Dimanche des Rameaux

Table des matières

La Semaine sainte est le sommet de l’année liturgique. Le répertoire est riche, beau, mais tout n’est pas accessible à tout le monde.

Afin de vous aider dans les choix de répertoire, nous vous proposons des séquences audio d’explications sur ces cérémonies hors du commun et qu’il convient de bien préparer en tenant compte des capacités de votre chorale. Ces explications sont données pour les 4 grandes cérémonies (Rameaux, messe vespérale du Jeudi-Saint, Fonction liturgique du vendredi-saint, Veillée pascale.

Vous trouverez la partition du Trait du dimanche des Rameaux en polyphonie (avec alternance grégorienne) dans notre base de téléchargement.

Le livre latin français, La Semaine Sainte est le guide parfait pour suivre les cérémonies de la Semaine Sainte.

Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.

L’office comprend deux cérémonies bien différentes :

La bénédiction des Rameaux , qui commémore l’entrée triomphale de Notre Seigneur à Jérusalem, et la messe , qui est toute consacrée à la Passion, dont le récit de saint Mathieu est élu à l’évangile.

BÉNÉDICTION DES RAMEAUX

C’est le titre de cette première cérémonie dans le missel. En fait, le véritable objet en est l’entrée triomphale de Notre-Seigneur.
Dès le IVe siècle, les habitants de la Cité Sainte commémoraient cet événement. Ils se réunissaient à Bethphagé, à l’endroit même d’où partit Notre Seigneur. On y lisait un passage de l’exode puis, dans l’évangile, le récit de l’entrée à Jérusalem. Après quoi, l’évêque, revêtu des ornements pontificaux, montait sur un ânon et était conduit en cortège à l’église du saint sépulcre où la messe était célébrée. Cet usage, adopté à Rome vers le IXe siècle passa dans la liturgie occidentale. On y ajouta toutefois la bénédiction des rameaux avant le départ de la procession et l’arrêt à la porte de l’église à la fin. C’est ce que nous avons aujourd’hui.

Cinq parties donc dans la cérémonie :

  1. LE DÉPART
  2. LA BÉNÉDICTION ET LA DISTRIBUTION DES RAMEAUX
  3. LA PROCESSION
  4. L’ARRÊT À LA PORTE DE L’ÉGLISE
  5. L’ENTRÉE DANS L’ÉGLISE

I. LE DÉPART

Cette première partie est organisées comme la messe des catéchumènes : une antienne d’introït, l’oraison, l’épître, un Répons-Graduel, l’évangile.

Antienne d’Introït Hosanna
LE TEXTE

Hosanna au Fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des Cieux !

Hosanna est une acclamation de la langue hébraïque qui veut dire : Sauve. Le sens en est donc ici : Salut au Fils de David ! Peut-être la traduction la plus fidèle serait-elle : Vive le Fils de David !
Ce sont les paroles mêmes que les Juifs lançaient avec enthousiasme sur le passage de Notre Seigneur.
En même temps qu’il les entendait, criées par la foule, il nous entendait, nous aussi, les chanter à notre place dans le temps, de sorte que dans la liturgie qui étend jusqu’à nous l’entrée du Christ à Jérusalem, elles sont sur nos lèvres une réalité bien vivante.

LA MÉLODIE

Les deux Hosanna, par leur élan en quinte, sont une très belle acclamation, spontanée, vive, enthousiaste. Le benedictus est plus tempéré, surtout dans sa partie thétique, avec même une nuance de gravité sur in nomine Domini. Le rythme de Rex Israël évoque l’enthousiasme éclatant des grandes foules.

II. LA BÉNÉDICTION ET LA DISTRIBUTION DES RAMEAUX

C’est une bénédiction très solennelle, qui comprend le chant de la Préface et du Sanctus. Elle est suivie de la distribution

Antienne Pueri Hebraeorum
LE TEXTE

Les enfants des Hébreux, portant des rameaux d’olivier, allèrent au devant du Seigneur, criant et disant : Hosanna au plus haut des cieux !
Les enfants des Hébreux, leurs vêtements, jetaient sur le chemin et ils criaient disant : Beni celui qui vient au nom du Seigneur !

C’est une composition libre dans le sens du texte de l’évangile. Elle est chantée comme une évocation de l’accueil triomphal que les Juifs réservèrent à Notre Seigneur et dans lequel nous allons entrer à notre tour.

LA MÉLODIE

Elle est légère, joyeuse, fraîche et elle a le souci de mettre en relief, dans le cadre restreint de l’antienne, l’acclamation de la fin.

III. LA PROCESSION

Antienne Cum appropinquaret
LE TEXTE

Comme il approchait, le Seigneur, de Jérusalem, il confia une mission à deux de ses disciples : allez à ce village qui est en face de vous et vous trouverez le petit d’une ânesse lié, et sur lequel aucun homme ne s’est assis : déliez-le et amenez-le moi. Si quelqu’un vous interroge, dites : le Seigneur en a besoin. Le détachant, il l’amenèrent à Jésus. Ils posèrent sur lui des manteaux et il s’assit sur lui. Les uns étendaient leurs vêtements sur le chemin, les autres jetaient des branches d’arbres et ceux qui suivait criaient : Hosanna ! Béni Celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni le règne de notre Père David ! Hosanna au plus haut des cieux ! Aies pitié de nous, Fils de David.

C’est un arrangement du texte des Évangiles. L’auteur a pris ici et là, dans saint Mathieu, saint Marc et saint Jean, ce qui convenait. Il a seulement ajouté la dernière phrase, Miserere nobis, Fili David. L’Église le chante pour évoquer l’événement historique et pour donner à ses membres, au moment où il revit devant eux, d’y entrer, avec les mêmes gestes et les mêmes sentiments que ceux qui en furent les acteurs.

LA MÉLODIE

Elle est un récitatif orné; mais, à l’encontre du Répons Collegerunt, l’auteur ne l’a pas dramatisé. Il n’y a rien qui caractérise nettement ni le récitant ni le Christ. Seul le rôle de la foule est vraiment écrit comme une acclamation; l’Hosanna de la fin en particulier est splendide de grandeur et d’enthousiasme vibrant.

Ce qui est le plus curieux, ce sont les brusques changements de teneur; la mélodie passe du grave à l’aigu sans transition. Quant elle le fait au changement d’interlocuteur, c’est d’un très heureux effet; comme entre opus Domino, dernier mot de Notre Seigneur, et opus Dominoet solventes, reprise du récit. Ailleurs, on est un peu surpris, encore que, musicalement parlant, ce soit très beau.

IV. L’ARRÊT À LA PORTE DE L’ÉGLISE

Cette cérémonie symbolise l’entrée du Christ et des élus dans la Jérusalem céleste. Le péché en avait fermé les portes. La mission du Christ est de les ouvrir à nouveau. C’est lui qui, en la personne du Pontife, se tient à la porte. À l’intérieur, les Anges le saluent d’un hymne de gloire. À l’extérieur, les élus qu’Il amène avec lui répondent. À la fin, son heure étant venu, il ouvre la porte avec sa Croix et, accompagné des élus, passe dans la gloire.
Ainsi la cérémonie des Rameaux, s’élargissant à l’infini, s’achève, par-delà la Passion et la Résurrection du Christ, dans la résurrection de tous ses membres, uns avec lui, dans la gloire, a jamais.

Gloria laus
LE TEXTE

Gloire, louange et honneur soient à toi, Roi, Christ, Rédempteur; à qui la fleur de l’enfance chante l’Hosanna pieux.
D’Israël tu es Roi, de David noble rejeton, Toi qui vient, Roi béni au nom du Seigneur !
Toute l’armée angélique te loue dans les hauteurs, et l’homme mortel, et toutes les créatures ensembles.
Le peuple hébreu au devant de toi avec des palmes vient. Avec notre prière, notre souhait, nos hymnes, nous voici, nous aussi, devant toi.
À toi qui allait souffrir, ils offraient le tribut de leurs louanges. Nous, c’est à toi qui règne maintenant, que nous adressons ces chant.
Ils te plurent. Que te plaise aussi notre dévotion, Roi bon, Roi clément, à qui tout ce qui est bon plaît.

Ainsi, comme on le voit, sans que l’auteur l’ait voulu, ce chant se trouve parfaitement adapté à ce dialogue de louanges entre la terre et le ciel qui glorifie le Christ triomphant.

LA MÉLODIE

Elle est un chef-d’oeuvre, tout le monde en convient. Le premier verset Gloria laus n’a peut-être pas l’élan qu’on souhaiterait pour l’entrée du Christ et des élus dans les splendeurs de la gloire; aussi bien n’a-t-il pas été fait pour une si grandiose acclamation. Il reste qu’il a quelque chose de fort qui convient bien à un conquérant. Les autres versets sont débordants de fraîcheur et de joie aimante. Une seule phrase, répétée deux fois; c’est tout simple mais, incontestablement, le souffle de l’inspiration y passe.

V. L’ENTRÉE DANS L’ÉGLISE

Répons Ingrediente
LE TEXTE

À l’entrée du Seigneur dans la cité sainte, les enfants des Hébreux, annonçant la résurrection de la vie,

* avec des branches de palmiers en main, Hosanna, criait-il, au plus haut des cieux !
Versets. Comme il avait appris, le peuple que Jésus venait à Jérusalem, il alla au devant de lui.
* avec des branches de palmiers…

Ces paroles sont, comme les autres, inspirées de L’Évangile. L’auteur a seulement dégagé, des rameaux printaniers, le symbolisme de la vie revenue et de la Résurrection du Christ et de ses membres, qui est le sens de cette dernière cérémonie.

LA MÉLODIE

Elle n’a pas l’éclat qu’on attend d’une antienne qui chante l’entrée triomphale d’un héros et la victoire de la vie sur la mort. Elle a quelque chose de réservé, de retenu. Avec de beaux élans toutefois; tels Hebraeorum et Hosanna clamabunt où passe facilement, si on veut l’y faire passer, le souffle de l’enthousiasme.
Elle a du moins le mérite, si c’en est un, de faire la transition entre les hosannas éclatants de la procession et les chants douloureux de la messe qui va commencer.

LA MESSE

Après l’entrée triomphale à Jérusalem, la Passion
Toute la messe y est consacrée : l’épître rappelle l’abaissement du Christ, jusqu’à la mort de la Croix; l’évangile en fait le récit; les chants, eux, expriment quelque chose du drame intérieur, quelque chose des états d’âme par lesquels Notre Seigneur passa au cours de ces heures de souffrance.
Encore que l’événement historique occupe toute la scène, il ne faut pas perdre de vue qu’il revit devant nous sous les rites liturgiques et que les mystères du Christ, en agonie jusqu’à la fin du monde dans ses membres, est une réalité. Le sens liturgique devient ainsi très actuel et le drame à toute son étendue et toute sa portée.

INTROÏT
LE TEXTE

Seigneur, n’éloigne pas ton secours de moi. À ma défense, veille. Délivre-moi de la gueule du lion et (garde) des cornes des licornes, ma faiblesse.

Ps.Dieu, mon Dieu, regarde moi : pourquoi m’as tu abandonné? Elles me mettent loin de mon salut, les voies de mes péchés. Ps. XXI, 20, 22, 1.

Le Psaume XXI est messianique au sens le plus strict, c’est donc du Christ que David écrivait ces paroles, encore qu’elles puissent s’appliquer à maintes circonstances de sa propre vie.
Le Christ, en face de la souffrance et de la mort qui sont devant lui et qu’il ne peut éviter, a peur. Il sent, dans sa nature humaine, l’horreur de ce châtiment du péché qui va détruire dans son corps l’oeuvre magnifique de Dieu, la vie; et il appelle au secours le Père pour qu’il le délivre. Prière de son agonie; prière de ses derniers instants sur la Croix; prière de son éternité, non pas pour lui qui a fini de souffrir, mais pour ses membres, pour son humanité collective qui prolonge sa Passion sur la Terre; enfin, prière toujours actuelle de cette humanité qui trouve, dans les mots mêmes dont son Chef s’est servi, la parfaite expression de ce qu’elle souffre, quand vient sur elle l’épreuve de la croix.

LA MÉLODIE

La première phrase est d’une admirable sérénité. Quelques notes dans le grave, revenant à la tonique en des cadences larges et pleines. Un accent de ferveur sur tuum et une insistance bien marquée sur a me donne à la prière un caractère très personnel, on dirait bien familial : ton secours à toi, Père, pour moi, ton Fils.
Toutefois on pourrait y déceler déjà les premières nuances de l’angoisse qui vient.
Celles-ci montent peu à peu sur ad defensionem meam et, après avoir jailli sur aspice en un cri d’ardente supplications, passent à la phrase suivante où elles mettent sur libera me une insistance, répétée jusqu’à être émouvante.
Après quoi, comme si le Christ était épuisé par cet appel de détresse, sa prière se fait plus paisible. Par deux fois – sur ore et sur a cornibus – le motif de ad me, dans la première phrase, revient avec son caractère d’intimité; mais, à l’évocation des bêtes féroces, symbolisant toutes les tortures physiques et morales qui viennent sur lui, il se sent à nouveau envahi d’horreur et de répulsion, et c’est le même appel ardent et chargé d’angoisse qu’il lance au Père sur humilitatem, le mot même par lequel il dit sa faiblesse et son impuissance.

L’idée est la même dans le Psaume. Il faut lui donner le même caractère.
Que la première phrase soit très calme; chantée à mi-voix. On donnera un peu de longueur à la première note du podatus de ne; le pressus, discret.
C’est dans l’arsis de defensionem que commencera le crescendo de l’angoisse. Bien accentuer meam, mais que la tristropha soit délicatement posée. Renforcer la voix sur le torculus et la conduire vers le podatus de aspice dont la première note sera allongée. Il y a là un accent de prière émouvant. La double note de la dernière syllabe est une bivirga épisématique, la faire sonore, et quelque peu prolongée.
Celle de libera me est aussi une bivirga, épisématique : lui donner du poids, avec une délicate répercussion; la prière ici, toujours ardente, insiste.
Bien appuyer la bivirga, les épisèmes horizontaux et la distropha. Et revenir peu à peu au calme. Renouveler l’insistance sur humilitatem; la note double pourra être répercutée et celles qui précèdent le quilisma, allongées.

GRADUEL
LE TEXTE

Tu as tenu ma main droite, dans ta volonté tu m’a conduit, et dans ta gloire tu m’a pris.
Verset.  – Qu’Il est bon, le Dieu d’Israël ! Ils ont été presque défaillants, mes pieds, ils ont été presque chancelants, mes pas, parce que je me suis troublé à cause des pécheurs, en voyant la paix des pécheurs. Ps. LXXII, 24, 1-3.

Le Psaume LXXII est le chant de reconnaissance d’une âme qui se trouve hors de l’épreuve après avoir presque douté de la sagesse de Dieu, et qui loue le Seigneur de l’avoir gardée dans sa volonté. L’Église applique ces trois versets au Christ souffrant, ou mieux au Christ consolé. C’est lui qui déchante ici, à la fois comme une paraphrase de l’épître et comme un émouvant prélude au récit de la Passion qui va suivre.

Saint Paul vient de nous dire quelle gloire lui a valu l’abaissement de sa Passion. Cette glorification ne se réalisa extérieurement qu’après Pâques, et ce n’est qu’à la fin des temps qu’elle aura sa plénitude; mais, parce qu’il jouissait à tout instant de la vision de la béatification, son abaissement n’a jamais été tel qu’il ait perdu un seul instant la paix et la joie que, même aux heures les plus terribles de son épreuve, elle mettait dans les profondeurs de son âme. S’il a permis, à certains moments, que sa sensibilité en fût privée, les ténèbres et les angoisses qu’il subissait alors n’étaient que passagères; leur part de passion réalisée, la lumière et la paix y revenaient. Il devait alors sentir en lui un bonheur profond et une reconnaissance infinie pour le Père sage et bon qui, dans l’épreuve, l’avait guidé et soutenu.

C’est ce qu’il chante dans le Graduel; ce que fut la paix de son âme profonde, tout au long de sa Passion et ce qu’elle est à jamais maintenant dans la gloire. Et c’est aussi ce que nous chantons avec lui; la paix de notre âme dans notre passion, de notre âme éclairée de la lumière du Christ, soutenue de sa force, enveloppée déjà dans la gloire du Père, vers qui va toute épreuve.

LA MÉLODIE

On n’y trouve pas de tristesse, ni d’angoisse, ni le moindre signe de souffrances ou de lourdeurs d’âme, mais un mélange de complète satisfaction, de tendresse et de paix.

Dans la première partie, le Christ s’adresse au Père. Il ne chante que pour lui. Après l’intonation, si expressive de bonheur et de tendresse dans son élan discret et la plénitude de ses intervalles, la mélodie ne se meut que sur quelques notes autour du fa. Elle s’élève un peu sur les verbes qui précisent l’action divine : deduxisti me, assumpsisti me et c’est tout. Beaux mouvements d’ailleurs, s’achevant sur me en des cadences délicatement humbles qui laissent inachevées, parce qu’indicibles, la reconnaissance et l’amour.

Le verset. – Le Christ ici ne s’adresse plus au Père; c’est au monde entier qu’Il proclame la bonté divine, comme s’il ne pouvait contenir sa reconnaissance dans les limites de l’intime contemplation. Le ton est donc tout autre.

La première phrase est une exclamation de pure louange. Le Christ laisse sa voix s’élever sur Quam bonus en un élan d’admiration joyeuse et de gratitude; puis, il enveloppe Deus et rectis corde de longs neumes qu’il étend, retarde, multiplie comme s’il les trouvait impuissants par eux-mêmes à exprimer tout ce qu’il a à dire.

La seconde commence par les derniers neumes du motif de deduxisti me. Il lui donne tout de suite quelque chose de plus réservé. Aussi bien ce n’est plus de la louange pure : le Christ confie ses épreuves. Toutefois, même au milieu des souvenirs de ces heures sombres, il ne peut se départir de la joie que le Seigneur, en dépit de tout, lui a gardée. Cette joie réapparaît vite et enveloppe moti sont pedes de la même formule que rectis corde et de la même atmosphère de paix heureuse.

Dans la troisième, la réserve est plus marquée et elle demeure. La mélodie descend dans le grave tout de suite et ne remonte que sur le motif de dedixisti me et de mei autem, ramené sur gressus mei.

Cette gravité désormais ne la quittera plus. Ce n’est pas que la joie ait disparu; elle est partout sous-jacente, mais l’enthousiasme du début n’est plus.

Le Graduel finissant sur cet humble aveu, il semble que l’idée ne soit pas conduite à son terme; on aimerait que la louange vînt à nouveau chanter la reconnaissance. Primitivement, il en était ainsi. Il y avait au cours du verset une reprise en refrain, à tour de rôle, de chacune des phrases de la première partie. Tenuisti après rectis corde; in voluntate après gressus mei , et cum gloria après peccatorum videns. Ce mélange de contemplation et de louange extérieure donnait au Graduel une merveilleuse unité et un parfait achèvement.

OFFERTOIRE
LE TEXTE

L’insulte, il l’attendait, mon coeur, et la misère. Et j’ai attendu quelqu’un qui avec moi sympathisât, et il n’y a eu personne; quelqu’un qui me consolât j’ai cherché, et je n’ai pas trouvé; et ils m’ont donné pour nourriture, du fiel; et ma soif, ils l’ont étanchée avec du vinaigre. Ps. LXVIII, 21-22.

Le  Psaume LXVIII est messianique au sens le plus strict. C’est deux versets ont donc en eux-mêmes leur sens liturgique ; il nous livre la plainte qui était au coeur du Christ dans les derniers instants de sa vie. Elle nous arrive ainsi par-delà les âges dans toute sa douloureuse réalité, mais elle continue d’être la plainte du Christ glorifié; non pas qu’il souffre désormais, mais il a souffert dans sa Passion de tout ce qui l’atteint aujourd’hui. Il suffit de lire les révélations qu’il a faites à Sainte Marguerite-Marie et à tant d’autres pour s’en rendre compte. Les mots du Psaume qui furent l’expression intérieure de sa souffrance au Calvaire servent encore sa pensée aujourd’hui, hélas !

Il est impossible d’entrer totalement dans cette souffrance des abandons et des mépris; elle fut infinie. Il le faut cependant pour autant qu’on le peut. L’Évangile nous y prépare et la mélodie nous y aide grandement.

LA MÉLODIE

Elle n’est qu’une plainte, du commencement à la fin. Lourde et comme accablée sur improperium, elle s’élève peu à peu, s’intensifie, s’étale insistante sur cor meum, puis devient plus puissante et plus aiguë sur miseriam. C’est la plainte des opprobres, des insultes, de tout ce qui monte vers lui de la colline autour de la croix, et des siècles autour de la colline; de tout ce qui le couvre de honte et le submerge comme une eau fétide dont il ne peut sortir. Il n’attend plus rien. Il n’a plus d’espoir. Il n’aura, jusqu’à la fin, que la solitude.

Il a cherché. Et sustinui… et voilà que le souvenir de tout ce qu’il a fait et la vision de tout ce qu’il fera pour avoir ses amis avec lui, lui revient, avec la douleur des refus qu’ils lui opposent. La mélodie, toute entière construite sur des cadences en demi-ton, devient extrêmement douloureuse. Une insistance très prononcée sur non fuit par un salicus, un épisème horizontale sur la première note du porrectus, une répercussion sur le pressus de la cadence, met en plein relief cette douleur des abandons.

L’expression est la même dans la phrase suivante sur consolantem me, mais beaucoup plus forte, beaucoup plus violente. Sur et non inveni c’est un véritable cri. Il s’achève en une déception découragée tout le long de la descente sur fa.

Ce n’est pas tout. Il y a la contrepartie. Ceux qu’il a cherchés sont devenus ses ennemis et ses bourreaux : et dederunt... la plainte se ranime, elle insiste – notez la tenue et la répercussion – tant est inconcevable une telle ingratitude; mais elle n’est pas violente cette fois, seul le dernier mot, fel –  le mot de l’amertume – a une nuance aiguë nettement marquée.

C’est l’opposition de la méchanceté des hommes au désir ardent qu’il a eu de les aimer, qui, sous l’image du vinaigre offert à sa soif, provoque l’expression la plus forte, sur et in siti mea; un cri déchirant, prolongé sur l’épisème horizontale et qui s’achève sur mea en une descente brusque cette fois mais marquée, par le pressus, de tout le poids de la souffrance qui dure. Il ne se renouvelle pas; c’est le dernier. La mélodie aussitôt devient calme. Elle est toujours douloureuse, mais ne fait que se tenir sur quelques notes autour de la dominante. Aceto n’a pas d’expression forte; ce n’est pas de l’aigreur du vinaigre que le Christ se plaint mais de ce que sa soif n’est ni comprise ni apaisée.

COMMUNION
LE TEXTE

Père, s’il ne peut, ce calice, passer sans que je le boive, que soit faite ta volonté. Matth. XXVI, 42.

C’est le mot de l’acceptation soumise qui clôt la scène douloureuse de l’agonie; le mot par lequel le Christ s’offre à l’immolation.

Chanté au moment où les fidèles reçoivent le sacrement qui les transforme dans le Christ immolé, il garde pour eux le même sens précis. Il est le mot par lequel ils acceptent l’immolation qui vient. Ils se sont offert depuis l’Offertoire, Dieu les a acceptés; il leur reste à se laisser immoler tout au long des heures et des jours, par les souffrances, les épreuves, les difficultés, portées comme la Croix du Christ, dans l’esprit de la Rédemption.

LA MÉLODIE

L’intonation est empreinte d’une grande souffrance. Le Christ est à peine sorti de l’agonie où il a été terrassé par la vision de ce qui l’attend. La vision demeure et le fait trembler encore. Toutefois, dans cet appel qu’il lance vers le Père, il n’y a rien de violent. C’est une douleur d’accablement déjà toute pacifiée. Cette impression de paix se développe d’ailleurs tout de suite et prend même, sur la demi-cadence en sol de hic calix, une touche de joie intime et profonde. Il y a sur nisi bibam illum, notamment sur la cadence en si, un retour de douleur assez marqué, mais fiat voluntas tua, qui est le mot de l’acceptation proprement dite, est d’une admirable sérénité. La mélodie se pose sur la tonique en une cadence ferme et douce à la fois, et d’une telle plénitude, que ce n’est plus seulement la soumission qu’elle chante mais c’est la joie profonde du sacrifice.

Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici