La répétition de l'introït Miséricordia
Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.
INTROÏT
LE TEXTE
Versez votre rosée, cieux, d'en haut, et que le nuages pleuvent le Juste. Qu'elle s'ouvre, la terre, Et qu'elle germe le Sauveur.
Ps.- Les cieux disent la gloire de Dieu
Et l'œuvre de ses mains, il la proclame, le firmament. Isaïe, XLV, 8 - Ps. XVIII, 2.
Au chapitre XLV, Isaïe rapporte ce qu'il a entendu le Seigneur dire à Cyrus, qu'il va susciter pour être son christ, sauver le peuple et rebâtir la cité et le temple. A la vision de ce sauveur d'un moment, par delà lequel il voit le Messie et son œuvre éternelle, il est transporté et, interrompant sa prophétie, lance vers le ciel son désir ardent pour que soit bâtie la venue des deux libérateurs. Il le fait sous la forme poétique de la rosée qui fait germer la plante, symbolisant ainsi l'action divine qui fera de Cyrus et du Christ des sauveurs parfaits.
Au sens liturgique, c'est l’Église qui appelle le Messie. Rien n'est à changer dans l'image du prophète, mais il faut lui donner tout son sens divin. La rosée sollicitée du ciel, c'est l'action fécondante du Saint-Esprit ; la terre, c'est Notre-Dame, fleur de la race, qui s'ouvre au sommet de la tige de Jessé et qui, fécondée sous l'ombre mystérieuse de l'Esprit du Très-Haut, va produire son fruit divin ; le Verbe fait chair.
Cette prière admirable et tout à fait à sa place le Mercredi des Quatre-Temps, tout entier consacré à l'Annonciation. Il faut lui garder ici la même interprétation ; d'autant que, par l'Offertoire et la Communion tout au moins, le mystère continue d'être fêté. Et il faut la chanter comme la prière suprême, entendue de Dieu par delà les siècles, et qui a contribué à faire venir plus tôt l'heure du Messie et de Notre-Dame ; mais aussi, comme la supplication qui va mériter aux âmes de recevoir le Verbe fait chair quand il va revenir et de se livrer à l'influence de son Esprit comme la terre à la rosée, lui donnant ainsi ce qu'il attend d'elles pour réaliser la plénitude de son Incarnation.
Le Psaume, lui, n'est pas une prière ; il est la constatation joyeuse des merveilles de Dieu qui se réalisent dans le mystère.
LA MÉLODIE
Une prière ardente de deux phrases qui s'opposent ici, encore, suivant le texte, comme le ciel et la terre.
La première est un admirable mouvement de l'âme portant on désir, comme dans le graduel. Qui sédes, aussi haut que possible, jusqu'aux nuées fécondes d'où va venir la céleste rosée, puis redescendant douce et paisible comme descendra le Juste qu'elle chante. La supplication est ardente sur le pressus de caeli, les quilismas de désuper, le pressus de pluant, mais il n'y a pas d'inquiétude, de doute, d'angoisse ; au contraire, une grande sérénité et une joie discrète se mêlent partout à la prière dans la tonalité claire du mode de fa ; la joie de l'Eglise qui sait, car elle en jouit déjà, tout le bonheur qu'il y a pour elle dans cette pluie fécondante qu'elle sollicite.
La seconde a moins d'élan. C'est la terre que l'Eglise regarde et encore qu'il s'agisse de Notre-Dame, ce chef-d'œuvre de grâce qui va produire la nature humaine du Christ, n'est-elle pas tout en bas par comparaison avec l'infinie perfection du verbe qui va y descendre ? Et puis, c'est le mystère dont la profondeur ne saurait se chanter ; Aussi, après l'ardeur de la supplication sur aperiatur, la mélodie revient-elle au mode de ré, et en des neumes qui s'effacent de plus en plus, elle s'éteint, gracieusement d'ailleurs, sur Salvatorem, le mot du désir.
La deuxième note de ra dans Rorate doit être élargie. Le crescendo de la première incise sera ardent mais sans éclat ; c'est une prière. Bien accentuer nubes et aller sur le pressus de pluant en progression.
Veiller à ce que tur dans aperiatur ait bien sa valeur et qu'on ait le temps d'articuler. Térra sera légèrement retenu ainsi que les quatre dernières notes de gérminet.
Le Psaume sera chanté dans un bon mouvement et pénétré déjà de la joie du « Gloria in excelsis » qu'il prophétise.
GRADUEL
LE TEXTE
Il est proche, le Seigneur,
De tous ceux qui l'invoquent,
De tous ceux qui l'invoquent dans la vérité.
Verset. - La louange du Seigneur,
Elle la chantera, ma bouche,
Et que toute chair bénisse le Seigneur. Ps. CXLIV, 18, 21.
Dans la première partie, le psalmiste exprime une idée très simple ; à savoir que le Seigneur est tout disposé à écouter ceux qui le prient. Toutefois, il a précisé d'un mot : ceux qui le prient dans la vérité ; c'est-à-dire qui lui demandent, en toute sincérité, des chose vraies ; entendons : ceux qui sont conformes à sa volonté, car la vérité, c'est, en même temps, ce que Dieu pense et ce que Dieu veut.
Le Verset, lui, est un hommage de reconnaissance de l'âme qui promet à Dieu une louange sans fin en retour de la bienveillance qu'il lui témoigne.
Au sens liturgique, peut-être serait-on porté à s'appuyer sur les premiers mots Prope est Dominus pour faire entrer ce texte dans le cadre de l'Avent. Ce ne serait pas absolument exact car c'est en tout temps que le Seigneur exauce ceux qui savent le prier. Il ne faut pas non plus le rattacher à l'Epître qui vient d'être lue, mais à l'Epître du mercredi précédent pour laquelle il a été choisi. Dans cette Epître, on nous ait entendre l'histoire d'Achaz qui, par manque de confiance, refusa de demander un prodige au Seigneur et qui reçut, en réplique, d'Isaïe la fameuse prophétie qui annonçait le prodige des prodiges : « Le Seigneur vous donnera lui-même un signe : Voilà qu'une Vierge concevra et enfantera un Fils et son nom sera Emmanuel ». A la fin de ce récit, ces deux versets viennent sur es lèvres de l'Eglise comme une sorte de réflexion. Repliée sur elle-même et gardant bien présent à l'esprit tout ce qu'elle vient d'entendre, elle se dit : Achaz a eu tort...Le Seigneur est tout près de ceux qui l'invoquent et bientôt il sera plus près d‘eux encore ; car le prophète a dit que Celui qui doit venir aura nom Emmanuel, ce qui veut dire : Dieu est avec nous.
Cette annonce précise de l'Incarnation amène alors la grande louange du Verset. Laudem Domini...
LA MÉLODIE
(V) Prope est Dominus omnibus invocantibus éum omnibus qui invoquant éum in verita te.
Elle est composée de trois formules : celle de Prope est Dominus et les deux de éum. Ces formules sont reliées entre elles par les motifs presque syllabiques de omnibus invocantibus et de omnibus qui invoquant. Un seul mot est original, in veritate, encore s'achève-t-il en une formule finale commune.
Le fait qu'elle est à ce point centonisée n'empêche pas qu'elle soit très expressive. L'auteur s'est servi de formules toutes faites mais il les a choisies pour le texte et les a disposées de telle sorte qu'elles puissent en exprimer au mieux le contenu. Notez qu'elles sont placées sur les mots importants : Dominus, le nom divin, et éum qui le représente ; et que, par le contraste que font leurs neumes avec les motifs syllabiques qui les entourent, elles les mettent en particulier relief. Aussi bien est-ce le mot de l'Epître : Pete signum a Domino, dit Isaïe. Non tentabo Dominum, répond Achaz. Propter hoc dabit Dominus ipse vobis signum, réplique le prophète.
L'intonation est grave. (Cette formule n'est employée que sur le mot Dominus ; de sorte qu'elle est moins une formule centon qu'un motif réservé uniquement au nom du Seigneur, comme plusieurs autres.) Mais ce serait une erreur d'y voir la moindre tristesse. Au contraire, on y discerne déjà en une nuance discrète la joie qui se dégage du texte et qui caractérise tout le Graduel. Toute pénétrée de respect, elle se retient, s'efface, sur le nom divin, mais, sitôt après, elle se laisse aller, se développe sur omnibus invocantibus et va s'épanouir sur éum en un bel élan qui se détend dans la plénitude de la cadence en fa. Elle passe dans la seconde phrase, s'élève avec grâce sur omnibus, puis redescend dans le grave où elle se revêt à nouveau sur éum d'une certaine révérence qu'elle garde jusqu'à la fin.
Le Verset. - Laudem Domini loquétur os méum Et benedicat omnis caro nomen sanctum éjus.
La joie est ici enthousiaste. Lancée avec une ferme assurance sur la distropha de Laudem, elle se développe en une sorte de contemplation sur Domini : légère, souple, heureuse. Une nuance de tendresse plus marquée passe avec le si b, puis l'exaltation, grandissant à nouveau, va vers loquétur os méum où elle atteint toute sa puissance d'expression sur les mots mêmes qui disent la joie de pouvoir chanter à jamais.
L'enthousiasme est le même dans la seconde phrase. Sitôt qu'elle a été ramenée à la dominante, la mélodie s'élance à l'extrême limite du mode, enveloppant de toute sa puissance l'ardent souhait de l'Eglise. Elle s'y arrête d'ailleurs ensuite en un gracieux mouvement descendant, puis, pour finir, se pénètre à nouveau de tendre respect sur nomen sanctum éjus.
Comme on le voit, ce verset a un caractère de joie éclatante qui ne s'est pas encore rencontré au cours de l'Avent. L'auteur a-t-il voulu donner là comme une première annonce de la joie de Noël et en pénétrer déjà l'âme des fidèles ? On a d'autant plus de raisons de le croire que les formules 53 et 54 sont particulières à la période de la Nativité. On les trouve ailleurs, mais elles sont si fréquemment répétées au temps de Noël qu'elles contribuent, sans aucun doute, pour leur part, à créer l'atmosphère musicale. El semble que ce soit comme le début d'un crescendo de joie qui, parant du Mercredi des Quatre-Temps, jour consacré à l'Annonciation, jour de l'Incarnation, atteint toute sa puissance aux jours de Noël et de l'Epiphanie.
Ne pas chanter l'intonation avec des effet de basse, mais avec la simplicité et la douceur qui conviennent à une contemplation paisible. Le crescendo est le premier éum sera discret et mené dès le début de l'incise ; C'est une formule assez délicate mais très expressive. Il y a sur le do une distropha, puis al première note de la clivis ou du climacus ; les distrophas seront posées doucement et la voix, renforcée, ira vers la note qui suit pour la répercuter, délicatement. Il s'en suivra une onction pénétrée de ferveur qui servira admirablement le pronom éjus qui tient la place de Dominus.
Retenir quelque peu veritate ; la tristropha, douce. Bien distinguer dans la vocalise qui suit, sur le la, les deux distrophas, du pressus ; lles reçoivent doucement le posé de la voix ; de même celle qui se trouve sur le do dans la dernière incise.
C'est une bivirga qu'il y a sur Laudem au début du Verset ; qu'elle soit appuyée, forte et bien lancée. Sur Domini, deux distrophas et répercussion sur la première note de la clivis ; même interprétation que plus haut. Une bivirga avant les deux climacus qui finissent la première phrase ; bien accuser la première note du second.
La tristropha de os, légère. Bien pendre grade à donner toute leur valeur aux trois notes qui précèdent les notes doubles de méum ; les retenir légèrement évitera le danger d'en faire un triolet. Poser nettement l'épisème vertical de omnis, allonger même un peu la note. (Dans plusieurs cas, la 2ème note est un quilisma.) Un gracieux ralenti sur sanctum, qui se poursuivra sur éjus jusqu'à la fin.
ALLELUIA
LE TEXTE
Viens, Seigneur et ne tarde pas.
Pardonne les péchés de ton peuple.
Cette phrase ne se trouve pas dans l'Ecriture. L'idée en est très simple et s'applique sans difficulté à l'un ou à l'autre des sens de l'Avent. C'est une prière dont l'objet est nettement déterminé : la prière de tout le peuple de Dieu, de toute l'Eglise, suppliant le Christ de venir sauver le monde.
LA MÉLODIE
On la rencontre deux autres fois au cours de l'année : le XXe Dimanche après la Pentecôte (Alleluia Paratum cor méum) et à la messe Loquebar d'une Vierge Martyre (Alleluia Adducentur).
Elle commence dans le grave et se meut lentement dans toute la première phrase, comme la prière très humble du pécheur qui n'ose pas lever les yeux, accablé qu'il est sous ses fautes. Ce n'est que dans la seconde incise qu'elle prend un peu d'ardeur, il y a sur et noli tardare un très bel accent de pressante supplication.
Dans la seconde phrase, la prière est plus aisée sur relaxa. La longue vocalise de facinora est, en elle-même, assez indifférente, mais elle prend, avec les mots, un caractère de prière fort bien adapté. Il y a, dans la répétition du motif initial, une progression qui fait la supplication de plus en plus forte. La première fois, elle monte par trois degrés au si b ; la seconde fois, par un seul mouvement de quarte, elle atteint le do qu'elle marque d'un pressus ; la troisième, elle s'y pose sans préparation et y demeure trois temps. Il y a là une vigueur accrue du plus heureux effet. La mélodie redescend ensuite dans le grave et finit sur une formule propre à certains graduels du Ier mode, elle aussi très priante et très humble, avec une touche assez marquée de crainte révérentielle.
L'Alleluia, lui, est du IIIe mode, mais l'unité demeure parfaite et l'expression y trouve son bien. L'Alleluia ayant en lui-même un caractère de louange que le contraste rend plus marqué encore.
Prendre garde de faire trop longue la double note initiale de l'Alleluia, lequel doit avoir un certain mouvement. Bien balancer le rythme de l'arsis ; la vocalise légère.
Veni Domine tranquille et discret. Crescendo sur noli ; tardare sans éclat. Noter que, dans les thésis de la seconde phrase, toutes les notes doubles sont des distrophas, légères donc ; de même les deux qui précèdent la clivis sur le do, à la dernière reprise du motif. Par contre plé dans plébis est une bivirga. Lier avec soin les grands intervalles de l'avant-dernière incise.
OFFERTOIRE
LE TEXTE
Salut, Marie, de grâce remplie,
Le Seigneur (est) avec toi.
Bénie (es-)tu entre les femmes,
Et béni le fruit de ton sein.
C'est la salutation de l'Ange Gabriel à Notre-Dame et celle d'Elisabeth combinées en un seul texte, lequel forme la première partie de la Salutation angélique. Il n'y manque que le dernier mot, Jésus, qui d'ailleurs ne fut pas dit par Elisabeth.
Au sens liturgique toutefois, ce n'est ni l'Archange ni Elisabeth qui saluent Notre-Dame ; la combinaison des deux salutations en un seul texte s'y oppose. C'est toute l'Eglise qui, au moment où est commémorée la Conception de Notre Seigneur, fait monter sa louange vers celle que Dieu a choisie pour sa mère. Elle a entendu, au cours de la semaine écoulée, le mercredi, le récit de l'Annonciation, le vendredi, celui de la Visitation ; elle recueille, sur les lèvres de l'Archange et d'Elisabeth, les paroles inspirées pour les redire à Notre-Dame, comme l'hommage le plus parfait qu'elle puisse rendre à sa sainteté incomparable et à sa maternité divine.
Bien noter que c'est une salutation. Ceci implique que les chanteurs soient en communication directe avec Notre-Dame : qu'ils chantent pour elle et qu'ils aient conscience que du haut du ciel, elle les écoute et reçoit leur hommage dans la joie de son cœur maternel.
LA MÉLODIE
Quatre phrases (Ave Maria gratia plena ne forme qu'une seule phrase. La grande barre qui suit Maria doit être considérée comme une demi-barre). Les trois premières, en progression l'une sur l'autre, conduisent l'idée jusqu'à Benedicta tu, point culminant de la louange. La quatrième redescend vers le grave où elle s'achève dans la contemplation du mystère.
Il n'y a pas d'éclat dans l'Ave de l'intonation ; c'est un salut gracieux enveloppé de vénération profonde et tendre. Tout le long de la première phrase, l'âme se complaît dans cette attitude d'humble hommage ; elle s'anime seulement, d'un accent de ferveur, sur le nom béni. Un bel élan, habilement préparé, porte la syllabe accentuée de Maria à la dominante où les notes doubles et répercutées mettent un peu plus d'ardeur, d'admiration et d'amour. Mais ce n'est qu'en passant. Elle revient au grave sur gratia pléna et s'y enveloppe plus encore de contemplation ; aussi bien y a-t-l ici quelque chose de plus que la salutation. C'est déjà le mystère, le mystère indicible de l'Immaculée. La phrase s'achève sur pléna par un pressus qui met bien en valeur ce mot de plénitude, qui ne peut se dire que du Christ et de sa Mère.
Dès le début de la seconde phrase, la mélodie, établie sans préparation sur la dominante, prend tout de suite une allure de louange éclatante. C'est une qualité nouvelle que l'Eglise salue en Notre-Dame : son union avec Dieu. La plénitude de la grâce, c'est déjà le Seigneur avec l'âme ; mais, sur les lèvres de l'Archange, le Dominus técum indiquait une modalité spéciale de l'union divine. Le Seigneur est avec Notre-Dame comme il n'est avec personne. C'est de cette union merveilleuse que l'Eglise félicite Marie. La mélodie la sert admirablement. Le s'épanouit sur Dominus en un beau motif plein d'élan, deux fois répété, qui dit l'admiration enthousiaste que provoque l'infinie grandeur de Dieu, tandis que, sur técum, elle se retient comme recueillie, étonnée, confondue d'admiration, devant l'ineffable sainteté de Notre-Dame.
Elle se reprend sur Benedicat tu pour s'élancer cette fois à la limite de son étendue. C'est le troisième mot de a louange. Il est la conséquence des deux autres. C'est parce qu'elle est pleine de grâce et que le Seigneur est avec elle que Marie est bénie entre toutes les femmes ; nouvelle Eve, celle que toutes les nations diront Bienheureuse. La mélodie le met au-dessus de tout ; elle dépasse la dominante, monte et plane, à loisir, dans les hauteurs, s'appuyant sur des notes doubles et des pressus qui lui permettent de déployer toute sa puissance et de colorer d'accents de ferveur ce mot de bénédiction. Il s'achève sur le pronom tu en une belle cadence pleine et large qui va tout droit à Notre-Dame avec une nuance délicate de tendresse. La seconde incise ramène à la dominante le mot muliéribus. L'admiration s'y prolonge, toujours fervente ; notez le pressus et le torculus avec son mouvement hardi de quarte retombant sur la bivirga de la syllabe accentuée. D'une façon assez inattendue, la phrase s'achève par une cadence en demi-ton sur si qui laisse la mélodie en suspens, comme si l'Eglise, évoquant en une sorte de contemplation toutes les femmes de la race, les voyait se perdre en une perspective infinie, tendues en un geste de bénédiction vers Notre-Dame qui, de très haut, enveloppée dans la gloire du Verbe Incarné, les domine toutes de l'éclat de sa maternité.
La quatrième phrase est, de toutes, la plus profonde. Ici, c'est le mystère ; le mystère du Verbe fait chair dans le sein de Notre-Dame. La mélodie abandonne les hauteurs, descend par degrés, sur benedictus qu'elle souligne seulement d'un pressus, descend encore sur fructus, puis demeure dans le grave, presque sans se mouvoir. Un motif deux fois répété de quelques notes qui montent et descendent par degrés conjoints sur véntris, un dernier pressus sur tui comme pour faire rejaillir la gloire du Fils sur la Mère - car c'est pour le Fils qu'est toute la louange dans cette dernière phrase - et c'est tout. L'ineffable ne saurait s'exprimer.
Il faut chanter avec beaucoup de souplesse. On y veillera particulièrement dans l'intonation. Le climacus qui s'achève sur la première note pointée sera légèrement retenu pour donner à cette demi-cadence sur mi toute sa valeur d'admiration gracieuse et tendre.
Chanter Maria avec beaucoup de ferveur. Les deux premières notes de ri bien appuyées, assez fortes, avec l'élan de l'accentuation : ce sont deux virgas ; les deux autres sont des distrophas ; la répercussion en sera délicate et il y aura un crescendo jusqu'à la répercussion, très délicate aussi, de la virga. La cadence sur sol très peu ralentie, de façon à rattacher Maria à gratia pléna. Une pause.
Discret a tempo au départ de Dominus dont les thésis seront légères, comme le sera la tristropha de técum, qu'on renforcera toutefois pour la lier au climacus. Sur ne dans Benedicta, une bivirga, bien l'appuyer et mener le crescendo e un bel enthousiasme vers le pressus. Conduire avec mesure l'admirable descente de benedictus fructus, sans que la voix perde brusquement de sa sonorité. Véntris tui très lien avec le salicus bien doux.
COMMUNION
LE TEXTE
Voici qu'une Vierge concevra
Et enfantera un Fils,
Et il sera appelé de son nom Emmanuel. Isaïe, VII, 14.
Cette parole fut dite comme une prophétie par Isaïe à Achaz. « Le Seigneur vous donnera lui-même un signe : voici qu'une vierge enfantera... » Le signe promis arrivera le jour de l'Annonciation. C'est le mot même du prophète en effet que l'Archange dit à Notre-Dame : « Voici que vous concevrez et enfanterez un Fils et vous lui donnerez le nom de Jésus ».
Ce texte est tout à fait à sa place le jour où est commémorée l'Annonciation. Toutefois il ne semble pas qu'il doive être chanté ici comme une prophétie ; c'est l'Eglise qui après avoir entendu la parole du Prophète à l'Epître, et celle de l'Ange à l'Evangile, y revient, au moment de la communion. Contemplant dans la lumière de la grâce sacramentelle, l'Incarnation qui se prolonge par l'Eucharistie dans tout le Corps Mystique, elle chante la joie de l'Emmanuel, du Dieu avec nous, en même temps que le mystère de Noël dans lequel à nouveau va s'accomplir mystiquement la parole divine.
LA MÉLODIE
Une joie émerveillée ; on en caractériserait bien ainsi, en deux mots l'expression. Elle est très discrète dans sa première incise, avec quelque chose de recueilli, de contemplatif, répandu sur toute la thésis de concipiet. Dans une sorte de jouissance profonde, l'âme admire le mystère de la Vierge Mère.
Et voilà qu'elle s'anime et que son admiration prend de l'ampleur. Un souffle puissant passe, qui emporte les mots dans l'enthousiasme, Filium après pariet, comme si l'âme, de plus en plus éclairée, réalisait ce qu'est le mystère de la maternité divine.
Mais, à peine a-t-elle saisi cette seconde merveille, qu'une troisième s'offre à elle : le mystère de Dieu avec nous cette fois, et vocabitur Emmanuel... Elle n'a pas le temps de s'arrêter si peu que ce soit ; de la première phrase, le souffle d'allégresse passe dans la seconde, l'entraînant dans la progression jusqu'à la distropha de vocabitur. Là quelque chose change. Le mystère s'étend. Il s'étend jusqu'à l'âme. Elle sent qu'elle y entre, en ce moment de la communion. Elle se recueille, se refermant sur les merveilles qui s'opèrent en elle. La mélodie la suit dans sa contemplation. Elle n'a plus le souci des notes éclatantes, ni des mouvements à grand espace ; elle se retient. Notez les clivis allongées de vocabitur, elle descend peu à peu vers le grave, jusqu'à ce qu'elle arrive à Emmanuel, le mot du mystère. Elle s'y complaît, en une formule qui, comme celle du véntris tui de l'Offertoire, se contente de quelques notes conjointes qui descendent et montent mais où passe toute la tendresse de l'âme pour l'Hôte divin qui est avec elle.
L'intonation paisible ; de même concipiet dont les podatus seront bien posés. Ceux de pariet aussi, tout le sommet en sera élargi. Le lier étroitement à Filium qui sera à peine retenu afin que l'enthousiasme aille croissant sur et vocabitur. C'est une bivirga qu'il y a sur vo. Retenir quelque peu tur. Beaucoup de grâce et de ferveur sur Emmanuel, qui sera très ralenti.
- Polyphonies pour l'Avent
- L'hymne Creator alme siderum en alternance grégorien/polyphonie
- L'hymne Creator alme siderum en grégorien
- Les cantiques de l'Avent (CD)
- Les cantiques de l'Avent (Partitions)
Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici
Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.
INTROÏT
LE TEXTE
De la miséricorde du Seigneur,
Pleine est la terre, Alleluia.
Par la parole de Dieu,
Les cieux ont été faits. Alleluia, Alleluia, Alleluia.
Ps. – Réjouissez-vous, justes, dans le Seigneur.
Aux (cœurs) droits convient la louange. Ps. XXXII, 5, 6, 1.
Le Psaume XXXII est une louange à la bonté et à la toute puissance que Dieu a exercées dans la création, dans le gouvernement du monde, dans les destinées des nations et, si l’on passe les mots du psalmiste, dans l’édification de l’Eglise.
Les versets 5 et 6 ont été choisis comme texte de l’Introït de ce deuxième Dimanche après Pâques, non seulement parce qu’ils résument tout le Psaume, mais parce qu’en eux tient toute l’idée que l’Eglise développe ce jour-là dans sa liturgie.
Depuis quinze jours, elle a contemplé tous les détails de la Résurrection et en a nourri sa joie ; aujourd’hui elle entre plus profondément dans le mystère, elle va à ce qui en fut la cause et elle trouve la Bonté infinie de Dieu penchée avec amour sur les misères de l’homme. Celle du Père nous prédestinant, dans le Christ, à vivre sa propre vie, à partager sa propre béatitude. Celle du Christ qui nous rachète par sa Passion, sa Mort, sa Résurrection, qui nous prend en lui au Baptême, qui nous garde dans sa pensée comme l’ami dans la pensée de l’ami, qui se fixe en nous à demeure, nourrissant notre amour, de sa parole, de sa présence corporelle, nous conseillant, nous guidant, nous pardonnant, nous relevant et nous serrant de plus près, semble-t-il, chaque fois que nous revenons à lui…, nous menant ainsi, par sa toute puissante influence librement acceptée, à sa béatitude de ressuscité.
C’est cette Miséricordieuse Bonté, qui a fait la Résurrection du Christ pour notre propre résurrection, que l’Eglise célèbre aujourd’hui dans la lumineuse clarté dont le mystère de Pâques enveloppe tous les actes de Dieu et de son Fils. Elle la concrétise à l’Epître et à l’Evangile dans l’allégorie du Bon Pasteur, mais c’est déjà le divin Berger qui partout sur la terre nourrit ses brebis, les défend, les cherche, les ramène, les garde dans le chaud bercail, qu’elle chante en une sorte de prélude dans le misericordia Domini plena est terra de l’Introït…
LA MÉLODIE
Elle ne saurait être plus réduite, dans ses éléments matériels : l’étendue d’une tierce dans la première phrase, d’une quarte dans la seconde. Manifestement ce n’est pas une exaltation de la miséricorde comme dans le verset Confitémini de l’Haec dies. Ce que l’auteur nous livre ici, c’est sa contemplation ou, plus précisément, ce que la contemplation de la miséricorde divine, réalisée dans la radieuse allégresse du temps de Pâques, a fait naître dans son âme : la joie d’être aimé de l’infiniment aimable et de pouvoir l’aimer, sa tendresse pour lui, sa révérence, son admiration, sa confiance… et la paix dont il est tout pénétré. Mais ce sont là choses qui ne se détaillent pas. L’âme en a conscience ; elle pense, elle voit, elle admire, elle remercie, elle jouit, mais sans parole ; tout se fond dans l’acte très simple qui la tient fixée en Dieu, en une quiétude silencieuse. C’est cet état, très simple au fond, de joie paisible et aimante, que la mélodie exprime.
Evidemment, elle n’exulte pas, cette joie, elle ne se répand pas, elle demeure intérieure, mais pas une note qui n’en soit imprégnée. Elle est dans le premier mot qui, en dépit du ré initial, tout de suite s’établit en fa par l’ondulation délicate des demi-tons. Sur Domini, le nom divin, un accent de tendresse la pénètre d’une ardeur discrète qui se prolonge sur la tristropha et la clivis allongée. Le mouvement descend sur ré, mais la mélodie ne s’arrête pas à cette touche du Ier mode qui l’assombrirait, elle remonte au fa et brode autour de cette tonique du IVe mode en un rythme dont tous les détails contribuent à la faire de plus en plus radieuse : l’accent léger de plena se détendant souple et ferme sur la tristropha, le podatus et la clivis de est terra, l’ondulation de l’Alleluia qui touche la tierce majeure, et rebondit légère et bien posée sur le fa.
Elle prend un peu plus d’étendue dans la deuxième phrase, mais l’atmosphère demeure la même. Il n’est pas jusqu’aux mots qui ne se ressemblent : Dei est revêtu de la même tendresse que Domini avec peut-être quelque chose de plus mystérieux, que lui donne la cadence sur mi ; et le rythme de firmati sunt est joyeux et ferme comme celui de plena est terra, plus une nuance d’admiration que lui donne la cadence sur ré.
Viennent enfin les Alleluia ; le premier plus extérieur ; c’est la louange qui jaillit de la contemplation, sans éclat toutefois ; le second qui en ramenant la mélodie à la cadence du IVe mode la garde si bien, par ce qu’elle a d’inachevé, dans l’indicible.
Ce chant est une contemplation ; il ne doit pas avoir d’éclat, mais il est aussi l’expression de la joie dans laquelle l’âme contemple et, de ce fait, il doit revêtir une certaine ardeur, être vivant, souple et ferme. Une juste proportion de ces deux éléments n’est pas facile à réaliser… Il ne faut pas donner toute sa voix, il va de soi, mais ne pas trop l’étouffer non plus ; faire les accents légers, le rythme souple et vivant.
Faites l’arsis de Domini arrondie, sans la ralentir, en posant doucement la voix sur la tristropha. Veiller à ne pas allonger plus qu’il ne faut la clivis pointée ; rattachez-y plena dont l’accent sera très soulevé et un peu élargi. L’Alleluia, gracieux, l’oriscus qui l’achève léger.
Un peu plus de mouvement et de force à Verbo Dei. Crescendo léger sur l’arsis de firmati sunt. Que toute cette seconde phrase soit vivante et pleine de joie. Le premier Alleluia très arrondi. Très peu de ralenti au second.
Le Psaume bien accentué, dans une atmosphère de joie simple.
ALLELUIA I
LE TEXTE
Ils connurent, les disciples, le Seigneur Jésus à la fraction du pain. Luc XXIV 31, 35.
Il s’agit des disciples d’Emmaüs reconnaissant le Christ ressuscité : mais en ce dimanche du Bon Pasteur, ces quelques mots sont plus que le rappel joyeux de l’incident ; ils chantent la réalisation de la parole de Notre Seigneur : « mes brebis me connaissent ». A la nourriture qu’il leur présente, les disciples, brebis errantes dans le soir qui tombe, reconnaissent leur Maître, le divin Berger.
Ainsi entendu cet Alleluia est une très belle paraphrase des derniers mots de l’Epître : Vous êtes retournés à celui qui est le pasteur et l’évêque de vos âmes… Nous le chantons dans la joie de ne plus être des brebis errantes, mais de vivre sous la vigilance du Pasteur bien aimé, dans l’intimité duquel nous entrons de plus en plus chaque fois qu’il se donne à nous dans la « fraction du pain ».
LA MÉLODIE
Un très bel élan sur les notes principales du mode, même le mot cognovérunt jusqu’à la dominante où il s’épanouit. C’est le mot important de la phrase et l’âme s’y complait dans la joie, celle des disciples qu’elle évoque et la sienne qui se renouvelle et s’accentue à chaque rencontre avec le Christ dans l’Eucharistie et dans l’oraison ; Cet élan, un instant interrompu, rebondit sur discipuli et se continue dans la même allégresse jusqu’à Dominum. La joie alors, sur le mot divin, devient intérieure, contemplative ; C’est sa vénération, sa tendresse, sa soumission abandonnée, tout ce qu’il y a d’indicible en elle, que l’âme chante au Pasteur adoré, tout le long de cette admirable thésis qui de degré en degré, comme par des paliers successifs, ramène, lentement, doucement, religieusement le mot jésum à la cadence finale où il se pose en un rebondissement délicat.
La joie s’extériorise à nouveau sur in fractione panis mais elle garde quelque chose de réservé qu’elle tient de la contemplation profonde, qui pour quelques instants vient de la pénétrer. C’est une très belle phrase d’ailleurs. Admirablement ordonnée par la succession régulière des notes longues en rythme ternaire dans la première incise, en rythme binaire dans la seconde, elle se déroule en une ondulation que rien ne trouble jusqu’à ce qu’elle s’achève dans la cadence pleine de mystère du IIIe mode.
Il faut bien lancer l’arsis de cognovérunt ; les deux notes qui précèdent le pressus seront légèrement retenues. Les doubles notes de Dominum douces ; ne pas exagérer le ralenti de Jésum. Pour que la reprise du chœur se fasse sans heurt, on arrondira bien l’accent de panis. Le mouvement ne saurait être rapide ; c’est le Christ qui chante.
ALLELUIA II
LE TEXTE
Moi, je suis le Bon Pasteur.
Et je connais mes brebis
Et elles me connaissent, les miennes. Jean X. 14.
Notre Seigneur, ici, se présente lui-même comme le Bon Pasteur et découvre au monde le secret des relations qui unissent le Berger aux brebis et les brebis au berger, dans le divin bercail ; « Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent ». Ceci entendu non seulement de la connaissance extérieure que le Pasteur a de son troupeau et le troupeau de son Pasteur, mais de l’intimité qui les unit. « Comme le Père me connaît et que je connais le Père. », lisons-nous au verset suivant. Relation d’amour ; un seul cœur, une seule vie, dans la tendresse et la joie.
Cette parole prend une actualité vivante après les derniers mots de l’Epître : Vous étiez comme des brebis errantes… vous êtes retournés au Pasteur, a chanté le sous-diacre. Le Christ répond : C’est moi le Bon Pasteur…
LA MÉLODIE
La première phrase est toute empreinte de bonté, de douceur aimable et souriante. C’est la tendresse du Pasteur. Il se manifeste, divinement attirant, avec je ne sais quoi de profondément heureux ; le bonheur de se trouver avec ses brebis, de se donner à elles, et de recevoir en retour leur ardent et joyeux amour. Le motif descendant de Ego sum qui se pose si délicatement sur le mi est particulièrement expressif de cette tendresse heureuse.
Dans les deux autres phrases – qui sont semblables – c’est plutôt la joie qui domine, la joie de connaître et d’être connu, d’aimer et de se savoir aimé. Le mouvement, en portant la mélodie à la dominante, s’avive et s’éclaire un instant sur cognosco et cognoscunt. Il y a là une touche d’allégresse délicate ; elle se répand sur oves et meae en un motif paisible et gracieux qui est comme la contemplation du Divin berger regardant ses brebis dans la joie et l’amour qu’il leur donne et qu’il en reçoit.
Ne pas chanter fort. Le tempo doit être assez large, sans être lent : ici encore c’est le Christ qui chante.
Faites l’accent de Ego léger et arrondi, posez délicatement sum sur le mi et ralentissez légèrement le climacus qui suit.
Léger accelerando dans l’arsis de cognosco et de cognoscunt. Le reste de la phrase, très lié.
OFFERTOIRE
LE TEXTE
Dieu, mon Dieu,
Vers toi, dès la lumière, je me tourne ;
Et en ton nom je lèverai mes mains. Ps. LXII. 2, 5.
Le Psaume LXII fut composé par David, au temps où, poursuivi par son fils Absalon, il vivait dans le désert, entre Jérusalem et la mer Morte.
C’était sa prière du matin. Sur cette terre aride, qui était sans doute l’image de son âme désolée, il se tournait vers son Dieu, vers son Pasteur, brebis errante qu’il était, lui aussi, et levait vers lui ses mains dans le geste de la supplication, avec la confiance inébranlable qu’il serait exaucé.
Dans la liturgie de ce jour, ces deux versets sont une réponse du bercail à la tendresse vigilante du Bon Pasteur qui vient de se révéler dans l’Evangile. Il a dit que son amour est toujours en acte ; ses brebis lui disent, à leur tour, qu’il en est de même du leur. A peine éveillées, leur pensée, leur désir, leur tendresse vont vers lui et dans la joie et la sérénité d’une absolue confiance en sa garde vigilante et forte, elles lui répètent qu’au moindre besoin, qu’à la moindre alerte, elles l’appelleront d’un geste, d’un cri, pour qu’il vienne et qu’elles se serrent autour de lui.
LA MÉLODIE
L’intonation est toute simple, avec une note de joie tranquille, mais dès les premières notes qui suivent, une sorte d’ardeur s’y mêle qui va croissant jusqu’à la triple note sur fa où elle devient intense, avec quelque chose de personnel, d’intime que lui donne le pronom meus : mon Dieu à moi. C’est toute la tendresse émue de l’âme qui, après le noir de la nuit, retrouve son Seigneur tant aimé. Simple incident d’ailleurs ; sitôt passe le nom divin, la joie retrouve sa simplicité paisible. Le mot face, déjà mis en relief par le sommet de l’arsis, se développe en de longs neumes comme si l’âme insistait pour faire remarquer à l’ami divin qu’il est vraiment sa première pensée.
Même joie dans la seconde phrase, peut-être plus extériorisée. Elle enveloppe nomine tuo d’un beau mouvement, à la fois retenu et chaud, puis elle continue avec un accent de fermeté, de sécurité qui trouve ce qu’il lui faut sur les longues tenues de levabo, de manus et de l’Alleluia. Ce n’est plus tant son intime tendresse que sa confiance inébranlable que l’âme veut dire à son fidèle gardien.
Il faut faire un crescendo sur Déus meus mais discret ; c’est une prière. La triple note de meus est une trivirga ; la faire très expressive.
Reprenez le mouvement léger sur ad te de luce ; arrondissez le podatus du sommet et retenez toute la thésis. La première note de nus et celle de as, légèrement allongées ; L’Alleluia très paisible.
COMMUNION
LE TEXTE
Je suis le Bon Pasteur, Alleluia ;
Et je connais mes brebis
Et elles me connaissent les miennes,
Alleluia, Alleluia. Jean X, 14.
C’est le même que celui du second Alleluia. Chanté au moment de la communion, il prend un sens plus actuel encore. C’est en effet dans l’Eucharistie que se réalise cette connaissance mutuelle intime entre le Christ et nous. « Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang demeure en moi et moi en lui … et je me manifesterai à lui. » C’est donc le Christ qui exprime ici, sous les termes imagés de l’allégorie du Bon Pasteur, le mystère de l’union qui se réalise, au moment même, entre lui et les âmes.
LA MÉLODIE
Sous une forme musicale toute différente, c’est bien la même expression que dans l’Alleluia.
Dans la première phrase, une tendresse souriante, attirante, avec une nuance d’intimité extrêmement délicate sur les trois salicus remontant en demi-ton sur le fa ; on dirait que le Christ ne parle que pour l’âme à laquelle il est uni dans le Sacrement.
Dans la seconde, la joie profonde de l’union. La mélodie s’établit, par ses fréquents contacts avec le do dans une tonalité plus majeure si l’on peut dire ; Il y a dans et cognosco une admirable expression de joie, une plénitude de joie qui se développe sur oves meae en un beau mouvement arsique au sommet duquel meae est mis en relief par l’accent tonique. Le même motif reprend sur et cognoscunt mais ébauché seulement cette fois. Le pressus met une belle nuance de tendresse sur meae. C’est peut-être dans la courbe du premier Alleluia que la joie profonde trouve sa plus parfaite expression.
C’est toujours le Christ qui chante, le mouvement sera donc modéré.
Prenez garde de ne pas faire les salicus de la première phrase trop longs ; posez nettement sur fa la dernière note de bonus pour éviter que ce demi-ton ne soit une plainte ce qui serait un contre-sens.
Dans la seconde phrase, un léger crescendo-accelerando ira jusqu’à la fin de la première incise ; la première note de sco dans cognosco un peu allongée, le torculus bien arrondi et l’accent de meas lancé et articulé ; retenez à peine la cadence de meae mais enchainez et cognoscunt ; Gardez la voix sonore dans les notes graves du premier Alleluia qui ne sera pas ralenti.
Cantiques pour Pâques
Ecoutes de pièces
Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici