La répétition de l'introït Judica me par Bernard Lorber
Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.
INTROÏT
LE TEXTE
Versez votre rosée, cieux, d'en haut, et que le nuages pleuvent le Juste. Qu'elle s'ouvre, la terre, Et qu'elle germe le Sauveur.
Ps.- Les cieux disent la gloire de Dieu
Et l'œuvre de ses mains, il la proclame, le firmament. Isaïe, XLV, 8 - Ps. XVIII, 2.
Au chapitre XLV, Isaïe rapporte ce qu'il a entendu le Seigneur dire à Cyrus, qu'il va susciter pour être son christ, sauver le peuple et rebâtir la cité et le temple. A la vision de ce sauveur d'un moment, par delà lequel il voit le Messie et son œuvre éternelle, il est transporté et, interrompant sa prophétie, lance vers le ciel son désir ardent pour que soit bâtie la venue des deux libérateurs. Il le fait sous la forme poétique de la rosée qui fait germer la plante, symbolisant ainsi l'action divine qui fera de Cyrus et du Christ des sauveurs parfaits.
Au sens liturgique, c'est l’Église qui appelle le Messie. Rien n'est à changer dans l'image du prophète, mais il faut lui donner tout son sens divin. La rosée sollicitée du ciel, c'est l'action fécondante du Saint-Esprit ; la terre, c'est Notre-Dame, fleur de la race, qui s'ouvre au sommet de la tige de Jessé et qui, fécondée sous l'ombre mystérieuse de l'Esprit du Très-Haut, va produire son fruit divin ; le Verbe fait chair.
Cette prière admirable et tout à fait à sa place le Mercredi des Quatre-Temps, tout entier consacré à l'Annonciation. Il faut lui garder ici la même interprétation ; d'autant que, par l'Offertoire et la Communion tout au moins, le mystère continue d'être fêté. Et il faut la chanter comme la prière suprême, entendue de Dieu par delà les siècles, et qui a contribué à faire venir plus tôt l'heure du Messie et de Notre-Dame ; mais aussi, comme la supplication qui va mériter aux âmes de recevoir le Verbe fait chair quand il va revenir et de se livrer à l'influence de son Esprit comme la terre à la rosée, lui donnant ainsi ce qu'il attend d'elles pour réaliser la plénitude de son Incarnation.
Le Psaume, lui, n'est pas une prière ; il est la constatation joyeuse des merveilles de Dieu qui se réalisent dans le mystère.
LA MÉLODIE
Une prière ardente de deux phrases qui s'opposent ici, encore, suivant le texte, comme le ciel et la terre.
La première est un admirable mouvement de l'âme portant on désir, comme dans le graduel. Qui sédes, aussi haut que possible, jusqu'aux nuées fécondes d'où va venir la céleste rosée, puis redescendant douce et paisible comme descendra le Juste qu'elle chante. La supplication est ardente sur le pressus de caeli, les quilismas de désuper, le pressus de pluant, mais il n'y a pas d'inquiétude, de doute, d'angoisse ; au contraire, une grande sérénité et une joie discrète se mêlent partout à la prière dans la tonalité claire du mode de fa ; la joie de l'Eglise qui sait, car elle en jouit déjà, tout le bonheur qu'il y a pour elle dans cette pluie fécondante qu'elle sollicite.
La seconde a moins d'élan. C'est la terre que l'Eglise regarde et encore qu'il s'agisse de Notre-Dame, ce chef-d'œuvre de grâce qui va produire la nature humaine du Christ, n'est-elle pas tout en bas par comparaison avec l'infinie perfection du verbe qui va y descendre ? Et puis, c'est le mystère dont la profondeur ne saurait se chanter ; Aussi, après l'ardeur de la supplication sur aperiatur, la mélodie revient-elle au mode de ré, et en des neumes qui s'effacent de plus en plus, elle s'éteint, gracieusement d'ailleurs, sur Salvatorem, le mot du désir.
La deuxième note de ra dans Rorate doit être élargie. Le crescendo de la première incise sera ardent mais sans éclat ; c'est une prière. Bien accentuer nubes et aller sur le pressus de pluant en progression.
Veiller à ce que tur dans aperiatur ait bien sa valeur et qu'on ait le temps d'articuler. Térra sera légèrement retenu ainsi que les quatre dernières notes de gérminet.
Le Psaume sera chanté dans un bon mouvement et pénétré déjà de la joie du « Gloria in excelsis » qu'il prophétise.
GRADUEL
LE TEXTE
Il est proche, le Seigneur,
De tous ceux qui l'invoquent,
De tous ceux qui l'invoquent dans la vérité.
Verset. - La louange du Seigneur,
Elle la chantera, ma bouche,
Et que toute chair bénisse le Seigneur. Ps. CXLIV, 18, 21.
Dans la première partie, le psalmiste exprime une idée très simple ; à savoir que le Seigneur est tout disposé à écouter ceux qui le prient. Toutefois, il a précisé d'un mot : ceux qui le prient dans la vérité ; c'est-à-dire qui lui demandent, en toute sincérité, des chose vraies ; entendons : ceux qui sont conformes à sa volonté, car la vérité, c'est, en même temps, ce que Dieu pense et ce que Dieu veut.
Le Verset, lui, est un hommage de reconnaissance de l'âme qui promet à Dieu une louange sans fin en retour de la bienveillance qu'il lui témoigne.
Au sens liturgique, peut-être serait-on porté à s'appuyer sur les premiers mots Prope est Dominus pour faire entrer ce texte dans le cadre de l'Avent. Ce ne serait pas absolument exact car c'est en tout temps que le Seigneur exauce ceux qui savent le prier. Il ne faut pas non plus le rattacher à l'Epître qui vient d'être lue, mais à l'Epître du mercredi précédent pour laquelle il a été choisi. Dans cette Epître, on nous ait entendre l'histoire d'Achaz qui, par manque de confiance, refusa de demander un prodige au Seigneur et qui reçut, en réplique, d'Isaïe la fameuse prophétie qui annonçait le prodige des prodiges : « Le Seigneur vous donnera lui-même un signe : Voilà qu'une Vierge concevra et enfantera un Fils et son nom sera Emmanuel ». A la fin de ce récit, ces deux versets viennent sur es lèvres de l'Eglise comme une sorte de réflexion. Repliée sur elle-même et gardant bien présent à l'esprit tout ce qu'elle vient d'entendre, elle se dit : Achaz a eu tort...Le Seigneur est tout près de ceux qui l'invoquent et bientôt il sera plus près d‘eux encore ; car le prophète a dit que Celui qui doit venir aura nom Emmanuel, ce qui veut dire : Dieu est avec nous.
Cette annonce précise de l'Incarnation amène alors la grande louange du Verset. Laudem Domini...
LA MÉLODIE
(V) Prope est Dominus omnibus invocantibus éum omnibus qui invoquant éum in verita te.
Elle est composée de trois formules : celle de Prope est Dominus et les deux de éum. Ces formules sont reliées entre elles par les motifs presque syllabiques de omnibus invocantibus et de omnibus qui invoquant. Un seul mot est original, in veritate, encore s'achève-t-il en une formule finale commune.
Le fait qu'elle est à ce point centonisée n'empêche pas qu'elle soit très expressive. L'auteur s'est servi de formules toutes faites mais il les a choisies pour le texte et les a disposées de telle sorte qu'elles puissent en exprimer au mieux le contenu. Notez qu'elles sont placées sur les mots importants : Dominus, le nom divin, et éum qui le représente ; et que, par le contraste que font leurs neumes avec les motifs syllabiques qui les entourent, elles les mettent en particulier relief. Aussi bien est-ce le mot de l'Epître : Pete signum a Domino, dit Isaïe. Non tentabo Dominum, répond Achaz. Propter hoc dabit Dominus ipse vobis signum, réplique le prophète.
L'intonation est grave. (Cette formule n'est employée que sur le mot Dominus ; de sorte qu'elle est moins une formule centon qu'un motif réservé uniquement au nom du Seigneur, comme plusieurs autres.) Mais ce serait une erreur d'y voir la moindre tristesse. Au contraire, on y discerne déjà en une nuance discrète la joie qui se dégage du texte et qui caractérise tout le Graduel. Toute pénétrée de respect, elle se retient, s'efface, sur le nom divin, mais, sitôt après, elle se laisse aller, se développe sur omnibus invocantibus et va s'épanouir sur éum en un bel élan qui se détend dans la plénitude de la cadence en fa. Elle passe dans la seconde phrase, s'élève avec grâce sur omnibus, puis redescend dans le grave où elle se revêt à nouveau sur éum d'une certaine révérence qu'elle garde jusqu'à la fin.
Le Verset. - Laudem Domini loquétur os méum Et benedicat omnis caro nomen sanctum éjus.
La joie est ici enthousiaste. Lancée avec une ferme assurance sur la distropha de Laudem, elle se développe en une sorte de contemplation sur Domini : légère, souple, heureuse. Une nuance de tendresse plus marquée passe avec le si b, puis l'exaltation, grandissant à nouveau, va vers loquétur os méum où elle atteint toute sa puissance d'expression sur les mots mêmes qui disent la joie de pouvoir chanter à jamais.
L'enthousiasme est le même dans la seconde phrase. Sitôt qu'elle a été ramenée à la dominante, la mélodie s'élance à l'extrême limite du mode, enveloppant de toute sa puissance l'ardent souhait de l'Eglise. Elle s'y arrête d'ailleurs ensuite en un gracieux mouvement descendant, puis, pour finir, se pénètre à nouveau de tendre respect sur nomen sanctum éjus.
Comme on le voit, ce verset a un caractère de joie éclatante qui ne s'est pas encore rencontré au cours de l'Avent. L'auteur a-t-il voulu donner là comme une première annonce de la joie de Noël et en pénétrer déjà l'âme des fidèles ? On a d'autant plus de raisons de le croire que les formules 53 et 54 sont particulières à la période de la Nativité. On les trouve ailleurs, mais elles sont si fréquemment répétées au temps de Noël qu'elles contribuent, sans aucun doute, pour leur part, à créer l'atmosphère musicale. El semble que ce soit comme le début d'un crescendo de joie qui, parant du Mercredi des Quatre-Temps, jour consacré à l'Annonciation, jour de l'Incarnation, atteint toute sa puissance aux jours de Noël et de l'Epiphanie.
