Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.

INTROÏT

LE TEXTE

Versez votre rosée, cieux, d'en haut, et que le nuages pleuvent le Juste.
 Qu'elle s'ouvre, la terre, 
Et qu'elle germe le Sauveur.

Ps.- Les cieux disent la gloire de Dieu
Et l'œuvre de ses mains, il la proclame, le firmament. Isaïe, XLV, 8 - Ps. XVIII, 2.

Au chapitre XLV, Isaïe rapporte ce qu'il a entendu le Seigneur dire à Cyrus, qu'il va susciter pour être son christ, sauver le peuple et rebâtir la cité et le temple. A la vision de ce sauveur d'un moment, par delà lequel il voit le Messie et son œuvre éternelle, il est transporté et, interrompant sa prophétie, lance vers le ciel son désir ardent pour que soit bâtie la venue des deux libérateurs. Il le fait sous la forme poétique de la rosée qui fait germer la plante, symbolisant ainsi l'action divine qui fera de Cyrus et du Christ des sauveurs parfaits.

Au sens liturgique, c'est l’Église qui appelle le Messie. Rien n'est à changer dans l'image du prophète, mais il faut lui donner tout son sens divin. La rosée sollicitée du ciel, c'est l'action fécondante du Saint-Esprit ; la terre, c'est Notre-Dame, fleur de la race, qui s'ouvre au sommet de la tige de Jessé et qui, fécondée sous l'ombre mystérieuse de l'Esprit du Très-Haut, va produire son fruit divin ; le Verbe fait chair.

Cette prière admirable et tout à fait à sa place le Mercredi des Quatre-Temps, tout entier consacré à l'Annonciation. Il faut lui garder ici la même interprétation ; d'autant que, par l'Offertoire et la Communion tout au moins, le mystère continue d'être fêté. Et il faut la chanter comme la prière suprême, entendue de Dieu par delà les siècles, et qui a contribué à faire venir plus tôt l'heure du Messie et de Notre-Dame ; mais aussi, comme la supplication qui va mériter aux âmes de recevoir le Verbe fait chair quand il va revenir et de se livrer à l'influence de son Esprit comme la terre à la rosée, lui donnant ainsi ce qu'il attend d'elles pour réaliser la plénitude de son Incarnation.

Le Psaume, lui, n'est pas une prière ; il est la constatation joyeuse des merveilles de Dieu qui se réalisent dans le mystère.

LA MÉLODIE

Une prière ardente de deux phrases qui s'opposent ici, encore, suivant le texte, comme le ciel et la terre.

La première est un admirable mouvement de l'âme portant on désir, comme dans le graduel. Qui sédes, aussi haut que possible, jusqu'aux nuées fécondes d'où va venir la céleste rosée, puis redescendant douce et paisible comme descendra le Juste qu'elle chante. La supplication est ardente sur le pressus de caeli, les quilismas de désuper, le pressus de pluant, mais il n'y a pas d'inquiétude, de doute, d'angoisse ; au contraire, une grande sérénité et une joie discrète se mêlent partout à la prière dans la tonalité claire du mode de fa ; la joie de l'Eglise qui sait, car elle en jouit déjà, tout le bonheur qu'il y a pour elle dans cette pluie fécondante qu'elle sollicite.

La seconde a moins d'élan. C'est la terre que l'Eglise regarde et encore qu'il s'agisse de Notre-Dame, ce chef-d'œuvre de grâce qui va produire la nature humaine du Christ, n'est-elle pas tout en bas par comparaison avec l'infinie perfection du verbe qui va y descendre ? Et puis, c'est le mystère dont la profondeur ne saurait se chanter ; Aussi, après l'ardeur de la supplication sur aperiatur, la mélodie revient-elle au mode de ré, et en des neumes qui s'effacent de plus en plus, elle s'éteint, gracieusement d'ailleurs, sur Salvatorem, le mot du désir.

La deuxième note de ra dans Rorate doit être élargie. Le crescendo de la première incise sera ardent mais sans éclat ; c'est une prière. Bien accentuer nubes et aller sur le pressus de pluant en progression.

Veiller à ce que tur dans aperiatur ait bien sa valeur et qu'on ait le temps d'articuler. Térra sera légèrement retenu ainsi que les quatre dernières notes de gérminet.

Le Psaume sera chanté dans un bon mouvement et pénétré déjà de la joie du « Gloria in excelsis » qu'il prophétise.

GRADUEL

LE TEXTE

Il est proche, le Seigneur,
De tous ceux qui l'invoquent,
De tous ceux qui l'invoquent dans la vérité.

Verset. - La louange du Seigneur,
Elle la chantera, ma bouche,
Et que toute chair bénisse le Seigneur. Ps. CXLIV, 18, 21.

Dans la première partie, le psalmiste exprime une idée très simple ; à savoir que le Seigneur est tout disposé à écouter ceux qui le prient. Toutefois, il a précisé d'un mot : ceux qui le prient dans la vérité ; c'est-à-dire qui lui demandent, en toute sincérité, des chose vraies ; entendons : ceux qui sont conformes à sa volonté, car la vérité, c'est, en même temps, ce que Dieu pense et ce que Dieu veut.

Le Verset, lui, est un hommage de reconnaissance de l'âme qui promet à Dieu une louange sans fin en retour de la bienveillance qu'il lui témoigne.

Au sens liturgique, peut-être serait-on porté à s'appuyer sur les premiers mots Prope est Dominus pour faire entrer ce texte dans le cadre de l'Avent. Ce ne serait pas absolument exact car c'est en tout temps que le Seigneur exauce ceux qui savent le prier. Il ne faut pas non plus le rattacher à l'Epître qui vient d'être lue, mais à l'Epître du mercredi précédent pour laquelle il a été choisi. Dans cette Epître, on nous ait entendre l'histoire d'Achaz qui, par manque de confiance, refusa de demander un prodige au Seigneur et qui reçut, en réplique, d'Isaïe la fameuse prophétie qui annonçait le prodige des prodiges : « Le Seigneur vous donnera lui-même un signe : Voilà qu'une Vierge concevra et enfantera un Fils et son nom sera Emmanuel ». A la fin de ce récit, ces deux versets viennent sur es lèvres de l'Eglise comme une sorte de réflexion. Repliée sur elle-même et gardant bien présent à l'esprit tout ce qu'elle vient d'entendre, elle se dit : Achaz a eu tort...Le Seigneur est tout près de ceux qui l'invoquent et bientôt il sera plus près d‘eux encore ; car le prophète a dit que Celui qui doit venir aura nom Emmanuel, ce qui veut dire : Dieu est avec nous.

Cette annonce précise de l'Incarnation amène alors la grande louange du Verset. Laudem Domini...

LA MÉLODIE

(V) Prope est Dominus omnibus invocantibus éum omnibus qui invoquant éum in verita te.

Elle est composée de trois formules : celle de Prope est Dominus et les deux de éum. Ces formules sont reliées entre elles par les motifs presque syllabiques de omnibus invocantibus et de omnibus qui invoquant. Un seul mot est original, in veritate, encore s'achève-t-il en une formule finale commune.

Le fait qu'elle est à ce point centonisée n'empêche pas qu'elle soit très expressive. L'auteur s'est servi de formules toutes faites mais il les a choisies pour le texte et les a disposées de telle sorte qu'elles puissent en exprimer au mieux le contenu. Notez qu'elles sont placées sur les mots importants : Dominus, le nom divin, et éum qui le représente ; et que, par le contraste que font leurs neumes avec les motifs syllabiques qui les entourent, elles les mettent en particulier relief. Aussi bien est-ce le mot de l'Epître : Pete signum a Domino, dit Isaïe. Non tentabo Dominum, répond Achaz. Propter hoc dabit Dominus ipse vobis signum, réplique le prophète.

L'intonation est grave. (Cette formule n'est employée que sur le mot Dominus ; de sorte qu'elle est moins une formule centon qu'un motif réservé uniquement au nom du Seigneur, comme plusieurs autres.) Mais ce serait une erreur d'y voir la moindre tristesse. Au contraire, on y discerne déjà en une nuance discrète la joie qui se dégage du texte et qui caractérise tout le Graduel. Toute pénétrée de respect, elle se retient, s'efface, sur le nom divin, mais, sitôt après, elle se laisse aller, se développe sur omnibus invocantibus et va s'épanouir sur éum en un bel élan qui se détend dans la plénitude de la cadence en fa. Elle passe dans la seconde phrase, s'élève avec grâce sur omnibus, puis redescend dans le grave où elle se revêt à nouveau sur éum d'une certaine révérence qu'elle garde jusqu'à la fin.

Le Verset. - Laudem Domini loquétur os méum Et benedicat omnis caro nomen sanctum éjus.

La joie est ici enthousiaste. Lancée avec une ferme assurance sur la distropha de Laudem, elle se développe en une sorte de contemplation sur Domini : légère, souple, heureuse. Une nuance de tendresse plus marquée passe avec le si b, puis l'exaltation, grandissant à nouveau, va vers loquétur os méum où elle atteint toute sa puissance d'expression sur les mots mêmes qui disent la joie de pouvoir chanter à jamais.

L'enthousiasme est le même dans la seconde phrase. Sitôt qu'elle a été ramenée à la dominante, la mélodie s'élance à l'extrême limite du mode, enveloppant de toute sa puissance l'ardent souhait de l'Eglise. Elle s'y arrête d'ailleurs ensuite en un gracieux mouvement descendant, puis, pour finir, se pénètre à nouveau de tendre respect sur nomen sanctum éjus.

Comme on le voit, ce verset a un caractère de joie éclatante qui ne s'est pas encore rencontré au cours de l'Avent. L'auteur a-t-il voulu donner là comme une première annonce de la joie de Noël et en pénétrer déjà l'âme des fidèles ? On a d'autant plus de raisons de le croire que les formules 53 et 54 sont particulières à la période de la Nativité. On les trouve ailleurs, mais elles sont si fréquemment répétées au temps de Noël qu'elles contribuent, sans aucun doute, pour leur part, à créer l'atmosphère musicale. El semble que ce soit comme le début d'un crescendo de joie qui, parant du Mercredi des Quatre-Temps, jour consacré à l'Annonciation, jour de l'Incarnation, atteint toute sa puissance aux jours de Noël et de l'Epiphanie.

Ne pas chanter l'intonation avec des effet de basse, mais avec la simplicité et la douceur qui conviennent à une contemplation paisible. Le crescendo est le premier éum sera discret et mené dès le début de l'incise ; C'est une formule assez délicate mais très expressive. Il y a sur le do une distropha, puis al première note de la clivis ou du climacus ; les distrophas seront posées doucement et la voix, renforcée, ira vers la note qui suit pour la répercuter, délicatement. Il s'en suivra une onction pénétrée de ferveur qui servira admirablement le pronom éjus qui tient la place de Dominus.

Retenir quelque peu veritate ; la tristropha, douce. Bien distinguer dans la vocalise qui suit, sur le la, les deux distrophas, du pressus ; lles reçoivent doucement le posé de la voix ; de même celle qui se trouve sur le do dans la dernière incise.

C'est une bivirga qu'il y a sur Laudem au début du Verset ; qu'elle soit appuyée, forte et bien lancée. Sur Domini, deux distrophas et répercussion sur la première note de la clivis ; même interprétation que plus haut. Une bivirga avant les deux climacus qui finissent la première phrase ; bien accuser la première note du second.

La tristropha de os, légère. Bien pendre grade à donner toute leur valeur aux trois notes qui précèdent les notes doubles de méum ; les retenir légèrement évitera le danger d'en faire un triolet. Poser nettement l'épisème vertical de omnis, allonger même un peu la note. (Dans plusieurs cas, la 2ème note est un quilisma.) Un gracieux ralenti sur sanctum, qui se poursuivra sur éjus jusqu'à la fin.

ALLELUIA

LE TEXTE

Viens, Seigneur et ne tarde pas.
Pardonne les péchés de ton peuple.

Cette phrase ne se trouve pas dans l'Ecriture. L'idée en est très simple et s'applique sans difficulté à l'un ou à l'autre des sens de l'Avent. C'est une prière dont l'objet est nettement déterminé : la prière de tout le peuple de Dieu, de toute l'Eglise, suppliant le Christ de venir sauver le monde.

LA MÉLODIE

On la rencontre deux autres fois au cours de l'année : le XXe Dimanche après la Pentecôte (Alleluia Paratum cor méum) et à la messe Loquebar d'une Vierge Martyre (Alleluia Adducentur).

Elle commence dans le grave et se meut lentement dans toute la première phrase, comme la prière très humble du pécheur qui n'ose pas lever les yeux, accablé qu'il est sous ses fautes. Ce n'est que dans la seconde incise qu'elle prend un peu d'ardeur, il y a sur et noli tardare un très bel accent de pressante supplication.

Dans la seconde phrase, la prière est plus aisée sur relaxa. La longue vocalise de facinora est, en elle-même, assez indifférente, mais elle prend, avec les mots, un caractère de prière fort bien adapté. Il y a, dans la répétition du motif initial, une progression qui fait la supplication de plus en plus forte. La première fois, elle monte par trois degrés au si b ; la seconde fois, par un seul mouvement de quarte, elle atteint le do qu'elle marque d'un pressus ; la troisième, elle s'y pose sans préparation et y demeure trois temps. Il y a là une vigueur accrue du plus heureux effet. La mélodie redescend ensuite dans le grave et finit sur une formule propre à certains graduels du Ier mode, elle aussi très priante et très humble, avec une touche assez marquée de crainte révérentielle.

L'Alleluia, lui, est du IIIe mode, mais l'unité demeure parfaite et l'expression y trouve son bien. L'Alleluia ayant en lui-même un caractère de louange que le contraste rend plus marqué encore.

Prendre garde de faire trop longue la double note initiale de l'Alleluia, lequel doit avoir un certain mouvement. Bien balancer le rythme de l'arsis ; la vocalise légère.

Veni Domine tranquille et discret. Crescendo sur noli ; tardare sans éclat. Noter que, dans les thésis de la seconde phrase, toutes les notes doubles sont des distrophas, légères donc ; de même les deux qui précèdent la clivis sur le do, à la dernière reprise du motif. Par contre plé dans plébis est une bivirga. Lier avec soin les grands intervalles de l'avant-dernière incise.

OFFERTOIRE

LE TEXTE

Salut, Marie, de grâce remplie,
Le Seigneur (est) avec toi.
Bénie (es-)tu entre les femmes,
Et béni le fruit de ton sein.

C'est la salutation de l'Ange Gabriel à Notre-Dame et celle d'Elisabeth combinées en un seul texte, lequel forme la première partie de la Salutation angélique. Il n'y manque que le dernier mot, Jésus, qui d'ailleurs ne fut pas dit par Elisabeth.

Au sens liturgique toutefois, ce n'est ni l'Archange ni Elisabeth qui saluent Notre-Dame ; la combinaison des deux salutations en un seul texte s'y oppose. C'est toute l'Eglise qui, au moment où est commémorée la Conception de Notre Seigneur, fait monter sa louange vers celle que Dieu a choisie pour sa mère. Elle a entendu, au cours de la semaine écoulée, le mercredi, le récit de l'Annonciation, le vendredi, celui de la Visitation ; elle recueille, sur les lèvres de l'Archange et d'Elisabeth, les paroles inspirées pour les redire à Notre-Dame, comme l'hommage le plus parfait qu'elle puisse rendre à sa sainteté incomparable et à sa maternité divine.

Bien noter que c'est une salutation. Ceci implique que les chanteurs soient en communication directe avec Notre-Dame : qu'ils chantent pour elle et qu'ils aient conscience que du haut du ciel, elle les écoute et reçoit leur hommage dans la joie de son cœur maternel.

LA MÉLODIE

Quatre phrases (Ave Maria gratia plena ne forme qu'une seule phrase. La grande barre qui suit Maria doit être considérée comme une demi-barre). Les trois premières, en progression l'une sur l'autre, conduisent l'idée jusqu'à Benedicta tu, point culminant de la louange. La quatrième redescend vers le grave où elle s'achève dans la contemplation du mystère.

Il n'y a pas d'éclat dans l'Ave de l'intonation ; c'est un salut gracieux enveloppé de vénération profonde et tendre. Tout le long de la première phrase, l'âme se complaît dans cette attitude d'humble hommage ; elle s'anime seulement, d'un accent de ferveur, sur le nom béni. Un bel élan, habilement préparé, porte la syllabe accentuée de Maria à la dominante où les notes doubles et répercutées mettent un peu plus d'ardeur, d'admiration et d'amour. Mais ce n'est qu'en passant. Elle revient au grave sur gratia pléna et s'y enveloppe plus encore de contemplation ; aussi bien y a-t-l ici quelque chose de plus que la salutation. C'est déjà le mystère, le mystère indicible de l'Immaculée. La phrase s'achève sur pléna par un pressus qui met bien en valeur ce mot de plénitude, qui ne peut se dire que du Christ et de sa Mère.

Dès le début de la seconde phrase, la mélodie, établie sans préparation sur la dominante, prend tout de suite une allure de louange éclatante. C'est une qualité nouvelle que l'Eglise salue en Notre-Dame : son union avec Dieu. La plénitude de la grâce, c'est déjà le Seigneur avec l'âme ; mais, sur les lèvres de l'Archange, le Dominus técum indiquait une modalité spéciale de l'union divine. Le Seigneur est avec Notre-Dame comme il n'est avec personne. C'est de cette union merveilleuse que l'Eglise félicite Marie. La mélodie la sert admirablement. Le s'épanouit sur Dominus en un beau motif plein d'élan, deux fois répété, qui dit l'admiration enthousiaste que provoque l'infinie grandeur de Dieu, tandis que, sur técum, elle se retient comme recueillie, étonnée, confondue d'admiration, devant l'ineffable sainteté de Notre-Dame.

Elle se reprend sur Benedicat tu pour s'élancer cette fois à la limite de son étendue. C'est le troisième mot de a louange. Il est la conséquence des deux autres. C'est parce qu'elle est pleine de grâce et que le Seigneur est avec elle que Marie est bénie entre toutes les femmes ; nouvelle Eve, celle que toutes les nations diront Bienheureuse. La mélodie le met au-dessus de tout ; elle dépasse la dominante, monte et plane, à loisir, dans les hauteurs, s'appuyant sur des notes doubles et des pressus qui lui permettent de déployer toute sa puissance et de colorer d'accents de ferveur ce mot de bénédiction. Il s'achève sur le pronom tu en une belle cadence pleine et large qui va tout droit à Notre-Dame avec une nuance délicate de tendresse. La seconde incise ramène à la dominante le mot muliéribus. L'admiration s'y prolonge, toujours fervente ; notez le pressus et le torculus avec son mouvement hardi de quarte retombant sur la bivirga de la syllabe accentuée. D'une façon assez inattendue, la phrase s'achève par une cadence en demi-ton sur si qui laisse la mélodie en suspens, comme si l'Eglise, évoquant en une sorte de contemplation toutes les femmes de la race, les voyait se perdre en une perspective infinie, tendues en un geste de bénédiction vers Notre-Dame  qui, de très haut, enveloppée dans la gloire du Verbe Incarné, les domine toutes de l'éclat de sa maternité.

La quatrième phrase est, de toutes, la plus profonde. Ici, c'est le mystère ; le mystère du Verbe fait chair dans le sein de Notre-Dame. La mélodie abandonne les hauteurs, descend par degrés, sur benedictus qu'elle souligne seulement d'un pressus, descend encore sur fructus, puis demeure dans le grave, presque sans se mouvoir. Un motif deux fois répété de quelques notes qui montent et descendent par degrés conjoints sur véntris, un dernier pressus sur tui comme pour faire rejaillir la gloire du Fils sur la Mère - car c'est pour le Fils qu'est toute la louange dans cette dernière phrase - et c'est tout. L'ineffable ne saurait s'exprimer.

Il faut chanter avec beaucoup de souplesse. On y veillera particulièrement dans l'intonation. Le climacus qui s'achève sur la première note pointée sera légèrement retenu pour donner à cette demi-cadence sur mi toute sa valeur d'admiration gracieuse et tendre.

Chanter Maria avec beaucoup de ferveur. Les deux premières notes de ri bien appuyées, assez fortes, avec l'élan de l'accentuation : ce sont deux virgas ; les deux autres sont des distrophas ; la répercussion en sera délicate et il y aura un crescendo jusqu'à la répercussion, très délicate aussi, de la virga. La cadence sur sol très peu ralentie, de façon à rattacher Maria à gratia pléna. Une pause.

Discret a tempo au départ de Dominus dont les thésis seront légères, comme le sera la tristropha de técum, qu'on renforcera toutefois pour la lier au climacus. Sur ne dans Benedicta, une bivirga, bien l'appuyer et mener le crescendo e un bel enthousiasme vers le pressus. Conduire avec mesure l'admirable descente de benedictus fructus, sans que la voix perde brusquement de sa sonorité. Véntris tui très lien avec le salicus bien doux.

COMMUNION

LE TEXTE

Voici qu'une Vierge concevra
Et enfantera un Fils,
Et il sera appelé de son nom Emmanuel. Isaïe, VII, 14.

Cette parole fut dite comme une prophétie par Isaïe à Achaz. « Le Seigneur vous donnera lui-même un signe : voici qu'une vierge enfantera... » Le signe promis arrivera le jour de l'Annonciation. C'est le mot même du prophète en effet que l'Archange dit à Notre-Dame : « Voici que vous concevrez et enfanterez un Fils et vous lui donnerez le nom de Jésus ».

Ce texte est tout à fait à sa place le jour où est commémorée l'Annonciation. Toutefois il ne semble pas qu'il doive être chanté ici comme une prophétie ; c'est l'Eglise qui après avoir entendu la parole du Prophète à l'Epître, et celle de l'Ange à l'Evangile, y revient, au moment de la communion. Contemplant dans la lumière de la grâce sacramentelle, l'Incarnation qui se prolonge par l'Eucharistie dans tout le Corps Mystique, elle chante la joie de l'Emmanuel, du Dieu avec nous, en même temps que le mystère de Noël dans lequel à nouveau va s'accomplir mystiquement la parole divine.

LA MÉLODIE

Une joie émerveillée ; on en caractériserait bien ainsi, en deux mots l'expression. Elle est très discrète dans sa première incise, avec quelque chose de recueilli, de contemplatif, répandu sur toute la thésis de concipiet. Dans une sorte de jouissance profonde, l'âme admire le mystère de la Vierge Mère.

Et voilà qu'elle s'anime et que son admiration prend de l'ampleur. Un souffle puissant passe, qui emporte les mots dans l'enthousiasme, Filium après pariet, comme si l'âme, de plus en plus éclairée, réalisait ce qu'est le mystère de la maternité divine.

Mais, à peine a-t-elle saisi cette seconde merveille, qu'une troisième s'offre à elle : le mystère de Dieu avec nous cette fois, et vocabitur Emmanuel... Elle n'a pas le temps de s'arrêter si peu que ce soit ; de la première phrase, le souffle d'allégresse passe dans la seconde, l'entraînant dans la progression jusqu'à la distropha de vocabitur. Là quelque chose change. Le mystère s'étend. Il s'étend jusqu'à l'âme. Elle sent qu'elle y entre, en ce moment de la communion. Elle se recueille, se refermant sur les merveilles qui s'opèrent en elle. La mélodie la suit dans sa contemplation. Elle n'a plus le souci des notes éclatantes, ni des mouvements à grand espace ; elle se retient. Notez les clivis allongées de vocabitur, elle descend peu à peu vers le grave, jusqu'à ce qu'elle arrive à Emmanuel, le mot du mystère. Elle s'y complaît, en une formule qui, comme celle du véntris tui de l'Offertoire, se contente de quelques notes conjointes qui descendent et montent mais où passe toute la tendresse de l'âme pour l'Hôte divin qui est avec elle.

L'intonation paisible ; de même concipiet dont les podatus seront bien posés. Ceux de pariet aussi, tout le sommet en sera élargi. Le lier étroitement à Filium qui sera à peine retenu afin que l'enthousiasme aille croissant sur et vocabitur. C'est une bivirga qu'il y a sur vo. Retenir quelque peu tur. Beaucoup de grâce et de ferveur sur Emmanuel, qui sera très ralenti.

 

Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici

A noter: il n’y pas de Gloria. L’Alleluia est remplacé par le Trait.

Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.

LEÇONS DES MATINES : Histoire de Moyse.(Exode II). ÉPÎTRE : (Gal. IV, 22). Les deux fils d’Abraham, enfants de deux mères, l’une esclave, l’autre libre, symboles des deux alliances : celle de la Jérusalem terrestre, réalisée avec Moyse sur le Mont Sina ; celle de la Jérusalem céleste, scellée dans le sang du Christ sur le Calvaire. ÉVANGILE : (Jean VI, 1). Multiplication des pains. STATION : Sainte Croix de Jérusalem. IDÉE CENTRALE : C’est le Dimanche de la Mi-Carême, Dominica mediána. De très bonne heure on prit l’habitude d’en faire, sur le chemin de Pâques, comme une étape où l’on se reposait un peu et où l’on prenait courage pour le reste de la route. Toutes les observances de pénitence et de deuil étaient suspendues et les offices célébrés dans une atmosphère festivale. Toutefois, à côté de ce motif de joie toute extérieure, l’Eglise en proposa aux fidèles un autre plus profond : celui du développement de l’Eglise qui allait se faire par le mystère de la Rédemption, de nouveau réalisé à Pâques. Le choix de ce thème fut sans doute déterminé par le premier scrutin pour l’admission des candidats au baptême, qui avait eu lieu le mercredi précédent. Ils avaient été inscrits sur les registres, puis exorcisés par l’exsufflation, le signe de la croix, l’imposition des mains ; toutes cérémonies qui étaient et qui sont demeurées le prélude du baptême. C’était déjà, comme avait dit l’archidiacre au peuple en annonçant le scrutin, « le mystère céleste par lequel est vaincu le diable avec toute sa pompe, la porte du ciel ouverte ». Beau sujet d’allégresse que cette fécondité de l’Eglise, entrevue, et qui allait précisément se réaliser en ce jour de Pâques vers lequel tous les désirs étaient tendus. La station  fut fixée à Sainte Croix de Jérusalem et là, devant les reliques de la Croix sur laquelle fut scellée l’alliance éternelle qui  donne la fécondité à l’Eglise, on chanta son accroissement présent et futur sur les textes de l’Écriture qui l’ont annoncé et chanté à l’avance. C’est encore ce que nous chantons. A l’Office de nuit, c’est l’histoire de Moyse. Elle vient là, à son tour, après celle de Joseph, mais elle entre, sans qu’on ait à la forcer, dans la liturgie du jour. C’est en effet Moyse qui, après avoir délivré le peuple, conclut, en son nom, l’Alliance avec Dieu, obtint pour eux la manne céleste et le conduisit en vue de la Terre Promise où devait s’élever un jour la Jérusalem terrestre. A la Messe, c’est de la Jérusalem céleste et de son merveilleux développement qu’il est question. L’Épître le précise nettement : « Réjouis-toi, stérile qui n’enfantes pas… » A Moyse, succède le Christ ; la réalité après la figure. Il nous a délivré de l’esclavage qui pesait sur nous depuis l’origine du monde. Il a noué entre nous et Dieu et scellé de son sang l’Alliance nouvelle, et il a fait de son peuple comme une cité spirituelle, la Jérusalem nouvelle, l’Eglise dans laquelle il donne à chacun de nous la béatitude ; ici-bas, en nous nourrissant de son corps et de son sang, et là-haut, en nous rassasiant de Dieu vu face à face.

INTROÏT

LE TEXTE Réjouis-toi, Jérusalem, et rassemblez-vous, vous tous qui l’aimez. Réjouissez-vous dans la joie, vous qui fûtes dans la tristesse ; Afin que tous, vous exultiez et soyez rassasiés aux sources de votre consolation. Ps.Je me réjouis de ce qui m’a été dit : Dans la maison du Seigneur, nous irons. Isaïe LXVI, 10, 11. Ps. CXXI, 1. C’est une invitation à la joie. L’objet n’en est pas précisé, mais on le trouve clairement indiqué dans le contexte. On lit en effet en Isaïe, dans les versets qui suivent : « Réjouissez-vous avec Jérusalem…car voici que je ferai couler sur elle un fleuve de paix ; je répandrai sur elle la gloire des nations comme un torrent qui déborde. Les mauvais périront tous, mais j’enverrai ceux d’entre eux qui ont été sauvés vers les nations, et ils annonceront ma gloire aux Gentils, et ils amèneront tous vos frères de toutes les nations à ma montagne sainte Jérusalem. » (LXVI, 12, 19, 20). Le prophète voit Jérusalem agrandie à la mesure du monde et il appelle le peuple à s’en réjouir. Cette vision se réalise toujours plus, à mesure que viennent au Christ, de toutes les nations, les âmes qu’il appelle. Pâques va lui amener les nouveaux baptisés, et le fleuve de paix et le torrent de gloire vont déborder un peu plus sur la Jérusalem nouvelle et, par elle, sur le monde. Voilà de quoi l’Eglise nous invite à nous réjouir. Il n’y a donc pas un mot à ajouter à la prophétie ; elle a en elle-même son sens liturgique, et il est toujours d’actualité car, si désormais les baptisés sont rares le Samedi Saint, la grâce du sacrement est renouvelée chez tous ceux qui participent au mystère pascal. Il faut seulement donner au mots leur précision liturgique : le convéntum fácite doit s’entendre de l’assemblée des fidèles pour le sacrifice et le satiémini ab ubéribus consolatiónis véstræ, sans doute de la joie rassasiante que donnera l’Eucharistie à ceux qui sauront s’en délecter. LA MÉLODIE Quand l’Eglise lance son invitation à la joie, elle jouit déjà de la vision glorieuse à laquelle elle convie ses membres ; sa joie passe donc à travers son appel pour se communiquer. Une joie qui se colore d’ailleurs de toutes les nuances du texte : empreinte d’aimable douceur sur les deux premiers mots, qui s’adressent à la cité sainte elle-même ; ardente, enthousiaste, bondissante, impérative même sur et convéntum fácite ; enveloppée, sur dilígitis éam, d’une tendresse qui va, chargée de désirs, vers la Jérusalem céleste. Dans la seconde phrase, elle se fait tout intime. Après la reprise alerte de gaudéte, elle s’atténue en effet peu à peu et disparaît presque sur in tristítia fuístis pour faire place à une nuance de tristesse compatissante au souvenir de ceux qui, dans l’exil, ont pleuré de ne plus jouir des joies de la patrie. Notez les cadences en demi-ton de tristítia et de fuístis et, surtout, le si naturel qui exprime si délicatement l’acuité de la douleur. Elle retrouve d’ailleurs tout de suite sur ut exsultétis – et sans transition, comme l’exige le texte – son ardeur et ses rythmes bondissants ; et, après avoir souligné satiémini d’un accent de chaude et profonde ferveur, redevient à nouveau intime, douce et tendre sur les mots qui évoquent les consolations inénarrables qui sont promises. Chanter dans un bon mouvement alerte et très vivant. L’ictus sera bien placé sur la seconde note de Jerúsalem ; certains manuscrits indiquent qu’elle doit être légèrement retenue. La double note de la dernière syllabe est une bivirga ; la bien poser, qu’elle ne soit pas dure mais sonore et quelque peu prolongée, sans ralentir le mouvement toutefois. Arrondir les torculus de convéntum. La tristropha de fácite, légère ; le torculus ralenti, mais dans le mouvement, lequel continue sur ómnes. Veiller à ne pas ralentir cette longue thésis. La double note de dilígitis est une bivirga, la faire très expressive; ralentir sur les deux notes qui suivent, mais pas les autres, le mouvement doit continuer jusqu’à la fin ; la cadence à peine retenue. Un a tempo sur gaudéte. Ne pas forcer le contraste sur tristítia. Reprise du mouvement sur ut exsultétis. La double note de ubéribus est une bivirga. Le Psaume, qui est comme la réponse du peuple, doit être chanté dans un bon mouvement de joie, qu’il a d’ailleurs par lui-même, avec des accents légers et fervents.

GRADUEL

LE TEXTE Je me suis réjoui de ce qui m’a été dit : Dans la maison du Seigneur nous irons. Verset.Que la paix soit dans ta force et l’abondance dans tes fortifications. Ps. CXXI, 1, 7. Le Psaume CXXI est un de ceux que les Juifs chantaient au cours de leurs pèlerinages à Jérusalem. Tout en avançant sur le chemin, ils évoquaient ainsi la joie qui avait envahi leur âme au départ. Cette joie se faisait de plus en plus vive à mesure qu’ils approchaient et, lorsque la Cité sainte et le Temple s’offraient à leurs regards émerveillés, les souhaits de bénédiction et de prospérité jaillissaient de leurs cœurs…Paix sur tes remparts, abondance dans tes tours !…Pour la plupart, l’objet de la joie s’arrêtait là. En fait, le Psaume va plus loin, il va à la réalité dont Jérusalem et le Temple étaient la figure. La joie d’aller dans la maison de Dieu, c’est la joie d’aller là où il se manifeste, là où il demeure, là où il donne, à ceux qui sont avec lui, de jouir de sa présence, dans l’intimité des relations familiales. Cette maison, c’est la Jérusalem Céleste, le Ciel, et en attendant que nous y soyons, l’Eglise. C’est dans ce sens qu’il faut chanter ici le Lætátus sum. Après la lecture de l’Épître où Saint Paul met en relief, avec tant de force, la qualité de fils que nous vaut la Rédemption, il est l’expression des catéchumènes qui de tous les fidèles qui chantent le bonheur qu’ils vont avoir à Pâques, d’entrer plus profondément dans le Christ et, cachés avec lui en Dieu, de vivre une vie d’intimité avec les divines Personnes…la vie de la Maison pour laquelle nous sommes faits. Le Verset est légèrement différent. La joie y prend la forme d’un souhait de paix et de prospérité à l’adresse de la Jérusalem céleste encore en formation. Dans l’Évangile, Notre Seigneur va réaliser en quelque sorte ce souhait d’abondance par la multiplication des pains, symbole de l’Eucharistie qui donnera à Pâques, à tous les habitants de la Cité Sainte, la paix dans la force. LA MÉLODIE Elle a pour objet de dire la joie. Elle la dit, mais d’une façon discrète, si discrète qu’on a quelque peine à la découvrir dans l’intonation ; elle ne paraît vraiment que dans la seconde incise sur in his quæ dicta sunt míhi. Elle y est d’ailleurs très nette, légère, souple, tout en élan, sans avoit toutefois la sonorité grandiose qu’elle avait dans l’Introït, sur convéntumfácite, et sur et exultétis ; ce n’est plus une joie qui cherche à se communiquer ; elle est plus personnelle, plus intime. Elle ne manque pas pour autant d’être ardente ; on notera en particulier le motif si fin qui prolonge míhi avec la clivis allongée du sommet qui y met un si bel accent de ferveur. La seconde phrase, elle, est toute grave, comme si l’âme se fixait en une sorte de contemplation sur son objet divin. Contemplation heureuse, dont le bonheur profond est partout ; dans la descente de dómum Dómini, dans le mouvement souple et retenu de íbimus, dans la cadence finale enfin, sonore, pleine, assurée, sur laquelle l’âme s’attarde comme sur le mot de l’espérance. Le Verset. – Bien que l’idée soit différente, l’expression demeure la même, à ce point que les deux phrases sont l’une et l’autre construites sur le même plan que la première partie. Un première incise, sur fíat pax et abundántia, correspond à in his quæ dicta sunt míhi et se termine par le même motif : souhait ardent, pénétré de joie légère, extérieure, heureuse. Une seconde incise s’achevant dans le grave sur in virtúte, répond à dómum Dómini avec la même expression de bonheur profond. Il y a des nuances, il va de soi : le très bel élan de in virtúte par exemple, avec l’insistance pleine de ferveur des deux tristrophas et la descente gracieuse, mesurée et forte de túa ; de même, le développement de abundántia, évocateur peut-être de l’Eucharistie ; enfin la cadence finale qui, pour être commune, n’en est pas moins parfaitement adaptée à la joie discrète du début qu’elle ramène pour finir. Le mouvement sera léger et assez vif. La double note de lætátus est une bivirga épisématique ;  lui donner de l’ampleur et y mettre la joie. Départ très lancé sur in his. Passer par-dessus le quart de barre de míhi. Les premières notes des podatus de in dómum allongées quelque peu. Départ a tempo sur fíat pax et très en élan. Arrondir le sommet de virtúte. Apporter grand soin au legato de abundántia, qui sera quelque peu élargi en raison des grands intervalles.

TRAIT

LE TEXTE 1.     – Ceux qui se confient dans le Seigneur (sont) comme le Mont Sion.           Il ne sera ébranlé jamais, celui qui habite en Jérusalem. 2.     – Des montagnes (sont) autour d’elle, et le Seigneur autour de son peuple,           maintenant et à jamais. Ps. CXXIV, 1-2. Jérusalem, bâtie sur un plateau entouré de vallées profondes et dominées sur trois côtés par un demi-cercle de montagnes plus élevées que le centre de la ville, donnait l’impression d’une citadelle que personne ne pouvait prendre ; celui qui y vivait était en sécurité. D’où la comparaison du psalmiste : « Ainsi seront ceux qui habitent dans le Seigneur » ; c’est à dire ceux qui se donnent à lui au point de fondre dans la sienne leur personnalité ; il est autour d’eux, comme les montagnes autour de Jérusalem. Le Trait est ainsi comme une réplique au souhait du Graduel. En même temps, il prélude à l’Évangile qui va mettre sous nos yeux un des exemples les plus frappants de la sollicitude du Seigneur… « Le seigneur est autour de son peuple ». LA MÉLODIE Dans le premier verset un seul motif sort des formules ordinaires – toutes d’ailleurs fort bien adaptées aux mots – c’est le début de commovébitur. Il y a dans la montée du scandicus et dans le pressus qui suit une certaine fermeté qui rend bien l’idée de force inébranlable. Dans le second, le début de móntes est tout à ait original. Peut-être l’auteur a-t-il voulu, par ces montées et descentes hardies et brusques, évoquer les monts et les vallées qui entourent Jérusalem. Le mot Dóminus qui commence la deuxième phrase est en éclatant relief. L’auteur l’a revêtu d’une formule brillante, très expressive de force, dans les tenues sur la dominante, puis d’admiration et de louange, dans l’élan qui l’emporte jusqu’aux limites du mode avant de la laisser revenir à la tonique en un mouvement thétique tout imprégné de tendre confiance. Faire une pause pour séparer les deux idées après Síon et relier Qui hábitat à in ætérnum.

OFFERTOIRE

LE TEXTE Loue le Seigneur parce qu’il est bon. Chantez à son nom parce qu’il est doux. Tout ce qu’il a voulu, il l’a fait, dans le ciel et sur la terre. Ps. CXXXIV, 3-6. Deux idées : une invitation à louer Dieu et une affirmation de sa toute puissance. Elles sont d’ordre général, mais la liturgie précise la raison de l’invitation et le motif de la louange. L’Évangile en effet vient de nous faire entendre le récit de la multiplication des pains, symbole de l’Eucharistie. Dieu qui a nourri son peuple de lamane autrefois, le nourrit à nouveau du pain qu’il multiplie. Il continue à le nourrir de la chair et du sang de son Fils. A ce moment même de l’Offertoire, le miracle se prépare entre les mains du prêtre, par l’offrande du pain et du vin qui vont, dans le sacrifice, devenir la nourriture et le breuvage spirituels de toute l’assemblée. Voilà en quoi le Seigneur est bon, doux et puissant. Voilà de quoi l’Eglise nous invite à le louer. LA MÉLODIE L’invitation est pressante mais discrète ; il semble que l’Eglise, repliée sur elle-même dans la méditation du miracle dont on vient de faire le récit et du ystère qu’il annonce, ne veuille pas sortir de son recueillement. C’est un appel tout pénétré de contemplation qu’elle fait entendre. Un IIe mode sans éclat qui se balance en des formules communes sur quelques notes entre le do et le fa. Mais quelle admirable expression de douceur confiante, paisible, abandonnée ! Ici et là, appelés par les mots, des accents de fervente tendresse : Laudáte, benígnus est et sa cadence de paix heureuse, psállite qui renouvelle l’appel et insiste par ses douces tristrophas, suávis est si paisible, et suave comme le mot. La troisième phrase a plus de mouvement. Il y a sur ómnia une certaine grandeur et, dans les notes doubles et les répercussions qui se multiplient sur le fa, une volonté qui impose sa force ? Après un tel bel élan sur caélo, la formule finale ramène la contemplation très douce du début. Ne pas chanter trop lentement ; que le mouvement soit  souple et vivant sur benígnus et sur nómine, lier à la tristropha la note qui la précède en la retenant quelque peu. On fera un a tempo assez marqué au début de la seconde phrase. Ne pas ralentir la cadence de éjus et y rattacher quóniam. La double note de suávis est une bivirga ; lui donner un peu d’ampleur et conduire la voix vers l’accent en la renforçant légèrement. Faire une bonne pause avant la troisième phrase à cause de l’idée nouvelle. Bien appuyer les notes doubles sans leur enlever de leur douceur.

COMMUNION

LE TEXTE Jérusalem, qui est bâtie comme une cité compacte et bien ordonnée ! C’est là que montèrent les tribus du Seigneur, pour louer ton nom, Seigneur. Ps. CXXI, 3, 6. Il faut noter tout d’abord que la première partie est une exclamation. C’est le cri des pèlerins qui, arrivant en vue de la cité, laissent jaillir leur admiration. La seconde, qui suit naturellement, est une évocation du passé, si riche d’émotions : « C’est là que montèrent les tribus… ». Telle est aussi l’attitude de l’Eglise quand elle chante cette antienne. Au moment où les fidèles reçoivent le sacrement qui fait son unité parce qu’il porte en lui la grâce de l’incorporation au Christ, elle contemple cette union de toutes les âmes et, fixée dans cette vision de force et de paix, elle redit, dans son sens spirituel cette fois, l’exclamation du psalmiste : Jérusalem nouvelle, bâtie sur le Christ, Cité des âmes scellées à la Pierre fondamentale et jointes entre elles par la charité, Coté compacte et ordonnée par la sagesse et la volonté de celui qui en est le Roi ! Jérusalem vers qui sont venues toutes les tribus de toutes les nations et de toutes les races ; vers qui elles viennent pour la Pâque qui s’annonce ; vers qui elles ne cesseront de venir jusqu’au jour de son éternelle et parfaite splendeur, pour la louange de ton nom, Seigneur, dans le sacrifice glorieux de ton Fils. LA MÉLODIE Dans toute la première partie, elle est vraiment contemplative. L’Eglise voit la cité et elle admire, c’est tout. Notez la nuance de tendre respect et de bonheur sur Jerúsalem, et, sur la candence de cívitas, je ne sais quoi de mystérieux, d’infini, d’inachevé, qui prolonge la vision heureuse. Peu à peu cette vision se précise : l’Eglise pend conscience de l’admirable unité des êmes dans le Christ et cette merveille l’exalte. Le mouvement s’anime sur cujus participátio et la phrase se déploie, mesurée dans sa montée et sa descente, mais, en même temps, pleine d’une joie qui s’enthousiasme. Cette joie d’admiration, un instant contenue dans le si beau motif de éjus in idípsum, rebondit et atteint sa plénitude avec l’image des tribus montant vers le Christ. La mélodie s’établit sur les hauteurs ; elle y demeure un instant, chantant la joie de l’Eglise, sa fécondité et son plein développement ; puis, par une descente admirablement ordonnée et dont le motif exprime si fidèlement la vision extasiée et dont le motif exprime si fidèlement la vision extasiée des innombrables tribus, elle revient à la tonique, en mettant sur Dómini une nuance de tendre vénération pour le Seigneur. Dans la dernière incise, c’est encore la vision, mais l’Eglise s’adresse à Dieu et c’est lui qu’elle voit au premier plan. La mélodie se fait toute de paix simple et heureuse, s’attardant seulement sur túo, en un motif gracieux dont la ferveur se prolonge, intime et délicate, sur les quelques notes très simples de Dómine. Faire un départ net ; la voix, bien posée sur le salicus du début, s’en ira légère vers le pressus de la dernière syllabe, qui ira quelque peu ralenti, donnant au mot la nuance de tendresse qui convient. Ne pas précipiter le mouvement, mais qu’il soit vivant. Veiller en particulier à ne pas traîner la cadence de cívitas. Bien mener le crescendo sur cujus participátio avec une très légère nuance d’accélération vers le sommet. Très peu ralenti sur éjus in idípsum. Illuc énim bien alerte, et que rien ne retienne le souffle d’enthousiasme de cette admirable phrase ; la cadence de ascendérunt notamment sera bien vivante et on y rattachera de près tribus dont la tristropha légère commencera le mouvement thétique. La première note du podatus de nómini sera élargie. La double note de túo est une bivirga épisématique ; y appuyer la nuance de tendresse, qui s’épanouira ensuite légère sur la note allongée. Polyphonies pour le carême Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici

Inscription à la newsletter

  • Ce champ n’est utilisé qu’à des fins de validation et devrait rester inchangé.

Découvrez tous nos produits