Jeudi-Saint

Les explications concernant la cérémonie du Jeudi-Saint
L’introït Nos autem par la Scholla Bellarmina

Table des matières

Le livre latin français, La Semaine Sainte est le guide parfait pour suivre les cérémonies de la Semaine Sainte.

Commentaires des pièces des offices de ce jour par Dom Baron.

Les offices du Jeudi Saint commémorent les événements qui vont de la Cène à la Passion. L’agonie, les complots, la trahison sont l’objet des Ténèbres du mercredi soir.

La messe du Jeudi matin, elle, est consacrée exclusivement à la Cène, ou, plus exactement, à l’Institution de l’Eucharistie et du Sacerdoce.

INTROÏT

LE TEXTE

Pour nous, notre gloire doit être cherchée
Dans Lacroix de Notre Seigneur Jésus-Christ,
En qui est notre salut, notre vie et notre résurrection.
Par qui nous avont été sauvés et libérés.

Ps. – Que Dieu ait pitié de nous et qu’il nous bénisse.
Qu’il fasse briller son visage sur nous
Et qu’il ait pitié de nous.

C’est une composition libre inspirée de Saint Paul (Gal. VI, 14).
Au début de cette messe qui commémore la première messe, l’Eglise se recueille. Elle contemple le mystère et, fixant ses pensées sur les conséquences qu’il doit avoir jusque dans les sources de notre activité vitale, elle se dit à elle-même : pour nous, c’est dans la croix de Notre Seigneur Jésus Christ, c’est-à-dire dans son sacrifice, que nous devons mettre notre souci de gloire.
Et cela, non seulement en le regardant et en le vénérant dans la foi comme l’acte qui nous a sauvés, mais en y entrant, en nous offrant, au cours du sacrifice, à la vertu transformante du sacrement qui nous fait de plus en plus participer à la nature, et donc à la gloire du Christ ressuscité, en qui est notre salut, notre vie et notre résurrection.
Le Psaume s’élève alors comme une prière pour que Dieu fasse le sacrement produire en nous le fruit que nous désirons.

LA MÉLODIE

Elle a bien dans la première incise ce caractère de profonde réflexion ; elle n’a pas grand mouvement mais insiste sur tous les mots, notamment sur gloriari oportet dont elle fait une affirmation résolue et solennelle ; notez le salicus, la clivis épisématique et tout le mouvement de oportet si ferme. Dès que l’idée du sacrifice se présente, elle se pénètre d’émotion ; une arsis pleine de mesure conduit le mouvement vers le sommet, où il s’épanouit sur nostri en un accent de ferveur qui se prolonge jusqu’à la fin du nom béni. Il est repris dans la phrase suivante sur les mots qui disent les fruits du sacrifice : salus, vita, resurrectio nostra. La dernière phrase est plus intérieure, si l’on peut dire, mais la ferveur est toujours là ; elle trouve sur la tristropha de per quem salvati et sur la cadence de liberati sumus une très belle expression de gratitude profonde et aimante.

Bien balancer le rythme de gloriari oportet et qu’il soit ferme. Le crescendo de la deuxième incise sera mené délicatement. La double note de nostri est une bivirga épisématique ; elle sera appuyée, mais il faut veiller à ne pas l’attaquer durement. C’est une ferveur d’amour qu’il faut y mettre.
Même recommandation pour celle de vita qui est aussi une bivirga épisématique. Appuyer la première note de per, afin de la lier à la tristropha.

GRADUEL

LE TEXTE

Le Christ s’est fait pour nous obéissant jusqu’à la mort,
La mort même de la Croix.

Verset. – A cause de cela, Dieu l’a exalté,
Et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom. Philip. II, 8-9.

Ces deux phrases évoquent tout le drame de la Rédemption ; l’abaissement du Christ et sa glorification. C’est pourquoi l’Eglise répète la première partie à la fin de toutes les heures durant les jours saints et y ajoute le verset à la fin des laudes du samedi, comme la première évocation de la résurrection prochaine.
Ici, après la lecture de l’Epître, où Saint Paul fait le récit de la Cène, elle les chante en leur donnant leur sens eucharistique. Elle y voit le Christ prolongeant son abaissement dans le sacrifice de la messe et recevant, de ce même sacrifice, la gloire d’être aimé dans l’intime des âmes au point de devenir en elles le principe de toute leur vie.
Elle les adresse aussi comme un appel à chacun de ses membres – l’appel de l’exemple – pour qu’ils s’abaissent jusqu’à entrer dans le sacrifice du Christ par le don d’eux-mêmes, afin de pouvoir un jour entrer dans sa gloire ; le jour où leur sera donnée la manne cachée dont l’Eucharistie est le sacrement, et le caillou blanc sur lequel sera écrit leur nom nouveau… qui sera au-dessus de tout nom. (Apoc. II, 17.)

LA MÉLODIE

Christus factus est pro nobis obédiens usque ad mortem, mortem autem crucis.

C’est une mélodie type. Nous l’avons trouvée déjà à la fête de Saint Jean l’Evangéliste, mais ici l’application au texte est si parfaite qu’on pourrait se demander si l’on n’est pas en présence de l’original.
La première partie se développe dans une atmosphère de gravité profonde. Il n’y a pas de doute que l’auteur n’ait voulu y symboliser l’abaissement du Christ, comme il symbolisera dans le Verset son exaltation par des neumes légers, joyeux, triomphants, qui se perdent dans les régions les plus élevées du mode. Toutefois ce n’est là qu’un détail ; ce qui passe à travers cette gravité, c’est le sentiment de l’Eglise et de ses membres en face du drame de la Passion et de son prolongement dans le sacrifice eucharistique. L’âme se sent couverte de confusion devant l’abaissement du Christ, et de contrition aussi, car elle y est bien pour quelque chose. Elle n’ose élever la voix ; elle chante, comme repliée sur elle-même, d’un timbre assombri. Toute la première incise est dans cette atmosphère ; nobis en particulier. Peu à peu la mélodie prend de l’ampleur, mais c’est la même réserve, la même retenue, la même gravité. L’âme est seulement plus émue parce que les détails se précisent : l’obéissance, la mort, la mort de la croix, et elle laisse aller son émotion avec la progression des mots et des images, de plus en plus atterrée devant cette inconcevable abnégation ; jusqu’à ce que vienne la descente de crucis qui est comme une chute de l’esprit dans le vide, comme le mot au-delà duquel elle ne trouve plus rien qui puisse dire et l’abaissement du Christ et sa confusion à elle-même.

Le Verset. – Propter quod et Déus exaltavit illum et dedit illi nomen quod est super omne nomen.

La glorification après l’abaissement. La joie, claire, exubérante, triomphale, pleine d’admiration et d’amour pour le Christ glorifié : pleine de fierté et d’espoir pour nous qui entrerons un jour dans sa gloire.
Une intonation pleine de mouvement porte la mélodie sur la tonique où elle se fixe et se développe sur illum et illi en de longs neumes pleins de vie et d’éclat. L’âme y chante à loisir le Christ exalté et sa propre joie à elle-même. Ils s’achèvent sur nomen par le motif de triomphe que nous avons trouvé si souvent au temps de Noël et que nous retrouverons dans quelques jours dans le Graduel de Pâques. Quelques notes de transition amènent la formule finale qui est commune mais qui sert admirablement le mot nomen par l’insistance noble et quelque peu grave qu’elle y met.
Le mouvement de la première partie sera assez lent ; disons : grave, c’est encore le mot. La descente sur nobis sera bien retenue. Un crescendo discret sur obédiens. Bien appuyer la double note du sommet qui est une bivirga. Lier la première note de usque au pressus ; qui sera très expressif ; de même celle de mortem.
Donner du poids et un peu de longueur à la double note de autem qui souligne déjà l’abaissement de la Croix. Ne pas faire trop sourde la deuxième note de la clivis de Crucis et lui donner toute sa valeur.
Le Verset sera plus dégagé, vivant et joyeux ; éviter toutefois de forcer le contraste. Bien faire l’accent de exaltavit. La virga qui précède la note la plus élevée de illum sera élargie, comme tout le mot d’ailleurs. Répercussion légère sur la première note du dernier climacus.

OFFERTOIRE

La droite du Seigneur a fait éclater sa puissance,
La droite du Seigneur m’a exalté.
Je ne mourrai pas, mais je vivrai,
Et je ferai connaître les œuvres du Seigneur. Ps. CXVII, 16-17.

C’est le même que celui du IIIe Dimanche après l’Epiphanie. Il n’y a rien à ajouter. Le texte prend seulement, dans le cadre du Jeudi Saint, un sens eucharistique.
Le Christ y chante sa victoire sur la mort, son exaltation et sa mission de louange. Mais la merveille que la droite du Seigneur a faite en lui, ce n’est pas seulement sa Résurrection c’est encore le pouvoir qu’il a de communiquer sa vie. C’est dans cette extension de lui-même par l’Eucharistie, qui prolonge en quelque sorte son Incarnation, qu’il est exalté, qu’il vit encore sur terre et qu’il continue d’y louer Dieu : non moriar sed vivam et narrabo opera Domini. Comme on les entend bien, ces paroles, dans l’action de grâces débordante d’enthousiasme qui devait remplir l’âme de Notre Seigneur après la Cène !
Comme elles sont bien à leur place aussi sur les lèvres de l’Eglise et de chacun de ses membres en pareil jour et à pareil moment ; car, en vérité, la droite du Seigneur, par la vertu transformante de l’Eucharistie, fait en nous ce qu’elle a fait dans le Christ. Elle nous fait un avec lui ; quelle exaltation ! et nous ne mourrons pas, mais nous serons avec lui, vivant à jamais pour l’éternelle louange… »Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang ne mourra pas et je le ressusciterai au dernier jour. »

COMMUNION

LE TEXTE
Le Seigneur Jésus, après qu’il eut soupé avec ses disciples,
Lava leurs pieds et leur dit :
Savez-vous ce que je bous ai fait à vous,
Moi, le Seigneur et le Maître ?
Un exemple je vous ai donné
Pour qu’ainsi vous aussi vous fassiez. Jean XIII, 12-15.

Au moment de la communion, dont le fruit sacramentel est l’unité des hommes dans la charité du Christ, l’Eglise évoque la scène, déjà lue à l’Evangile, où Notre Seigneur s’abaissa jusqu’à être le servant des siens, et le présente dans cette attitude en exemple à tous ses membres en leur redisant ses paroles mêmes.

LA MÉLODIE
Le récitatif est très simple. Après l’intonation pleine de tendre révérence pour le Seigneur, il s’établit sur un motif de quelques notes trois fois répété, sur cum discipulis suis, sur lavit pédes eorum et sur ait illis, créant autour de cette scène émouvante une atmosphère de mystère empreinte de tristesse déjà.
La parole de Notre Seigneur s’élève alors lente, grave, toute pénétrée de tendresse, avec ici et là des accents d’une infinie délicatesse. Notez le pressus de scitis, la montée de vobis et le motif de l’intonation repris sur Dominus et magister qui, tout en insistant sur les deux mots, fait cette fin d’interrogation si simple et si douce. La dernière phrase se déroule dans la même simplicité, avec le motif du récitatif ramenant une fois de plus, sur et vos ita, la tendre sollicitude de Notre Seigneur et Maître.
Allonger un peu la première note du climacus de l’intonation et remonter avec grâce sur la double note de Jésu ; c’est une bivirga, l’appuyer d’un accent de ferveur délicat. Mouvement tranquille tout le long du récitatif.
Toute la montée de scitis retenue et enveloppée dans un crescendo très recueilli. La même nuance pour toute la parole de Notre Seigneur.

Pange lingua

Les grands intervalles montant à la dominante, les cadences sur sol, sur ré, sur mi, donnent à cette hymne un caractère de grandeur et de noblesse très marqué. Bien veiller à la chanter ici avec une certaine ampleur. Elle doit être un chant de procession, non pas qu’elle doive en prendre exactement le pas, mais le mouvement doit être adapté au cortège.

Cantiques eucharistiques

Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici