Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.
INTROÏT
LE TEXTE
Toutes les nations, battez des mains. Acclamez Dieu en un cri de jubilation. Ps. – Car Dieu, très élevé, est terrible; Grand Roi sur toute la terre. Ps. XLVI. 2, 3.
Ces versets du Psaume XLVI, qui chante le retour triomphal du roi, surprennent en ce simple Dimanche après la Pentecôte.
On ne saurait dire comment cet Introït, qui fut autrefois celui de la Vigile de l’Ascension, est entré dans cette messe du VIIe Dimanche. Peut être y fut-il amené par la lecture du récit de l’avènement de Salomon qui faisait sans doute partie des leçons de Matines autrefois. Quoi qu’il en soit, c’est l’Église qui incite les peuples à louer le Seigneur, dans la joie de la moisson, pour tous les bons fruits qu’il a fait produire à la terre : ceux des plantes et des arbres, car c’est le temps où ils mûrissent et ceux du monde spirituel dont il nous sera parlé, à savoir, les âmes que le Seigneur cueille et fait monter dans son grenier, près du Fils déjà arrivé, premier de l’immense moisson.
LA MÉLODIE
Elle nous ramène la joie des Dimanches après Pâques. Quelle belle invitation, vibrante, pénétrée de cette force communicative qui entraîne d’elle-même !
Qu’y a-t-il dans les trois premières notes : de l’autorité ? ou seulement une insistance qui veut convaincre ? Ne serait-ce pas plutôt que l’Église condense sa joie sur cette trivirga avant de la laisser monter ? Dans toute cette première phrase en effet, la mélodie demeure dans le grave et s’étale plutôt qu’elle ne monte. L’exaltation ne commence, et combien discrètement, que sur l’accent de plaudite qui, lui, vraiment, sonne comme un claquement de mains. Mais comme elle monte enthousiaste, exubérante sur Jubilate ! forte et légère à la fois. Deo se courbe plein de vénération et la joie, redevenue grave, se continue jusqu’à la fin à travers les intervalles pleins de sérénité du VIe mode.
Quelle que soit l’interprétation que l’on donne aux notes longues de omnes elles doivent être bien posées; ce sont trois virgas épisématiques, et c’est encore une virga qui se joint au podatus qui suit, juste avant le porrectus. Par contre, tout le reste de l’incise est léger. La double note plaudite est aussi une bivirga épisématique; l’articulation sera ferme. Toute la phrase d’ailleurs doit avoir une vie intense et le mouvement entraînant de tout invitation joyeuse.
GRADUEL
LE TEXTE
Venez, enfants, écoutez moi. La crainte du Seigneur je vous enseignerai. Verset. – Allez à lui et vous serez rassasiés. Et nos visages ne seront pas couverts de honte. Ps. XXXIII. 12, 6.
David, dans le Psaume XXXIII, chante d’abord sa reconnaissance; il a prié, il a été exaucé. Il veut ensuite faire profiter les autres de son expérience. Il les appelle et leur dit ce qu’ils doivent faire pour avoir le bonheur qu’il a eu : pratiquer la crainte du Seigneur. Pas la crainte qui fait fuir ou qui rend défiant, timide, mais celle qui n’est que le souci de ne pas déplaire ou, mieux encore, ce mélange mystérieux de respect et de tendresse familière qui va naturellement de l’enfant au Père : « Allez au Seigneur et vous sentirez votre âme en paix, et votre visage brillera de joie ».
Ici, ne n’est plus David qui parle. Dans la première partie, c’est le Christ. Il nous invite à écouter la sagesse qui lui est venue du Père et qu’il nous disperse, par l’Église et par son Esprit dans l’intime de notre âme, lorsque nous allons à lui. Dans le verset, c’est l’Église qui nous pousse à suivre l’invitation. « Allez à la parole divine, elle dilatera votre cœur et votre visage. »
Le Graduel conduit ainsi tout droit à l’Évangile où le Christ va nous faire entendre sa divine Sagesse.
LA MÉLODIE
Il y a dans l’intonation une douceur aimable et aimante qui est bien dans le ton du Christ-Jésus. Notez la double note de Venite avec sa délicate pression, les neumes qui se succèdent par degrés conjoints dans la tierce majeure fa la et l’épisème horizontal de filii qui fait la cadence retomber avec une grâce si attirante. Audite me a le même caractère, et prend bien, autour de la dominante, un peu plus de vie, mais l’invitation n’est pas poussée, elle demeure aimable et douce.
La deuxième phrase a moins le caractère d’un appel. C’est comme un chant de joie dans lequel le Christ laisse passer le bonheur qu’il aura à nous faire connaître et expérimenter cette révérence toute pénétrée d’amour qui fait la béatitude des élus devant la face de Dieu. La cadence sur vos qui achève cette si fluante thésis est très caractéristique de ce bonheur profond qui s’épanouit d’ailleurs à loisir sur la belle formule de la fin.
Le Verset.
L’invitation ici est d’abord très ardente. Les trois notes de accedite qui vont d’un trait à la dominante et appuient leur élan sur la bivirga qui fait pressus, nous poussent vraiment, mais ce n’est qu’une nuance, très heureuse d’ailleurs. La longue vocalise qui suit revêt, presque aussitôt qu’elle commence, un caractère contemplatif. L’Église, prise par ce qu’elle sait de cette sagesse du Christ dont elle a l’expérience de tous les instants chante le bonheur qu’elle y goûte; c’est sa joie et son amour qui montent vers eum et, à nouveau, plus extasiés encore, sur illuminamini. A la fin de la phrase, elle semble se ressaisir. Très simplement, mais toujours dans le joie, elle revient à ceux qu’elle invite et leur dit que le bonheur qu’ils goûteront près du Seigneur se reflétera jusque sur leur visage.
ALLELUIA
LE TEXTE
Ce sont à nouveau les paroles de l’Introït. Chantées après le Graduel, elles peuvent être entendues comme une invitation à nous réjouir d’avoir, dans la personne de Notre-Seigneur et dans son Église, la Sagesse de Dieu toujours à notre portée.
LA MÉLODIE
Elle ne ressemble en rien à celle de l’Introït, non seulement du point de vue de la forme, il va de soi, mais du point de vue de l’expression; du moins dans la première phrase. Le long développement de gentes fait l’invitation plus persuasive qu’entraînante, encore que le salicus de omnes et la trivirga de gentes – car c’en est une – aient une force bien accentuée. La joie aussi est moins vive, moins éclatante, moins extérieure. L’Église semble s’y complaire au lieu d’avoir le souci de la communiquer. Elle est bien là tout de même, dans la courbe gracieuse qui couronne le sommet de gentes, dans le motif si simple, si léger de plaudite, deux fois répété et qui va s’épanouir en une grâce achevée sur les hauteurs, enfin dans la retombée si mesurée et si souple de manibus.
Tout change brusquement, au début de la seconde phrase. La montée vers le si fortement accusée par le pressus, donne à jubilate un élan de vie qui, cette fois, cherche vraiment à se communiquer. L’invitation, du coup, devient pressante, et de plus en plus, à mesure que la mélodie se développe sur la montée de Deo et sur les pressus de voce. Sur exultationis la joie pure, peu à peu, domine à nouveau. L’entrain est toujours là, mais sans avoir le souci d’entraîner, si l’on peut dire; la joie se suffit, elle entraîne par elle-même.
OFFERTOIRE
LE TEXTE
Comme un holocauste de béliers et de taureaux et comme (l’holocauste) de mille béliers gras, qu’ainsi soit notre sacrifice en ta présence aujourd’hui, afin qu’il te plaise, car il n’y a pas de confusion pour ceux qui se confient en toi, Seigneur. Daniel. III. 40
C’est l’invocation d’Azarias, debout au milieu de la fournaise dont les flammes s’écartent autour de lui. Il prie au nom de ses deux compagnons avant qu’ils ne se joignent à lui dans le cantique Benedicite. « Il n’y a plus pour nous ni prince, ni chef, ni prophète, ni holocauste, ni sacrifice, ni oblation, ni encens, ni endroit pour apporter devant toi les prémices, afin que nous puissions obtenir miséricorde. Mais, Seigneur, reçois-nous le cœur contrit et l’esprit humilié… comme tu reçois un holocauste de béliers… que notre sacrifice soit devant toi… » Le prêtre récite cette admirable prière incliné, après l’offrande du vin, à la messe.
Ceci indique assez que cet offertoire a été fait plutôt pour accompagner l’offrande du sacrifice, que pour paraphraser l’Évangile. Mais en fait il réalise les deux car cette offrande extérieure n’est que le symbole de l’offrande de nous-même qui se fait au fond de l’âme, et celle-ci, c’est le bon fruit dont Notre-Seigneur parle dans l’Évangile et que le Père accepte dans la joie.
L’église, dans ses difficultés de toutes sortes qui sont sa vie et la vie de ses membres, le chante comme le chantaient les trois enfants dans la fournaise, dans la même confiance, englobant dans cette offrande tous les sacrifices de tous ses membres qui, ici et là, à chaque seconde, viennent se mêler au sacrifice du Christ et s’ajouter aux sacrifices très imparfaits des taureaux, à celui des trois enfants, à ceux de tous les juifs et de tous les Chrétiens pour former devant le Père, qui les voit tous de son regard divin, le fruit du bon arbre de la terre qu’est la Croix sur laquelle meurt le Christ.
LA MÉLODIE
C’est un chant très simple, une prière qui offre, mais sans pression, et qui s’achève dans un acte de confiance en la justice de Dieu.
Le caractère de prière est accusé dès l’intonation par la montée de sicut, retenue, grave, et à laquelle le sib donne un ton d’humble révérence très à sa place; c’est le premier thème.
Il y a une progression assez nette sur et taurorum, elle s’accentue sur le second sicut en proportion de la valeur des victimes; notez le thème de l’intonation repris à la quarte supérieure. La cadence de cette première phrase va devenir le second thème, repris en progression sur fiat et sur sacrificium.
C’est l’offrande proprement dite. La supplication est un peu plus poussée. Elle prend de l’éclat sur in conspectu, avec une note de joie qui l’éclaire, et où l’on trouve déjà la confiance qui va chanter dans la dernière phrase. La cadence se fait sur le troisième thème. Il est assez apparenté au second mais s’achève sur un motif du Ve mode paisible, assuré, et qui donne quelque chose d’aimable, de familier à la prière.
Ce thème est repris sur quia non au début de la phrase suivante, comme le second l’a été au début de la deuxième phrase, après avoir été annoncé à la fin de la première.
On l’entend à nouveau sur confidentibus in te Domine. Il est prolongé là par un très beau motif, deux fois répété, qui achève l’offertoire dans une atmosphère de paix nuancée de tendresse.
COMMUNION
LE TEXTE
Incline ton oreille, hâte-toi, afin de nous délivrer. Ps. XXX. 2, 3.
C’est la fin de l’Offertoire du dimanche précédent. Prière très simple de l’âme qui sent tout ce qu’a de difficile la production du bon fruit, tout ce qui s’oppose à sa croissance, et qui, prise par la béatitude que met en elle la grâce du sacrement, demande au Christ-Jésus de la délivrer de tout ce qui retarde la moisson de mûrir… et d’être engrangée dans les greniers du Père.
LA MÉLODIE
La première phrase est toute simple, avec une cadence sur le la qui en fait une prière d’une extrême délicatesse.
Elle prend, dans la seconde phrase, le ton suppliant d’un enfant qui presse plus qu’il n’exige. La cadence de accelera prépare le mot de la prière, qui se fait insistante par la triple répétition du petit motif sol la sol fa et, plus encore, par la dernière note qui arrive sur mi avec toute la force de la supplication.
Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici