Le livre latin français, La Semaine Sainte est le guide parfait pour suivre les cérémonies de la Semaine Sainte.
Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.
INTROÏT
LE TEXTE
Je suis ressuscité et encore avec toi je suis, Alleluia.
Tu as posé ta main sur moi, Alleluia.
Admirable s’est montrée ta science, Alleluia, Alleluia.
Ps. – Seigneur, tu m’as éprouvé et tu m’as connu,
Tu savais (à l’avance) mon coucher et mon réveil. Ps. CXXXVIII. 18, 5, 6, 1, 2.
Les trois versets du Psaume CXXXVIIIe n’ont en eux-mêmes aucune relation, directe ou indirecte, à la Résurrection ; le psalmiste chante la science parfaite de Dieu, sa providence, son infinie puissance ; c’est tout. Mais l’auteur de l’office, avec une sagesse profonde et un art admirable, les a mis sur les lèvres u Christ au moment précis où, vivant à nouveau, il se retrouve corps et âme, en présence de son Père. Il en a fait ainsi une des antiennes pascales les plus émouvantes.
Notre Seigneur les avait bien des fois prononcés au cours de sa vie, et, avec sa science infinie, il leur avait sans doute donné ce sens, que le Saint Esprit inspirerait un jour à celui qui serait chargé de composer le drame liturgique de sa Résurrection. Peut-être furent-ils vraiment ses premiers mots de ressuscité… En tout cas, ils expriment admirablement ce que dut être son premier hommage d’amour au Père qu’il retrouvait.
« Je suis ressuscité… » Le Christ prend conscience de la vie qui pénètre à nouveau son corps, il retrouve la parole ; son premier mot est celui de tous les miraculés : je suis guéri…je suis ressuscité…
Et tout de suite après : « je suis encore avec toi… » le mot chargé de tendresse par lequel l’Humanité Glorieuse du Christ dit au Père sa joie de le retrouver. Pas un instant l’âme de Notre Seigneur n’avait cessé de voir le Père face à face, mais son corps, lui, avait été bien mort, séparé de son âme trois jours durant ; en en reprenant possession l’âme l’associait à nouveau à sa vision : c’est dans ce sens que vraiment le Christ retrouvait son Père.
« Tu as posé ta main sur moi… » La reconnaissance, après la joie du revoir. Tu as posé ta main sur moi pour me conduire le long des voies que tu savais les meilleures pour la réalisation de l’œuvre que tu m’as confiée, pour me ramener vers toi, l’ouvrage fini. Elle fut lourde parfois ta main, et douloureuse en ces derniers jours : mais de la savoir sur moi, mettait, au fond de mon âme, la paix et la joie.
« Admirable s’est montrée ta science… » Si à certaines heures, pris de peur, je chancelais sous l’épreuve, toit tu voyais, tu savais ce que tu me demandais, où tu me conduisais, moi et le évènements et le monde et tous les hommes de tous les temps. Je vois si bien les merveilles de ta sagesse. Je les ai rachetés, les hommes, je les ai bien à moi, je les vois tous dans les siècles passés et dans ceux qui viennent et, les ayant bien présents à ma pensée, enveloppés en moi comme mes membres qui vont me prolonger, me continuer, me donner toute ma taille dans le monde, je te les présente et, à l’avance, je te dis pour eux le mot qu’ils te diront un jour : Resurréxi ; je suis ressuscité, Alleluia.
Ainsi faut-il comprendre cette parole du Christ au matin de sa Résurrection.
Dans le drame liturgique qui renouvelle devant nous le mystère, elle garde tout son sens. Le Christ, par la voix de ceux qui chantent, la redit et chacun, conscient du renouvellement de vie reçu par le Baptême et l’Eucharistie, se joint à lui, disant sa reconnaissance pour la résurrection spirituelle, une fois de plus réalisée et, à l’avance, pour l’autre qui, en tout semblable à celle du Christ, nous portera corps et âme au Père pour être avec lui à jamais. Resurréxi et adhuc tecum sum… Alleluia
LA MÉLODIE
Elle est proprement indéfinissable. Des mots murmurés par le Christ qui s’éveille, entre les pierres du tombeau, dans le silence de l’aube. Contemplation de l’âme qui les chante au Père qu’elle rejoint, elle aussi, dans l’élan de sa vie renouvelée. Elle n’a pas d’éclat, très peu de « mouvement ». C’est comme un récitatif orné qui se déroule dans une atmosphère de paix, d’intimité, de reconnaissance, de tendresse, de joie pleine. Mélodie d’extase, « l’extase de Dieu en Dieu… l’écho , traduit en langage créé, de la « conversation » qui se tient dans la trinité ad intra. Pour la chanter il faut pouvoir en toute vérité : Ego in te Pater, et tu in me. (Moi en toi, Père, et toi en moi). Elle est de quelqu’un qui est du Père et qui se déverse dans le Père ». (Dom J. Galard. Revue Grégorienne 1924. P. 64).
Cette paix extatique, se nuance toutefois avec les mots. L’intonation est développée d’une joie délicate, simple, spontanée et d’une sénérité admirable ; joie de réveil, joie de revoir. Elle s’attarde cette joie en un accent de tendresse sur la tristropha et va doucement en suivant seulement les mots, vers la fin de l’incise. Elle se complaît un instant sur sum puis se pose, paisible, sur l’Alleluia en des rebondissements légers qui l’amènent à la finale. Elle a trouvé là, dans la délicatesse du demi-ton et dans ce qu’a d’inachevé cette cadence du IVe mode, ce qu’il lui faut pour s’exprimer… autant qu’elle le peut.
Même joie paisible et sereine dans la seconde phrase. Mais, ici, la main qui se pose est partout ; ferme et appuyée, sur la double note de posuisti, douce sur les tristrophas des autres mots. De ces valeurs longues, répétées quatre fois sur el fa, résulte une ligne mélodique, très évocatrice à la fois de l’autorité du Père et de l‘immobile contemplation dans laquelle son Fils l’adore et l’aime. Rien de dur d’ailleurs, rien qui s’impose ; la main paternelle ne faisait que conduire avec amour, même lorsqu’elle pesait ; de là cette atmosphère d’affectueuse reconnaissance et de joie profonde dans laquelle le souvenir en est ramené. L’Alleluia qui clôt cette deuxième phrase, très douce, très retenu, et comme prolongé par le pressus et le porrectus, est tout à fait extatique pour peu qu’on en soutienne la dernière note ;
« Après un long silence, le Seigneur, comme s’éveillant et reprenant conscience de Lui-même, murmure dans un mouvement d’admiration et d’amour « Oui ! Vraiment vos œuvres sont admirables », mirabilis facta est sciéntia tua, ».( Dom J. Gajard loc. cit. et Revue Grégorienne. 1946. P.65)
Quel splendide mouvement ! Il s’élève sur les intervalles pleins et sonores du VIIIe mode qui prennent dans le grave je ne sais quoi de profond, comme une plénitude de joie, s’épanouit un instant sur la tristropha et la cadence de facta est, puis, en un bel élan, met en plein relief sciéntia tua, le mot de la Sagesse divine. Après quoi, les trois Alleluia se balancent, très doux – les manuscrits l’indiquent expressément : leniter, doucement – et le grand calme de la contemplation divine peu à peu rejoint le silence.
Le Psaume, alors, monte léger, baigné de joie, lui aussi, mais toujours dans la même atmosphère d’inaltérable paix.
Le moindre éclat, la moindre recherche d’effet enlèverait à cette admirable antienne toute sa valeur. « Chantez cet Introït largement, sans lourdeur toutefois, presque à mi-voix, sans grandes nuances, dans une tonalité plutôt basse. On voit quel contre-sens ce serait de le chanter à grands cris et de le « monter » beaucoup pour lui donner de l’ »éclat » sous prétexte que c’est Pâques. Chantez-le enfin en ne pensant qu’à Celui qui parle et aux choses qu’il dit, et vous verrez. » (Dom J. Gajard. Revue Grégorienne. 1946. P.65) Que tout soit très lié, très fondu et bien vivant.
Faites les accents de Resurréxi et de técum bien au lever, légers et arrondis de façon que la voix retombe doucement sur la syllabe de adhuc. Soulevez la virga de l’Alleluia de la fin de la première phrase afin que la retombée sur la tristropha soit souple.
Bien appuyer la bivirga de posuisti, mais faire douces toutes les tristrophas de la seconde phrase ; retenir le punctum qui précède le pressus du dernier Alleluia, balancer le dernier neume et prolonger la dernière note. Un bon temps de silence, très marqué.
Reprise a tempo sur mirabilis, mais sans presser ; bien arrondir le torculus de sciéntia, retenir tout le neume de la dans l’avant-dernier Alleluia et faire le dernier très souple et bien retenu.
GRADUEL
LE TEXTE
Voici le jour que le Seigneur a fait. Exultons et réjouissons-nous en lui.
Verset. – Louez le Seigneur car il est bon, car éternelle est sa miséricorde. Ps. CXVII, 24, 1.
L’Introït a mis devant nous ce qui s’est passé entre le Christ et son Père dans l’intimité du premier revoir, le Graduel est la réaction du monde devant le miracle et le mystère révélé.
La révélation vient d’en être faite à l’Epître « Notre Pâque a été immolée : le Christ. Mangeons-la donc dans la sincérité et la vérité. » Ce n’est pas seulement le fait de la Résurrection que Saint Paul nous présente dans ces quelques mots, mais le prolongement du mystère dans nos âmes, par l’Eucharistie qui nous donne de vivre nous-mêmes une vie de ressuscités. La réaction qui s’en suit, va dépasser, elle aussi, le fait du jour; elle va être la joie de voir le Christ triompher de la mort, certes, mais aussi la joie de sentir en nous sa vie de ressuscité nous pousser, à travers notre vie et notre mort, vers notre propre résurrection.
L’auteur de l’office a choisi pour exprimer cette joie deux versets du Psaume CXVII.
Ce Psaume, composé sans doute pour la dédicace du second Temple, fit ensuite partie du Hallel ; six psaumes qui se chantaient aux grandes fêtes de l’année :Pâque, la Pentecôte, la fête des Tabernacles, et la fête de la Dédicace. Il est fait de refrains chantés par la foule et de solos réservés au Chef de chœur ou à divers personnages. L’Haec Dies est l’un de ses refrains.
Le choix qui en a été fait pour Pâques est des plus heureux.
Voici les jours que le Seigneur a faits…Le Seigneur a fait tous les jours, mais il en a fait quelques-uns qui sont comme des centres vers lesquels, emportés par le temps, les autres vont. Tels furent le jour de la sortie d’Egypte, le jour où Dieu se choisit le peuple Juif pour son peuple et lui donna la loi sur le mont Sinaï, le jour de la dédicace du Temple. Tous ces jours mémorables allaient toutefois vers un jour plus central : le jour où le Christ, vainqueur de la mort et de Satan, rétablirait les hommes dans leurs droits à la vie éternelle : Pâques. Jour central entre tous, Pâques n’est cependant pas le dernier ; lui aussi, dans la succession des ans va vers le jour après lequel il n’y aura plus d’autre, le jour qui ne finira pas parce qu’en lui sera réalisée la plénitude des temps, le jour où le Christ avec tous ses membres, ressuscités à leur tour, aura réalisé la gloire que le Père attend de la création. C’est ce jour-là que le Seigneur a fat vraiment car tous les autres ne sont que pour lui. Toutefois, parce que dans la Résurrection du Christ est le germe de toute résurrection et de toute gloire, Pâques est, plus qu’aucun autre d’ici la fin du monde, le jour que le Seigneur a fait.
Le verset Confitémini, lui, semble avoir été réservé à un chœur qui, tout au début du Psaume, lançait l’invitation à louer la divine miséricorde.
Louez le Seigneur car éternelle est sa miséricorde…
Eternelle au sens le plus strict du mot. Pas un instant Dieu n’a cessé, depuis toujours, de nous avoir dans sa pensée avec le désir de nous faire du bien. Depuis la création sa miséricorde est penchée sur le monde, poussant les hommes et les peuples au Christ, les fixant en lui, les sauvant, les ressuscitant en lui. Chacun peut dire, pour autant qu’il le sait, ce qu’elle a été pour soi, sans pouvoir dire ce qu’elle sera car cela passe les prévisions et les mots. Nous devrions en être conscients à tout instant. C’est pour que nous le soyons davantage que l’Eglise nous fait dire ce verset si souvent dans l’office, mais, après la Passion et dans la lumière de la grâce pascale qui nous illumine, nous sentons mieux tout ce que nous devons à la Miséricordieuse Bonté de notre Dieu ; et le verset du Psaume est vraiment le cri du coeur qui spontanément monte aux lèvres.
Les chanteurs jouent dans un double rôle dans ce Graduel. Ils sont dans l’Haec Dies, l’Eglise toute entière qui dit sa joie et dans le Confitémini, les ministres qui invitent le peuple à redire sans cesse sa louange au Seigneur dans les reconnaissance et l’amour.
LA MÉLODIE
C’est celle des Graduels types du IIe mode, mais ici, comme dans le Graduel de la Messe de minuit, l’auteur a composé, pour le début, un motif original merveilleusement adapté à la joie de Pâques. Ce motif va jusqu’à Dominus, là, il se soude comme naturellement à une formule commune au IIe et au Ve mode, laquelle fait la transition à la mélodie classique.
C’est d’abord un mouvement de joie légère qui, de la clivis initiale où il prend élan, s’enroule, plein de souplesse et de vie, autour du la. Un nouvel appui sur la première note du podatus le lance jusqu’au do et, tout de suite l’enthousiasme, qui déjà pénétrait les enroulements des premiers neumes, devient vibrant. Par la plénitude de l’arsis, l’articulation de la consonne, la force de l’accent tonique, la tristropha, il enveloppe le mot dies dans un souffle d’exaltation qui ne va plus cesser, emportant tout, entrainant tout, dans un rythme admirable, net, scandé, ardent comme le chant d’une foule en liesse ; notez les deux doubles notes de fecit amenées par les podatus de quam, les rythmes binaires et la tristropha qui élargissent le mouvement, enfin cette cadence sur do qui sonne comme un branle de cloches. Ainsi se trouve mise en un splendide relief cette exclamation de joie qui est vraiment le mot du jour.
Les deux autres phrases ne sont plus, à proprement parler, une exclamation de bonheur mais plutôt une invitation à la joie. La mélodie sert fort bien l’ardeur communicative des mots. L’envolée spontanée, fraiche de Exsultémus qui se détend en un balancement si gracieux tout au long de la thésis est vraiment une exultation. Et laetémur, a été revêtu d’un motif original très heureux qui le met en évidence par une délicate nuance de gravité qui prépare l’admirable vocalise de in ea sur laquelle l’âme chante à loisir, et avec un peu plus d’ampleur vers la fin, le jour qui se déroule.. ;et celui qui ne finira pas.
Le Verset. Ici encore, toute la première phrase est originale. C’est l’invitation à la joie qui continue, mais dans une ardeur et un enthousiasme qui ne se rencontrent pas une seule autre fois dans l’année. Et c’est bien ainsi car il n’y a pas non plus un autre jour comme Pâques ; c’est le jour que le Seigneur a fait.
Sitôt posée l’intonation – qui est celle des graduels types du IIe mode – l’âme laisse déborder sa reconnaissance sur le nom divin qu’elle vient de rencontrer : Domino. Elle s’y complaît en une vocalise qu’elle retient sur les notes les plus élevées du mode et où l’on perçoit, déplus en plus marqués, les accents de tendresse qui évoquent la joie émue du revoir ; notez les notes allongées et les climacus, très retenus eux aussi, de la fin.
Cette joie attendrie qui continue d’abord sur quoniam, au début de la phrase suivante prend bientôt l’accent pathétique extraordinaire, on peut bien dire unique : un mouvement, montant par degrés conjoints, retenu, mesuré, qui soudain bondit d’une quinte jusqu’au sol aigu, puis redescend délicatement sur bonus où il s’étend, s’élargit, se retient, s’achève enfin comme à regret dans le calme et la douceur revenus. Sur ces mots, si riches de sens pour elle, l’âme a pris conscience de tout ce qu’elle doit à la miséricorde divine et ne pouvant retenir le cri de sa reconnaissance, elle le lance au monde de toute ses forces puis revient à nouveau se perdre toute émue, dans la contemplation paisible du Christ infiniment bon. Ivresse de joie, « ivresse de l’état de grâce ».
La mélodie alors se soude aux formules communes qui, comme dans la première partie, donnent aux mots une très belle expression de joie exultante – c’est le motif de exsultémus celle-ci peu à peu se fait recueillie et contemplative à mesure que s’évoque à nouveau le mystère de l’Eternelle Miséricorde.
« Donnez à tout le début un mouvement général très vif, alerte, joyeux – régulier, bien entendu ! Dans la plupart des chœurs, cette intonation est toujours trop lente, trop lourde, trop pesante. C’est évidemment un contre-sens, et les c (celeriter) des manuscrits sont éloquents. – et cette allure joyeuse ne doit être interrompue par aucune des tenues qui se rencontrent par exemple sur fecit et Dominus. « Rythmez » bien. Les deux doubles do de fecit ne se ressemblent que matériellement ; rythmiquement, c’est-à-dire réellement, ils sont tout différents ; le fécit forme un rythme composé dont l’accent fé est l’arsis, laquelle se repose sur le double do thétique de cit. Essayez ; vous verrez tout ce que ce simple détail technique donne de vie à ces deux neumes, si souvent exécutés de façon pesante et morte ! C’est cet élan de fé qui doit informer la vocalise de cit et commander même la reprise arsique ré-mi (dont chaque note doit conserver sa pleine valeur de temps). Quant à Dominus, il sera chanté évidemment dans un grand, ample et enthousiaste crescendo, où doit passer toute l’âme ».(Dom J. Gajard. Revue Grégorienne. 1946. P. 61.)
On veillera à ce que le climacus de Haec ait bien sa valeur de trois temps simples. La double note de fé dans fécit est une bivirga allongée, bien l’appuyer, tout en lui donnant son caractère arsique.
Dans la seconde phrase, lier, par dessus le quart de barre, la première incise de exsultémus à la seconde. La double note qui suit le pressus de mus est une bivirga.
Ralentir mus dans laetémur. Que la vocalise de la soit très liée, très souple, progressivement retenue ; la cadence finale aura quelque peu d’ampleur.
Le verset sera un peu plus rapide, mais toujours très rythmé. Les climacus de Domino, très retenus et très expressifs. Le début de quoniam, paisible. Dans la montée, un crescendo bien mené ; s’appuyer sur la note pointée pour atteindre sans heurt la double note du sommet, laquelle sera sonore et ardente, retenir la descente sur la dernière syllabe. Bonus très élargi et très souple.
Quoniam in saéculum sera rapide et joyeux. Dans la dernière formule de la finale, – qui sera très élargie – bien répercuter le premier do du podatus marqué d’un épisème vertical.
ALLELUIA
LE TEXTE
Notre Pâque à nous a été immolée : le Christ. I Corinth. V. 7.
C’est le mot central de l’Epître, mais, sorti de son contexte, il n’est ici qu’une exclamation joyeuse que les fidèles, après avoir chanté la grandeur du jour et l’infinie miséricorde du Seigneur, se redisent les uns aux autres comme l’expression de leur bonheur profond.
LA MÉLODIE
Elle est, comme celle du Graduel, toute pénétrée de joie, mais c’est une autre joie.
Trois motifs, exposés une première fois dans l’Alleluia et son jubilus, repris et développés dans le cours du verset, ramenés enfin sur le dernier mot, en constituent la trame.
Le premier, celui de l’Alleluia, est une sorte d’appel sur les notes fondamentales du mode : sol, la, si, ré : introduction à la joie.
Le second, qui prend la première incise du jubilus, d’abord broderie légère e prolongée sur ré mi, descend en rythmes souples et retenus sur la tonique qu’il atteint par un pressus bien posé sur le la : expression d’un bonheur paisible, recueilli, profond. Il est repris dans l’incise suivante et développé ; la broderie y est la même mais la descente à la tonique est plus retenue encore, le mouvement se pose un instant sur le si et brode sur le do avant d’atteindre le la et le sol.
Le troisième, qui forme la dernière incise, est une retombée gracieuse du ré au fa, en passant par une double broderie sur le sol, rebondit sur la cadence classique du VIIIe mode : joie de plénitude : l’âme se délecte dans la possession de son bien.
Dans le verset, Pascha nostrum est un développement de la broderie du deuxième motif qui s’achève en une cadence sur le si après l’avoir marqué déjà de deux touches légères : joie simple, délicate, pleine de fraicheur mais qui, par les notes allongées et plus encore par la cadence en demi-ton enveloppe de tendresse nostrum : notre Agneau Pascal, celui qui nous a sauvés, tous et chacun de nous, et qui demeure nôtre à jamais et à tout instant dans le plus intime de nous-mêmes.
Vient alors le mot central : Immolatus. La fin du second motif est reprise à la quarte supérieure, amplifiée par les deux climacus, qui en font d’ailleurs le rythme différent, et rendue plus expressive par la distropha et la cadence sur ré.
Cette variation du second motif est allongée d’une sorte de coda qui la relie à la forme originale en une cadence sur sol.
Il y a alors comme un rebondissement qui évoque le premier motif, et le tous s’achève en une longue cadence sur la tonique.
De cet assemblage savant, rien ne paraît, tout est unifié dans une admirable vocalise qui va, vient, monte, descend, se repose, rebondit sans jamais vouloir finir, semble-t-il… précisément parce qu’elle est l’expression de quelque chose qui n’a pas de limite ; la joie de la contemplation. L’âme prise par le mot, par l’idée, par le mystère de cette immolation dont la phase douloureuse est achevée, voit l’Agneau Immolé dans sa gloire de Ressuscité, dans l’Eucharistie qui le fait vivre en elle, et par deà le temps, dans la liturgie de l’éternité où elle-même, avec son corps ressuscité, elle louera un jour à jamais…et elle le chante, éperdument.
A la reprise du chœur, les trois motifs sont ramenés, concrétisant sur Christus toutes les nuances de la joie pascale : jubilation, plénitude, délectation.
« La vocalise de l’Alleluia, avec son début très appuyé dans les manuscrits et ses grands intervalles, gagnera plutôt à un tempo assez large, avec des nuances bien marquées sur la magnifique finale, donnée dans un grand rallentendo, accompagné d’une sonorité vocale aussi chaude que possible. » (Dom J. Gajard. Loco cit, 63) Il faut en effet, ici comme dans le Graduel, se défier de l’enthousiasme, de la sonorité, de la légèreté aussi :un bon mouvement mais calme, ordonné : c’est une joie, à la fois exubérante et profonde, et la profondeur, presque partout, domine.
Bien faire l’accent de Pascha soulevé et arrondi. Les épisèmes de nostrum ne sont que des nuances délicates d’expression ; les faire légers et dans le mouvement. Graduer Laforce sur le début de Immolatus en appuyant bien la virga pointée de façon à arrondir le sommet, les climacus, très souples, une répercussion très légère sur la clivis jointe à la distropha. On pourrait élargir un peu le salicus qui précède le quart de barre et prendre là, mais délicatement, un peu de souffle, si c’est nécessaire. Elargir les cinq premières notes de tus et reprendre un peu de mouvement sur les autres, tout en menant le grand ralenti de fin de phrase. Reprise a tempo sur Christus. Faire très retenue et très chaude la grande retombée du troisième motif et bien balancer la cadence finale.
SEQUENCE
LE TEXTE
A la victime pascale, que des louanges
Ils immolent, les Chrétiens.
L’Agneau a racheté les brebis.
Le Christ innocent, au Père
A réconcilié les pécheurs.
La vie et la mort en un duel
Etrange s’engagèrent.
Le Chef de la vie tué, règne vivant.
Dis-nous, Marie,
Ce que tu as vu sur la route.
Le sépulcre du Christ vivant
Et la gloire, j’ai vue, du Ressuscité,
Les anges témoins,
Le suaire et les vêtements.
Il est ressuscité, le Christ mon espérance
Il précédera es siens en Galilée.
Nous savons que le Christ est ressuscité
Des morts, et vraiment.
Toi, de nous, Roi vainqueur, aie pitié.
Amen ! Alleluia !
Ce poème n’a besoin d’aucun commentaire. On en remarquera seulement le caractère dramatique. Il se compose en fait de trois parties ; un prélude chanté par le chœur, versets 1, 2, 3 ; le dialogue entre les Apôtres et Marie-Madeleine, versets 4, 5, 6, 7 ; la finale chantée par le chœur.
LA MÉLODIE
La joie qui est partout, revêt dans le prélude une certaine gravité. Le dialogue par contre est ravissant de simplicité et de fraîcheur. La conclusion est d’abord une envolée pleine d’enthousiasme sur scimus Christum surrexisse : elle devient une affirmation forte, très appuyée sur a mortuis vere et s’achève par une pièce ardente sur : tu nobis Victor Rex miserére.
Il faut chanter dans un bon mouvement et bien rythmer, avec des accents lancés et légers. Le dernier verset doit être triomphal, a mortuis vere très retenu et la prière finale bien priante.
OFFERTOIRE
LE TEXTE
La terre a tremblé (de peur) et est demeurée tranquille, lorsqu’il s’est levé pour le jugement, Dieu. Alleluia. Ps. LXXV, 9, 10.
Il semble bien que ces deux versets, dans le Psaume, ont trait à la destruction des 185 000 hommes de l’armée de Sennacherib par l’Ange du Seigneur. (IV. Reg. XIX, 35 – Isaïe. XXXVII, 36.) Ce n’est toutefois qu’une image poétique car il n’y eut pas en cette affaire de tremblement de terre mais quel silence de mort, ce matin-là, sur le camp !
L’Eglise en fat ici l’application à la Résurrection. Application heureuse. Au moment où le Christ est sorti du tombeau, la terre a bien tremblé puis est redevenue tranquille sous les gardes renversés ; et, dans un sens c’est bien pour le jugement que le Fils de Dieu s’est levé, car ce premier acte de son triomphe l’établit dans son état de juge et porte en soi la condamnation de tous ceux qui ont travaillé et travailleront à détruire son œuvre, jusqu’au jour de la sentence.
Toutefois, c’est moins comme une évocation du drame historique qu’en une sorte de contemplation que l’église chante cet Offertoire. Elle ramène ses souvenirs, de la victoire éclatante de l’Ange sur les Assyriens à celle du matin de Pâques où les Anges encore gardent le tombeau vide et les soldats atterrés ; puis, passant les siècles, elle voit toutes les interventions divines qui ont prolongé celle-ci et pressent, dans l’avenir, celles qui suivront jusqu’à ce que la dernière se fasse, elle aussi, dans le fracas des mondes renversés et dans la paix des Cieux Nouveaux et de la Terre Nouvelle : Pâque Eternelle vers laquelle vont toutes les Pâques.
LA MÉLODIE
Elle ne décrit pas le tremblement de terre : c’est plutôt le calme qui suivit qui pourrait être évoqué dans la longue thésis de Quiévit. C’est une mélodie toute de paix, intérieure, contemplative.
Elle s’anime un peu dans la deuxième phrase. L’âme trouve une expression à sa joie dans la belle arsis aux rythmes binaires de resurgeret qui conduit le mouvement en une sorte d’apothéose à la tristropha du sommet. Il y a là comme un épanouissement, puis le mouvmenet rebondit, solennel et grandiose, sur in judicio, et va s’achever sur une cadence aimable et gracieuse du Ier mode, qui enveloppe Déus de tendresse heureuse.
La mélodie redevient alors tout baignée de paix sur l’Alleluia, se balançant en des rythmes qui se répètent, harmonieux et douc, jusqu’à ce qu’elle s’achève comme ç regret, sur la cadence mystique du IVe mode.
« Tout ceci demande un tempo très large, soulignant bien chacun des détails, mais aussi une voix vibrante, toute pleine d’admiration , de reconnaissance et d’amour. »(Dom Gajard, loc. cit. p.64)
Le crescendo de la première phrase partira de trémuit et sera mené avec discrétion vers la double note de et où il s’épanouira sans heurt.
De même, ceux de la seconde phrase. On appuyera bien la première note des deux premiers podatus de resurgeret et de celui de in ; le punctum de di dans judicio doit être traité comme une virga épisématique, la voix s’y posera bien de façon à attaquer doucement le pressus. Les rythmes si gracieux de la dernière incise de l’Alleluia, qui ne font que développer ceux de la fin de la première seront très liés.
COMMUNION
LE TEXTE
Notre Pâque à nous a été immolée : le Christ, Alleluia. C’est pourquoi, mangeons avec les pains azymes de la sincérité et de la vérité. Alleluia, Alleluia, Alleluia. I Corinth. V, 7.
C’est encore le mot de Saint Paul dans l’Epître. Il prend seulement quelque chose de plus actuel, de plus vivant au moment où l’agneau immolé est réellement mangé dans l’Eucharistie. Ce n’est pas en effet comme une recommandation qu’il faut entendre ici ces paroles mais comme une sorte de refrain que les fidèles chantent dans la joie de leur âme unie au Christ en sincérité et vérité.
LA MÉLODIE
Elle est du commencement à la fin ravissante de joie légère.
Quelques nuances de tendresse délicate soulignent nostrum et immolatus est dans la première phrase. Itaque, est légèrement élargi au début de la seconde pour attirer l’attention sur les conseils qui vont suivre, mais la joie demeure, un plus retenue toutefois. On notera les deux porrectus de epalémur qui l’amènent dans le grave, mais comme ceux de azymis, ce sont des ondulations à peine marquées, fluides et gracieuses qui doivent conduire le mouvement vers le premier podatus de veritatis où il s’épanouit.
« C’est avec le triple Alleluia final, splendide de ligne, avec un développement mélodique et rythmique, qui doit fondre en un seul tout cette merveilleuse acclamation, d’un souffle puissant et d’une immense allégresse ». (Dom Gajard : loc. cit. p62)
Que le mouvement soit alerte et léger.
L’accent tonique de Pascha sera bien soulevé et arrondi. Ralentir légèrement le climacus devant le quilisma de immolatus. Mais ne pas élargir la cadence de cette première phrase.
Par contre, Ita dans Itaque sera retenu et appuyé ; les trois notes sur fa sont trois virgas et les deux premières sont épisématiques. Un crescendo et un accelerando délicats conduiront le mouvement vers ve de veritatis qui sera bien affirmé. Les Alleluia seront pris dans un mouvement plus large ; le premier, piano, le second en crescendo, le troisième, très fort ; la première note du podatus de le allongée, le sommet arrondi, et la cadence très scandée.
Cantiques pour Pâques
Ecoutes de pièces
Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici