La répétition de l'introït Jubilate Deo
Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.
INTROÏT
LE TEXTE
Versez votre rosée, cieux, d'en haut, et que le nuages pleuvent le Juste. Qu'elle s'ouvre, la terre, Et qu'elle germe le Sauveur.
Ps.- Les cieux disent la gloire de Dieu
Et l'œuvre de ses mains, il la proclame, le firmament. Isaïe, XLV, 8 - Ps. XVIII, 2.
Au chapitre XLV, Isaïe rapporte ce qu'il a entendu le Seigneur dire à Cyrus, qu'il va susciter pour être son christ, sauver le peuple et rebâtir la cité et le temple. A la vision de ce sauveur d'un moment, par delà lequel il voit le Messie et son œuvre éternelle, il est transporté et, interrompant sa prophétie, lance vers le ciel son désir ardent pour que soit bâtie la venue des deux libérateurs. Il le fait sous la forme poétique de la rosée qui fait germer la plante, symbolisant ainsi l'action divine qui fera de Cyrus et du Christ des sauveurs parfaits.
Au sens liturgique, c'est l’Église qui appelle le Messie. Rien n'est à changer dans l'image du prophète, mais il faut lui donner tout son sens divin. La rosée sollicitée du ciel, c'est l'action fécondante du Saint-Esprit ; la terre, c'est Notre-Dame, fleur de la race, qui s'ouvre au sommet de la tige de Jessé et qui, fécondée sous l'ombre mystérieuse de l'Esprit du Très-Haut, va produire son fruit divin ; le Verbe fait chair.
Cette prière admirable et tout à fait à sa place le Mercredi des Quatre-Temps, tout entier consacré à l'Annonciation. Il faut lui garder ici la même interprétation ; d'autant que, par l'Offertoire et la Communion tout au moins, le mystère continue d'être fêté. Et il faut la chanter comme la prière suprême, entendue de Dieu par delà les siècles, et qui a contribué à faire venir plus tôt l'heure du Messie et de Notre-Dame ; mais aussi, comme la supplication qui va mériter aux âmes de recevoir le Verbe fait chair quand il va revenir et de se livrer à l'influence de son Esprit comme la terre à la rosée, lui donnant ainsi ce qu'il attend d'elles pour réaliser la plénitude de son Incarnation.
Le Psaume, lui, n'est pas une prière ; il est la constatation joyeuse des merveilles de Dieu qui se réalisent dans le mystère.
LA MÉLODIE
Une prière ardente de deux phrases qui s'opposent ici, encore, suivant le texte, comme le ciel et la terre.
La première est un admirable mouvement de l'âme portant on désir, comme dans le graduel. Qui sédes, aussi haut que possible, jusqu'aux nuées fécondes d'où va venir la céleste rosée, puis redescendant douce et paisible comme descendra le Juste qu'elle chante. La supplication est ardente sur le pressus de caeli, les quilismas de désuper, le pressus de pluant, mais il n'y a pas d'inquiétude, de doute, d'angoisse ; au contraire, une grande sérénité et une joie discrète se mêlent partout à la prière dans la tonalité claire du mode de fa ; la joie de l'Eglise qui sait, car elle en jouit déjà, tout le bonheur qu'il y a pour elle dans cette pluie fécondante qu'elle sollicite.
La seconde a moins d'élan. C'est la terre que l'Eglise regarde et encore qu'il s'agisse de Notre-Dame, ce chef-d'œuvre de grâce qui va produire la nature humaine du Christ, n'est-elle pas tout en bas par comparaison avec l'infinie perfection du verbe qui va y descendre ? Et puis, c'est le mystère dont la profondeur ne saurait se chanter ; Aussi, après l'ardeur de la supplication sur aperiatur, la mélodie revient-elle au mode de ré, et en des neumes qui s'effacent de plus en plus, elle s'éteint, gracieusement d'ailleurs, sur Salvatorem, le mot du désir.
La deuxième note de ra dans Rorate doit être élargie. Le crescendo de la première incise sera ardent mais sans éclat ; c'est une prière. Bien accentuer nubes et aller sur le pressus de pluant en progression.
Veiller à ce que tur dans aperiatur ait bien sa valeur et qu'on ait le temps d'articuler. Térra sera légèrement retenu ainsi que les quatre dernières notes de gérminet.
Le Psaume sera chanté dans un bon mouvement et pénétré déjà de la joie du « Gloria in excelsis » qu'il prophétise.
GRADUEL
LE TEXTE
Il est proche, le Seigneur,
De tous ceux qui l'invoquent,
De tous ceux qui l'invoquent dans la vérité.
Verset. - La louange du Seigneur,
Elle la chantera, ma bouche,
Et que toute chair bénisse le Seigneur. Ps. CXLIV, 18, 21.
Dans la première partie, le psalmiste exprime une idée très simple ; à savoir que le Seigneur est tout disposé à écouter ceux qui le prient. Toutefois, il a précisé d'un mot : ceux qui le prient dans la vérité ; c'est-à-dire qui lui demandent, en toute sincérité, des chose vraies ; entendons : ceux qui sont conformes à sa volonté, car la vérité, c'est, en même temps, ce que Dieu pense et ce que Dieu veut.
