Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.
LEÇONS DES MATINES : En Septembre : Job, Tobie, Judith ou Esther. En Octobre : les Machabées.
ÉPÎTRE : Que le Seigneur nous donne les dons qui nous fassent comprendre les mystères de son amour miséricordieux.
(Eph. III. 13, 21.)
ÉVANGILE : Notre Seigneur guérit un hydropique le jour du sabbat.
(Luc XIV. I, II.)
IDÉE CENTRALE : Il n’y en a pas qui s’impose clairement. Toutefois l’idée de la miséricorde semble dominer. Elle est bien nette dans l’Introït. La collecte peut s’y ramener car toutes les grâces qui nous préviennent et nous accompagnent dans la pratique des bonnes œuvres viennent de la Miséricordieuse Bonté. Comme aussi cette intelligence du mystère de l’amour du Christ Jésus que Saint Paul sollicite pour nous à l’Épître. Enfin la guérison de l’hydropique le jour du sabbat est bien « la miséricorde avant le sacrifice » si souvent prêchée par Notre Seigneur.
INTROÏT
LE TEXTE
Aie pitié de moi, Seigneur, car vers toi j’ai crié tout le jour. Car, toi, Seigneur, tu es suave et doux et riche en miséricorde pour tous ceux qui t’invoquent.
Ps. – Incline, Seigneur, ton oreille et exauce-moi, car misérable et pauvre je suis.
Ps. LXXXV. 3. 5.
C’est le même psaume que Dimanche dernier. Les versets sont aussi les mêmes, mais l’ordre en est renversé et le cri d’espoir du milieu remplacé par une louange de la divine miséricorde. Et c’est bien aussi la même âme, dans le même besoin, qui demande au Seigneur d’avoir pitié d’elle. Elle plaide seulement d’une manière quelque peu différente, faisant valoir habilement la Miséricordieuse Bonté toujours portée avec toute sa richesse vers ceux qui l’invoquent.
LA MÉLODIE
Elle est moins réservée que celle de l’Introït Inclina. Dès le début elle fait pression sur les doubles notes de Miserére et de Dómine, et avec un accent de fermeté qui ose. Elle demeure humble tout de même, toute courbée, toute effacée sur quóniam ad te levávi, se relevant juste sur tota die pour une supplication plus ardente.
Dans la deuxième phrase, ce n’est plus de la supplication à proprement parler, c’est une sorte de plaidoyer, sur le thème de la miséricorde. L’âme y appuie sa prière comme pour flatter le Seigneur – le mot est trop fort, mais faute de mieux il dit assez bien le sentiment qui se dégage de cette mélodie douce, insinuante, pénétrée d’onction sur quia tu Dómine et plus encore sur suávis ac mitis es, et qui s’élève sur copiósus, en une louange éclatante de la générosité divine. Cet élan, qui d’un bond monte au fa où il s’épanouit en un accent prolongé d’intense ferveur, est une splendeur. L’âme y fait passer son appel, mais enveloppé dans la joie enthousiaste qui la remplit au souvenir de tout ce que le Seigneur a tiré pour elle de ce trésor de miséricorde dont « la largeur, la longueur, la hauteur » la dépassent à l’infini. La détente se fait peu à peu sur misericórdia et la mélodie s’achève dans la suave douceur du début de la phrase.
N’ayez pas peur de faire la prière pressante dès le début sur les doubles notes – celle de miserére est une bivirga épisématique. Après l’intonation, le chœur reprendra plus doucement la seconde incise qui est plus effacée. Soulevez la tristropha et faites la répercussion légère. La remontée sur tota díe ne doit pas être forcée.
Très doux aussi le début de la seconde phrase, et tous les neumes très liés, y compris le salicus de suávis. On pourra élargir quelque peu la première note du podatus de ac et de la clivis de mítis. Toute cette incise doit être très balancée. Sur et copiósus commence le grand mouvement qui ne s’achève qu’à la cadence finale. La période arsique va jusqu’au podatus mi-fa de misericórdia, le crescendo ne s’achève donc pas sur copiósus mais, après un très léger relâchement sur le pressus et la clivis allongée, reprend vers misericórdia. Notez que la double note de copiósus est une distropha, il ne faut donc pas la forcer mais après l’avoir doucement posée, pousser la voix vers la clivis répercutée. La thésis sur ómnibus invocántibus te sera menée en un decrescendo progressif. Les trois podatus de invocántibus gagneront à avoir leur première note un peu allongée.
Le Psaume, qui est une prière, sera sans éclat, mais très suppliant notamment sur pauper sum ego.
GRADUEL
C’est celui du IIIe Dimanche après l’Epiphanie. Il est une très belle paraphrase de l’Épître, chantant la gloire de Dieu telle qu’elle est déjà et telle qu’elle sera lorsque Sion aura fini d’être édifiée par la Miséricordieuse Bonté et que les nations et les rois seront prosternés devant l’infinie majesté du Seigneur des Seigneurs.
ALLELUIA
LE TEXTE
Chantez au Seigneur un cantique nouveau, Car des merveilles il a faites le Seigneur.
Ps. XCVII. 1.
Invitation à louer le Seigneur en action de grâces des merveilles qu’il a faites. Ces merveilles ne sont pas précisées, mais on pense naturellement à celles qui ont été évoquées à l’Epître et que le Graduel vient de chanter : la gloire que le Seigneur dans sa miséricorde fait sortir pour nous de nos tribulation, et sa propre gloire, déjà éclatante pour qui sait la voir, et qui brillera d’un éclat éblouissant, dans la Jérusalem céleste, aux yeux qui auront reçu la puissance de la contempler.
LA MÉLODIE
Une invitation à chanter, et qui chante déjà. Quelle admirable vocalise que ce cantate plein de joie, d’entrain, d’élan qui balance ses neumes si souples entre les notes longues. Le mouvement mène tout vers Dóminus qui reçoit une belle nuance de vénération ; mais, juste en passant, car la thésis continue sur cánticum novum de plus en plus paisible.
Il reprend sur quia au début de la deuxième phrase. Doucement d’abord ; il y a comme un recueillement de l’âme sur ces merveilles qu’elle découvre, d’abord en elle, et tout autour d’elle, jusqu’en l’insondable éternité. A mesure qu’elles sont évoquées, la mélodie s’exalte sur mirabília mais sans retrouver le brillant éclat de cantate ; quelque chose du recueillement demeure jusqu’à la fin, où il est d’ailleurs tout à fait à sa place sur le nom divin.
Posez bien la double note de Allelúia qui est une bivirga et allez vers la dernière syllabe dont tout le neume sera élargi.
Cantáte doit être chanté dans un legato très serré, les doubles notes ayant leur exacte valeur, rien de plus : passez par-dessus le quart de barre et retenez avec grâce les deux notes qui précèdent le quilisma. Balancez bien Dómino et rattachez-y étroitement cánticum ; novum sera très retenu.
Menez discrètement le crescendo de mirabília. Fecit sera attaqué avec une fermeté pleine d’élan.
OFFERTOIRE
LE TEXTE
Seigneur, de me secourir prends soin. Qu’ils soient confondus et tenus e respect ceux qui cherchent mon âme pour la perdre. Seigneur, de me secourir, prends soin.
Ps. XXXIX. 14, 15.
Le Psaume XXXIX est messianique, ces paroles s’appliquent dont tout d’abord à Notre Seigneur. Que de fois ne furent-elles pas sur ses lèvres dans les heures si fréquentes de sa vie où il eut à lutter contre les Pharisiens et ceux qui lui en voulaient à mort.
Elles sont bien à leur place ici après l’incident relaté à l’Evangile. Elles le sont en tout temps sur les lèvres de l’Eglise, toujours en butte ici ou là à la persécution…et sur les nôtres à nous qui sommes aussi, à tout instant, sous les menaces des ennemis visibles ou invisibles de notre âme.
LA MÉLODIE
Il y a peu de mélodies qui soient à ce point imprégnées de paix. On n’y aperçoit pas la plus petite nuance du trouble le plus léger ; ni même un accent de supplication quelque peu poussé. C’est la prière d’une âme toute abandonnée reposant entre les bras de Dieu dans une tranquillité et une joie si profonde que rien ne saura l’atteindre.
Elle est déjà toute dans le premier mot, cette paix heureuse, avec l’accent délicat qui soulève la voix, la fait toucher la tristropha légère, et la pose une quarte au-dessous dans un mouvement de tendresse spontanée et simple comme un regard d’enfant fixé sur son Père dans un sourire. En remontant au fa, la mélodie ne perd rien de cette admirable sérénité. Elle se pose sur la double note, s’y appuie, va vers le pressus où l’appui est renouvelé, et revient à la tonique par une cadence ornée d’un salicus où elle s’appuie à nouveau. C’est sa façon d’insister que ces notes doubles, répétées les unes après les autres dans le legato des neumes qui se suivent par degrés conjoints.
L’évocation des ennemis dans la seconde phrase ne fait pas surgir la moindre ardeur. C’est le même calme. La mélodie, après l’arsis qui tient en un torculus, un podatus et une clivis montant du fa au la, est toute thétique et n’a rien de sombre, elle touche bien le re à deux reprises mais aussitôt revient au fa par le do, soucieuse de ne pas quitter la tonalité toute de lumière du VIe mode. Notez, entre autres motifs caractéristiques, l’admirable cadence de eam.
La première phrase revient alors, comme un refrain très doux. L’âme s’y compait et au fond contemple bien plus qu’elle ne demande.
Il faut veiller à tout prix à ce que les voix soient très fondues et demeurent très égales du commencement à la fin. Toutes les nuances, et il y en a peu, doivent être extrêmement délicates ; les pressus tout juste touchés, les crescendo à peine sensibles. Et pourtant on doit sentir la vie, mais elle aussi est délicate…
Faites un bon silence après la première phrase. Prenez garde de trop élargir le mouvement aux cadences sur re. Retenez eam à la fin de la second ephrase dans un legato auquel vous donnerez tout votre soin.
Un silence avant la reprise de Dómine. Elargissez le dernier réspice.
COMMUNION
LE TEXTE
Seigneur, je me souviendrai de ta justice seule, O Dieu, tu m’as instruit depuis ma jeunesse , et jusqu’à ma vieillesse, et mon extrême vieillesse. O Dieu, ne m’abandonne pas.
PS. LXX. 16, 17, 18.
Ces trois versets sont une très belle prière d’action de grâce pour la lumière que le Seigneur nous dispense tout au long de notre vie, avec une ardente supplication à la fin pour que ce bienfait nous soit continué.
Ils entrent bien dans l’idée de cette messe où de si hauts enseignements nous ont été distribués à l’Epître et à l’Evangile. Mais ils ont aussi leur sens particulier au moment de la communion. Nous avons appris tant de choses du Seigneur dans la communication intime qu’il nous a faite de sa vie…depuis notre jeunesse !
LA MÉLODIE
Nous l’avons déjà rencontrée à la fête du Saint Nom de Jésus , mais adpatée à un texte qui n’était pas fait pour elle et partant quelque peu défigurée. Elle a ici sa pleine beauté.
La première phrase commence très simplement. Un salicus met sur Dómine une touche de ferveur, un pressus sur memorábor souligne la joie de l’âme à se remémorer ce que le Seigneur a fait pour elle ; mais solíus, en plein relief sur le motif de justítiæ repris à la quarte supérieure, proclame très haut que c’est sa seule justice, à lui, qu’elle se soucie de garder souvenir.
L’enthousiasme, qui commence à monter sur solíus, s’avive dans la seconde phrase. Deus, attaqué directement sur la dominante, et le salicus de docuísti me sont pénétrés d’une ardeur qui passe sur juventúte mea et, après une gracieuse cadence, sur fa, rebondit sur usque au début de la troisième phrase. La montée là toutefois a moins d’élan, elle est retenue par le quilisma : sans doute pour attirer l’attention sur la continuité du bienfait divin, mais aussi par transition à la thésis senéctam et sénium ui descend au re en un mouvement paisible et doux à travers lequel passe, délicate, la reconnaissance du vieil âge pour tant de miséricordes dispensées au long des années. Vient alors, comme une tendre supplication que les salicus font insistante, mais sans pression, le ne derelínquas me.
Commence sur tuae le crescendo qui va monter sur salíus. Le scandicus sera légèrement retenu, la cadence par contre le sera à peine et demeurera très légère.
Faites la tristroha de Deus douce et liez de très près juventúte à me. La cadence de mea sur fa sera élargie mais il faut y rattacher de très près usque, réduisant la grande barre à une demi-barre ; usque in senéctam dépend en effet de docuísti me. Faites la thésis bien paisible. Deus ne derelínquas sera une idée à part et donc quelque peu séparée de sénium, ne pas forcer les salicus, retenir tout le mouvement.
Épître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici