Seizième dimanche après la Pentecôte (XVI)

Messes du Temporal

dimanche 25 septembre 2022

Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.

INTROÏT

LE TEXTE

Versez votre rosée, cieux, d'en haut, et que le nuages pleuvent le Juste.
 Qu'elle s'ouvre, la terre, 
Et qu'elle germe le Sauveur.

Ps.- Les cieux disent la gloire de Dieu
Et l'œuvre de ses mains, il la proclame, le firmament. Isaïe, XLV, 8 - Ps. XVIII, 2.

Au chapitre XLV, Isaïe rapporte ce qu'il a entendu le Seigneur dire à Cyrus, qu'il va susciter pour être son christ, sauver le peuple et rebâtir la cité et le temple. A la vision de ce sauveur d'un moment, par delà lequel il voit le Messie et son œuvre éternelle, il est transporté et, interrompant sa prophétie, lance vers le ciel son désir ardent pour que soit bâtie la venue des deux libérateurs. Il le fait sous la forme poétique de la rosée qui fait germer la plante, symbolisant ainsi l'action divine qui fera de Cyrus et du Christ des sauveurs parfaits.

Au sens liturgique, c'est l’Église qui appelle le Messie. Rien n'est à changer dans l'image du prophète, mais il faut lui donner tout son sens divin. La rosée sollicitée du ciel, c'est l'action fécondante du Saint-Esprit ; la terre, c'est Notre-Dame, fleur de la race, qui s'ouvre au sommet de la tige de Jessé et qui, fécondée sous l'ombre mystérieuse de l'Esprit du Très-Haut, va produire son fruit divin ; le Verbe fait chair.

Cette prière admirable et tout à fait à sa place le Mercredi des Quatre-Temps, tout entier consacré à l'Annonciation. Il faut lui garder ici la même interprétation ; d'autant que, par l'Offertoire et la Communion tout au moins, le mystère continue d'être fêté. Et il faut la chanter comme la prière suprême, entendue de Dieu par delà les siècles, et qui a contribué à faire venir plus tôt l'heure du Messie et de Notre-Dame ; mais aussi, comme la supplication qui va mériter aux âmes de recevoir le Verbe fait chair quand il va revenir et de se livrer à l'influence de son Esprit comme la terre à la rosée, lui donnant ainsi ce qu'il attend d'elles pour réaliser la plénitude de son Incarnation.

Le Psaume, lui, n'est pas une prière ; il est la constatation joyeuse des merveilles de Dieu qui se réalisent dans le mystère.

LA MÉLODIE

Une prière ardente de deux phrases qui s'opposent ici, encore, suivant le texte, comme le ciel et la terre.

La première est un admirable mouvement de l'âme portant on désir, comme dans le graduel. Qui sédes, aussi haut que possible, jusqu'aux nuées fécondes d'où va venir la céleste rosée, puis redescendant douce et paisible comme descendra le Juste qu'elle chante. La supplication est ardente sur le pressus de caeli, les quilismas de désuper, le pressus de pluant, mais il n'y a pas d'inquiétude, de doute, d'angoisse ; au contraire, une grande sérénité et une joie discrète se mêlent partout à la prière dans la tonalité claire du mode de fa ; la joie de l'Eglise qui sait, car elle en jouit déjà, tout le bonheur qu'il y a pour elle dans cette pluie fécondante qu'elle sollicite.

La seconde a moins d'élan. C'est la terre que l'Eglise regarde et encore qu'il s'agisse de Notre-Dame, ce chef-d'œuvre de grâce qui va produire la nature humaine du Christ, n'est-elle pas tout en bas par comparaison avec l'infinie perfection du verbe qui va y descendre ? Et puis, c'est le mystère dont la profondeur ne saurait se chanter ; Aussi, après l'ardeur de la supplication sur aperiatur, la mélodie revient-elle au mode de ré, et en des neumes qui s'effacent de plus en plus, elle s'éteint, gracieusement d'ailleurs, sur Salvatorem, le mot du désir.

La deuxième note de ra dans Rorate doit être élargie. Le crescendo de la première incise sera ardent mais sans éclat ; c'est une prière. Bien accentuer nubes et aller sur le pressus de pluant en progression.

Veiller à ce que tur dans aperiatur ait bien sa valeur et qu'on ait le temps d'articuler. Térra sera légèrement retenu ainsi que les quatre dernières notes de gérminet.

Le Psaume sera chanté dans un bon mouvement et pénétré déjà de la joie du « Gloria in excelsis » qu'il prophétise.

GRADUEL

LE TEXTE

Il est proche, le Seigneur,
De tous ceux qui l'invoquent,
De tous ceux qui l'invoquent dans la vérité.

Verset. - La louange du Seigneur,
Elle la chantera, ma bouche,
Et que toute chair bénisse le Seigneur. Ps. CXLIV, 18, 21.

Dans la première partie, le psalmiste exprime une idée très simple ; à savoir que le Seigneur est tout disposé à écouter ceux qui le prient. Toutefois, il a précisé d'un mot : ceux qui le prient dans la vérité ; c'est-à-dire qui lui demandent, en toute sincérité, des chose vraies ; entendons : ceux qui sont conformes à sa volonté, car la vérité, c'est, en même temps, ce que Dieu pense et ce que Dieu veut.

Le Verset, lui, est un hommage de reconnaissance de l'âme qui promet à Dieu une louange sans fin en retour de la bienveillance qu'il lui témoigne.

Au sens liturgique, peut-être serait-on porté à s'appuyer sur les premiers mots Prope est Dominus pour faire entrer ce texte dans le cadre de l'Avent. Ce ne serait pas absolument exact car c'est en tout temps que le Seigneur exauce ceux qui savent le prier. Il ne faut pas non plus le rattacher à l'Epître qui vient d'être lue, mais à l'Epître du mercredi précédent pour laquelle il a été choisi. Dans cette Epître, on nous ait entendre l'histoire d'Achaz qui, par manque de confiance, refusa de demander un prodige au Seigneur et qui reçut, en réplique, d'Isaïe la fameuse prophétie qui annonçait le prodige des prodiges : « Le Seigneur vous donnera lui-même un signe : Voilà qu'une Vierge concevra et enfantera un Fils et son nom sera Emmanuel ». A la fin de ce récit, ces deux versets viennent sur es lèvres de l'Eglise comme une sorte de réflexion. Repliée sur elle-même et gardant bien présent à l'esprit tout ce qu'elle vient d'entendre, elle se dit : Achaz a eu tort...Le Seigneur est tout près de ceux qui l'invoquent et bientôt il sera plus près d‘eux encore ; car le prophète a dit que Celui qui doit venir aura nom Emmanuel, ce qui veut dire : Dieu est avec nous.

Cette annonce précise de l'Incarnation amène alors la grande louange du Verset. Laudem Domini...

LA MÉLODIE

(V) Prope est Dominus omnibus invocantibus éum omnibus qui invoquant éum in verita te.

Elle est composée de trois formules : celle de Prope est Dominus et les deux de éum. Ces formules sont reliées entre elles par les motifs presque syllabiques de omnibus invocantibus et de omnibus qui invoquant. Un seul mot est original, in veritate, encore s'achève-t-il en une formule finale commune.

Le fait qu'elle est à ce point centonisée n'empêche pas qu'elle soit très expressive. L'auteur s'est servi de formules toutes faites mais il les a choisies pour le texte et les a disposées de telle sorte qu'elles puissent en exprimer au mieux le contenu. Notez qu'elles sont placées sur les mots importants : Dominus, le nom divin, et éum qui le représente ; et que, par le contraste que font leurs neumes avec les motifs syllabiques qui les entourent, elles les mettent en particulier relief. Aussi bien est-ce le mot de l'Epître : Pete signum a Domino, dit Isaïe. Non tentabo Dominum, répond Achaz. Propter hoc dabit Dominus ipse vobis signum, réplique le prophète.

L'intonation est grave. (Cette formule n'est employée que sur le mot Dominus ; de sorte qu'elle est moins une formule centon qu'un motif réservé uniquement au nom du Seigneur, comme plusieurs autres.) Mais ce serait une erreur d'y voir la moindre tristesse. Au contraire, on y discerne déjà en une nuance discrète la joie qui se dégage du texte et qui caractérise tout le Graduel. Toute pénétrée de respect, elle se retient, s'efface, sur le nom divin, mais, sitôt après, elle se laisse aller, se développe sur omnibus invocantibus et va s'épanouir sur éum en un bel élan qui se détend dans la plénitude de la cadence en fa. Elle passe dans la seconde phrase, s'élève avec grâce sur omnibus, puis redescend dans le grave où elle se revêt à nouveau sur éum d'une certaine révérence qu'elle garde jusqu'à la fin.

Le Verset. - Laudem Domini loquétur os méum Et benedicat omnis caro nomen sanctum éjus.

La joie est ici enthousiaste. Lancée avec une ferme assurance sur la distropha de Laudem, elle se développe en une sorte de contemplation sur Domini : légère, souple, heureuse. Une nuance de tendresse plus marquée passe avec le si b, puis l'exaltation, grandissant à nouveau, va vers loquétur os méum où elle atteint toute sa puissance d'expression sur les mots mêmes qui disent la joie de pouvoir chanter à jamais.

L'enthousiasme est le même dans la seconde phrase. Sitôt qu'elle a été ramenée à la dominante, la mélodie s'élance à l'extrême limite du mode, enveloppant de toute sa puissance l'ardent souhait de l'Eglise. Elle s'y arrête d'ailleurs ensuite en un gracieux mouvement descendant, puis, pour finir, se pénètre à nouveau de tendre respect sur nomen sanctum éjus.

Comme on le voit, ce verset a un caractère de joie éclatante qui ne s'est pas encore rencontré au cours de l'Avent. L'auteur a-t-il voulu donner là comme une première annonce de la joie de Noël et en pénétrer déjà l'âme des fidèles ? On a d'autant plus de raisons de le croire que les formules 53 et 54 sont particulières à la période de la Nativité. On les trouve ailleurs, mais elles sont si fréquemment répétées au temps de Noël qu'elles contribuent, sans aucun doute, pour leur part, à créer l'atmosphère musicale. El semble que ce soit comme le début d'un crescendo de joie qui, parant du Mercredi des Quatre-Temps, jour consacré à l'Annonciation, jour de l'Incarnation, atteint toute sa puissance aux jours de Noël et de l'Epiphanie.

Ne pas chanter l'intonation avec des effet de basse, mais avec la simplicité et la douceur qui conviennent à une contemplation paisible. Le crescendo est le premier éum sera discret et mené dès le début de l'incise ; C'est une formule assez délicate mais très expressive. Il y a sur le do une distropha, puis al première note de la clivis ou du climacus ; les distrophas seront posées doucement et la voix, renforcée, ira vers la note qui suit pour la répercuter, délicatement. Il s'en suivra une onction pénétrée de ferveur qui servira admirablement le pronom éjus qui tient la place de Dominus.

Retenir quelque peu veritate ; la tristropha, douce. Bien distinguer dans la vocalise qui suit, sur le la, les deux distrophas, du pressus ; lles reçoivent doucement le posé de la voix ; de même celle qui se trouve sur le do dans la dernière incise.

C'est une bivirga qu'il y a sur Laudem au début du Verset ; qu'elle soit appuyée, forte et bien lancée. Sur Domini, deux distrophas et répercussion sur la première note de la clivis ; même interprétation que plus haut. Une bivirga avant les deux climacus qui finissent la première phrase ; bien accuser la première note du second.

La tristropha de os, légère. Bien pendre grade à donner toute leur valeur aux trois notes qui précèdent les notes doubles de méum ; les retenir légèrement évitera le danger d'en faire un triolet. Poser nettement l'épisème vertical de omnis, allonger même un peu la note. (Dans plusieurs cas, la 2ème note est un quilisma.) Un gracieux ralenti sur sanctum, qui se poursuivra sur éjus jusqu'à la fin.

ALLELUIA

LE TEXTE

Viens, Seigneur et ne tarde pas.
Pardonne les péchés de ton peuple.

Cette phrase ne se trouve pas dans l'Ecriture. L'idée en est très simple et s'applique sans difficulté à l'un ou à l'autre des sens de l'Avent. C'est une prière dont l'objet est nettement déterminé : la prière de tout le peuple de Dieu, de toute l'Eglise, suppliant le Christ de venir sauver le monde.

LA MÉLODIE

On la rencontre deux autres fois au cours de l'année : le XXe Dimanche après la Pentecôte (Alleluia Paratum cor méum) et à la messe Loquebar d'une Vierge Martyre (Alleluia Adducentur).

Elle commence dans le grave et se meut lentement dans toute la première phrase, comme la prière très humble du pécheur qui n'ose pas lever les yeux, accablé qu'il est sous ses fautes. Ce n'est que dans la seconde incise qu'elle prend un peu d'ardeur, il y a sur et noli tardare un très bel accent de pressante supplication.

Dans la seconde phrase, la prière est plus aisée sur relaxa. La longue vocalise de facinora est, en elle-même, assez indifférente, mais elle prend, avec les mots, un caractère de prière fort bien adapté. Il y a, dans la répétition du motif initial, une progression qui fait la supplication de plus en plus forte. La première fois, elle monte par trois degrés au si b ; la seconde fois, par un seul mouvement de quarte, elle atteint le do qu'elle marque d'un pressus ; la troisième, elle s'y pose sans préparation et y demeure trois temps. Il y a là une vigueur accrue du plus heureux effet. La mélodie redescend ensuite dans le grave et finit sur une formule propre à certains graduels du Ier mode, elle aussi très priante et très humble, avec une touche assez marquée de crainte révérentielle.

L'Alleluia, lui, est du IIIe mode, mais l'unité demeure parfaite et l'expression y trouve son bien. L'Alleluia ayant en lui-même un caractère de louange que le contraste rend plus marqué encore.

Prendre garde de faire trop longue la double note initiale de l'Alleluia, lequel doit avoir un certain mouvement. Bien balancer le rythme de l'arsis ; la vocalise légère.

Veni Domine tranquille et discret. Crescendo sur noli ; tardare sans éclat. Noter que, dans les thésis de la seconde phrase, toutes les notes doubles sont des distrophas, légères donc ; de même les deux qui précèdent la clivis sur le do, à la dernière reprise du motif. Par contre plé dans plébis est une bivirga. Lier avec soin les grands intervalles de l'avant-dernière incise.

OFFERTOIRE

LE TEXTE

Salut, Marie, de grâce remplie,
Le Seigneur (est) avec toi.
Bénie (es-)tu entre les femmes,
Et béni le fruit de ton sein.

C'est la salutation de l'Ange Gabriel à Notre-Dame et celle d'Elisabeth combinées en un seul texte, lequel forme la première partie de la Salutation angélique. Il n'y manque que le dernier mot, Jésus, qui d'ailleurs ne fut pas dit par Elisabeth.

Au sens liturgique toutefois, ce n'est ni l'Archange ni Elisabeth qui saluent Notre-Dame ; la combinaison des deux salutations en un seul texte s'y oppose. C'est toute l'Eglise qui, au moment où est commémorée la Conception de Notre Seigneur, fait monter sa louange vers celle que Dieu a choisie pour sa mère. Elle a entendu, au cours de la semaine écoulée, le mercredi, le récit de l'Annonciation, le vendredi, celui de la Visitation ; elle recueille, sur les lèvres de l'Archange et d'Elisabeth, les paroles inspirées pour les redire à Notre-Dame, comme l'hommage le plus parfait qu'elle puisse rendre à sa sainteté incomparable et à sa maternité divine.

Bien noter que c'est une salutation. Ceci implique que les chanteurs soient en communication directe avec Notre-Dame : qu'ils chantent pour elle et qu'ils aient conscience que du haut du ciel, elle les écoute et reçoit leur hommage dans la joie de son cœur maternel.

LA MÉLODIE

Quatre phrases (Ave Maria gratia plena ne forme qu'une seule phrase. La grande barre qui suit Maria doit être considérée comme une demi-barre). Les trois premières, en progression l'une sur l'autre, conduisent l'idée jusqu'à Benedicta tu, point culminant de la louange. La quatrième redescend vers le grave où elle s'achève dans la contemplation du mystère.

Il n'y a pas d'éclat dans l'Ave de l'intonation ; c'est un salut gracieux enveloppé de vénération profonde et tendre. Tout le long de la première phrase, l'âme se complaît dans cette attitude d'humble hommage ; elle s'anime seulement, d'un accent de ferveur, sur le nom béni. Un bel élan, habilement préparé, porte la syllabe accentuée de Maria à la dominante où les notes doubles et répercutées mettent un peu plus d'ardeur, d'admiration et d'amour. Mais ce n'est qu'en passant. Elle revient au grave sur gratia pléna et s'y enveloppe plus encore de contemplation ; aussi bien y a-t-l ici quelque chose de plus que la salutation. C'est déjà le mystère, le mystère indicible de l'Immaculée. La phrase s'achève sur pléna par un pressus qui met bien en valeur ce mot de plénitude, qui ne peut se dire que du Christ et de sa Mère.

Dès le début de la seconde phrase, la mélodie, établie sans préparation sur la dominante, prend tout de suite une allure de louange éclatante. C'est une qualité nouvelle que l'Eglise salue en Notre-Dame : son union avec Dieu. La plénitude de la grâce, c'est déjà le Seigneur avec l'âme ; mais, sur les lèvres de l'Archange, le Dominus técum indiquait une modalité spéciale de l'union divine. Le Seigneur est avec Notre-Dame comme il n'est avec personne. C'est de cette union merveilleuse que l'Eglise félicite Marie. La mélodie la sert admirablement. Le s'épanouit sur Dominus en un beau motif plein d'élan, deux fois répété, qui dit l'admiration enthousiaste que provoque l'infinie grandeur de Dieu, tandis que, sur técum, elle se retient comme recueillie, étonnée, confondue d'admiration, devant l'ineffable sainteté de Notre-Dame.

Elle se reprend sur Benedicat tu pour s'élancer cette fois à la limite de son étendue. C'est le troisième mot de a louange. Il est la conséquence des deux autres. C'est parce qu'elle est pleine de grâce et que le Seigneur est avec elle que Marie est bénie entre toutes les femmes ; nouvelle Eve, celle que toutes les nations diront Bienheureuse. La mélodie le met au-dessus de tout ; elle dépasse la dominante, monte et plane, à loisir, dans les hauteurs, s'appuyant sur des notes doubles et des pressus qui lui permettent de déployer toute sa puissance et de colorer d'accents de ferveur ce mot de bénédiction. Il s'achève sur le pronom tu en une belle cadence pleine et large qui va tout droit à Notre-Dame avec une nuance délicate de tendresse. La seconde incise ramène à la dominante le mot muliéribus. L'admiration s'y prolonge, toujours fervente ; notez le pressus et le torculus avec son mouvement hardi de quarte retombant sur la bivirga de la syllabe accentuée. D'une façon assez inattendue, la phrase s'achève par une cadence en demi-ton sur si qui laisse la mélodie en suspens, comme si l'Eglise, évoquant en une sorte de contemplation toutes les femmes de la race, les voyait se perdre en une perspective infinie, tendues en un geste de bénédiction vers Notre-Dame  qui, de très haut, enveloppée dans la gloire du Verbe Incarné, les domine toutes de l'éclat de sa maternité.

La quatrième phrase est, de toutes, la plus profonde. Ici, c'est le mystère ; le mystère du Verbe fait chair dans le sein de Notre-Dame. La mélodie abandonne les hauteurs, descend par degrés, sur benedictus qu'elle souligne seulement d'un pressus, descend encore sur fructus, puis demeure dans le grave, presque sans se mouvoir. Un motif deux fois répété de quelques notes qui montent et descendent par degrés conjoints sur véntris, un dernier pressus sur tui comme pour faire rejaillir la gloire du Fils sur la Mère - car c'est pour le Fils qu'est toute la louange dans cette dernière phrase - et c'est tout. L'ineffable ne saurait s'exprimer.

Il faut chanter avec beaucoup de souplesse. On y veillera particulièrement dans l'intonation. Le climacus qui s'achève sur la première note pointée sera légèrement retenu pour donner à cette demi-cadence sur mi toute sa valeur d'admiration gracieuse et tendre.

Chanter Maria avec beaucoup de ferveur. Les deux premières notes de ri bien appuyées, assez fortes, avec l'élan de l'accentuation : ce sont deux virgas ; les deux autres sont des distrophas ; la répercussion en sera délicate et il y aura un crescendo jusqu'à la répercussion, très délicate aussi, de la virga. La cadence sur sol très peu ralentie, de façon à rattacher Maria à gratia pléna. Une pause.

Discret a tempo au départ de Dominus dont les thésis seront légères, comme le sera la tristropha de técum, qu'on renforcera toutefois pour la lier au climacus. Sur ne dans Benedicta, une bivirga, bien l'appuyer et mener le crescendo e un bel enthousiasme vers le pressus. Conduire avec mesure l'admirable descente de benedictus fructus, sans que la voix perde brusquement de sa sonorité. Véntris tui très lien avec le salicus bien doux.

COMMUNION

LE TEXTE

Voici qu'une Vierge concevra
Et enfantera un Fils,
Et il sera appelé de son nom Emmanuel. Isaïe, VII, 14.

Cette parole fut dite comme une prophétie par Isaïe à Achaz. « Le Seigneur vous donnera lui-même un signe : voici qu'une vierge enfantera... » Le signe promis arrivera le jour de l'Annonciation. C'est le mot même du prophète en effet que l'Archange dit à Notre-Dame : « Voici que vous concevrez et enfanterez un Fils et vous lui donnerez le nom de Jésus ».

Ce texte est tout à fait à sa place le jour où est commémorée l'Annonciation. Toutefois il ne semble pas qu'il doive être chanté ici comme une prophétie ; c'est l'Eglise qui après avoir entendu la parole du Prophète à l'Epître, et celle de l'Ange à l'Evangile, y revient, au moment de la communion. Contemplant dans la lumière de la grâce sacramentelle, l'Incarnation qui se prolonge par l'Eucharistie dans tout le Corps Mystique, elle chante la joie de l'Emmanuel, du Dieu avec nous, en même temps que le mystère de Noël dans lequel à nouveau va s'accomplir mystiquement la parole divine.

LA MÉLODIE

Une joie émerveillée ; on en caractériserait bien ainsi, en deux mots l'expression. Elle est très discrète dans sa première incise, avec quelque chose de recueilli, de contemplatif, répandu sur toute la thésis de concipiet. Dans une sorte de jouissance profonde, l'âme admire le mystère de la Vierge Mère.

Et voilà qu'elle s'anime et que son admiration prend de l'ampleur. Un souffle puissant passe, qui emporte les mots dans l'enthousiasme, Filium après pariet, comme si l'âme, de plus en plus éclairée, réalisait ce qu'est le mystère de la maternité divine.

Mais, à peine a-t-elle saisi cette seconde merveille, qu'une troisième s'offre à elle : le mystère de Dieu avec nous cette fois, et vocabitur Emmanuel... Elle n'a pas le temps de s'arrêter si peu que ce soit ; de la première phrase, le souffle d'allégresse passe dans la seconde, l'entraînant dans la progression jusqu'à la distropha de vocabitur. Là quelque chose change. Le mystère s'étend. Il s'étend jusqu'à l'âme. Elle sent qu'elle y entre, en ce moment de la communion. Elle se recueille, se refermant sur les merveilles qui s'opèrent en elle. La mélodie la suit dans sa contemplation. Elle n'a plus le souci des notes éclatantes, ni des mouvements à grand espace ; elle se retient. Notez les clivis allongées de vocabitur, elle descend peu à peu vers le grave, jusqu'à ce qu'elle arrive à Emmanuel, le mot du mystère. Elle s'y complaît, en une formule qui, comme celle du véntris tui de l'Offertoire, se contente de quelques notes conjointes qui descendent et montent mais où passe toute la tendresse de l'âme pour l'Hôte divin qui est avec elle.

L'intonation paisible ; de même concipiet dont les podatus seront bien posés. Ceux de pariet aussi, tout le sommet en sera élargi. Le lier étroitement à Filium qui sera à peine retenu afin que l'enthousiasme aille croissant sur et vocabitur. C'est une bivirga qu'il y a sur vo. Retenir quelque peu tur. Beaucoup de grâce et de ferveur sur Emmanuel, qui sera très ralenti.

 

Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici

Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.

LEÇONS DES MATINES : En Septembre : Job, Tobie, Judith ou Esther. En Octobre : les Machabées.

ÉPÎTRE : Que le Seigneur nous donne les dons qui nous fassent comprendre les mystères de son amour miséricordieux.
(Eph. III. 13, 21.)

ÉVANGILE : Notre Seigneur guérit un hydropique le jour du sabbat.
(Luc XIV. I, II.)

IDÉE CENTRALE : Il n’y en a pas qui s’impose clairement. Toutefois l’idée de la miséricorde semble dominer. Elle est bien nette dans l’Introït. La collecte peut s’y ramener car toutes les grâces qui nous préviennent et nous accompagnent dans la pratique des bonnes œuvres viennent de la Miséricordieuse Bonté. Comme aussi cette intelligence du mystère de l’amour du Christ Jésus que Saint Paul sollicite pour nous à l’Épître. Enfin la guérison de l’hydropique le jour du sabbat est bien « la miséricorde avant le sacrifice » si souvent prêchée par Notre Seigneur.

INTROÏT

LE TEXTE

Aie pitié de moi, Seigneur, car vers toi j’ai crié tout le jour. Car, toi, Seigneur, tu es suave et doux et riche en miséricorde pour tous ceux qui t’invoquent.
Ps. – Incline, Seigneur, ton oreille et exauce-moi, car misérable et pauvre je suis.
Ps. LXXXV. 3. 5.

C’est le même psaume que Dimanche dernier. Les versets sont aussi les mêmes, mais l’ordre en est renversé et le cri d’espoir du milieu remplacé par une louange de la divine miséricorde. Et  c’est bien aussi la même âme, dans le même besoin, qui demande au Seigneur d’avoir pitié d’elle. Elle plaide seulement d’une manière quelque peu différente, faisant valoir habilement la Miséricordieuse Bonté toujours portée avec toute sa richesse vers ceux qui l’invoquent.

LA MÉLODIE

Elle est moins réservée que celle de l’Introït Inclina. Dès le début elle fait pression sur les doubles notes de Miserére et de Dómine, et avec un accent de fermeté qui ose. Elle demeure humble tout de même, toute courbée, toute effacée sur quóniam ad te levávi, se relevant juste sur tota die pour une supplication plus ardente.
Dans la deuxième phrase, ce n’est plus de la supplication à proprement parler, c’est une sorte de plaidoyer, sur le thème de la miséricorde. L’âme y appuie sa prière comme pour flatter le Seigneur – le mot est trop fort, mais faute de mieux il dit assez bien le sentiment qui se dégage de cette mélodie douce, insinuante, pénétrée d’onction sur quia tu Dómine et plus encore sur suávis ac mitis es, et qui s’élève sur copiósus, en une louange éclatante de la générosité divine. Cet élan, qui d’un bond monte au fa où il s’épanouit en un accent prolongé d’intense ferveur, est une splendeur. L’âme y fait passer son appel, mais enveloppé dans la joie enthousiaste qui la remplit au souvenir de tout ce que le Seigneur a tiré pour elle de ce trésor de miséricorde dont « la largeur, la longueur, la hauteur » la dépassent à l’infini. La détente se fait peu à peu sur misericórdia et la mélodie s’achève dans la suave douceur du début de la phrase.

N’ayez pas peur de faire la prière pressante dès le début sur les doubles notes – celle de miserére est une bivirga épisématique. Après l’intonation, le chœur reprendra plus doucement la seconde incise qui est plus effacée. Soulevez la tristropha et faites la répercussion légère. La remontée sur tota díe ne doit pas être forcée.
Très doux aussi le début de la seconde phrase, et tous les neumes très liés, y compris le salicus de suávis. On pourra élargir quelque peu la première note du podatus de ac et de la clivis de mítis. Toute cette incise doit être très balancée. Sur et copiósus commence le grand mouvement qui ne  s’achève qu’à la cadence finale. La période arsique va jusqu’au podatus mi-fa de misericórdia, le crescendo ne s’achève donc pas sur copiósus mais, après un très léger relâchement sur le pressus et la clivis allongée, reprend vers misericórdia. Notez que la double note de copiósus est une distropha, il ne faut donc pas la forcer mais après l’avoir doucement posée, pousser la voix vers la clivis répercutée. La thésis sur ómnibus invocántibus te sera menée en un decrescendo progressif. Les trois podatus de invocántibus gagneront à avoir leur première note un peu allongée.
Le Psaume, qui est une prière, sera sans éclat, mais très suppliant notamment sur pauper sum ego.

GRADUEL

C’est celui du IIIe Dimanche après l’Epiphanie. Il est une très belle paraphrase de l’Épître, chantant la gloire de Dieu telle qu’elle est déjà et telle qu’elle sera lorsque Sion aura fini d’être édifiée par la Miséricordieuse Bonté et que les nations et les rois seront prosternés devant l’infinie majesté du Seigneur des Seigneurs.

ALLELUIA

LE TEXTE

Chantez au Seigneur un cantique nouveau, Car des merveilles il a faites le Seigneur.
Ps. XCVII. 1.

Invitation à louer le Seigneur en action de grâces des merveilles qu’il a faites. Ces merveilles ne sont pas précisées, mais on pense naturellement à celles qui ont été évoquées à l’Epître et que le Graduel vient de chanter : la gloire que le Seigneur dans sa miséricorde fait sortir pour nous de nos tribulation, et sa propre gloire, déjà éclatante pour qui sait la voir, et qui brillera d’un éclat éblouissant, dans la Jérusalem céleste, aux yeux qui auront reçu la puissance de la contempler.

LA MÉLODIE

Une invitation à chanter, et qui chante déjà. Quelle admirable vocalise que ce cantate plein de joie, d’entrain, d’élan qui balance ses neumes si souples entre les notes longues. Le mouvement mène tout vers Dóminus qui reçoit une belle nuance de vénération ; mais, juste en passant, car la thésis continue sur cánticum novum de plus en plus paisible.
Il reprend sur quia au début de la deuxième phrase. Doucement d’abord ; il y a comme un recueillement de l’âme sur ces merveilles qu’elle découvre, d’abord en elle, et tout autour d’elle, jusqu’en l’insondable éternité. A mesure qu’elles sont évoquées, la mélodie s’exalte sur mirabília mais sans retrouver le brillant éclat de cantate ; quelque chose du recueillement demeure jusqu’à la fin, où il est d’ailleurs tout à fait à sa place sur le nom divin.

Posez bien la double note de Allelúia qui est une bivirga et allez vers la dernière syllabe dont tout le neume sera élargi.
Cantáte doit être chanté dans un legato très serré, les doubles notes ayant leur exacte valeur, rien de plus : passez par-dessus le quart de barre et retenez avec grâce les deux notes qui précèdent le quilisma. Balancez bien Dómino et rattachez-y étroitement cánticum ; novum sera très retenu.
Menez discrètement le crescendo de mirabília. Fecit sera attaqué avec une fermeté pleine d’élan.

OFFERTOIRE

LE TEXTE

Seigneur, de me secourir prends soin. Qu’ils soient confondus et tenus e respect ceux qui cherchent mon âme pour la perdre. Seigneur, de me secourir, prends soin.
Ps. XXXIX. 14, 15.

Le Psaume XXXIX est messianique, ces paroles s’appliquent dont tout d’abord à Notre Seigneur. Que de fois ne furent-elles pas sur ses lèvres dans les heures si fréquentes de sa vie où il eut à lutter contre les Pharisiens et ceux qui lui  en voulaient à mort.
Elles sont bien à leur place ici après l’incident relaté à l’Evangile. Elles le sont en tout temps sur les lèvres de l’Eglise, toujours en butte ici ou là à la persécution…et sur les nôtres à nous qui sommes aussi, à tout instant, sous les menaces des ennemis visibles ou invisibles de notre âme.

LA MÉLODIE

Il y a peu de mélodies qui soient à ce point imprégnées de paix. On n’y aperçoit pas la plus petite nuance du trouble le plus léger ; ni même un accent de supplication quelque peu poussé. C’est la prière d’une âme toute abandonnée reposant entre les bras de Dieu dans une tranquillité et une joie si profonde que rien ne saura l’atteindre.
Elle est déjà toute dans le premier mot, cette paix heureuse, avec l’accent délicat qui soulève la voix, la fait toucher la tristropha légère, et la pose une quarte au-dessous dans un mouvement de tendresse spontanée et simple comme un regard d’enfant fixé sur son Père dans un sourire. En remontant au fa, la mélodie ne perd rien de cette admirable sérénité. Elle se pose sur la  double note, s’y appuie, va vers le pressus où l’appui est renouvelé, et revient à la tonique par une cadence ornée d’un salicus où elle s’appuie à nouveau. C’est sa façon d’insister que ces notes doubles, répétées les unes après les autres dans le legato des neumes qui  se suivent par degrés conjoints.
L’évocation des ennemis dans la seconde phrase ne fait pas surgir la moindre ardeur. C’est le même calme. La mélodie, après l’arsis qui tient en un torculus, un podatus et une clivis montant du fa au la, est toute thétique et n’a rien de sombre, elle touche bien le re à deux reprises mais aussitôt revient au fa par le do, soucieuse de ne pas quitter la tonalité toute de lumière du VIe mode. Notez, entre autres motifs caractéristiques, l’admirable cadence de eam.
La première phrase revient alors, comme un refrain très doux. L’âme s’y compait et au fond contemple bien plus qu’elle ne demande.

Il faut veiller à tout prix à ce que les voix soient très fondues et demeurent très égales du commencement à la fin. Toutes les nuances, et il y en a peu, doivent être extrêmement délicates ; les pressus tout juste touchés, les crescendo à peine sensibles. Et pourtant on doit sentir la vie, mais elle aussi est délicate…
Faites un bon silence après la première phrase. Prenez garde de trop élargir le mouvement aux cadences sur re. Retenez eam à la fin de la second ephrase dans un legato auquel vous donnerez tout votre soin.
Un silence avant la reprise de Dómine. Elargissez le dernier réspice.

COMMUNION

LE TEXTE

Seigneur, je me souviendrai de ta justice seule, O Dieu, tu m’as instruit depuis ma jeunesse , et jusqu’à ma vieillesse, et mon extrême vieillesse. O Dieu, ne m’abandonne pas.
PS. LXX. 16, 17, 18.

Ces trois versets sont une très belle prière d’action de grâce pour la lumière que le Seigneur nous dispense tout au long de notre vie, avec une ardente supplication à la fin pour que ce bienfait nous soit continué.
Ils entrent bien dans l’idée de cette messe où de si hauts enseignements nous ont été distribués à l’Epître et à l’Evangile. Mais ils ont aussi leur sens particulier au moment de la communion. Nous avons appris tant de choses du Seigneur dans la communication intime qu’il nous a faite de sa vie…depuis notre jeunesse !

LA MÉLODIE

Nous l’avons déjà rencontrée à la fête du Saint Nom de Jésus , mais adpatée à un texte qui n’était pas fait pour elle et partant quelque peu défigurée. Elle a ici sa pleine beauté.
La première phrase commence très simplement. Un salicus met sur Dómine une touche de ferveur, un pressus sur memorábor souligne la joie de l’âme à se remémorer ce que le Seigneur a fait pour elle ; mais solíus, en plein relief sur le motif de justítiæ repris à la quarte supérieure, proclame très haut que c’est sa seule justice, à lui, qu’elle se soucie de garder souvenir.
L’enthousiasme, qui commence à monter sur solíus, s’avive dans la seconde phrase. Deus, attaqué directement sur la dominante, et le salicus de docuísti me sont pénétrés d’une ardeur qui passe sur juventúte mea et, après une gracieuse cadence, sur fa, rebondit sur usque au début de la troisième phrase. La montée là toutefois a moins d’élan, elle est retenue par le quilisma : sans doute pour attirer l’attention sur la continuité du bienfait divin, mais aussi par transition à la thésis senéctam et sénium ui  descend au re en un mouvement paisible et doux à travers lequel passe, délicate, la reconnaissance du vieil âge pour tant de miséricordes dispensées au long des années. Vient alors, comme une tendre supplication que les salicus font insistante, mais sans pression, le ne derelínquas me.

Commence sur tuae le crescendo qui va monter sur salíus. Le scandicus sera légèrement retenu, la cadence par contre le sera à peine et demeurera très légère.
Faites la tristroha de Deus douce et liez de très près juventúte à me. La cadence de mea sur fa sera élargie mais il faut y rattacher de très près usque, réduisant la grande barre à une demi-barre ; usque in senéctam dépend en effet de docuísti me. Faites la thésis bien paisible. Deus ne derelínquas sera une idée à part et donc quelque peu séparée de sénium, ne pas forcer les salicus, retenir tout le mouvement.

Épître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici

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