Ne pas chanter l'intonation avec des effet de basse, mais avec la simplicité et la douceur qui conviennent à une contemplation paisible. Le crescendo est le premier éum sera discret et mené dès le début de l'incise ; C'est une formule assez délicate mais très expressive. Il y a sur le do une distropha, puis al première note de la clivis ou du climacus ; les distrophas seront posées doucement et la voix, renforcée, ira vers la note qui suit pour la répercuter, délicatement. Il s'en suivra une onction pénétrée de ferveur qui servira admirablement le pronom éjus qui tient la place de Dominus.
Retenir quelque peu veritate ; la tristropha, douce. Bien distinguer dans la vocalise qui suit, sur le la, les deux distrophas, du pressus ; lles reçoivent doucement le posé de la voix ; de même celle qui se trouve sur le do dans la dernière incise.
C'est une bivirga qu'il y a sur Laudem au début du Verset ; qu'elle soit appuyée, forte et bien lancée. Sur Domini, deux distrophas et répercussion sur la première note de la clivis ; même interprétation que plus haut. Une bivirga avant les deux climacus qui finissent la première phrase ; bien accuser la première note du second.
La tristropha de os, légère. Bien pendre grade à donner toute leur valeur aux trois notes qui précèdent les notes doubles de méum ; les retenir légèrement évitera le danger d'en faire un triolet. Poser nettement l'épisème vertical de omnis, allonger même un peu la note. (Dans plusieurs cas, la 2ème note est un quilisma.) Un gracieux ralenti sur sanctum, qui se poursuivra sur éjus jusqu'à la fin.
ALLELUIA
LE TEXTE
Viens, Seigneur et ne tarde pas.
Pardonne les péchés de ton peuple.
Cette phrase ne se trouve pas dans l'Ecriture. L'idée en est très simple et s'applique sans difficulté à l'un ou à l'autre des sens de l'Avent. C'est une prière dont l'objet est nettement déterminé : la prière de tout le peuple de Dieu, de toute l'Eglise, suppliant le Christ de venir sauver le monde.
LA MÉLODIE
On la rencontre deux autres fois au cours de l'année : le XXe Dimanche après la Pentecôte (Alleluia Paratum cor méum) et à la messe Loquebar d'une Vierge Martyre (Alleluia Adducentur).
Elle commence dans le grave et se meut lentement dans toute la première phrase, comme la prière très humble du pécheur qui n'ose pas lever les yeux, accablé qu'il est sous ses fautes. Ce n'est que dans la seconde incise qu'elle prend un peu d'ardeur, il y a sur et noli tardare un très bel accent de pressante supplication.
Dans la seconde phrase, la prière est plus aisée sur relaxa. La longue vocalise de facinora est, en elle-même, assez indifférente, mais elle prend, avec les mots, un caractère de prière fort bien adapté. Il y a, dans la répétition du motif initial, une progression qui fait la supplication de plus en plus forte. La première fois, elle monte par trois degrés au si b ; la seconde fois, par un seul mouvement de quarte, elle atteint le do qu'elle marque d'un pressus ; la troisième, elle s'y pose sans préparation et y demeure trois temps. Il y a là une vigueur accrue du plus heureux effet. La mélodie redescend ensuite dans le grave et finit sur une formule propre à certains graduels du Ier mode, elle aussi très priante et très humble, avec une touche assez marquée de crainte révérentielle.
L'Alleluia, lui, est du IIIe mode, mais l'unité demeure parfaite et l'expression y trouve son bien. L'Alleluia ayant en lui-même un caractère de louange que le contraste rend plus marqué encore.
Prendre garde de faire trop longue la double note initiale de l'Alleluia, lequel doit avoir un certain mouvement. Bien balancer le rythme de l'arsis ; la vocalise légère.
Veni Domine tranquille et discret. Crescendo sur noli ; tardare sans éclat. Noter que, dans les thésis de la seconde phrase, toutes les notes doubles sont des distrophas, légères donc ; de même les deux qui précèdent la clivis sur le do, à la dernière reprise du motif. Par contre plé dans plébis est une bivirga. Lier avec soin les grands intervalles de l'avant-dernière incise.
OFFERTOIRE
LE TEXTE
Salut, Marie, de grâce remplie,
Le Seigneur (est) avec toi.
Bénie (es-)tu entre les femmes,
Et béni le fruit de ton sein.
C'est la salutation de l'Ange Gabriel à Notre-Dame et celle d'Elisabeth combinées en un seul texte, lequel forme la première partie de la Salutation angélique. Il n'y manque que le dernier mot, Jésus, qui d'ailleurs ne fut pas dit par Elisabeth.
Au sens liturgique toutefois, ce n'est ni l'Archange ni Elisabeth qui saluent Notre-Dame ; la combinaison des deux salutations en un seul texte s'y oppose. C'est toute l'Eglise qui, au moment où est commémorée la Conception de Notre Seigneur, fait monter sa louange vers celle que Dieu a choisie pour sa mère. Elle a entendu, au cours de la semaine écoulée, le mercredi, le récit de l'Annonciation, le vendredi, celui de la Visitation ; elle recueille, sur les lèvres de l'Archange et d'Elisabeth, les paroles inspirées pour les redire à Notre-Dame, comme l'hommage le plus parfait qu'elle puisse rendre à sa sainteté incomparable et à sa maternité divine.
Bien noter que c'est une salutation. Ceci implique que les chanteurs soient en communication directe avec Notre-Dame : qu'ils chantent pour elle et qu'ils aient conscience que du haut du ciel, elle les écoute et reçoit leur hommage dans la joie de son cœur maternel.
LA MÉLODIE
Quatre phrases (Ave Maria gratia plena ne forme qu'une seule phrase. La grande barre qui suit Maria doit être considérée comme une demi-barre). Les trois premières, en progression l'une sur l'autre, conduisent l'idée jusqu'à Benedicta tu, point culminant de la louange. La quatrième redescend vers le grave où elle s'achève dans la contemplation du mystère.
Il n'y a pas d'éclat dans l'Ave de l'intonation ; c'est un salut gracieux enveloppé de vénération profonde et tendre. Tout le long de la première phrase, l'âme se complaît dans cette attitude d'humble hommage ; elle s'anime seulement, d'un accent de ferveur, sur le nom béni. Un bel élan, habilement préparé, porte la syllabe accentuée de Maria à la dominante où les notes doubles et répercutées mettent un peu plus d'ardeur, d'admiration et d'amour. Mais ce n'est qu'en passant. Elle revient au grave sur gratia pléna et s'y enveloppe plus encore de contemplation ; aussi bien y a-t-l ici quelque chose de plus que la salutation. C'est déjà le mystère, le mystère indicible de l'Immaculée. La phrase s'achève sur pléna par un pressus qui met bien en valeur ce mot de plénitude, qui ne peut se dire que du Christ et de sa Mère.
Dès le début de la seconde phrase, la mélodie, établie sans préparation sur la dominante, prend tout de suite une allure de louange éclatante. C'est une qualité nouvelle que l'Eglise salue en Notre-Dame : son union avec Dieu. La plénitude de la grâce, c'est déjà le Seigneur avec l'âme ; mais, sur les lèvres de l'Archange, le Dominus técum indiquait une modalité spéciale de l'union divine. Le Seigneur est avec Notre-Dame comme il n'est avec personne. C'est de cette union merveilleuse que l'Eglise félicite Marie. La mélodie la sert admirablement. Le s'épanouit sur Dominus en un beau motif plein d'élan, deux fois répété, qui dit l'admiration enthousiaste que provoque l'infinie grandeur de Dieu, tandis que, sur técum, elle se retient comme recueillie, étonnée, confondue d'admiration, devant l'ineffable sainteté de Notre-Dame.
Elle se reprend sur Benedicat tu pour s'élancer cette fois à la limite de son étendue. C'est le troisième mot de a louange. Il est la conséquence des deux autres. C'est parce qu'elle est pleine de grâce et que le Seigneur est avec elle que Marie est bénie entre toutes les femmes ; nouvelle Eve, celle que toutes les nations diront Bienheureuse. La mélodie le met au-dessus de tout ; elle dépasse la dominante, monte et plane, à loisir, dans les hauteurs, s'appuyant sur des notes doubles et des pressus qui lui permettent de déployer toute sa puissance et de colorer d'accents de ferveur ce mot de bénédiction. Il s'achève sur le pronom tu en une belle cadence pleine et large qui va tout droit à Notre-Dame avec une nuance délicate de tendresse. La seconde incise ramène à la dominante le mot muliéribus. L'admiration s'y prolonge, toujours fervente ; notez le pressus et le torculus avec son mouvement hardi de quarte retombant sur la bivirga de la syllabe accentuée. D'une façon assez inattendue, la phrase s'achève par une cadence en demi-ton sur si qui laisse la mélodie en suspens, comme si l'Eglise, évoquant en une sorte de contemplation toutes les femmes de la race, les voyait se perdre en une perspective infinie, tendues en un geste de bénédiction vers Notre-Dame qui, de très haut, enveloppée dans la gloire du Verbe Incarné, les domine toutes de l'éclat de sa maternité.
La quatrième phrase est, de toutes, la plus profonde. Ici, c'est le mystère ; le mystère du Verbe fait chair dans le sein de Notre-Dame. La mélodie abandonne les hauteurs, descend par degrés, sur benedictus qu'elle souligne seulement d'un pressus, descend encore sur fructus, puis demeure dans le grave, presque sans se mouvoir. Un motif deux fois répété de quelques notes qui montent et descendent par degrés conjoints sur véntris, un dernier pressus sur tui comme pour faire rejaillir la gloire du Fils sur la Mère - car c'est pour le Fils qu'est toute la louange dans cette dernière phrase - et c'est tout. L'ineffable ne saurait s'exprimer.
Il faut chanter avec beaucoup de souplesse. On y veillera particulièrement dans l'intonation. Le climacus qui s'achève sur la première note pointée sera légèrement retenu pour donner à cette demi-cadence sur mi toute sa valeur d'admiration gracieuse et tendre.
Chanter Maria avec beaucoup de ferveur. Les deux premières notes de ri bien appuyées, assez fortes, avec l'élan de l'accentuation : ce sont deux virgas ; les deux autres sont des distrophas ; la répercussion en sera délicate et il y aura un crescendo jusqu'à la répercussion, très délicate aussi, de la virga. La cadence sur sol très peu ralentie, de façon à rattacher Maria à gratia pléna. Une pause.
Discret a tempo au départ de Dominus dont les thésis seront légères, comme le sera la tristropha de técum, qu'on renforcera toutefois pour la lier au climacus. Sur ne dans Benedicta, une bivirga, bien l'appuyer et mener le crescendo e un bel enthousiasme vers le pressus. Conduire avec mesure l'admirable descente de benedictus fructus, sans que la voix perde brusquement de sa sonorité. Véntris tui très lien avec le salicus bien doux.
COMMUNION
LE TEXTE
Voici qu'une Vierge concevra
Et enfantera un Fils,
Et il sera appelé de son nom Emmanuel. Isaïe, VII, 14.
Cette parole fut dite comme une prophétie par Isaïe à Achaz. « Le Seigneur vous donnera lui-même un signe : voici qu'une vierge enfantera... » Le signe promis arrivera le jour de l'Annonciation. C'est le mot même du prophète en effet que l'Archange dit à Notre-Dame : « Voici que vous concevrez et enfanterez un Fils et vous lui donnerez le nom de Jésus ».
Ce texte est tout à fait à sa place le jour où est commémorée l'Annonciation. Toutefois il ne semble pas qu'il doive être chanté ici comme une prophétie ; c'est l'Eglise qui après avoir entendu la parole du Prophète à l'Epître, et celle de l'Ange à l'Evangile, y revient, au moment de la communion. Contemplant dans la lumière de la grâce sacramentelle, l'Incarnation qui se prolonge par l'Eucharistie dans tout le Corps Mystique, elle chante la joie de l'Emmanuel, du Dieu avec nous, en même temps que le mystère de Noël dans lequel à nouveau va s'accomplir mystiquement la parole divine.
LA MÉLODIE
Une joie émerveillée ; on en caractériserait bien ainsi, en deux mots l'expression. Elle est très discrète dans sa première incise, avec quelque chose de recueilli, de contemplatif, répandu sur toute la thésis de concipiet. Dans une sorte de jouissance profonde, l'âme admire le mystère de la Vierge Mère.
Et voilà qu'elle s'anime et que son admiration prend de l'ampleur. Un souffle puissant passe, qui emporte les mots dans l'enthousiasme, Filium après pariet, comme si l'âme, de plus en plus éclairée, réalisait ce qu'est le mystère de la maternité divine.
Mais, à peine a-t-elle saisi cette seconde merveille, qu'une troisième s'offre à elle : le mystère de Dieu avec nous cette fois, et vocabitur Emmanuel... Elle n'a pas le temps de s'arrêter si peu que ce soit ; de la première phrase, le souffle d'allégresse passe dans la seconde, l'entraînant dans la progression jusqu'à la distropha de vocabitur. Là quelque chose change. Le mystère s'étend. Il s'étend jusqu'à l'âme. Elle sent qu'elle y entre, en ce moment de la communion. Elle se recueille, se refermant sur les merveilles qui s'opèrent en elle. La mélodie la suit dans sa contemplation. Elle n'a plus le souci des notes éclatantes, ni des mouvements à grand espace ; elle se retient. Notez les clivis allongées de vocabitur, elle descend peu à peu vers le grave, jusqu'à ce qu'elle arrive à Emmanuel, le mot du mystère. Elle s'y complaît, en une formule qui, comme celle du véntris tui de l'Offertoire, se contente de quelques notes conjointes qui descendent et montent mais où passe toute la tendresse de l'âme pour l'Hôte divin qui est avec elle.
L'intonation paisible ; de même concipiet dont les podatus seront bien posés. Ceux de pariet aussi, tout le sommet en sera élargi. Le lier étroitement à Filium qui sera à peine retenu afin que l'enthousiasme aille croissant sur et vocabitur. C'est une bivirga qu'il y a sur vo. Retenir quelque peu tur. Beaucoup de grâce et de ferveur sur Emmanuel, qui sera très ralenti.
- Polyphonies pour l'Avent
- L'hymne Creator alme siderum en alternance grégorien/polyphonie
- L'hymne Creator alme siderum en grégorien
- Les cantiques de l'Avent (CD)
- Les cantiques de l'Avent (Partitions)
Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici
Les Gloria Patri sont supprimés (Asperges me, introït, psaume Lavabo). Les crucifix sont voilés.
Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.
LEÇONS DES MATINES : Prophétie de Jérémie sur la Passion du Christ.
ÉPÎTRE : (Heb. IX, 11-15). Les fruits de la Passion. Le Christ, Grand Prêtre par nature, entre dans le Tabernacle divin, Le Ciel, avec son sang et, remplissant son rôle de médiateur, rachète le monde une fois pour toutes.
ÉVANGILE : (Jean VIII, 46-59). Les Juifs accusent Notre Seigneur d’être possédé et essaie de le lapider.
STATION : Saint Pierre.
IDÉE CENTRALE : La Rédemption du monde par la Passion et la mort du Christ, annoncée par le prophète, réalisée par Notre-Seigneur et présentée par Saint Paul dans sa splendeur éternelle.
INTROÏT
LE TEXTE
Rends-moi justice, ô Dieu, et discerne ma cause de la nation qui n’est pas sainte. De l’homme mauvais et fourbe, délivre-moi, car tu es mon Dieu et ma force.
Ps. – Envoie ta lumière et ta vérité : elles me guideront et m’amèneront à ta montagne sainte et à tes Tabernacles. Ps. XLII. 1,2,3.
Le Psaume XLII fut composé dans la captivité. Le psalmiste, interprétant la prière des captifs, demande à Dieu de rendre justice à son peuple, pour le bien qui est en lui, de ne pas le confondre avec la race idolâtre qiu l’opprime, et de lui rendre la lumière qui le dégagera des dangers et le guidera vers la montagne sainte et son temple.
Lorsque Notre Seigneur, au cours de sa vie, eut à réciter ces versets, ils prirent évidemment sur ses lèvres un autre sens, leur sens total. Il demandait vraiment que justice lui fût rendue. En tant que Dieu, il n’avait pas à le demander, il était l’égal du Père; en tant qu’homme non plus, car il était d’une absolue pureté. Mais il avait pris sur lui tous les hommes; il les avait à ce point insérés dans sa personnalité qu’ils était vraiment quelque chose de lui, comme les branches sont quelque chose de l’arbre. » Je suis la vigne, vous êtes les branches… » Il les avait pris avec leurs péchés et, parce que ces péchés étaient un obstacle à leur union avec lui, il avait résolu d’en assumer la charge devant le Père et de les expédier; ce qu’il faisait depuis le commencement de sa vie et qu’il allait achever dans sa Passion et sa Mort.
Lorsqu’il disait : » Rends-moi justice« , il demandait donc que le Père le regardât comme justicier, lui et tous les hommes qui, dans la suite des temps, entreraient dans son sacrifice et en recevraient les fruits; et il le demandait comme un droit, en tant que Verbe fait chair, en tant que Christ.
Il demandait aussi que sa cause fut discernée de celle des hommes qui refuseraient la Rédemption et qui formaient, dans sa vision de l’avenir, la nation non sanctifiée, les réprouvés de Dieu.
Enfin, il implore Dieu de le délivrer de ses ennemis, qui allaient s’acharner sur lui jusqu’à son dernier souffle, et de tous ceux qui continueraient, sous une forme ou sous une autre, de le persécuter dans ses membres.
Cette prière, le Christ, dans la gloire, continue de la dire pour la partie de son humanité collective qui est encore dans les épreuves de la Passion; avec lui, L’Église, consciente de ses fautes, la dit aussi. C’est ainsi qu’elle nous arrive chaque année, comme la voix du Christ souffrant nous atteignant à travers les siècles, comme la voix du Christ glorieux intercédant pour nous, comme la voix du Christ vivant dans l’église qui continue sa passion, et comme la nôtre, incluse dans la sienne.
LA MÉLODIE
Elle commence comme la prière extrêmement humble d’un homme accablé. Judica me Deus. Le Christ sait qu’il a droit à la justice, mais Il porte sur lui nos péchés et il en a honte; il en souffre; il les regrette comme s’ils étaient les siens; il en a le coeur brisé, le coeur contri. Voilà bien le sentiment de cette première incise: une prière de contrition, réservée, retenue, sans élan; seul le salicus de Judica me y met une certaine insistance, tout de suite atténuée d’ailleurs par le si b.
Mais voici qu’un autre sentiment se lève et domine. À l’idée d’être confondue avec ceux qui ne veulent pas se repentir, une sorte de répulsion envahit l’âme du Christ et donne à sa prière un accent à la fois de protestation indignée, de supplication ardente, de douleur et d’effroi. Cette expression qui se dessine à partir de causam meam atteint son maximum d’intensité sur la double note de gente – une bivirga épisématique. Ce n’est plus la prière qui demande humblement, c’est le cri de toute l’âme tendue vers la justice du Père.
L’idée est la même dans la seconde phrase, mais la progression en est plus étendue ; elle se fait lentement sur ab homine, comme si le Christ s’appliquait à modérer l’horreur qui monte en lui. Elle éclate pourtant à nouveau et plus poussée; eripe me est un véritable appel de détresse. Le fait qu’il s’achève à la quinte supérieure en une cadence sur si, lui donne encore un caractère de souffrance plus aiguë.
La troisième phrase est tout autre. Le Christ ne demande plus, il ne se plaint plus, il fait confiance. Tout le long des neumes qui redescendent paisibles vers la tonique, il n’y a plus qu’une tendresse confiante, abandonnée, sûre d’avoir ce qu’elle veut du Père infiniment aimant, juste et fort. Elle est particulièrement expressive dans la première incise avec le si naturel de Deus, qui y met une clarté de paix, et la distropha de meus d’une si intime ferveur.
Le Psaume, par son caractère discret, paisible et lumineux, entre bien dans le développement de cette nouvelle idée; l’âme, ranimée par son abandon en la force du Seigneur, se livre à lui, heureuse et confiante, pour qu’il la conduise à la montagne du sacrifice et, par-delà le sacrifice, au lieu de sa béatitude.
GRADUEL
LE TEXTE
Délivre-moi, Seigneur, de mes ennemis. Enseigne-moi à faire ta volonté.
Verset. – Délivre-moi, Seigneur, des nations en furie. De ceux qui m’attaquent, tu me feras triompher. De l’homme inique, tu m’arracheras. Ps. CXLII, 9-10. XVII, 48-49.
Deux idées bien différentes. La première partie est une prière pour la délivrance et la parfaite soumission à la volonté divine; le Verset, un cri de foi et d’absolue confiance.
Cet appel au secours, mêlé de soumission humble et d’inébranlable espoir, qui fut si souvent lancé vers Dieu par David en ses heures d’épreuves, s’applique pleinement à Notre Seigneur, au jour de sa Passion. De quelle âme, à la fois accablée et forte, dût-il le répéter, quand tout le monde, de tous côtés, s’acharnait contre lui !
Il demeure toujours d’actualité sur ses lèvres. Lui, dans la gloire, n’a plus à subir les coups de ses ennemis, mais ses membres qui sont sur la Terre ont besoin, eux, d’être délivrés de leurs ennemis toujours actifs; besoin aussi de l’esprit de soumission.
Il le demande pour eux et eux le demandent avec lui; puis, réconfortés par son acte d’éternelle Rédemption que saint Paul vient de leur rappeler dans l’Épître et assurés déjà d’être exaucés, ils chantent, dans l’ardeur de leur foi vibrante de certitude, leur Libérateur. Liberator meus…
LA MÉLODIE
La première incise, à quelques détails près, est celle du Graduel Exsurge du IIIe Dimanche de Carême .
C’est la même expression que dans le début de l’Introït; le Christ, accablé, se tourne vers son Père mais sans pouvoir se dégager de tout ce qui pèse sur lui. Toute humble sous le péché, sa prière ne monte pas. Même lorsque Domine, le nom divin, est amené, avec tout ce qu’il évoque de miséricorde, elle demeure réservée, timide jusqu’en la nuance de tendresse qu’il y met.
Au début de la seconde incise, à l’idée de ses ennemis, le Christ se relève de sa prostration comme s’il était soudain saisi d’effroi, et c’est une supplication ardente qu’il lance cette fois. D’un bon, la mélodie quitte le grave, touche la dominante sur inimicis, qu’elle accuse d’un salicus très marqué, puis se fait de plus en plus insistante, de plus en plus pressante, sur les distrophas, les répercussions, les torculus allongés de meis. La réserve a disparu devant le danger.
Dans la seconde phrase, l’objet de la prière n’est plus le même. Le Christ sait que le Père ne le délivrera que quand tout son sacrifice aura été accompli; il fera donc sa volonté et de tout coeur, mais il a besoin de son aide. Doce me… Quel admirable accent sur ces deux mots ! Une prière où l’on sent encore un peu d’angoisse, mais si soumise! De plus en plus apaisée sur la belle vocalise de facere, elle s’élève sur voluntatem tuam en un très beau mouvement de ferme assurance, que la répétition des notes répercutées ponctue de certitude et de ferveur. Quelle que soit la volonté du Père, elle sera faite jusqu’au dernier souffle, avec amour.
Verset. – Après l’humble prière, l’espoir vibrant de certitude. Le Christ lance vers le Père le cri de sa confiance inébranlable dans une mélodie claire, ferme, joyeuse, toute pénétrée d’amour aussi et à laquelle il donne déjà un accent de triomphe comme s’il anticipait la victoire.
Liberatuor meus… Notez que cette première incise est une exclamation; elle n’a pas de verbe. Aussi la mélodie a-t-elle quelque chose de direct, de spontané, de vif. Cet empressement de l’âme, heureuse dans la force de sa confiance, passe dans le magnifique élan de ce premier mot, se développe sur meus dans le motif exaltant, deux fois répété, qui l’emporte jusqu’au mi; puis, redescendant vers la tonique du Ier mode, s’enveloppe d’une tendresse reconnaissante sur Domine, avant de rebondir, une fois encore, sur gentibus iracundis, dans la joie de la délivrance et l’espoir de la juste vengeance qui vient.
Il y a moins que des fusions dans la seconde phrase. Sur insurgentibus in me, le poids de l’oppression est à nouveau évoquée; la montée est lente et il y a une nuance de plaintes dans les torculus qui descendent vers la cadence en mi. Mais la joie exaltante revient sur exaltabis me qui s’élève à la tonique dans un redressement fier, noble, et plein de la même confiance vivante et forte.
L’idée de l’homme mauvais, dans la troisième phrase, change ce cri d’espoir en une ardente supplication. Il semble bien que cet être mystérieux soit l’ennemi par excellence, et celui qui fait le plus souffrir. C’est peut-être l’horreur que cause au Christ l’expérience qu’il a eu de ces attaques, en même temps que le désir qu’il a d’en délivrer à jamais ses membres qui donnent à la bivirga de a viro cette insistance si marquée qui pénètre ensuite tous les mots de l’incise.
La confiance, baignée de joie reconnaissante, revient sur eripies me, à la reprise du choeur. Le dernier motif est particulièrement heureux; c’est la troisième fois qu’on l’entend, mais le voisinage du fa et du si naturel lui confère ici un admirable caractère de suavité; l’âme n’est plus seulement dans la confiance, elle est dans la paix et elle en jouit.
TRAIT
LE TEXTE
1. Bien des fois ils m’ont assailli depuis ma jeunesse.
2. Il le dit maintenant, Israël : bien des fois ils m’ont assailli depuis ma jeunesse.
3. Pourtant ils n’ont pas pu prévaloir sur moi. Sur mon dos, ils ont tracé des sillons, les pécheurs.
4. Ils ont prolongé leur iniquité à eux. Le Seigneur brisera le cou des pécheurs. Ps. CXXVIII, 1-4.
Dans le psaume, c’est le peuple juif qui raconte ce qu’il a eu à souffrir et qui proclame, pour finir, en un mot de dure vengeance, la certitude que le Seigneur aura le dernier mot.
Le sens liturgique est le même; il n’y a qu’à remplacer Israël par le Christ, et L’Église qui le continu. Le Christ, persécuté dès son enfance, demeure imprenable jusqu’à son heure, comme on va le voir dans l’évangile, et est finalement vengé par le Dieu tout puissant au matin de sa Résurrection. Ainsi l’Église, persécutée tout au long de son histoire, dure, tandis que, les uns après les autres, ses ennemis sont terrassés par la mort, en attendant le jour de la Résurrection dernière qui sera celui de l’éternelle vengeance de Dieu.
LA MÉLODIE
Il n’y a pas d’expression particulière qui tranche sur les formules communes. Il faut signaler toutefois l’intonation des versets; grave dans les deux premiers, qui évoque les souffrances du Christ; plutôt joyeuse dans les autres, qui chantent déjà son triomphe; sans presser le contraste toutefois.
OFFERTOIRE
LE TEXTE
Je te louerai Seigneur de tout mon coeur. Donne son salaire a ton serviteur. Je vivrai et je garderai tes lois. Vivifie-moi selon ce que tu as dit, Seigneur. Ps. CX, 1 – CXVIII, 15, 25.
Ces idées, très communes dans les psaumes, forment un commentaire très heureux de l’évangile. L’âme loue le Seigneur pour la sagesse qu’il a déployée dans sa lutte contre les Pharisiens; puis, reprenant en quelque sorte l’idée qui fait le fond de l’incident « si quelqu’un garde ma parole, il vivra« , elle la lui retourne sous forme de prière : donne-moi ta grâce et je vivrai, je garderai sa parole; infuse-moi la vie, selon ce que tu as dit. Chantée au moment où est offerte la matière du sacrifice qui va donner le Pain de vie, cette prière prend un sens plus actuel encore.
LA MÉLODIE
Elle n’a pas le caractère douloureux des mélodies du temps de la Passion. Aussi bien, ce n’est pas le Christ qui parle et il ne s’agit pas de ses souffrances. C’est de joie au contraire qu’elle est toute pénétrée. L’âme est heureuse de ce qu’elle vient d’entendre et c’est le bonheur qu’elle a d’être avec le Seigneur, le bonheur très simple et très intime de recevoir son amour et de lui donner le sien, qu’elle chante. Il n’y a pas autre chose dans tout l’Offertoire; qu’il s’agisse de la louange de la première phrase ou de la prière des deux autres, tout est pénétré de la même joie extrêmement paisible, douce, intérieur, contemplative – le mot est exact car l’âme chante pour Dieu seul – avec des nuances très délicates d’ailleurs; tels les accents de ferveur qui s’épanouissent sur le pressus de tibi et sur le torculus de toto corde.
La prière qui occupent les deux autres phrases ne supplie pas, ne presse pas; elle demande, simplement. Il y a toutefois quelque chose de plus vif dans vivam et custodiam – c’est une promesse que l’âme fait à Dieu – quelque chose de plus pleinement satisfait aussi dans la cadence en fa sur tuos, comme si le secours du Seigneur faisait entrevoir un avenir plus heureux encore. L’expression est la même dans l’admirable balancement de vivifica me qui met le pronom en un si délicat relief par le rebondissement de tristropha. Il se renouvelle sur verbum tuum avec plus de grâce encore, la grâce paisible d’un amour que rien ne trouble et qui est devenu, parce qu’il est très simple, toute la vie de l’âme. Un dernier accent de ferveur sur le pressus de tuum et tout s’achève sur la cadence pleinement reposée du Ier mode.
COMMUNION
LE TEXTE
Voilà le Corps qui pour vous sera livré… Ce calice est celui de la nouvelle alliance en mon sang, dit le Seigneur. Cela, faites-le chaque fois que vous en prenez en ma mémoire. I Cor. XII, 24.
Ce sont les mots même par lesquels le Christ Jésus à réalisé le sacrifice eucharistique et donné à l’église le pouvoir de le réaliser à nouveau.
Ils sont toujours actuels, et pour le Christ glorieux et pour son Église. Il faut les entendre ici comme la présentation qu’il fait lui-même de son corps et de son sang à ceux qui communient et comme l’invitation qu’il leur adresse de faire ce qu’il a fait : se livrer pour le salut du monde.
LA MÉLODIE
La première phrase est empreinte de sérénité, de paix profonde et heureuse; la paix du Christ qui est arrivé à son heure, qui réalise enfin ce à quoi Il a été prédestiné : le sacrifice qui sauve le monde. Rien de dramatique; la simplicité. Quelques notes qui brodent autour de la tonique; c’est toute la première incise. La seconde débute sur le même motif, s’élève à la tierce et, après une demi-cadence sur le la, se pose en fa par le si naturel dans une impression de paix absolue.
L’expression de la deuxième phrase n’est pas la même, c’est l’invitation au sacrifice. Le Christ se fait pressant. On sent l’ardeur du désir qui le brûle : desiderio desideravi… Très marqué dès le début par la clivis allongée sur la dominante, elle va s’intensifiant jusqu’aux pressus de quoties cumque où elle éclate émouvante; elle s’atténue alors sur sumitis et meam, et la paix sereine du début revient, enveloppant toute la cadence finale dans un balancement très simple et très doux.
Polyphonies pour le temps de la Passion
Cantiques pour le temps de la Passion (CD 1, pistes 12 à 16)
Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici