L'introït Cibavit eos interprété par la Schola Bellarmina
Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.
INTROÏT
LE TEXTE
Versez votre rosée, cieux, d'en haut, et que le nuages pleuvent le Juste. Qu'elle s'ouvre, la terre, Et qu'elle germe le Sauveur.
Ps.- Les cieux disent la gloire de Dieu
Et l'œuvre de ses mains, il la proclame, le firmament. Isaïe, XLV, 8 - Ps. XVIII, 2.
Au chapitre XLV, Isaïe rapporte ce qu'il a entendu le Seigneur dire à Cyrus, qu'il va susciter pour être son christ, sauver le peuple et rebâtir la cité et le temple. A la vision de ce sauveur d'un moment, par delà lequel il voit le Messie et son œuvre éternelle, il est transporté et, interrompant sa prophétie, lance vers le ciel son désir ardent pour que soit bâtie la venue des deux libérateurs. Il le fait sous la forme poétique de la rosée qui fait germer la plante, symbolisant ainsi l'action divine qui fera de Cyrus et du Christ des sauveurs parfaits.
Au sens liturgique, c'est l’Église qui appelle le Messie. Rien n'est à changer dans l'image du prophète, mais il faut lui donner tout son sens divin. La rosée sollicitée du ciel, c'est l'action fécondante du Saint-Esprit ; la terre, c'est Notre-Dame, fleur de la race, qui s'ouvre au sommet de la tige de Jessé et qui, fécondée sous l'ombre mystérieuse de l'Esprit du Très-Haut, va produire son fruit divin ; le Verbe fait chair.
Cette prière admirable et tout à fait à sa place le Mercredi des Quatre-Temps, tout entier consacré à l'Annonciation. Il faut lui garder ici la même interprétation ; d'autant que, par l'Offertoire et la Communion tout au moins, le mystère continue d'être fêté. Et il faut la chanter comme la prière suprême, entendue de Dieu par delà les siècles, et qui a contribué à faire venir plus tôt l'heure du Messie et de Notre-Dame ; mais aussi, comme la supplication qui va mériter aux âmes de recevoir le Verbe fait chair quand il va revenir et de se livrer à l'influence de son Esprit comme la terre à la rosée, lui donnant ainsi ce qu'il attend d'elles pour réaliser la plénitude de son Incarnation.
Le Psaume, lui, n'est pas une prière ; il est la constatation joyeuse des merveilles de Dieu qui se réalisent dans le mystère.
LA MÉLODIE
Une prière ardente de deux phrases qui s'opposent ici, encore, suivant le texte, comme le ciel et la terre.
La première est un admirable mouvement de l'âme portant on désir, comme dans le graduel. Qui sédes, aussi haut que possible, jusqu'aux nuées fécondes d'où va venir la céleste rosée, puis redescendant douce et paisible comme descendra le Juste qu'elle chante. La supplication est ardente sur le pressus de caeli, les quilismas de désuper, le pressus de pluant, mais il n'y a pas d'inquiétude, de doute, d'angoisse ; au contraire, une grande sérénité et une joie discrète se mêlent partout à la prière dans la tonalité claire du mode de fa ; la joie de l'Eglise qui sait, car elle en jouit déjà, tout le bonheur qu'il y a pour elle dans cette pluie fécondante qu'elle sollicite.
La seconde a moins d'élan. C'est la terre que l'Eglise regarde et encore qu'il s'agisse de Notre-Dame, ce chef-d'œuvre de grâce qui va produire la nature humaine du Christ, n'est-elle pas tout en bas par comparaison avec l'infinie perfection du verbe qui va y descendre ? Et puis, c'est le mystère dont la profondeur ne saurait se chanter ; Aussi, après l'ardeur de la supplication sur aperiatur, la mélodie revient-elle au mode de ré, et en des neumes qui s'effacent de plus en plus, elle s'éteint, gracieusement d'ailleurs, sur Salvatorem, le mot du désir.
La deuxième note de ra dans Rorate doit être élargie. Le crescendo de la première incise sera ardent mais sans éclat ; c'est une prière. Bien accentuer nubes et aller sur le pressus de pluant en progression.
Veiller à ce que tur dans aperiatur ait bien sa valeur et qu'on ait le temps d'articuler. Térra sera légèrement retenu ainsi que les quatre dernières notes de gérminet.
Le Psaume sera chanté dans un bon mouvement et pénétré déjà de la joie du « Gloria in excelsis » qu'il prophétise.
GRADUEL
LE TEXTE
Il est proche, le Seigneur,
De tous ceux qui l'invoquent,
De tous ceux qui l'invoquent dans la vérité.
Verset. - La louange du Seigneur,
Elle la chantera, ma bouche,
Et que toute chair bénisse le Seigneur. Ps. CXLIV, 18, 21.
Dans la première partie, le psalmiste exprime une idée très simple ; à savoir que le Seigneur est tout disposé à écouter ceux qui le prient. Toutefois, il a précisé d'un mot : ceux qui le prient dans la vérité ; c'est-à-dire qui lui demandent, en toute sincérité, des chose vraies ; entendons : ceux qui sont conformes à sa volonté, car la vérité, c'est, en même temps, ce que Dieu pense et ce que Dieu veut.
Le Verset, lui, est un hommage de reconnaissance de l'âme qui promet à Dieu une louange sans fin en retour de la bienveillance qu'il lui témoigne.
Au sens liturgique, peut-être serait-on porté à s'appuyer sur les premiers mots Prope est Dominus pour faire entrer ce texte dans le cadre de l'Avent. Ce ne serait pas absolument exact car c'est en tout temps que le Seigneur exauce ceux qui savent le prier. Il ne faut pas non plus le rattacher à l'Epître qui vient d'être lue, mais à l'Epître du mercredi précédent pour laquelle il a été choisi. Dans cette Epître, on nous ait entendre l'histoire d'Achaz qui, par manque de confiance, refusa de demander un prodige au Seigneur et qui reçut, en réplique, d'Isaïe la fameuse prophétie qui annonçait le prodige des prodiges : « Le Seigneur vous donnera lui-même un signe : Voilà qu'une Vierge concevra et enfantera un Fils et son nom sera Emmanuel ». A la fin de ce récit, ces deux versets viennent sur es lèvres de l'Eglise comme une sorte de réflexion. Repliée sur elle-même et gardant bien présent à l'esprit tout ce qu'elle vient d'entendre, elle se dit : Achaz a eu tort...Le Seigneur est tout près de ceux qui l'invoquent et bientôt il sera plus près d‘eux encore ; car le prophète a dit que Celui qui doit venir aura nom Emmanuel, ce qui veut dire : Dieu est avec nous.
Cette annonce précise de l'Incarnation amène alors la grande louange du Verset. Laudem Domini...
LA MÉLODIE
(V) Prope est Dominus omnibus invocantibus éum omnibus qui invoquant éum in verita te.
Elle est composée de trois formules : celle de Prope est Dominus et les deux de éum. Ces formules sont reliées entre elles par les motifs presque syllabiques de omnibus invocantibus et de omnibus qui invoquant. Un seul mot est original, in veritate, encore s'achève-t-il en une formule finale commune.
Le fait qu'elle est à ce point centonisée n'empêche pas qu'elle soit très expressive. L'auteur s'est servi de formules toutes faites mais il les a choisies pour le texte et les a disposées de telle sorte qu'elles puissent en exprimer au mieux le contenu. Notez qu'elles sont placées sur les mots importants : Dominus, le nom divin, et éum qui le représente ; et que, par le contraste que font leurs neumes avec les motifs syllabiques qui les entourent, elles les mettent en particulier relief. Aussi bien est-ce le mot de l'Epître : Pete signum a Domino, dit Isaïe. Non tentabo Dominum, répond Achaz. Propter hoc dabit Dominus ipse vobis signum, réplique le prophète.
L'intonation est grave. (Cette formule n'est employée que sur le mot Dominus ; de sorte qu'elle est moins une formule centon qu'un motif réservé uniquement au nom du Seigneur, comme plusieurs autres.) Mais ce serait une erreur d'y voir la moindre tristesse. Au contraire, on y discerne déjà en une nuance discrète la joie qui se dégage du texte et qui caractérise tout le Graduel. Toute pénétrée de respect, elle se retient, s'efface, sur le nom divin, mais, sitôt après, elle se laisse aller, se développe sur omnibus invocantibus et va s'épanouir sur éum en un bel élan qui se détend dans la plénitude de la cadence en fa. Elle passe dans la seconde phrase, s'élève avec grâce sur omnibus, puis redescend dans le grave où elle se revêt à nouveau sur éum d'une certaine révérence qu'elle garde jusqu'à la fin.
Le Verset. - Laudem Domini loquétur os méum Et benedicat omnis caro nomen sanctum éjus.
La joie est ici enthousiaste. Lancée avec une ferme assurance sur la distropha de Laudem, elle se développe en une sorte de contemplation sur Domini : légère, souple, heureuse. Une nuance de tendresse plus marquée passe avec le si b, puis l'exaltation, grandissant à nouveau, va vers loquétur os méum où elle atteint toute sa puissance d'expression sur les mots mêmes qui disent la joie de pouvoir chanter à jamais.
L'enthousiasme est le même dans la seconde phrase. Sitôt qu'elle a été ramenée à la dominante, la mélodie s'élance à l'extrême limite du mode, enveloppant de toute sa puissance l'ardent souhait de l'Eglise. Elle s'y arrête d'ailleurs ensuite en un gracieux mouvement descendant, puis, pour finir, se pénètre à nouveau de tendre respect sur nomen sanctum éjus.
Comme on le voit, ce verset a un caractère de joie éclatante qui ne s'est pas encore rencontré au cours de l'Avent. L'auteur a-t-il voulu donner là comme une première annonce de la joie de Noël et en pénétrer déjà l'âme des fidèles ? On a d'autant plus de raisons de le croire que les formules 53 et 54 sont particulières à la période de la Nativité. On les trouve ailleurs, mais elles sont si fréquemment répétées au temps de Noël qu'elles contribuent, sans aucun doute, pour leur part, à créer l'atmosphère musicale. El semble que ce soit comme le début d'un crescendo de joie qui, parant du Mercredi des Quatre-Temps, jour consacré à l'Annonciation, jour de l'Incarnation, atteint toute sa puissance aux jours de Noël et de l'Epiphanie.
Ne pas chanter l'intonation avec des effet de basse, mais avec la simplicité et la douceur qui conviennent à une contemplation paisible. Le crescendo est le premier éum sera discret et mené dès le début de l'incise ; C'est une formule assez délicate mais très expressive. Il y a sur le do une distropha, puis al première note de la clivis ou du climacus ; les distrophas seront posées doucement et la voix, renforcée, ira vers la note qui suit pour la répercuter, délicatement. Il s'en suivra une onction pénétrée de ferveur qui servira admirablement le pronom éjus qui tient la place de Dominus.
Retenir quelque peu veritate ; la tristropha, douce. Bien distinguer dans la vocalise qui suit, sur le la, les deux distrophas, du pressus ; lles reçoivent doucement le posé de la voix ; de même celle qui se trouve sur le do dans la dernière incise.
C'est une bivirga qu'il y a sur Laudem au début du Verset ; qu'elle soit appuyée, forte et bien lancée. Sur Domini, deux distrophas et répercussion sur la première note de la clivis ; même interprétation que plus haut. Une bivirga avant les deux climacus qui finissent la première phrase ; bien accuser la première note du second.
La tristropha de os, légère. Bien pendre grade à donner toute leur valeur aux trois notes qui précèdent les notes doubles de méum ; les retenir légèrement évitera le danger d'en faire un triolet. Poser nettement l'épisème vertical de omnis, allonger même un peu la note. (Dans plusieurs cas, la 2ème note est un quilisma.) Un gracieux ralenti sur sanctum, qui se poursuivra sur éjus jusqu'à la fin.
ALLELUIA
LE TEXTE
Viens, Seigneur et ne tarde pas.
Pardonne les péchés de ton peuple.
Cette phrase ne se trouve pas dans l'Ecriture. L'idée en est très simple et s'applique sans difficulté à l'un ou à l'autre des sens de l'Avent. C'est une prière dont l'objet est nettement déterminé : la prière de tout le peuple de Dieu, de toute l'Eglise, suppliant le Christ de venir sauver le monde.
LA MÉLODIE
On la rencontre deux autres fois au cours de l'année : le XXe Dimanche après la Pentecôte (Alleluia Paratum cor méum) et à la messe Loquebar d'une Vierge Martyre (Alleluia Adducentur).
Elle commence dans le grave et se meut lentement dans toute la première phrase, comme la prière très humble du pécheur qui n'ose pas lever les yeux, accablé qu'il est sous ses fautes. Ce n'est que dans la seconde incise qu'elle prend un peu d'ardeur, il y a sur et noli tardare un très bel accent de pressante supplication.
Dans la seconde phrase, la prière est plus aisée sur relaxa. La longue vocalise de facinora est, en elle-même, assez indifférente, mais elle prend, avec les mots, un caractère de prière fort bien adapté. Il y a, dans la répétition du motif initial, une progression qui fait la supplication de plus en plus forte. La première fois, elle monte par trois degrés au si b ; la seconde fois, par un seul mouvement de quarte, elle atteint le do qu'elle marque d'un pressus ; la troisième, elle s'y pose sans préparation et y demeure trois temps. Il y a là une vigueur accrue du plus heureux effet. La mélodie redescend ensuite dans le grave et finit sur une formule propre à certains graduels du Ier mode, elle aussi très priante et très humble, avec une touche assez marquée de crainte révérentielle.
L'Alleluia, lui, est du IIIe mode, mais l'unité demeure parfaite et l'expression y trouve son bien. L'Alleluia ayant en lui-même un caractère de louange que le contraste rend plus marqué encore.
Prendre garde de faire trop longue la double note initiale de l'Alleluia, lequel doit avoir un certain mouvement. Bien balancer le rythme de l'arsis ; la vocalise légère.
Veni Domine tranquille et discret. Crescendo sur noli ; tardare sans éclat. Noter que, dans les thésis de la seconde phrase, toutes les notes doubles sont des distrophas, légères donc ; de même les deux qui précèdent la clivis sur le do, à la dernière reprise du motif. Par contre plé dans plébis est une bivirga. Lier avec soin les grands intervalles de l'avant-dernière incise.
OFFERTOIRE
LE TEXTE
Salut, Marie, de grâce remplie,
Le Seigneur (est) avec toi.
Bénie (es-)tu entre les femmes,
Et béni le fruit de ton sein.
C'est la salutation de l'Ange Gabriel à Notre-Dame et celle d'Elisabeth combinées en un seul texte, lequel forme la première partie de la Salutation angélique. Il n'y manque que le dernier mot, Jésus, qui d'ailleurs ne fut pas dit par Elisabeth.
Au sens liturgique toutefois, ce n'est ni l'Archange ni Elisabeth qui saluent Notre-Dame ; la combinaison des deux salutations en un seul texte s'y oppose. C'est toute l'Eglise qui, au moment où est commémorée la Conception de Notre Seigneur, fait monter sa louange vers celle que Dieu a choisie pour sa mère. Elle a entendu, au cours de la semaine écoulée, le mercredi, le récit de l'Annonciation, le vendredi, celui de la Visitation ; elle recueille, sur les lèvres de l'Archange et d'Elisabeth, les paroles inspirées pour les redire à Notre-Dame, comme l'hommage le plus parfait qu'elle puisse rendre à sa sainteté incomparable et à sa maternité divine.
Bien noter que c'est une salutation. Ceci implique que les chanteurs soient en communication directe avec Notre-Dame : qu'ils chantent pour elle et qu'ils aient conscience que du haut du ciel, elle les écoute et reçoit leur hommage dans la joie de son cœur maternel.
LA MÉLODIE
Quatre phrases (Ave Maria gratia plena ne forme qu'une seule phrase. La grande barre qui suit Maria doit être considérée comme une demi-barre). Les trois premières, en progression l'une sur l'autre, conduisent l'idée jusqu'à Benedicta tu, point culminant de la louange. La quatrième redescend vers le grave où elle s'achève dans la contemplation du mystère.
Il n'y a pas d'éclat dans l'Ave de l'intonation ; c'est un salut gracieux enveloppé de vénération profonde et tendre. Tout le long de la première phrase, l'âme se complaît dans cette attitude d'humble hommage ; elle s'anime seulement, d'un accent de ferveur, sur le nom béni. Un bel élan, habilement préparé, porte la syllabe accentuée de Maria à la dominante où les notes doubles et répercutées mettent un peu plus d'ardeur, d'admiration et d'amour. Mais ce n'est qu'en passant. Elle revient au grave sur gratia pléna et s'y enveloppe plus encore de contemplation ; aussi bien y a-t-l ici quelque chose de plus que la salutation. C'est déjà le mystère, le mystère indicible de l'Immaculée. La phrase s'achève sur pléna par un pressus qui met bien en valeur ce mot de plénitude, qui ne peut se dire que du Christ et de sa Mère.
Dès le début de la seconde phrase, la mélodie, établie sans préparation sur la dominante, prend tout de suite une allure de louange éclatante. C'est une qualité nouvelle que l'Eglise salue en Notre-Dame : son union avec Dieu. La plénitude de la grâce, c'est déjà le Seigneur avec l'âme ; mais, sur les lèvres de l'Archange, le Dominus técum indiquait une modalité spéciale de l'union divine. Le Seigneur est avec Notre-Dame comme il n'est avec personne. C'est de cette union merveilleuse que l'Eglise félicite Marie. La mélodie la sert admirablement. Le s'épanouit sur Dominus en un beau motif plein d'élan, deux fois répété, qui dit l'admiration enthousiaste que provoque l'infinie grandeur de Dieu, tandis que, sur técum, elle se retient comme recueillie, étonnée, confondue d'admiration, devant l'ineffable sainteté de Notre-Dame.
Elle se reprend sur Benedicat tu pour s'élancer cette fois à la limite de son étendue. C'est le troisième mot de a louange. Il est la conséquence des deux autres. C'est parce qu'elle est pleine de grâce et que le Seigneur est avec elle que Marie est bénie entre toutes les femmes ; nouvelle Eve, celle que toutes les nations diront Bienheureuse. La mélodie le met au-dessus de tout ; elle dépasse la dominante, monte et plane, à loisir, dans les hauteurs, s'appuyant sur des notes doubles et des pressus qui lui permettent de déployer toute sa puissance et de colorer d'accents de ferveur ce mot de bénédiction. Il s'achève sur le pronom tu en une belle cadence pleine et large qui va tout droit à Notre-Dame avec une nuance délicate de tendresse. La seconde incise ramène à la dominante le mot muliéribus. L'admiration s'y prolonge, toujours fervente ; notez le pressus et le torculus avec son mouvement hardi de quarte retombant sur la bivirga de la syllabe accentuée. D'une façon assez inattendue, la phrase s'achève par une cadence en demi-ton sur si qui laisse la mélodie en suspens, comme si l'Eglise, évoquant en une sorte de contemplation toutes les femmes de la race, les voyait se perdre en une perspective infinie, tendues en un geste de bénédiction vers Notre-Dame qui, de très haut, enveloppée dans la gloire du Verbe Incarné, les domine toutes de l'éclat de sa maternité.
La quatrième phrase est, de toutes, la plus profonde. Ici, c'est le mystère ; le mystère du Verbe fait chair dans le sein de Notre-Dame. La mélodie abandonne les hauteurs, descend par degrés, sur benedictus qu'elle souligne seulement d'un pressus, descend encore sur fructus, puis demeure dans le grave, presque sans se mouvoir. Un motif deux fois répété de quelques notes qui montent et descendent par degrés conjoints sur véntris, un dernier pressus sur tui comme pour faire rejaillir la gloire du Fils sur la Mère - car c'est pour le Fils qu'est toute la louange dans cette dernière phrase - et c'est tout. L'ineffable ne saurait s'exprimer.
Il faut chanter avec beaucoup de souplesse. On y veillera particulièrement dans l'intonation. Le climacus qui s'achève sur la première note pointée sera légèrement retenu pour donner à cette demi-cadence sur mi toute sa valeur d'admiration gracieuse et tendre.
Chanter Maria avec beaucoup de ferveur. Les deux premières notes de ri bien appuyées, assez fortes, avec l'élan de l'accentuation : ce sont deux virgas ; les deux autres sont des distrophas ; la répercussion en sera délicate et il y aura un crescendo jusqu'à la répercussion, très délicate aussi, de la virga. La cadence sur sol très peu ralentie, de façon à rattacher Maria à gratia pléna. Une pause.
Discret a tempo au départ de Dominus dont les thésis seront légères, comme le sera la tristropha de técum, qu'on renforcera toutefois pour la lier au climacus. Sur ne dans Benedicta, une bivirga, bien l'appuyer et mener le crescendo e un bel enthousiasme vers le pressus. Conduire avec mesure l'admirable descente de benedictus fructus, sans que la voix perde brusquement de sa sonorité. Véntris tui très lien avec le salicus bien doux.
COMMUNION
LE TEXTE
Voici qu'une Vierge concevra
Et enfantera un Fils,
Et il sera appelé de son nom Emmanuel. Isaïe, VII, 14.
Cette parole fut dite comme une prophétie par Isaïe à Achaz. « Le Seigneur vous donnera lui-même un signe : voici qu'une vierge enfantera... » Le signe promis arrivera le jour de l'Annonciation. C'est le mot même du prophète en effet que l'Archange dit à Notre-Dame : « Voici que vous concevrez et enfanterez un Fils et vous lui donnerez le nom de Jésus ».
Ce texte est tout à fait à sa place le jour où est commémorée l'Annonciation. Toutefois il ne semble pas qu'il doive être chanté ici comme une prophétie ; c'est l'Eglise qui après avoir entendu la parole du Prophète à l'Epître, et celle de l'Ange à l'Evangile, y revient, au moment de la communion. Contemplant dans la lumière de la grâce sacramentelle, l'Incarnation qui se prolonge par l'Eucharistie dans tout le Corps Mystique, elle chante la joie de l'Emmanuel, du Dieu avec nous, en même temps que le mystère de Noël dans lequel à nouveau va s'accomplir mystiquement la parole divine.
LA MÉLODIE
Une joie émerveillée ; on en caractériserait bien ainsi, en deux mots l'expression. Elle est très discrète dans sa première incise, avec quelque chose de recueilli, de contemplatif, répandu sur toute la thésis de concipiet. Dans une sorte de jouissance profonde, l'âme admire le mystère de la Vierge Mère.
Et voilà qu'elle s'anime et que son admiration prend de l'ampleur. Un souffle puissant passe, qui emporte les mots dans l'enthousiasme, Filium après pariet, comme si l'âme, de plus en plus éclairée, réalisait ce qu'est le mystère de la maternité divine.
Mais, à peine a-t-elle saisi cette seconde merveille, qu'une troisième s'offre à elle : le mystère de Dieu avec nous cette fois, et vocabitur Emmanuel... Elle n'a pas le temps de s'arrêter si peu que ce soit ; de la première phrase, le souffle d'allégresse passe dans la seconde, l'entraînant dans la progression jusqu'à la distropha de vocabitur. Là quelque chose change. Le mystère s'étend. Il s'étend jusqu'à l'âme. Elle sent qu'elle y entre, en ce moment de la communion. Elle se recueille, se refermant sur les merveilles qui s'opèrent en elle. La mélodie la suit dans sa contemplation. Elle n'a plus le souci des notes éclatantes, ni des mouvements à grand espace ; elle se retient. Notez les clivis allongées de vocabitur, elle descend peu à peu vers le grave, jusqu'à ce qu'elle arrive à Emmanuel, le mot du mystère. Elle s'y complaît, en une formule qui, comme celle du véntris tui de l'Offertoire, se contente de quelques notes conjointes qui descendent et montent mais où passe toute la tendresse de l'âme pour l'Hôte divin qui est avec elle.
L'intonation paisible ; de même concipiet dont les podatus seront bien posés. Ceux de pariet aussi, tout le sommet en sera élargi. Le lier étroitement à Filium qui sera à peine retenu afin que l'enthousiasme aille croissant sur et vocabitur. C'est une bivirga qu'il y a sur vo. Retenir quelque peu tur. Beaucoup de grâce et de ferveur sur Emmanuel, qui sera très ralenti.
- Polyphonies pour l'Avent
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- L'hymne Creator alme siderum en grégorien
- Les cantiques de l'Avent (CD)
- Les cantiques de l'Avent (Partitions)
Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici
Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.
INTROÏT
C’est celui du lundi de Pentecôte.
Il n’y rien à ajouter au commentaire qui en a été écrit car ce jour-là comme aujourd’hui c’est l’Eucharistie qu’il chante.
GRADUEL
LE TEXTE
Les yeux de tous les êtres en toi espèrent, Seigneur, Et tu leur donnes la nourriture en temps opportun.
Verset. – Tu ouvres, toi, ta main et tu remplis tout animal de bénédiction. Ps.CXLIV.15,16.
Le Psalmiste, dans ces deux versets, loue le Seigneur du soin qu’il prend de nourrir tous les êtres qu’il a créés. Sous des images splendides, le psaume en lui-même ne dit rien de plus. C’est dans ce sens purement littéral que l’Eglise s’en sert pour la bénédiction des peuples, des champs, des moissons, du bétail, en temps de famine.
Dans le Graduel du XXe Dimanche après la Pentecôte, ces mêmes versets n’ont pas d’autre sens : ils paraphrasent le conseil de Saint Paul qui achève l’épître : « Soyez remplis du Saint-Esprit…chantant, psalmodiant dans vos cœurs au Seigneur et lui rendant grâce pour toutes choses. »
Mais, de très bonne heure, on eut l’idée d’appliquer ce passage à l’Eucharistie. Saint Jean Chrysostome le recommandait déjà en ce sens : « parce qu’il contient des paroles que les initiés entendent du banquet Eucharistique. » Saint Thomas, lorsqu’il composa l’office du Saint-Sacrement, eut l’idée très heureuse de prendre dans ce sens Eucharistique le Graduel du XXe Dimanche après la Pentecôte, et sans rien y changer.
Après, l’épître, qui nous rapporte le récit de l’institution du sacrement, il est, sous l’image émouvante des yeux levés vers le Seigneur, un très bel hommage au Père qui, par son Fils, a voulu nous nourrir du pain qui entretient en nous la vie divine et nous est un gage de la plénitude de notre être dans la béatitude pour l’éternité.
LA MÉLODIE
Il y a dans la première incise comme une religieuse gravité. L’Église se complait dans l’image des yeux pleins d’espoir fixés sur Dieu et se laisse prendre par un sentiment d’admiration émue. Cette image ne tarde pas d’ailleurs à l’exalter, dès le début de la seconde incise, le mouvement s’anime; une ardeur y passe qui enveloppe les mots et les emporte vers la clivis allongée de Domíne où l’exaltation s’épanouit, large et sonore, en un splendide accent de louange reconnaissante.
La deuxième phrase commence dans le même élan enthousiaste sur le pronom tu, très en relief, mais, tout de suite, sur la clivis allongée de illis et plus encore sur la période thétique de escam toute retenue, passe quelque chose de plus recueilli, de plus intérieur. Ce sont les mots qui disent la bonté de Dieu pour ses créatures, et nous en sommes; l’âme envahie par le souvenir de tout ce qu’elle a reçu, s’y complait dans un sentiment de tendre reconnaissance; Le mouvement s’allège ensuite sur temporé puis s’élargit à nouveau sur opportúno pour chanter la sagesse de Dieu qui sait ce qu’il faut faire pour chacun et à quel moment le faire.
Le verset – Le motif de Aperis est ravissant de grâce aimable dans le balancement de ses rythmes souples et légers. L’Église, fixée sur l’image des mains divines ouvertes sur elle, chante dans la paix sa gratitude et sa confiance abandonnée. Elle s’exalte peu à peu en reprenant sur manum le motif de Dómine, dans la première partie, et le développant sur tuam
en une très belle cadence qui prolonge sa joie.
La seconde phrase, plus ample, se déploie, sur les mots de plénitude, dans une atmosphère de bonheur grave, recueilli, profond. Ce n’est que sur le dernier mot que le mouvement redevient léger, sans perdre d’ailleurs la gravité qui va si bien au mot de la bénédiction.
Il faut, il va de soi, commencer doucement afin de ménager le crescendo qui va vers Dómine. Les deux doubles notes de Oculi pourront être allongées. Balancez-en bien le rythme, comme aussi celui des deux podatus de in te dont la première note sera bien posée et élargissez toute la vocalise de Dómine.
La première note de tu sera allongée, de même la montée sur escam et les dernières notes de la descente avant la demi-barre. Ménagez bien le crescendo sur opportúno en le prenant dès les premiers podatus qui seront bien scandés.
Aperi, premier mot du verset, sera léger, ce qui ne veut pas dire rapide; au contraire, on retiendra quelque peu les punctum marqués d’un épisème vertical; par contre, on accélèrera légèrement les huit dernières notes en les reliant, par un crescendo discret, à manum qui s’amplifiera comme Dómine dans la première partie. Retenez les trois notes de tuam qui précèdent le quilisma.
Et sera bien élargi, au début de la troisième phrase, et la première note de ples dans imples, posée comme si elle avait un épisème horizontal. Sur benedictióne, même interprétation que sur opportúno.
ALLELUIA
LE TEXTE
Ma chair vraiment est une nourriture.
Et mon sang vraiment est un breuvage.
Qui mange ma chair et boit mon sang,
En moi demeure et moi en lui. Jean VI. 56,57.
Ces paroles sont comme la réplique de Notre Seigneur à ce que l’Église vient de chanter à Dieu dans le Graduel. Elle l’a loué pour la nourriture qu’il dispense aux créatures et tout particulièrement pour le Pain Vivant dont il alimente ses membres. Il répond : « la vraie nourriture c’est bien ma chair, le vrai breuvage c’est bien mon sang car qui les prend demeure en moi qui suis la vie, et moi en lui.»
LA MÉLODIE
Elle est calquée sur l’Alleluia Laetabítur Justus qui n’est plus en usage. Il servait autrefois pour un Martyr Pontife, on le trouve notamment dans les manuscrits, à la fête de Saint Hippolyte, le 13 Août. Le texte en est celui-ci : « Il se réjouira, le juste, dans le Seigneur et espèrera en lui, et ils chanteront des louanges, tous les cœurs droits. » L’idée ici, on le voit, est très différente: l’application ne saurait donc être parfaite.
La première phrase est très satisfaisante. Il y a sur caro un accent de ferveur qui dit bien l’amour intense de Notre Seigneur pour nous. Cette ardeur se développe ensuite sur les notes élevées de sanguis et de potus de la façon la plus heureuse. Qui mandúcat, au début de la seconde phrase, se déploie dans la même atmosphère ardente et est encore excellent, mais la cadence de carnem est trop conclusive et la liaison entre meum et sánguinem pas assez serrée. Quand à la dernière incise et ego in eo, le caractère de joie extérieure en est bien fortement marquée pour des paroles aussi graves.
Il faut évidemment chanter dans un mouvement assez lent et sans forcer la voix pour garder à ces paroles divines, si pleines de tendresse, la suavité qui leur convient.
La première incise sera très calme et très liée. Sur et sanguis, commencera un crescendo discret qui s’épanouira sur potus et sur mandúcat, mais sans éclat, animant seulement cette très belle ligne musicale qui plane, comme immatérielle, sur les hauteurs.
Faites la liaison serrée entre carnem et bibit, ralentissez manet et, plus encore, et ego in eo et vous en atténuerez le caractère de joie trop marqué qui serait ici un contresens musical.
SEQUENCE
LE TEXTE
Loue, Sion, le Sauveur
Loue le Chef et le Pasteur
Par des hymnes et des cantiques.
Autant que tu peux, ose,
Car il est plus grand que toute louange
Et, à te louer, tu ne suffis pas.
De la louange le thème spécial,
C’est le pain vivant et vivifiant
Qu’aujourd’hui on te propose.
Le pain qui sur la Table de la Sainte Cène,
Au groupe des douze frères,
Fut donné, il n’y a pas à en douter.
Que la louange soit pleine, qu’elle soit sonore,
Qu’elle soit joyeuse ; qu’elle soit belle,
La jubilation de l’âme.
Nous fêtons en effet le jour solennel
Qui rappelle de ce banquet
La première institution.
A cette table du nouveau Roi,
La nouvelle Pâques de la nouvelle loi
Finit l’ancienne Pâque.
Le nouveau chasse l’antique,
La vérité chasse l’ombre,
La lumière dissipe la nuit.
Ce que le Christ a fait à la Cène,
Il a ordonné de le faire
En mémoire de Lui.
Instruits par ces ordres sacrés,
Nous consacrons le pain et le vin
En hostie de salut.
C’est un dogme proposé aux Chrétiens,
Que le pain devient la Chair
Et le vin le Sang du Christ.
Ce que tu ne saisis pas, ce que tu ne vois pas,
La foi vive l’atteste
Malgré le cours ordinaire des choses.
Sous des espèces diverses,
Signes et non substances,
Se cachent les sublimes réalités.
La Chair est nourriture, le Sang breuvage,
Mais le Christ demeure entier
Sous chaque espèce.
Par celui qui le prend, non divisé,
Non brisé, non rompu,
Mai, tout entier, il est reçu.
Un le reçoit, mille le reçoivent ;
Ceux-là l’ont autant que celui-là,
Et, absorbé, il n’est pas consommé.
Les bons le reçoivent, les méchants le reçoivent ;
Mais leur sort diffère :
C’est la vie et la mort.
Il est, mort pour les mauvais, vie pour les bons.
Vois comme la même manducation
A des effets différents.
Parce que le sacrement est divisé, ne le trouble pas,
Mais souviens-toi qu’il est autant
Dans une parcelle que dans le tout.
Il n’y a pas e division de la réalité,
Il n’y a fraction que du signe ;
Ni l’état, ni la grandeur de la réalité ne sont diminués.
Voici le pain des Anges
Devenu la nourriture de l’homme pèlerin ;
Vrai pain des enfants
Qu’il ne faut pas donner aux chiens.
Le texte de cette Séquence est l’œuvre de Saint Thomas d’Aquin, chacun le sait. La mélodie est celle d’une séquence d’Adam de Saint-Victor qui se chantait sans doute à la fête de l’Invention de la Sainte Croix, le 3 Mai, à la suite de l’Alleluia Dulce lignum dont elle emprunte le thème pour ses premières notes.
Ni dans le Laudes Crucis, ni dans le Lauda Sion il ne faut chercher pour chaque verset une expression propre dans la mélodie. Celle-ci d’ailleurs se prête d’elle-même assez facilement aux mots et aux idées.
On la chantera dans un bon mouvement, pas trop vite et en la rythmant bien.
OFFERTOIRE
LE TEXTE
Les prêtres du Seigneur
Le pain et l’encens offrent à Dieu.
C’est pourquoi Saints ils seront devant leur Dieu.
Et ils ne souilleront pas son nom.
Allelúia.
Cette prescription du Seigneur à Moyse, au sujet des prêtres, est d’un heureux choix comme Offertoire car elle se réalise au moment où on la chante; le prêtre offre en effet alors le pain et l’encens. Mais, par delà l’acte liturgique de l’offrande, c’est le sacerdoce, et le sacrifice, son acte essentiel, que l’Eglise chante comme une sorte d’action de grâces au Seigneur pour le sacrement qui perpétue son propre sacerdoce et son propre sacrifice.
LA MÉLODIE
Elle est calquée sur celle de l’Offertoire Confirma hoc du Dimanche de la Pentecôte. Le calque est très réussi. Le caractère recueilli, intime, contemplatif de l’original va bien à ces paroles graves qui sont en fait comme une contemplation de l’Église reconnaissante devant l’acte qui se déroule à l’autel.
Les mots importants sont bien en relief; Dómini, dans la première phrase, ófferunt surtout, qui reçoit de la tristopha et de toute l’arsis qui s’y épanouit, une bel élan de ferveur.
Dans la seconde phrase, Deo suo a pris la place de Jérúsalem et reçoit, des neumes gracieux, la même tendresse délicate.
La dernière phrase a été malheureusement amputée de quelques neumes, mais, malgré cette fin d’incise un peu brusquement amenée, en fa, sur ejus, elle garde, grâce à l’Allelúia, la même expression de contemplation paisible.
Dans l’ensemble, les conseils d’exécution donnés pour le Confirma hoc valent ici. Les nuances devront toutefois varier avec les mots. Le punctum de mi, dans Dómini, par exemple, n’aura pas l’élan soulevé qu’avait le De de Déus; tandis que le podatus de Deo, dans la seconde phrase, l’aura au contraire. Donnez un peu d’ampleur à non au début de la troisième phrase et ralentissez bien les cinq notes de nomen pour pallier à l’arrivée un peu brusque de la cadence en fa sur ejus.
COMMUNION
LE TEXTE
Toutes les fois que vous mangerez ce pain et boirez ce calice La mort du Seigneur vous annoncerez jusqu’à ce qu’il vienne. C’est pourquoi quiconque mangera le pain ou boira le calice du Seigneur indignement, ccoupable sera du Corps et du Sang du Seigneur. Allelúia. I. Cor. XI. 26,27.
Le sens de ces paroles de Saint Paul est clair. Celui qui communie prend part au Sacrifice Eucharistique; il reçoit du Père la victime qu’il lui a offerte au préalable. Il contribue donc à prolonger jusqu’à la fin des temps la Passion et la mort du Christ et, s’il le fait indignement, il a la même culpabilité que ceux qui mirent Notre Seigneur à mort en pleine conscience du crime qu’ils accomplissaient; il est déicide.
Cet exposé dogmatique et moral sérait quelque peu déplacé au moment de la Communion si on ne le voyait que comme un avertissement. Il faut l’entendre comme une médiation de l’Église qui se redit les graves paroles de Saint Paul pour entrer plus pleinement dans l’esprit du Sacrement.
LA MÉLODIE
C’est une mauvaise adaptation de la Communion de la Pentecôte. Dans ce chef-d’œuvre incomparable qu’est le Factus est repénte, la mélodie fait corps avec les paroles à un tel point qu’elle ne saurait s’appliquer à aucun autre texte. Elle décrit le drame et c’est de cette description qu’est fait son rythme et son expression. Ici, sur le texte de Saint Paul, elle sonne faux.
La descente brusque de repénte, qui peignait si bien l’émotion des Apôtres, donne à quotiescúm que une sorte d’essoufflement qui se communique en fait à toute la pièce car la mélodie est toute en mouvement et, sur ces paroles si calmes et si graves, elle donne l’impression de quelqu’un qui les prononcerait soit avec un enthousiasme qui n’a aucune raison d’être, soit avec une précipitation qui non plus n’est pas de mise.
Un seul mot est expressif, et encore, par hasard : donec véniat. On y trouve enfin le lyrisme qui nous fait entrevoir, à partir de ce mot mystérieux, la vision du Christ Glorieux qui nous rassasiera à jamais quand elle nous sera offerte sans sacrement.
Pour faire cette mélodie acceptable, il n’est pas d’autre moyen que de lui donner de l’ampleur. Elle prendra ainsi quelque gravité. Retenez tout le motif de donec véniat de même indigne, et Dómini à la fin.
Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici