Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.

INTROÏT

LE TEXTE

Versez votre rosée, cieux, d'en haut, et que le nuages pleuvent le Juste.
 Qu'elle s'ouvre, la terre, 
Et qu'elle germe le Sauveur.

Ps.- Les cieux disent la gloire de Dieu
Et l'œuvre de ses mains, il la proclame, le firmament. Isaïe, XLV, 8 - Ps. XVIII, 2.

Au chapitre XLV, Isaïe rapporte ce qu'il a entendu le Seigneur dire à Cyrus, qu'il va susciter pour être son christ, sauver le peuple et rebâtir la cité et le temple. A la vision de ce sauveur d'un moment, par delà lequel il voit le Messie et son œuvre éternelle, il est transporté et, interrompant sa prophétie, lance vers le ciel son désir ardent pour que soit bâtie la venue des deux libérateurs. Il le fait sous la forme poétique de la rosée qui fait germer la plante, symbolisant ainsi l'action divine qui fera de Cyrus et du Christ des sauveurs parfaits.

Au sens liturgique, c'est l’Église qui appelle le Messie. Rien n'est à changer dans l'image du prophète, mais il faut lui donner tout son sens divin. La rosée sollicitée du ciel, c'est l'action fécondante du Saint-Esprit ; la terre, c'est Notre-Dame, fleur de la race, qui s'ouvre au sommet de la tige de Jessé et qui, fécondée sous l'ombre mystérieuse de l'Esprit du Très-Haut, va produire son fruit divin ; le Verbe fait chair.

Cette prière admirable et tout à fait à sa place le Mercredi des Quatre-Temps, tout entier consacré à l'Annonciation. Il faut lui garder ici la même interprétation ; d'autant que, par l'Offertoire et la Communion tout au moins, le mystère continue d'être fêté. Et il faut la chanter comme la prière suprême, entendue de Dieu par delà les siècles, et qui a contribué à faire venir plus tôt l'heure du Messie et de Notre-Dame ; mais aussi, comme la supplication qui va mériter aux âmes de recevoir le Verbe fait chair quand il va revenir et de se livrer à l'influence de son Esprit comme la terre à la rosée, lui donnant ainsi ce qu'il attend d'elles pour réaliser la plénitude de son Incarnation.

Le Psaume, lui, n'est pas une prière ; il est la constatation joyeuse des merveilles de Dieu qui se réalisent dans le mystère.

LA MÉLODIE

Une prière ardente de deux phrases qui s'opposent ici, encore, suivant le texte, comme le ciel et la terre.

La première est un admirable mouvement de l'âme portant on désir, comme dans le graduel. Qui sédes, aussi haut que possible, jusqu'aux nuées fécondes d'où va venir la céleste rosée, puis redescendant douce et paisible comme descendra le Juste qu'elle chante. La supplication est ardente sur le pressus de caeli, les quilismas de désuper, le pressus de pluant, mais il n'y a pas d'inquiétude, de doute, d'angoisse ; au contraire, une grande sérénité et une joie discrète se mêlent partout à la prière dans la tonalité claire du mode de fa ; la joie de l'Eglise qui sait, car elle en jouit déjà, tout le bonheur qu'il y a pour elle dans cette pluie fécondante qu'elle sollicite.

La seconde a moins d'élan. C'est la terre que l'Eglise regarde et encore qu'il s'agisse de Notre-Dame, ce chef-d'œuvre de grâce qui va produire la nature humaine du Christ, n'est-elle pas tout en bas par comparaison avec l'infinie perfection du verbe qui va y descendre ? Et puis, c'est le mystère dont la profondeur ne saurait se chanter ; Aussi, après l'ardeur de la supplication sur aperiatur, la mélodie revient-elle au mode de ré, et en des neumes qui s'effacent de plus en plus, elle s'éteint, gracieusement d'ailleurs, sur Salvatorem, le mot du désir.

La deuxième note de ra dans Rorate doit être élargie. Le crescendo de la première incise sera ardent mais sans éclat ; c'est une prière. Bien accentuer nubes et aller sur le pressus de pluant en progression.

Veiller à ce que tur dans aperiatur ait bien sa valeur et qu'on ait le temps d'articuler. Térra sera légèrement retenu ainsi que les quatre dernières notes de gérminet.

Le Psaume sera chanté dans un bon mouvement et pénétré déjà de la joie du « Gloria in excelsis » qu'il prophétise.

GRADUEL

LE TEXTE

Il est proche, le Seigneur,
De tous ceux qui l'invoquent,
De tous ceux qui l'invoquent dans la vérité.

Verset. - La louange du Seigneur,
Elle la chantera, ma bouche,
Et que toute chair bénisse le Seigneur. Ps. CXLIV, 18, 21.

Dans la première partie, le psalmiste exprime une idée très simple ; à savoir que le Seigneur est tout disposé à écouter ceux qui le prient. Toutefois, il a précisé d'un mot : ceux qui le prient dans la vérité ; c'est-à-dire qui lui demandent, en toute sincérité, des chose vraies ; entendons : ceux qui sont conformes à sa volonté, car la vérité, c'est, en même temps, ce que Dieu pense et ce que Dieu veut.

Le Verset, lui, est un hommage de reconnaissance de l'âme qui promet à Dieu une louange sans fin en retour de la bienveillance qu'il lui témoigne.

Au sens liturgique, peut-être serait-on porté à s'appuyer sur les premiers mots Prope est Dominus pour faire entrer ce texte dans le cadre de l'Avent. Ce ne serait pas absolument exact car c'est en tout temps que le Seigneur exauce ceux qui savent le prier. Il ne faut pas non plus le rattacher à l'Epître qui vient d'être lue, mais à l'Epître du mercredi précédent pour laquelle il a été choisi. Dans cette Epître, on nous ait entendre l'histoire d'Achaz qui, par manque de confiance, refusa de demander un prodige au Seigneur et qui reçut, en réplique, d'Isaïe la fameuse prophétie qui annonçait le prodige des prodiges : « Le Seigneur vous donnera lui-même un signe : Voilà qu'une Vierge concevra et enfantera un Fils et son nom sera Emmanuel ». A la fin de ce récit, ces deux versets viennent sur es lèvres de l'Eglise comme une sorte de réflexion. Repliée sur elle-même et gardant bien présent à l'esprit tout ce qu'elle vient d'entendre, elle se dit : Achaz a eu tort...Le Seigneur est tout près de ceux qui l'invoquent et bientôt il sera plus près d‘eux encore ; car le prophète a dit que Celui qui doit venir aura nom Emmanuel, ce qui veut dire : Dieu est avec nous.

Cette annonce précise de l'Incarnation amène alors la grande louange du Verset. Laudem Domini...

LA MÉLODIE

(V) Prope est Dominus omnibus invocantibus éum omnibus qui invoquant éum in verita te.

Elle est composée de trois formules : celle de Prope est Dominus et les deux de éum. Ces formules sont reliées entre elles par les motifs presque syllabiques de omnibus invocantibus et de omnibus qui invoquant. Un seul mot est original, in veritate, encore s'achève-t-il en une formule finale commune.

Le fait qu'elle est à ce point centonisée n'empêche pas qu'elle soit très expressive. L'auteur s'est servi de formules toutes faites mais il les a choisies pour le texte et les a disposées de telle sorte qu'elles puissent en exprimer au mieux le contenu. Notez qu'elles sont placées sur les mots importants : Dominus, le nom divin, et éum qui le représente ; et que, par le contraste que font leurs neumes avec les motifs syllabiques qui les entourent, elles les mettent en particulier relief. Aussi bien est-ce le mot de l'Epître : Pete signum a Domino, dit Isaïe. Non tentabo Dominum, répond Achaz. Propter hoc dabit Dominus ipse vobis signum, réplique le prophète.

L'intonation est grave. (Cette formule n'est employée que sur le mot Dominus ; de sorte qu'elle est moins une formule centon qu'un motif réservé uniquement au nom du Seigneur, comme plusieurs autres.) Mais ce serait une erreur d'y voir la moindre tristesse. Au contraire, on y discerne déjà en une nuance discrète la joie qui se dégage du texte et qui caractérise tout le Graduel. Toute pénétrée de respect, elle se retient, s'efface, sur le nom divin, mais, sitôt après, elle se laisse aller, se développe sur omnibus invocantibus et va s'épanouir sur éum en un bel élan qui se détend dans la plénitude de la cadence en fa. Elle passe dans la seconde phrase, s'élève avec grâce sur omnibus, puis redescend dans le grave où elle se revêt à nouveau sur éum d'une certaine révérence qu'elle garde jusqu'à la fin.

Le Verset. - Laudem Domini loquétur os méum Et benedicat omnis caro nomen sanctum éjus.

La joie est ici enthousiaste. Lancée avec une ferme assurance sur la distropha de Laudem, elle se développe en une sorte de contemplation sur Domini : légère, souple, heureuse. Une nuance de tendresse plus marquée passe avec le si b, puis l'exaltation, grandissant à nouveau, va vers loquétur os méum où elle atteint toute sa puissance d'expression sur les mots mêmes qui disent la joie de pouvoir chanter à jamais.

L'enthousiasme est le même dans la seconde phrase. Sitôt qu'elle a été ramenée à la dominante, la mélodie s'élance à l'extrême limite du mode, enveloppant de toute sa puissance l'ardent souhait de l'Eglise. Elle s'y arrête d'ailleurs ensuite en un gracieux mouvement descendant, puis, pour finir, se pénètre à nouveau de tendre respect sur nomen sanctum éjus.

Comme on le voit, ce verset a un caractère de joie éclatante qui ne s'est pas encore rencontré au cours de l'Avent. L'auteur a-t-il voulu donner là comme une première annonce de la joie de Noël et en pénétrer déjà l'âme des fidèles ? On a d'autant plus de raisons de le croire que les formules 53 et 54 sont particulières à la période de la Nativité. On les trouve ailleurs, mais elles sont si fréquemment répétées au temps de Noël qu'elles contribuent, sans aucun doute, pour leur part, à créer l'atmosphère musicale. El semble que ce soit comme le début d'un crescendo de joie qui, parant du Mercredi des Quatre-Temps, jour consacré à l'Annonciation, jour de l'Incarnation, atteint toute sa puissance aux jours de Noël et de l'Epiphanie.

Ne pas chanter l'intonation avec des effet de basse, mais avec la simplicité et la douceur qui conviennent à une contemplation paisible. Le crescendo est le premier éum sera discret et mené dès le début de l'incise ; C'est une formule assez délicate mais très expressive. Il y a sur le do une distropha, puis al première note de la clivis ou du climacus ; les distrophas seront posées doucement et la voix, renforcée, ira vers la note qui suit pour la répercuter, délicatement. Il s'en suivra une onction pénétrée de ferveur qui servira admirablement le pronom éjus qui tient la place de Dominus.

Retenir quelque peu veritate ; la tristropha, douce. Bien distinguer dans la vocalise qui suit, sur le la, les deux distrophas, du pressus ; lles reçoivent doucement le posé de la voix ; de même celle qui se trouve sur le do dans la dernière incise.

C'est une bivirga qu'il y a sur Laudem au début du Verset ; qu'elle soit appuyée, forte et bien lancée. Sur Domini, deux distrophas et répercussion sur la première note de la clivis ; même interprétation que plus haut. Une bivirga avant les deux climacus qui finissent la première phrase ; bien accuser la première note du second.

La tristropha de os, légère. Bien pendre grade à donner toute leur valeur aux trois notes qui précèdent les notes doubles de méum ; les retenir légèrement évitera le danger d'en faire un triolet. Poser nettement l'épisème vertical de omnis, allonger même un peu la note. (Dans plusieurs cas, la 2ème note est un quilisma.) Un gracieux ralenti sur sanctum, qui se poursuivra sur éjus jusqu'à la fin.

ALLELUIA

LE TEXTE

Viens, Seigneur et ne tarde pas.
Pardonne les péchés de ton peuple.

Cette phrase ne se trouve pas dans l'Ecriture. L'idée en est très simple et s'applique sans difficulté à l'un ou à l'autre des sens de l'Avent. C'est une prière dont l'objet est nettement déterminé : la prière de tout le peuple de Dieu, de toute l'Eglise, suppliant le Christ de venir sauver le monde.

LA MÉLODIE

On la rencontre deux autres fois au cours de l'année : le XXe Dimanche après la Pentecôte (Alleluia Paratum cor méum) et à la messe Loquebar d'une Vierge Martyre (Alleluia Adducentur).

Elle commence dans le grave et se meut lentement dans toute la première phrase, comme la prière très humble du pécheur qui n'ose pas lever les yeux, accablé qu'il est sous ses fautes. Ce n'est que dans la seconde incise qu'elle prend un peu d'ardeur, il y a sur et noli tardare un très bel accent de pressante supplication.

Dans la seconde phrase, la prière est plus aisée sur relaxa. La longue vocalise de facinora est, en elle-même, assez indifférente, mais elle prend, avec les mots, un caractère de prière fort bien adapté. Il y a, dans la répétition du motif initial, une progression qui fait la supplication de plus en plus forte. La première fois, elle monte par trois degrés au si b ; la seconde fois, par un seul mouvement de quarte, elle atteint le do qu'elle marque d'un pressus ; la troisième, elle s'y pose sans préparation et y demeure trois temps. Il y a là une vigueur accrue du plus heureux effet. La mélodie redescend ensuite dans le grave et finit sur une formule propre à certains graduels du Ier mode, elle aussi très priante et très humble, avec une touche assez marquée de crainte révérentielle.

L'Alleluia, lui, est du IIIe mode, mais l'unité demeure parfaite et l'expression y trouve son bien. L'Alleluia ayant en lui-même un caractère de louange que le contraste rend plus marqué encore.

Prendre garde de faire trop longue la double note initiale de l'Alleluia, lequel doit avoir un certain mouvement. Bien balancer le rythme de l'arsis ; la vocalise légère.

Veni Domine tranquille et discret. Crescendo sur noli ; tardare sans éclat. Noter que, dans les thésis de la seconde phrase, toutes les notes doubles sont des distrophas, légères donc ; de même les deux qui précèdent la clivis sur le do, à la dernière reprise du motif. Par contre plé dans plébis est une bivirga. Lier avec soin les grands intervalles de l'avant-dernière incise.

OFFERTOIRE

LE TEXTE

Salut, Marie, de grâce remplie,
Le Seigneur (est) avec toi.
Bénie (es-)tu entre les femmes,
Et béni le fruit de ton sein.

C'est la salutation de l'Ange Gabriel à Notre-Dame et celle d'Elisabeth combinées en un seul texte, lequel forme la première partie de la Salutation angélique. Il n'y manque que le dernier mot, Jésus, qui d'ailleurs ne fut pas dit par Elisabeth.

Au sens liturgique toutefois, ce n'est ni l'Archange ni Elisabeth qui saluent Notre-Dame ; la combinaison des deux salutations en un seul texte s'y oppose. C'est toute l'Eglise qui, au moment où est commémorée la Conception de Notre Seigneur, fait monter sa louange vers celle que Dieu a choisie pour sa mère. Elle a entendu, au cours de la semaine écoulée, le mercredi, le récit de l'Annonciation, le vendredi, celui de la Visitation ; elle recueille, sur les lèvres de l'Archange et d'Elisabeth, les paroles inspirées pour les redire à Notre-Dame, comme l'hommage le plus parfait qu'elle puisse rendre à sa sainteté incomparable et à sa maternité divine.

Bien noter que c'est une salutation. Ceci implique que les chanteurs soient en communication directe avec Notre-Dame : qu'ils chantent pour elle et qu'ils aient conscience que du haut du ciel, elle les écoute et reçoit leur hommage dans la joie de son cœur maternel.

LA MÉLODIE

Quatre phrases (Ave Maria gratia plena ne forme qu'une seule phrase. La grande barre qui suit Maria doit être considérée comme une demi-barre). Les trois premières, en progression l'une sur l'autre, conduisent l'idée jusqu'à Benedicta tu, point culminant de la louange. La quatrième redescend vers le grave où elle s'achève dans la contemplation du mystère.

Il n'y a pas d'éclat dans l'Ave de l'intonation ; c'est un salut gracieux enveloppé de vénération profonde et tendre. Tout le long de la première phrase, l'âme se complaît dans cette attitude d'humble hommage ; elle s'anime seulement, d'un accent de ferveur, sur le nom béni. Un bel élan, habilement préparé, porte la syllabe accentuée de Maria à la dominante où les notes doubles et répercutées mettent un peu plus d'ardeur, d'admiration et d'amour. Mais ce n'est qu'en passant. Elle revient au grave sur gratia pléna et s'y enveloppe plus encore de contemplation ; aussi bien y a-t-l ici quelque chose de plus que la salutation. C'est déjà le mystère, le mystère indicible de l'Immaculée. La phrase s'achève sur pléna par un pressus qui met bien en valeur ce mot de plénitude, qui ne peut se dire que du Christ et de sa Mère.

Dès le début de la seconde phrase, la mélodie, établie sans préparation sur la dominante, prend tout de suite une allure de louange éclatante. C'est une qualité nouvelle que l'Eglise salue en Notre-Dame : son union avec Dieu. La plénitude de la grâce, c'est déjà le Seigneur avec l'âme ; mais, sur les lèvres de l'Archange, le Dominus técum indiquait une modalité spéciale de l'union divine. Le Seigneur est avec Notre-Dame comme il n'est avec personne. C'est de cette union merveilleuse que l'Eglise félicite Marie. La mélodie la sert admirablement. Le s'épanouit sur Dominus en un beau motif plein d'élan, deux fois répété, qui dit l'admiration enthousiaste que provoque l'infinie grandeur de Dieu, tandis que, sur técum, elle se retient comme recueillie, étonnée, confondue d'admiration, devant l'ineffable sainteté de Notre-Dame.

Elle se reprend sur Benedicat tu pour s'élancer cette fois à la limite de son étendue. C'est le troisième mot de a louange. Il est la conséquence des deux autres. C'est parce qu'elle est pleine de grâce et que le Seigneur est avec elle que Marie est bénie entre toutes les femmes ; nouvelle Eve, celle que toutes les nations diront Bienheureuse. La mélodie le met au-dessus de tout ; elle dépasse la dominante, monte et plane, à loisir, dans les hauteurs, s'appuyant sur des notes doubles et des pressus qui lui permettent de déployer toute sa puissance et de colorer d'accents de ferveur ce mot de bénédiction. Il s'achève sur le pronom tu en une belle cadence pleine et large qui va tout droit à Notre-Dame avec une nuance délicate de tendresse. La seconde incise ramène à la dominante le mot muliéribus. L'admiration s'y prolonge, toujours fervente ; notez le pressus et le torculus avec son mouvement hardi de quarte retombant sur la bivirga de la syllabe accentuée. D'une façon assez inattendue, la phrase s'achève par une cadence en demi-ton sur si qui laisse la mélodie en suspens, comme si l'Eglise, évoquant en une sorte de contemplation toutes les femmes de la race, les voyait se perdre en une perspective infinie, tendues en un geste de bénédiction vers Notre-Dame  qui, de très haut, enveloppée dans la gloire du Verbe Incarné, les domine toutes de l'éclat de sa maternité.

La quatrième phrase est, de toutes, la plus profonde. Ici, c'est le mystère ; le mystère du Verbe fait chair dans le sein de Notre-Dame. La mélodie abandonne les hauteurs, descend par degrés, sur benedictus qu'elle souligne seulement d'un pressus, descend encore sur fructus, puis demeure dans le grave, presque sans se mouvoir. Un motif deux fois répété de quelques notes qui montent et descendent par degrés conjoints sur véntris, un dernier pressus sur tui comme pour faire rejaillir la gloire du Fils sur la Mère - car c'est pour le Fils qu'est toute la louange dans cette dernière phrase - et c'est tout. L'ineffable ne saurait s'exprimer.

Il faut chanter avec beaucoup de souplesse. On y veillera particulièrement dans l'intonation. Le climacus qui s'achève sur la première note pointée sera légèrement retenu pour donner à cette demi-cadence sur mi toute sa valeur d'admiration gracieuse et tendre.

Chanter Maria avec beaucoup de ferveur. Les deux premières notes de ri bien appuyées, assez fortes, avec l'élan de l'accentuation : ce sont deux virgas ; les deux autres sont des distrophas ; la répercussion en sera délicate et il y aura un crescendo jusqu'à la répercussion, très délicate aussi, de la virga. La cadence sur sol très peu ralentie, de façon à rattacher Maria à gratia pléna. Une pause.

Discret a tempo au départ de Dominus dont les thésis seront légères, comme le sera la tristropha de técum, qu'on renforcera toutefois pour la lier au climacus. Sur ne dans Benedicta, une bivirga, bien l'appuyer et mener le crescendo e un bel enthousiasme vers le pressus. Conduire avec mesure l'admirable descente de benedictus fructus, sans que la voix perde brusquement de sa sonorité. Véntris tui très lien avec le salicus bien doux.

COMMUNION

LE TEXTE

Voici qu'une Vierge concevra
Et enfantera un Fils,
Et il sera appelé de son nom Emmanuel. Isaïe, VII, 14.

Cette parole fut dite comme une prophétie par Isaïe à Achaz. « Le Seigneur vous donnera lui-même un signe : voici qu'une vierge enfantera... » Le signe promis arrivera le jour de l'Annonciation. C'est le mot même du prophète en effet que l'Archange dit à Notre-Dame : « Voici que vous concevrez et enfanterez un Fils et vous lui donnerez le nom de Jésus ».

Ce texte est tout à fait à sa place le jour où est commémorée l'Annonciation. Toutefois il ne semble pas qu'il doive être chanté ici comme une prophétie ; c'est l'Eglise qui après avoir entendu la parole du Prophète à l'Epître, et celle de l'Ange à l'Evangile, y revient, au moment de la communion. Contemplant dans la lumière de la grâce sacramentelle, l'Incarnation qui se prolonge par l'Eucharistie dans tout le Corps Mystique, elle chante la joie de l'Emmanuel, du Dieu avec nous, en même temps que le mystère de Noël dans lequel à nouveau va s'accomplir mystiquement la parole divine.

LA MÉLODIE

Une joie émerveillée ; on en caractériserait bien ainsi, en deux mots l'expression. Elle est très discrète dans sa première incise, avec quelque chose de recueilli, de contemplatif, répandu sur toute la thésis de concipiet. Dans une sorte de jouissance profonde, l'âme admire le mystère de la Vierge Mère.

Et voilà qu'elle s'anime et que son admiration prend de l'ampleur. Un souffle puissant passe, qui emporte les mots dans l'enthousiasme, Filium après pariet, comme si l'âme, de plus en plus éclairée, réalisait ce qu'est le mystère de la maternité divine.

Mais, à peine a-t-elle saisi cette seconde merveille, qu'une troisième s'offre à elle : le mystère de Dieu avec nous cette fois, et vocabitur Emmanuel... Elle n'a pas le temps de s'arrêter si peu que ce soit ; de la première phrase, le souffle d'allégresse passe dans la seconde, l'entraînant dans la progression jusqu'à la distropha de vocabitur. Là quelque chose change. Le mystère s'étend. Il s'étend jusqu'à l'âme. Elle sent qu'elle y entre, en ce moment de la communion. Elle se recueille, se refermant sur les merveilles qui s'opèrent en elle. La mélodie la suit dans sa contemplation. Elle n'a plus le souci des notes éclatantes, ni des mouvements à grand espace ; elle se retient. Notez les clivis allongées de vocabitur, elle descend peu à peu vers le grave, jusqu'à ce qu'elle arrive à Emmanuel, le mot du mystère. Elle s'y complaît, en une formule qui, comme celle du véntris tui de l'Offertoire, se contente de quelques notes conjointes qui descendent et montent mais où passe toute la tendresse de l'âme pour l'Hôte divin qui est avec elle.

L'intonation paisible ; de même concipiet dont les podatus seront bien posés. Ceux de pariet aussi, tout le sommet en sera élargi. Le lier étroitement à Filium qui sera à peine retenu afin que l'enthousiasme aille croissant sur et vocabitur. C'est une bivirga qu'il y a sur vo. Retenir quelque peu tur. Beaucoup de grâce et de ferveur sur Emmanuel, qui sera très ralenti.

 

Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici

A noter: il n’y pas de Gloria. L’Alleluia est remplacé par le Trait.

Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.

 

LEÇONS DES MATINES : Gen. XXXVII). Histoire de Joseph.

ÉPÎTRE : (Ephes. V 1-19). Il faut s’écarter de toute chose déshonnête, marcher dans la lumière, afin d’être enfant de lumière.

ÉVANGILE : (Luc XI 14-28). Notre Seigneur chasse un démon. Accusé de le chasser par Beelzébuth, il met en garde contre l’action de Satan.

STATION : Saint Laurent hors les murs.

IDÉE CENTRALE : Il semble bien que l’idée dominante de la catéchèse soit le démon, son action et ce que nous avons à faire pour nous en garder.Parce que Joseph était l’héritier de la promesse, Satan mit tout en œuvre pour le perdre. Il poussa ses frères au meurtre et la femme de Putiphar à l’adultère. Dieu sauva le fils bien aimé de Jacob et, par lui, sauva son peuple.Quand le Christ, Fils bien-aimé du Père et Fils de la promesse, lui aussi, vint accomplir ce que Joseph n’avait fait que figurer, le démon ne cessa de le poursuivre à son tour. Il inspira la jalousie d’Hérode et le massacre des Saints Innocents. Il vint lui-même le tenter au désert. Vaincu, il dressa contre lui les Scribes et les Pharisiens pour perdre sa réputation et le faire mourir. Il crut avoir réussi, le soir du Vendredi Saint, mais Dieu sauva son Christ dans sa résurrection et, par lui, sauva le monde.Le Christ continuant dans l’Eglise qui est son Corps mystique, et en chacun de nous qui sommes ses membres, le démon déploie autour de nous la même sollicitude mauvaise. Il est l’inspirateur de tous les vices contre lesquels Saint Paul nous met en garde dans l’Épître. Notre Seigneur nous garde – Il nous le montre dans l’Évangile – à condition toutefois que nous nous confions à lui et que nous mettions en pratique les avis qu’il nous donne.

INTROÏT

LE TEXTE

Mes yeux sont sans cesse sur le Seigneur,
Car lui-même dégagera mes pieds du filet.
Regarde-moi et aie pitié de moi,
Car seul et pauvre je suis.

Ps.Vers toi, Seigneur, j’ai levé mon âme :
Mon Dieu, en toi je me confie, je n’aurai pas à rougir. Ps. XXIV, 15, 16.

Le psalmiste emploie l’image du filet qui est très commune dans l’Ecriture et se représente les pieds déjà engagés dans les lacs ou susceptibles de l’être d’un moment à l’autre. Dans cette situation, deux sentiments se succèdent en lui. D’abord une confiance totale en la puissance de Dieu – c’est le sens qu’il faut donner aux yeux fixés sur le Seigneur. Puis l’appel à la pitié : Aie pitié de moi, car je suis seul et impuissant.

Telles ont été la confiance et la prière de Joseph, de tout le peuple Juif, du Christ, de Saint Laurent sur le gril : telles sont encore celles de l’Eglise dans la lutte qu’elle continue à soutenir. Cette lutte, plus marquée peut-être pour nous en cette période de pénitence, nous incite à les faire monter vers Dieu une fois de plus pour obtenir l’aide de son bras, sans laquelle nous ne saurions vaincre.

LA MÉLODIE

Dans un bel élan simple, pénétré de confiance, de paix, l’âme chante sur Oculi méi la courbe de sa pensée montant sans cesse vers le Seigneur. C’est son attitude habituelle, elle souligne donc abondamment sémper. Elle s’incline ensuite, pleine de vénération, sur Dóminum et se laisse aller, sur quía ípse evéllet, à la joie que mettent en elle ces mots de délivrance. Une joie d’espoir seulement. Elle n’exulte pas. Peut-être même pourrait-on y déceler une certaine lourdeur, annonciatrice de la misère et de l’impuissance dont il sera fait état tout à l’heure. Mais le bel élan de confiance demeure.

Il passe à la phrase suivante. C’est dans la même simplicité que l’âme demande au Seigneur de jeter les yeux sur elle ; réspice in me est bien  dans le ton de óculi méi. Mais, en même temps qu’elle appelle le regard divin, elle commence à se montrer, elle expose sa misère. C’est alors l’humble supplication. La mélodie, descendue dans le grave, remonte péniblement sur miserére avec tout le poids du péché et de la honte ; et les appels à la miséricorde se succèdent, retenus, doux, timides et pressants, sur les distrophas et les tristrophas de méi, de únicus et de páuper. Il n’y a qu’un mot qui ait de l’assurance, c’est quóniam. Sur ce pressus, l’âme dit son impuissance et s’y appuie de toute son ardeur, comme sur l’argument irrésistible qui lui vaudra le salut : cor contrítum et humiliátum Déus non despícies….un cœur contrit et humilié, ô Dieu, tu ne le rejetteras pas. (Ps. L, 19).

Le Psaume ramène l’abandon tout simple du début. La mélodie sert parfaitement le texte. La cadence sur non erubéscam, avec sa nuance de ferme certitude, est particulièrement heureuse.

Beaucoup de légèreté dans l’intonation. Que toute la première phrase soit simple comme un chant d’enfant. Bien lancer evéllet et veiller à l’accentuation de pédes.

Réspice, au début de la seconde phrase, sera quelque peu retenu. Ne pas accentuer fortement méi ; la double note est une distropha, qu’elle soit douce ; la voix ira en un discret crescendo vers la clivis qui suit et on aura la nuance à la fois humble et suppliante qui convient.

Le pressus de quóniam bien posé avec un accent de ferveur. La tristropha de únicus légère et douce ; de même la distropha de pauper.

Le Psaume sera pris a tempo mais à une allure qui ne doit pas faire avec l’antienne un contraste poussé.

GRADUEL

LE TEXTE

Lève-toi Seigneur, qu’il n’ait pas le dessus, l’homme ;
Qu’elles soient jugées, les nations, en ta présence.

Verset.Quand tu tourneras mon ennemi en arrière, ils seront défaits et périront devant ta face. Ps. IX, 20, 3.

Deux versets pris aux deux extrémités du Psaume. Le premier est une prière qui demande à Dieu d’intervenir afin que l’homme, c’est à dire la nature mauvaise, n’ait pas le dessus sur la grâce. Le second, bien qu’il soit adressé à Dieu comme le premier, n’est pas une prière proprement dite. ; le psalmiste dit ce qu’il voit dans l’avenir : l’ennemi s’enfuyant, battu, défait, anéanti devant la face de Dieu.

Ils forment ici comme un lien entre l’Épître et l’Évangile. Saint Paul nous dit : n’ayez rien de commun avec les fils de l’incrédulité, marchez comme des enfants de lumière…C’est bien ce que l’Eglise demande dans la première partie ; que l’homme n’ait pas le dessus. L’Évangile nous montre l’ennemi fuyant sous le geste souverain du Christ ; c’est ce qu’elle chante dans la seconde.

LA MÉLODIE

(III) Exsúrge Dómine non præváleat hómo
Judicéntur géntes in conspéctu túo.

Bien que l’intonation soit douce et lente, il y passe une ardente supplication, qui, délicatement posée sur la virga du début, va s’intensifiant jusqu’à la dernière tristropha, où elle se prolonge comme en une plainte. Cette teneur dans le grave, coupée de notes répercutées, lui donne toutefois quelque chose de sombre et de pesant. On a l’impression que l’âme est accablée sous le poids de l’épreuve.

Sur Dómine – formule presque exclusivement réservée au Seigneur (à une exception près, on ne la trouve que sur les mots Dòminus ou Déus) – la mélodie s’éclaire d’une nuance de tendresse intime puis, s’animant soudain, se fait de plus en plus pressante sur non præváleat. L’âme, sortie de sa torpeur au contact du nom divin, est maintenant pleine d’audace. Elle dit le danger sans réticence et dénonce l’ennemi avec force ; on sent même un peu d’angoisse et comme un frisson de peur sur la montée des torculus de præváleat, et plus encore sur la magnifique formule de hómo. A deux reprises le motif de præváleat revient ; sur judicéntur et sur in conspéctu. Il y a là une insistance qui prend, sur le pressus de géntes et plus encore sur les répercussions de conspéctu túo – notez qu’il n’y en a pas moins de huit – une extraordinaire intensité.

Mais, est-ce encore la prière qui domine ? Il semble bien plutôt que ce soit l’idée du Jugement dernier – car en fait c’est bien de quoi il s’agit – qui est évoquée fans cette finale. Elle a en effet tous les caractères d’une autorité forte qui s’impose, implacable et terrible. On y sent la terreur du Juge dont le seul aspect fera les damnés sécher de frayeur.

Le Verset.In converténdo inimícum méum retrórsum infirmabúntur et períbunt a fácie túa.

L’idée est toute différente de celle de la première partie. L’expression aussi diffère, il va de soi. C’est dans une joie débordante que l’Eglise chante la vision prophétique de son ennemi en déroute.

Cette joie commence dès le début sur In converténdo par un balancement léger sur la clivis la-sol, la note qui précède le quilisma, et la clivis do-si. Le branle ainsi donné, quelques notes conduisent le mouvement vers retrórsum. Il s’élargit d’abord quelque peu sur les notes qui précèdent le quilisma pour souligner ce mot de déroute puis, s’allégeant, il emporte la mélodie d’un magnifique élan jusqu’au mi où elle s’épanouit en un motif plein de vie et d’esprit. Ce n’est plus seulement de la joie, c’est de l’exultation, une exultation délirante ; on peut bien dire le mot car elle sonne vraiment par endroit comme l’éclat de rire du vainqueur sur le vaincu en fuite.
La même idée est reprise dans la phrase suivante et traitée de la même manière ; des notes légères vont vers peribunt et, sur ce mot de victoire totale, se renouvelle l’explosion de joie.

Au début de la troisième phrase, sur a fácie, passe comme une nuance de gravité ; nous sommes revenus au Seigneur, au Juge. Il y a ensuite un bel élan qui touche le mi mais c’est une exaltation tempérée, paisible. La joie de l’Eglise s’est imprégnée de la joie de Dieu, et c’est de sa justice qui triomphe, plus que de la déroute de l’ennemi, qu’elle se réjouit maintenant. L’idée du jugement et de sa terreur revient d’ailleurs peu à peu avec le mouvement thétique sur re et se développe, pour finir, sur la même formule et sur le même mot que  dans la première partie.

L’intonation sera lente, toutes les répercussions bien faites et assez poussées. Renforcer délicatement la voix sur Dómine ; c’est une formule très expressive. Pas de contraste forcé à non preváleat ; la montée de hómo retenue.

A tempo sur judicéntur. Les répercussions de in conspéctu túo, bien marquées. Garder le mouvement jusqu’à la fin.

Le Verset, léger. Un crescendo et un peu d’accélération à partir de l’accent de converténdo, mais bien dans le rythme. Retenir légèrement les quatre notes qui précèdent le quilisma de retrórsum.

Faire un peu longues les distrophas de fácie, et retenir la thésis sur re.

TRAIT

LE TEXTE

1.     – Vers toi j’ai levé mes yeux, (vers toi) qui habites dans les cieux.
2.     – Voici, comme les yeux des serviteurs sur les mains de leurs maîtres.
3.     – Et comme les yeux des servantes sur les mains de leur maîtresse ;
4.     – Ainsi (sont) nos yeux sur le Seigneur notre Dieu, jusqu’à ce qu’il ait pitié de nous.
5.     – Aie pitié de nous, Seigneur, aie pitié de nous. Ps. CXXII, 1, 2, 3.

C’est la même idée que dans l’Introït. La confiance toutefois n’est pas aussi fortement marquée. L’Eglise ici la chante dans le même sentiment que la première partie du Graduel.

LA MÉLODIE

Dans le premier verset, la formule d’intonation a reçu un développement qui en fait une très belle supplication, à la fois humble et forte. Le mot caéli, planant sur la dominante, évoque très heureusement et le Dieu Très-Haut et l’admiration q’uil provoque chez ceux qui savent le contempler dans ses célestes demeures.

Les versets 2 et 3, parallèles comme le texte, n’ont de remarquable que l’accent de ferveur de sícut.

Deux mots sont particulièrement expressifs dans le 4e : Ita, au début, qui met très en relief le second terme de la comparaison ; et la cadence finale, très commune, mais qui devient sur nóstri une très ardente supplication.

Tout le 5e est une splendide prière humble et suppliante.

OFFERTOIRE

LE TEXTE

Les volontés du Seigneur sont droites, réjouissant les cœurs ;
Et ce sont choses plus douces que le miel et le « favum » (le rayon de miel)
Aussi ton serviteur les gardera. Ps. XVIII, 9, 10, 11, 12.

Il n’y a pas de doute que ces versets n’aient été choisis à cause de l’épisode qui termine l’Évangile. « Une femme cria, de la foule : Bienheureux le sein qui t’a porté et les mamelles qui t’ont allaité. Et il dit : Bienheureux encore plus, ceux qui écoutent la parole de Dieu et la gardent. »

L’Eglise demeure dans la contemplation de cet incident qui la ravit et, pour chanter sa joie, emprunte les paroles du Psaume.

Elles sont l’expression naturelle de tous ceux qui savent jouir du Verbe de Dieu, dans l’Ecriture, dans l’Eglise, dans les profondeurs de leur âme où il habite ; mais il s’y ajoute ici quelque chose de plus, comme un désir ardent de remplir avec un amour accru la condition de la béatitude promise.

LA MÉLODIE

C’est un chant tout intime, doux, paisible, heureux. L’âme fixée dans la contemplation des paroles du Christ, les confirme en quelque sorte de son expérience, se disant à elle-même, en des mots qui en sont tout pénétrés, le bonheur que lui procure l’abandon aimant à tout ce que lui demande le Seigneur.

Elle le fait par un petit motif très simple de quelques notes qui montent du fa au la et y reviennent après une broderie légère très courte.

C’est un rien, mais si expressif de paix et de bonheur intime. On le trouve sur justítiæ, sur réctæ, sur lætificántes córda, avec cette fois une nuance de joie plus profonde qu’il prend dans le grave et qui va si bien avec le mot.

Dans la seconde phrase, dulcióra en est un développement et súper méi et fávum ne fait que reproduire, avec quelques nuances de détail, le mouvement grave de læticántes… En cela nulle monotonie, mais une sorte de balancement qui berce la continuité de l’idée et la garde enveloppée dans une atmosphère de béatitude.

Le mouvement est peut-être un peu plus prononcé dans la troisième phrase, du moins au début. L’âme s’adresse à Dieu, et son ardeur naturellement s’anime quelque peu quand elle lui renouvelle sa fidélité, mais elle demeure toujours dans la paix et la joie. Notez le rythme de nam avec ce bel élan de quarte qui se détend en repos sur la tristropha ; quelle délectation ! Sur custódiet, le ton redevient contemplatif avec une nuance de fermeté qui convient à la promesse ; ce sont de longues tenues répercutées qui s’achèvent sur la cadence délicate du IVe mode, toute pénétrée d’une tendresse qui ne trouve pas de quoi s’exprimer.

Le mouvement ne doit pas être lent, mais paisible. On l’entretiendra par les délicates nuances d’intensité qu’exige le leit-motiv.

Ralentir légèrement la cadence finale de la première phrase en retenant quelque peu la première note du climacus.

Un crescendo délicat, au début de la troisième phrase. Bien rythmer les deux climacus de la fin en les allongeant légèrement.

COMMUNION

LE TEXTE

Le passereau trouve pour lui une maison et la tourterelle un nid où reposer ses petits…
Tes autels, Seigneur, Dieu des vertus, mon Roi et mon Dieu !
Bienheureux ceux qui habitent dans ta maison.
Dans les siècles des siècles ils te loueront. Ps. LXXXIII, 4-5.

Le Psaume LXXXIII est le psaume du juif exilé qui entrevoit le retour prochain dans la patrie et dans le temple, où il retrouvera la présence du Seigneur, son Roi et son Dieu. Au verset 4, la comparaison gracieuse des oiseaux et de leur nid fait le désir du psalmiste jaillir ardent : « Tes autels Seigneur… ! » et se perdre ensuite dans le rêve de la béatitude qu’il attend. Trois idées donc : la comparaison, le cri d’amour, la béatitude désirée.

Ces deux versets se trouvent tout naturellement adaptés au moment de la communion. Altária en effet ne désigne pas seulement l’autel matériel mais le sacrifice dont il est la table. Ce que l’âme chante, c’est son désir d’être unie dans l’Eucharistie au Christ, et de jouir de la protection aimante qu’elle trouvera en lui et, à travers lui, dans l’amour des divines Personnes. C’est bien là, pour ce qui est de la terre, la béatitude d’habiter dans la maison du Seigneur. « Si quelqu’un m’aime, nous viendrons en lui et ferons notre demeure en lui… ».

LA MÉLODIE

La première phrase est un récitatif, mais traité avec un soin délicat et pénétré déjà de l’ardent désir qui va jaillir tout à l’heure.

Les rythmes binaires qui se succèdent sur dómum, túrtur, nídum, sont délicieux de fraîcheur, avec leur nuance d’harmonie imitative qui évoque le roucoulement de la tourterelle. L’âme les chante, simplement, dans l’atmosphère heureuse où elle vit, jouissant de tout ce que lui dit cette gracieuse comparaison. Sur repónat, elle s’arrête. C’est le mot de la tendresse ; celle de l’oiseau qui a fait pour ses petits le nid chaud et moelleux où il les pose et demeure avec eux ; celle du Seigneur aussi, qui a préparé le Christ et son sacrifice eucharistique, comme le lieu où l’âme se reposera dans la joie de sa présence. Elle y pose un long accent qui se détend, lent et doux, sur les deux mots de la fin en une admirable cadence. Puis, soudain, jaillit le cri d’amour.

Il éclate comme l’élan d’un désir spontané. L’âme n’a pas le temps de faire une phrase. Dans la succession des accents et des rythmes de plus en plus marqués, le mouvement l’emporte jusqu’au sommet, où son ardeur s’épanouit enfin sur Dómine, le nom divin. Elle la laisse ensuite se détendre en une tendresse douce et confiante sur la tristropha de virtútum qui rime si heureusement avec le repónat de la première phrase. Puis ce sont les mots d’amour : Rex méus et Déus méus ! qu’elle retient à loisir dans la paix de sa contemplation.

De cette paix s’exhale alors l’exclamation de béatitude : Beáti qui hábitant…Très calme d’abord, sur les beaux rythmes binaires de hábitant, l’âme s’exalte peu à peu. L’ardeur de son désir s’avive à nouveau sur dómo túa : le Temple, le Christ, l’Eucharistie, le Ciel ; c’est tout cela en effet qu’elle chante en chantant la maison du bonheur. Elle revient pour finir à la contemplation du début et, sur le dernier mot, orné plus que tous les autres, elle célèbre la louange, fruit de la vision, de l’amour et de la béatitude.

Que la dernière phrase soit simple. Bien balancer les rythmes binaires qui se succèdent sur dómum et túrtur ; la première note des podatus de dómum bien posée, un peu élargie.

La virga de repónat bien attaquée, la répercussion délicate sur la tristropha qui sera douce. A la fin de la phrase, une pause.

Le mouvement de altária túa Dómine virtútum, vif et ardent ; mais que la progression soit bien rythmée jusqu’à l’accent de Dómine qui sera fort, mais bien lancé. La détente se fera sur virtútum.

Bien accentuer Déus méus avec une nuance de tendresse. A la fin de la phrase une pause encore.

Le torculus de beáti très arrondi. La dernière syllabe de hábitant retenue légèrement. La montée de laudábunt quelque peu élargie.

 

 

Polyphonies pour le carême

 

Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici

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