Le Verset, lui, est un hommage de reconnaissance de l'âme qui promet à Dieu une louange sans fin en retour de la bienveillance qu'il lui témoigne.
Au sens liturgique, peut-être serait-on porté à s'appuyer sur les premiers mots Prope est Dominus pour faire entrer ce texte dans le cadre de l'Avent. Ce ne serait pas absolument exact car c'est en tout temps que le Seigneur exauce ceux qui savent le prier. Il ne faut pas non plus le rattacher à l'Epître qui vient d'être lue, mais à l'Epître du mercredi précédent pour laquelle il a été choisi. Dans cette Epître, on nous ait entendre l'histoire d'Achaz qui, par manque de confiance, refusa de demander un prodige au Seigneur et qui reçut, en réplique, d'Isaïe la fameuse prophétie qui annonçait le prodige des prodiges : « Le Seigneur vous donnera lui-même un signe : Voilà qu'une Vierge concevra et enfantera un Fils et son nom sera Emmanuel ». A la fin de ce récit, ces deux versets viennent sur es lèvres de l'Eglise comme une sorte de réflexion. Repliée sur elle-même et gardant bien présent à l'esprit tout ce qu'elle vient d'entendre, elle se dit : Achaz a eu tort...Le Seigneur est tout près de ceux qui l'invoquent et bientôt il sera plus près d‘eux encore ; car le prophète a dit que Celui qui doit venir aura nom Emmanuel, ce qui veut dire : Dieu est avec nous.
Cette annonce précise de l'Incarnation amène alors la grande louange du Verset. Laudem Domini...
LA MÉLODIE
(V) Prope est Dominus omnibus invocantibus éum omnibus qui invoquant éum in verita te.
Elle est composée de trois formules : celle de Prope est Dominus et les deux de éum. Ces formules sont reliées entre elles par les motifs presque syllabiques de omnibus invocantibus et de omnibus qui invoquant. Un seul mot est original, in veritate, encore s'achève-t-il en une formule finale commune.
Le fait qu'elle est à ce point centonisée n'empêche pas qu'elle soit très expressive. L'auteur s'est servi de formules toutes faites mais il les a choisies pour le texte et les a disposées de telle sorte qu'elles puissent en exprimer au mieux le contenu. Notez qu'elles sont placées sur les mots importants : Dominus, le nom divin, et éum qui le représente ; et que, par le contraste que font leurs neumes avec les motifs syllabiques qui les entourent, elles les mettent en particulier relief. Aussi bien est-ce le mot de l'Epître : Pete signum a Domino, dit Isaïe. Non tentabo Dominum, répond Achaz. Propter hoc dabit Dominus ipse vobis signum, réplique le prophète.
L'intonation est grave. (Cette formule n'est employée que sur le mot Dominus ; de sorte qu'elle est moins une formule centon qu'un motif réservé uniquement au nom du Seigneur, comme plusieurs autres.) Mais ce serait une erreur d'y voir la moindre tristesse. Au contraire, on y discerne déjà en une nuance discrète la joie qui se dégage du texte et qui caractérise tout le Graduel. Toute pénétrée de respect, elle se retient, s'efface, sur le nom divin, mais, sitôt après, elle se laisse aller, se développe sur omnibus invocantibus et va s'épanouir sur éum en un bel élan qui se détend dans la plénitude de la cadence en fa. Elle passe dans la seconde phrase, s'élève avec grâce sur omnibus, puis redescend dans le grave où elle se revêt à nouveau sur éum d'une certaine révérence qu'elle garde jusqu'à la fin.
Le Verset. - Laudem Domini loquétur os méum Et benedicat omnis caro nomen sanctum éjus.
La joie est ici enthousiaste. Lancée avec une ferme assurance sur la distropha de Laudem, elle se développe en une sorte de contemplation sur Domini : légère, souple, heureuse. Une nuance de tendresse plus marquée passe avec le si b, puis l'exaltation, grandissant à nouveau, va vers loquétur os méum où elle atteint toute sa puissance d'expression sur les mots mêmes qui disent la joie de pouvoir chanter à jamais.
L'enthousiasme est le même dans la seconde phrase. Sitôt qu'elle a été ramenée à la dominante, la mélodie s'élance à l'extrême limite du mode, enveloppant de toute sa puissance l'ardent souhait de l'Eglise. Elle s'y arrête d'ailleurs ensuite en un gracieux mouvement descendant, puis, pour finir, se pénètre à nouveau de tendre respect sur nomen sanctum éjus.
Comme on le voit, ce verset a un caractère de joie éclatante qui ne s'est pas encore rencontré au cours de l'Avent. L'auteur a-t-il voulu donner là comme une première annonce de la joie de Noël et en pénétrer déjà l'âme des fidèles ? On a d'autant plus de raisons de le croire que les formules 53 et 54 sont particulières à la période de la Nativité. On les trouve ailleurs, mais elles sont si fréquemment répétées au temps de Noël qu'elles contribuent, sans aucun doute, pour leur part, à créer l'atmosphère musicale. El semble que ce soit comme le début d'un crescendo de joie qui, parant du Mercredi des Quatre-Temps, jour consacré à l'Annonciation, jour de l'Incarnation, atteint toute sa puissance aux jours de Noël et de l'Epiphanie.
Ne pas chanter l'intonation avec des effet de basse, mais avec la simplicité et la douceur qui conviennent à une contemplation paisible. Le crescendo est le premier éum sera discret et mené dès le début de l'incise ; C'est une formule assez délicate mais très expressive. Il y a sur le do une distropha, puis al première note de la clivis ou du climacus ; les distrophas seront posées doucement et la voix, renforcée, ira vers la note qui suit pour la répercuter, délicatement. Il s'en suivra une onction pénétrée de ferveur qui servira admirablement le pronom éjus qui tient la place de Dominus.
Retenir quelque peu veritate ; la tristropha, douce. Bien distinguer dans la vocalise qui suit, sur le la, les deux distrophas, du pressus ; lles reçoivent doucement le posé de la voix ; de même celle qui se trouve sur le do dans la dernière incise.
C'est une bivirga qu'il y a sur Laudem au début du Verset ; qu'elle soit appuyée, forte et bien lancée. Sur Domini, deux distrophas et répercussion sur la première note de la clivis ; même interprétation que plus haut. Une bivirga avant les deux climacus qui finissent la première phrase ; bien accuser la première note du second.
La tristropha de os, légère. Bien pendre grade à donner toute leur valeur aux trois notes qui précèdent les notes doubles de méum ; les retenir légèrement évitera le danger d'en faire un triolet. Poser nettement l'épisème vertical de omnis, allonger même un peu la note. (Dans plusieurs cas, la 2ème note est un quilisma.) Un gracieux ralenti sur sanctum, qui se poursuivra sur éjus jusqu'à la fin.
ALLELUIA
LE TEXTE
Viens, Seigneur et ne tarde pas.
Pardonne les péchés de ton peuple.
Cette phrase ne se trouve pas dans l'Ecriture. L'idée en est très simple et s'applique sans difficulté à l'un ou à l'autre des sens de l'Avent. C'est une prière dont l'objet est nettement déterminé : la prière de tout le peuple de Dieu, de toute l'Eglise, suppliant le Christ de venir sauver le monde.
LA MÉLODIE
On la rencontre deux autres fois au cours de l'année : le XXe Dimanche après la Pentecôte (Alleluia Paratum cor méum) et à la messe Loquebar d'une Vierge Martyre (Alleluia Adducentur).
Elle commence dans le grave et se meut lentement dans toute la première phrase, comme la prière très humble du pécheur qui n'ose pas lever les yeux, accablé qu'il est sous ses fautes. Ce n'est que dans la seconde incise qu'elle prend un peu d'ardeur, il y a sur et noli tardare un très bel accent de pressante supplication.
Dans la seconde phrase, la prière est plus aisée sur relaxa. La longue vocalise de facinora est, en elle-même, assez indifférente, mais elle prend, avec les mots, un caractère de prière fort bien adapté. Il y a, dans la répétition du motif initial, une progression qui fait la supplication de plus en plus forte. La première fois, elle monte par trois degrés au si b ; la seconde fois, par un seul mouvement de quarte, elle atteint le do qu'elle marque d'un pressus ; la troisième, elle s'y pose sans préparation et y demeure trois temps. Il y a là une vigueur accrue du plus heureux effet. La mélodie redescend ensuite dans le grave et finit sur une formule propre à certains graduels du Ier mode, elle aussi très priante et très humble, avec une touche assez marquée de crainte révérentielle.
L'Alleluia, lui, est du IIIe mode, mais l'unité demeure parfaite et l'expression y trouve son bien. L'Alleluia ayant en lui-même un caractère de louange que le contraste rend plus marqué encore.
Prendre garde de faire trop longue la double note initiale de l'Alleluia, lequel doit avoir un certain mouvement. Bien balancer le rythme de l'arsis ; la vocalise légère.
Veni Domine tranquille et discret. Crescendo sur noli ; tardare sans éclat. Noter que, dans les thésis de la seconde phrase, toutes les notes doubles sont des distrophas, légères donc ; de même les deux qui précèdent la clivis sur le do, à la dernière reprise du motif. Par contre plé dans plébis est une bivirga. Lier avec soin les grands intervalles de l'avant-dernière incise.
OFFERTOIRE
LE TEXTE
Salut, Marie, de grâce remplie,
Le Seigneur (est) avec toi.
Bénie (es-)tu entre les femmes,
Et béni le fruit de ton sein.
C'est la salutation de l'Ange Gabriel à Notre-Dame et celle d'Elisabeth combinées en un seul texte, lequel forme la première partie de la Salutation angélique. Il n'y manque que le dernier mot, Jésus, qui d'ailleurs ne fut pas dit par Elisabeth.
Au sens liturgique toutefois, ce n'est ni l'Archange ni Elisabeth qui saluent Notre-Dame ; la combinaison des deux salutations en un seul texte s'y oppose. C'est toute l'Eglise qui, au moment où est commémorée la Conception de Notre Seigneur, fait monter sa louange vers celle que Dieu a choisie pour sa mère. Elle a entendu, au cours de la semaine écoulée, le mercredi, le récit de l'Annonciation, le vendredi, celui de la Visitation ; elle recueille, sur les lèvres de l'Archange et d'Elisabeth, les paroles inspirées pour les redire à Notre-Dame, comme l'hommage le plus parfait qu'elle puisse rendre à sa sainteté incomparable et à sa maternité divine.
Bien noter que c'est une salutation. Ceci implique que les chanteurs soient en communication directe avec Notre-Dame : qu'ils chantent pour elle et qu'ils aient conscience que du haut du ciel, elle les écoute et reçoit leur hommage dans la joie de son cœur maternel.
LA MÉLODIE
Quatre phrases (Ave Maria gratia plena ne forme qu'une seule phrase. La grande barre qui suit Maria doit être considérée comme une demi-barre). Les trois premières, en progression l'une sur l'autre, conduisent l'idée jusqu'à Benedicta tu, point culminant de la louange. La quatrième redescend vers le grave où elle s'achève dans la contemplation du mystère.
Il n'y a pas d'éclat dans l'Ave de l'intonation ; c'est un salut gracieux enveloppé de vénération profonde et tendre. Tout le long de la première phrase, l'âme se complaît dans cette attitude d'humble hommage ; elle s'anime seulement, d'un accent de ferveur, sur le nom béni. Un bel élan, habilement préparé, porte la syllabe accentuée de Maria à la dominante où les notes doubles et répercutées mettent un peu plus d'ardeur, d'admiration et d'amour. Mais ce n'est qu'en passant. Elle revient au grave sur gratia pléna et s'y enveloppe plus encore de contemplation ; aussi bien y a-t-l ici quelque chose de plus que la salutation. C'est déjà le mystère, le mystère indicible de l'Immaculée. La phrase s'achève sur pléna par un pressus qui met bien en valeur ce mot de plénitude, qui ne peut se dire que du Christ et de sa Mère.
Dès le début de la seconde phrase, la mélodie, établie sans préparation sur la dominante, prend tout de suite une allure de louange éclatante. C'est une qualité nouvelle que l'Eglise salue en Notre-Dame : son union avec Dieu. La plénitude de la grâce, c'est déjà le Seigneur avec l'âme ; mais, sur les lèvres de l'Archange, le Dominus técum indiquait une modalité spéciale de l'union divine. Le Seigneur est avec Notre-Dame comme il n'est avec personne. C'est de cette union merveilleuse que l'Eglise félicite Marie. La mélodie la sert admirablement. Le s'épanouit sur Dominus en un beau motif plein d'élan, deux fois répété, qui dit l'admiration enthousiaste que provoque l'infinie grandeur de Dieu, tandis que, sur técum, elle se retient comme recueillie, étonnée, confondue d'admiration, devant l'ineffable sainteté de Notre-Dame.
Elle se reprend sur Benedicat tu pour s'élancer cette fois à la limite de son étendue. C'est le troisième mot de a louange. Il est la conséquence des deux autres. C'est parce qu'elle est pleine de grâce et que le Seigneur est avec elle que Marie est bénie entre toutes les femmes ; nouvelle Eve, celle que toutes les nations diront Bienheureuse. La mélodie le met au-dessus de tout ; elle dépasse la dominante, monte et plane, à loisir, dans les hauteurs, s'appuyant sur des notes doubles et des pressus qui lui permettent de déployer toute sa puissance et de colorer d'accents de ferveur ce mot de bénédiction. Il s'achève sur le pronom tu en une belle cadence pleine et large qui va tout droit à Notre-Dame avec une nuance délicate de tendresse. La seconde incise ramène à la dominante le mot muliéribus. L'admiration s'y prolonge, toujours fervente ; notez le pressus et le torculus avec son mouvement hardi de quarte retombant sur la bivirga de la syllabe accentuée. D'une façon assez inattendue, la phrase s'achève par une cadence en demi-ton sur si qui laisse la mélodie en suspens, comme si l'Eglise, évoquant en une sorte de contemplation toutes les femmes de la race, les voyait se perdre en une perspective infinie, tendues en un geste de bénédiction vers Notre-Dame qui, de très haut, enveloppée dans la gloire du Verbe Incarné, les domine toutes de l'éclat de sa maternité.
La quatrième phrase est, de toutes, la plus profonde. Ici, c'est le mystère ; le mystère du Verbe fait chair dans le sein de Notre-Dame. La mélodie abandonne les hauteurs, descend par degrés, sur benedictus qu'elle souligne seulement d'un pressus, descend encore sur fructus, puis demeure dans le grave, presque sans se mouvoir. Un motif deux fois répété de quelques notes qui montent et descendent par degrés conjoints sur véntris, un dernier pressus sur tui comme pour faire rejaillir la gloire du Fils sur la Mère - car c'est pour le Fils qu'est toute la louange dans cette dernière phrase - et c'est tout. L'ineffable ne saurait s'exprimer.
Il faut chanter avec beaucoup de souplesse. On y veillera particulièrement dans l'intonation. Le climacus qui s'achève sur la première note pointée sera légèrement retenu pour donner à cette demi-cadence sur mi toute sa valeur d'admiration gracieuse et tendre.
Chanter Maria avec beaucoup de ferveur. Les deux premières notes de ri bien appuyées, assez fortes, avec l'élan de l'accentuation : ce sont deux virgas ; les deux autres sont des distrophas ; la répercussion en sera délicate et il y aura un crescendo jusqu'à la répercussion, très délicate aussi, de la virga. La cadence sur sol très peu ralentie, de façon à rattacher Maria à gratia pléna. Une pause.
Discret a tempo au départ de Dominus dont les thésis seront légères, comme le sera la tristropha de técum, qu'on renforcera toutefois pour la lier au climacus. Sur ne dans Benedicta, une bivirga, bien l'appuyer et mener le crescendo e un bel enthousiasme vers le pressus. Conduire avec mesure l'admirable descente de benedictus fructus, sans que la voix perde brusquement de sa sonorité. Véntris tui très lien avec le salicus bien doux.
COMMUNION
LE TEXTE
Voici qu'une Vierge concevra
Et enfantera un Fils,
Et il sera appelé de son nom Emmanuel. Isaïe, VII, 14.
Cette parole fut dite comme une prophétie par Isaïe à Achaz. « Le Seigneur vous donnera lui-même un signe : voici qu'une vierge enfantera... » Le signe promis arrivera le jour de l'Annonciation. C'est le mot même du prophète en effet que l'Archange dit à Notre-Dame : « Voici que vous concevrez et enfanterez un Fils et vous lui donnerez le nom de Jésus ».
Ce texte est tout à fait à sa place le jour où est commémorée l'Annonciation. Toutefois il ne semble pas qu'il doive être chanté ici comme une prophétie ; c'est l'Eglise qui après avoir entendu la parole du Prophète à l'Epître, et celle de l'Ange à l'Evangile, y revient, au moment de la communion. Contemplant dans la lumière de la grâce sacramentelle, l'Incarnation qui se prolonge par l'Eucharistie dans tout le Corps Mystique, elle chante la joie de l'Emmanuel, du Dieu avec nous, en même temps que le mystère de Noël dans lequel à nouveau va s'accomplir mystiquement la parole divine.
LA MÉLODIE
Une joie émerveillée ; on en caractériserait bien ainsi, en deux mots l'expression. Elle est très discrète dans sa première incise, avec quelque chose de recueilli, de contemplatif, répandu sur toute la thésis de concipiet. Dans une sorte de jouissance profonde, l'âme admire le mystère de la Vierge Mère.
Et voilà qu'elle s'anime et que son admiration prend de l'ampleur. Un souffle puissant passe, qui emporte les mots dans l'enthousiasme, Filium après pariet, comme si l'âme, de plus en plus éclairée, réalisait ce qu'est le mystère de la maternité divine.
Mais, à peine a-t-elle saisi cette seconde merveille, qu'une troisième s'offre à elle : le mystère de Dieu avec nous cette fois, et vocabitur Emmanuel... Elle n'a pas le temps de s'arrêter si peu que ce soit ; de la première phrase, le souffle d'allégresse passe dans la seconde, l'entraînant dans la progression jusqu'à la distropha de vocabitur. Là quelque chose change. Le mystère s'étend. Il s'étend jusqu'à l'âme. Elle sent qu'elle y entre, en ce moment de la communion. Elle se recueille, se refermant sur les merveilles qui s'opèrent en elle. La mélodie la suit dans sa contemplation. Elle n'a plus le souci des notes éclatantes, ni des mouvements à grand espace ; elle se retient. Notez les clivis allongées de vocabitur, elle descend peu à peu vers le grave, jusqu'à ce qu'elle arrive à Emmanuel, le mot du mystère. Elle s'y complaît, en une formule qui, comme celle du véntris tui de l'Offertoire, se contente de quelques notes conjointes qui descendent et montent mais où passe toute la tendresse de l'âme pour l'Hôte divin qui est avec elle.
L'intonation paisible ; de même concipiet dont les podatus seront bien posés. Ceux de pariet aussi, tout le sommet en sera élargi. Le lier étroitement à Filium qui sera à peine retenu afin que l'enthousiasme aille croissant sur et vocabitur. C'est une bivirga qu'il y a sur vo. Retenir quelque peu tur. Beaucoup de grâce et de ferveur sur Emmanuel, qui sera très ralenti.
- Polyphonies pour l'Avent
- L'hymne Creator alme siderum en alternance grégorien/polyphonie
- L'hymne Creator alme siderum en grégorien
- Les cantiques de l'Avent (CD)
- Les cantiques de l'Avent (Partitions)
Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici
Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.
INTROÏT
LE TEXTE
Acclamez Dieu, toute la terre, Alleluia.
Un psaume chantez à son nom, Alleluia.
Donnez de l’éclat à sa louange, Alleluia.
Ps. – Dites à Dieu : Que terribles sont tes œuvres !
Devant la grandeur de ta puissance,
Ils te mentiront tes ennemis.
(obligés qu’ils seront de te louer). Ps. LXV. 1, 2, 3.
Ces deux versets, dans le Psaume, sont adressés à toute la terre comme une invitation à louer Dieu avec éclat pour l’un des nombreux miracles qu’il fit pour sauver son peuple.
Ils sont tout à fait à leur place au temps de Pâques et particulièrement en ce IIIe dimanche où le Christ, pour la première fois, nous dit à l’Evangile qu’il va retourner dans la gloire du Père et nous y donne rendez-vous pour « une joie que personne ne nous ravira jamais ».
C’est l’Eglise qui les chante, toute l’Eglise ; celle du Ciel, de la terre, du purgatoire, appelant ses membres, et toute la création en eux, à louer Dieu d’avoir ressuscité son Fils, et nous avec lui, en nous communiquant, par le Baptême et l’Eucharistie, son éternelle vie.
LA MÉLODIE
Jubilate, le premier mot de l’intonation, est revêtu du même motif que dans l’Offertoire du Dimanche dans l’Octave de l’Epiphanie ; mais, ici, la syllabe la n’a aucun développement neumatique et la mélodie, au lieu de se complaire en broderies sur le fa, remonte au la sur Déo et conduit ainsi le mouvement en arsis vers la double note du torculus par l’accent tonique, il prend sur cette bivirga, tout au sommet de la mélodie, un nouvel élan qui le fait aller, en des rebondissements thétiques mais pleins de vie, comme d’un seul jet jusqu’à la cadence de l’Alleluia. Cette première phrase est une merveille d’ardeur et d’entrain ; c’est tout l’enthousiame de l’Eglise reconnaissante et vibrante d’espoir qui passe et voudrait entrainer le monde entier dans la louange.
Dans les deux autres phrases, le mouvement est moins alerte. A quelques exceptions près, chaque syllabe a son neume et très souvent il est élargi. Ce n’est pas que l’ardeur soit moindre mais elle est plus pondérée, plus intérieure, si l’on peut dire ; quelque chose de plus religieux la pénètre. Il semblerait que l’auteur, prenant les mots dans leur sens précis, ait vu dans Jubilate omnis terra un appel à toute la création pour une acclamation générale et, dans le psalmum dicite, une invitation à la louange liturgique, d’où cette nuance assez marquée de réserve et de gravité. Le texte et la mélodie, serrés de près, prêtent à cette interprétation ; d’autant plus qu’en maints autres cas la même expression musicale se trouve sur psallere, psalmum dicere, psallentes, psallat…(Voir entre autres l’Introït du Dimanche dans l’Octave de l’Epiphanie, celui du IIe Dimanche après l’Epiphanie ainsi que l’Offertoire de ce même Dimanche, l’Offertoire de la Septuagésime et celui du IVe Dimanche de Carême).
Le psaume, par son allure décidée, est bien dans le ton, et la cadence sur inimici s’adapte parfaitement à la nuance d’ironie qui se trouve dans les mots.
La première phrase sera chantée d’un seul mouvement ; l’accent de Jubilate bien lancé, la première note du podatus de Déo légèrement allongée, la bivirga de omnis vibrante d’entrain.
Pas de contraste poussé entre les deux phrases, il se fera de lui-même. Gardez le mouvement et faites très souples les beaux rythmes de dicite nomini ejus, attaquez avec fermeté le salicus de date, mais retenez délicatement les quatre notes de te ; menez les Alleluia en crescendo vers le troisième qui sera élargi et aura de l’éclat.
ALLELUIA I
LE TEXTE
La rédemption il a envoyée, le Seigneur à son peuple. Ps. CX. 9.
C’est de la délivrance de la captivité d’Egypte ou de Babylone qu’il s’agit dans le Psaume. Ici, dans la liturgie de Pâques, c’est du salut que le Seigneur nous a envoyé par son Fils ; lequel ayant payé notre rançon de son sang, nous a délivrés de l’emprise du démon et faits libres.
L’Alleluia est ainsi une paraphrase très heureuse de l’Epître, où il nous est rappelé que c’est en tant qu’hommes libres que nous devons obéir à Dieu et aux hommes qu’il a établis sur nous.
LA MÉLODIE
L’Alleluia est celui de la messe du jour de Noël. Comme il est très spécial à la période de la Nativité, on peut se demander quelle raison l’a fait choisir pour un dimanche qui en est si éloigné. Serait-ce le mot misit ? C’est à Noël que le Sauveur a été envoyé… de telles nuances ne sont pas rares. (cf le Trait Domine audivi du Vendredi Saint)
Le verset, lui, est original. Une phrase très simple qui, dans un beau mouvement de joie, met misit en pleine évidence au sommet de l’arsis puis vient se complaire sur Dominus qu’elle baigne de révérence, de tendresse et de gratitude.
ALLELUIA II
LE TEXTE
Il fallait qu’il souffrit, le Christ
Et qu’il ressuscitât d’entre les mors,
Et qu’ainsi il rentrât dans sa gloire. Luc XXIV. 26.
Sous une forme légèrement différente, ces paroles furent dites plusieurs fois par Notre Seigneur aux apôtres pour prophétiser sa Passion et sa Résurrection. (Math. XVI. 21. – Marc IX, 30) Au matin de Pâques les deux anges du tombeau les rappelèrent aux Saintes Femmes : « Souvenez-vous qu’il a dit lorsqu’il était en Galilée ; Il faut que le Fils de l’homme… »(Luc XXOV. 7) Le soir, Notre Seigneur, lui-même, sur un ton qui comportait une nuance de reproche pour leur mémoire si courte, les redit aux disciples d’Emmaüs : « Ne fallait-il pas que le Christ souffrît et qu’ainsi il entrât dans sa gloire ».(Luc XXIV. 26)
C’est de ce dernier texte que ce verset de l’Alleluia se rapproche le plus ; on a seulement ajouté resurgere a mortuis et supprimé la forme interrogative. Ce dernier point a son importance. Par le fait que le texte est revenu une affirmation, il ne semble pas que ce soit Notre Seigneur qui le chante ici, mais plutôt l‘Eglise qui se le remet en mémoire, en méditant les détails de la Résurrection. Il devient ainsi comme une sorte de prélude à l’Evangile où Notre Seigneur, pour la première fois, va parler de sn entrée prochaine dans la gloire : dernier accomplissement de la prophétie.
LA MÉLODIE
Elle est calme, recueillie, toute baignée de paix.
La première phrase toutefois est empreinte d’une nuance très particulière de tristesse par une certaine réserve qui la maintient dans le grave et plus encore, par les cadences en demi-ton de oportébat et de Christum. Ce n’est pas la douleur aigüe de la Passion : l’Eglise ne pleure pas ; elle est dans la joie de Pâques ; mais, au souvenir de ce que le Christ a dû souffrir, une sorte d’attendrissement pénètre sa contemplation. C’est cette douleur des souffrances du Christ, cette douleur de souvenir, qui passe dans son chant et le revêt de nuances si délicates ; de celles-là mêmes que prend tout naturellement notre voix lorsque nous parlons des souffrances passées de nos amis. Resurgere a mortuis n’a pas d’expression particulière, mais il s’achève tout de même sur une cadence en ton plein où il n’y a plus de tristesse.
C’est une heureuse transition à la phrase qui va chanter le prix de la douleur, à savoir l’entrée du Christ dans la gloire. Elle le fait sur un motif deux fois répété ; sur ita et gloria ; il est plein de noblesse, de grandeur et d’éclat. L’âme y trouve tout ce qu’il lui faut pour exprimer la joie forte et pleine que les mots divins ont mise en elle en lui révélant le mystère de la souffrance du Christ et celui de sa propre souffrance qui s’y trouve enfermé. La phrase s’achève sur le jubilus de l’Alleluia déjà ébauché sur intrare à la fin de la première incise. Lui aussi, comme pour reprendre toute l’idée, a sa première partie nuancée de tristesse, elle se développe dans le grave et a ses cadences bien posées en demi-ton par le torculus, tandis que la seconde, s’établissant dans les hauteurs, y chante la joie, se posant à peine sur le mi et s’achevant en ton plein par la cadence de mortuis, qui reste suspendue, comme si l’âme continuait, dans le silence, la contemplation du Christ entrant dans la gloire.
C’est un chant délicat ; il doit être chanté doucement, sans effort dans un mouvement très souple et très lié.
Ralentir la cadence finale de l’Alleluia et de suam afin de bien lui donner son caractère contemplatif et mystérieux. Faites très expressifs les pressus de oportébat et de Christum ; Un peu plus de mouvement dans la seconde phrase. Arrondissez le sommet de ita et de gloriam.
OFFERTOIRE
LE TEXTE
Loue, mon âme, le Seigneur.
Je louerai le Seigneur durant ma vie.
Je chanterai des psaumes à mon Dieu
Tant que je serai, Alleluia. Ps. CXLV, 2.
Le verset du Psaume est, à lui seul, une sorte de dialogue ; l’âme s’invite d’abord elle-même à louer le Seigneur, puis, répondant à l’invitation, elle commence sa louange – qu’elle développera tout le long du Psaume – en proclamant qu’elle chantera le Seigneur toute sa vie.
Cette promesse d’éternelle louange est bien à sa place après l’Evangile qui vient d’être chanté. Notre Seigneur en effet n’y annonce pas seulement qu’il remonte à son Père mais il prédit son retour : « Encore un peu de temps et vous me reverrez… » Interrogé sur le sens de ce retour, il répondit : « vous êtes dans la tristesse… mais je vous verrai de nouveau et votre cœur se réjouira et personne ne vus ravira votre joie. » La réponse était imprécise ; il est probable que les apôtres n’en saisirent pas le sens profond, mais, pour nous, elle est claire ; c’est l’avènement de gloire et l’éternelle béatitude qui suivra que Notre Seigneur annonce.
Cet Offertoire se présente donc comme un chant de reconnaissance dans lequel l’âme dit à Dieu que, pour tout le bonheur qu’il lui a donné déjà et pour celui qu’il lui promet, elle le louera, tant qu’elle vivra.
LA MÉLODIE
Parole intérieure, musique intérieure. L’invitation qui prend toute la première phrase, est baignée de joie intime ; notez la plénitude des intervalles et les cadences sur mi et sur fa si délicates. L’âme, remplie de la parole divine qui lui promet une félicité accrue et sans fin avec le Christ dans la gloire, contemple, dans une atmosphère de gratitude heureuse, la bonté du Seigneur et, doucement, discrètement, intimement puisqu’elle se parle à elle-même, elle chante pour s’exciter à le louer. A part l’invitation qui traduit si parfaitement cet état de paisible bonheur, tout le reste de la phrase est une formule du IVe mode, mais le mode est lui-même si bien dans le ton !
La seconde phrase a plus de mouvement. L’âme, sans sortir de sa sainte quiétude, fait à sa propre invitation une réponse empressée, ardente. Un très bel élan, un élan de louange déjà, emporte Dominum sur les hauteurs où il s’épanouit avant d’être ramené tendrement à la tonique. Laudabo Dominum in vita mea ; elle louera, toute sa vie ; elle insiste sur ces derniers mots : épisème, quilisma, pressus ; toutes les ressources de la mélodie sont amenées pour mettre en relief cette promesse d’éternelle louange car la vie de celui qui loue le Seigneur ne finit pas.
Après avoir achevé cette affirmation d’ordre général sur la formule si tendre qui finit la première phrase, l’âme précise ce que sera sa louange : psallam. Je chanterai des Psaumes à mon Dieu. Après les quatre premières notes, qui ramènent, très heureusement ici, la nuance de bonheur profond, – le bonheur de chanter – le mot s’étend sur la tristropha, enveloppé de la même religieuse vénération que dans l’Introït sur Psalmum. Cette vénération se pénètre d’ardeur et de tendresse tout le long des arsis de Deo meo et que quamdiu et, plus encore peut-être, sur ero que le quilisma et le pressus font si expressif.
L’Alleluia reprend le motif de psallam et le prolonge par une bivirga et une clivis allongées, intensifiant ainsi pour finir le sentiment de contemplation paisible et heureuse qui enveloppe tout depuis le début.
Le mouvement sera paisible. Elargir la partie thétique de l’intonation. Bien veiller à ne pas traîner les cadences de Dominum et de mea, qui, pour un rien, deviendraient des plaintes.
On mettra un peu plus de mouvement dans la seconde phrase ; accélérant quelque peu l’arsis de laudabo, mais retenant la dernière syllabe de Dominum. Bien rythmer ero, à la fin de la dernière phrase. Ralentir progressivement l’Alleluia.
COMMUNION
LE TEXTE
Un peu de temps et vous ne me verrez plus, Alleluia.
Encore un peu de temps et vous me reverrez
Parce que je vais à mon Père.
Alleluia, Alleluia. Jean. XVI, 16.
Ces paroles ont été prononcées par Notre Seigneur après la Cène. Il prédisait là sa mort et sa Résurrection, mais aussi son retour, à la fin du monde, pour son triomphe total et définitif.
Ici, ce n’est pas le Christ de la Passion qui les chante ; le Temps Pascal s’y oppose et, plus encore, le caractère joyeux de la mélodie qui est tout à l’opposé de la gravité triste du Discours après la Cène ; c’est l’Eglise qui se les remémore ou, mieux encore, le Christ Glorieux qui, dans l’intimité de la communion, les redit à ceux qui le reçoivent en leur donnant un sens particulier d’intimité :
« Vous qui me recevez dans votre âme, vous ne me voyez pas de vos yeux de chair car je suis remonté vers mon Père, mais vous me reverrez parce que Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, je me manifesterai à lui et je le ressusciterai au dernier jour, car là où je suis, je veux qu’il soit aussi. »
LA MÉLODIE
La première phrase, bien qu’elle évoque le départ et la séparation, n’est pas triste. C’est un récitatif, il n’exprime pas de sentiment bien déterminé jusqu’à l’Alleluia qui, lui, a une note de joie très nette, mais peut-être un peu brusquement amenée.
Il reste qu’il est une transition heureuse à la seconde phrase qui, elle, est joyeuse d’une joie éclatante ; la joie que le Christ, maintenant dans la gloire, veut communiquer aux siens comme un réconfort, en évoquant les jours où ils seront avec lui près du Père.
L’attaque de iterum en plein élan sur la dominante a bien ce caractère de force qui convainc et ranime en remplissant l’âme de vivant espoir. La dernière incise, elle, se nuance de joie aimable puis la mélodie redevient grave à l’évocation du mystère de la Paternité divine, bien plus profond et bien plus béatifiant que celui du Christ et que la joie de son visage à jamais contemplé.
Liez de près l’Alleluia de la première phrase à me, qui sera bien posé, et chantez-le avec une certaine douceur afin d’atténuer ce qu’a d’un peu brusque cette note de joie.
La deuxième phrase sera chantée d’un seul mouvement, avec entrain, la double note de iterum bien appuyée.
Ralentissez quelque peu le vado ad Patrem qui sera bien balancé. Les Alleluia auront leur nuance de joie délicate si on ne les force pas. Elargissez légèrement le podatus du second.
Cantiques pour Pâques
Écoutes de pièces
Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici