout le Corps mystique qui déjà participe à la résurrection de son chef. Le cantique nouveau sera ainsi la liturgie, et plus particulièrement ici, la louange Eucharistique qui remplit le cœur des fidèles, et qui spontanément monte à leurs lèvres quand ils sentent la transformation vitale qu’opère en eux le sacrement.

Belle paraphrase de l’Évangile aussi. Comme le Christ a exaucé la prière muette et les larmes de la veuve pleurant son fils, il a exaucé notre Mère l’Église et mis dans sa bouche et dans celle de ses enfants, rendus à la vie, le chant de l’action de grâces pour le pardon.

LA MÉLODIE

C’est un chant très calme, doux et contemplatif. L’âme comme sortie soudain de la mort, ou du danger de mort, ou seulement des épreuves purificatrices, sent monter en elle, enveloppée de paix et de joie, la gratitude. Elle chante au Seigneur ce bonheur profond et livre discrètement, à qui sait le comprendre, le fruit de son expérience.

On le notera, il n’y a pas de mouvements à grands intervalles; tout va par degré conjoints ou presque. Il y a bien une montée assez marquée sur exspectavi mais la retombée est si douce sur Dominum et si évocatrice d’intimes relations dans la tendresse et la joie !

La reprise sur et respexit a le même caractère, notamment la cadence si paisible et si lumineuse.

La deuxième phrase est toute en IIe mode, avec des cadences simples et d’une exquise fraîcheur.

Sur immisit, la joie s’exalte et s’extériorise davantage. L’âme laisse son enthousiasme monter quelque peu pour chanter le bonheur qu’elle a à trouver sur ses lèvres le chant qui peut dire toute sa gratitude. Notez comme elle s’attarde sur les mots et met en particulier relief par le pressus de la fin canticum novum.

Il y a sur les trois derniers mots une suavité qu’on ne trouve sur aucun des autres; on sent que l’âme se complait avec tendresse sur cette pensée qui est, au fond, l’expression de toute sa vie.

COMMUNION

LE TEXTE

Le pain que je donnerai, c’est ma chair pour la vie du siècle. Jean VI. 52.

Ce verset de Saint Jean, choisi peut-être en raison du temps de la moisson, s’applique de lui-même au moment de la communion mais comme il entre bien aussi dans l’idée centrale de cette messe ! C’est le « Pain vivant » qui donne la vie, et qui la rend, et qui la garde… à jamais.

LA MÉLODIE

C’est le Christ Jésus qui parle à ceux qui sont avec lui dans la joie intime de la présence Eucharistique. Il chante sur un ton de douceur aimable, familière, attirante, qui est bien marqué dès l’intonation sur la cadence en demi-ton de Panis. Il insiste sur ego et plus encore sur mea. Mais c’est surtout vita qu’il met en relief. Le motif est très beau; il y passe une joie qui se revêt de tendresse sur la demi-cadence en mi et qui s’achève paisible après la reprise des premiers neumes sur des formules communes mais qui la servent bien.

 

Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici