Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.

INTROÏT

LE TEXTE

Versez votre rosée, cieux, d'en haut, et que le nuages pleuvent le Juste.
 Qu'elle s'ouvre, la terre, 
Et qu'elle germe le Sauveur.

Ps.- Les cieux disent la gloire de Dieu
Et l'œuvre de ses mains, il la proclame, le firmament. Isaïe, XLV, 8 - Ps. XVIII, 2.

Au chapitre XLV, Isaïe rapporte ce qu'il a entendu le Seigneur dire à Cyrus, qu'il va susciter pour être son christ, sauver le peuple et rebâtir la cité et le temple. A la vision de ce sauveur d'un moment, par delà lequel il voit le Messie et son œuvre éternelle, il est transporté et, interrompant sa prophétie, lance vers le ciel son désir ardent pour que soit bâtie la venue des deux libérateurs. Il le fait sous la forme poétique de la rosée qui fait germer la plante, symbolisant ainsi l'action divine qui fera de Cyrus et du Christ des sauveurs parfaits.

Au sens liturgique, c'est l’Église qui appelle le Messie. Rien n'est à changer dans l'image du prophète, mais il faut lui donner tout son sens divin. La rosée sollicitée du ciel, c'est l'action fécondante du Saint-Esprit ; la terre, c'est Notre-Dame, fleur de la race, qui s'ouvre au sommet de la tige de Jessé et qui, fécondée sous l'ombre mystérieuse de l'Esprit du Très-Haut, va produire son fruit divin ; le Verbe fait chair.

Cette prière admirable et tout à fait à sa place le Mercredi des Quatre-Temps, tout entier consacré à l'Annonciation. Il faut lui garder ici la même interprétation ; d'autant que, par l'Offertoire et la Communion tout au moins, le mystère continue d'être fêté. Et il faut la chanter comme la prière suprême, entendue de Dieu par delà les siècles, et qui a contribué à faire venir plus tôt l'heure du Messie et de Notre-Dame ; mais aussi, comme la supplication qui va mériter aux âmes de recevoir le Verbe fait chair quand il va revenir et de se livrer à l'influence de son Esprit comme la terre à la rosée, lui donnant ainsi ce qu'il attend d'elles pour réaliser la plénitude de son Incarnation.

Le Psaume, lui, n'est pas une prière ; il est la constatation joyeuse des merveilles de Dieu qui se réalisent dans le mystère.

LA MÉLODIE

Une prière ardente de deux phrases qui s'opposent ici, encore, suivant le texte, comme le ciel et la terre.

La première est un admirable mouvement de l'âme portant on désir, comme dans le graduel. Qui sédes, aussi haut que possible, jusqu'aux nuées fécondes d'où va venir la céleste rosée, puis redescendant douce et paisible comme descendra le Juste qu'elle chante. La supplication est ardente sur le pressus de caeli, les quilismas de désuper, le pressus de pluant, mais il n'y a pas d'inquiétude, de doute, d'angoisse ; au contraire, une grande sérénité et une joie discrète se mêlent partout à la prière dans la tonalité claire du mode de fa ; la joie de l'Eglise qui sait, car elle en jouit déjà, tout le bonheur qu'il y a pour elle dans cette pluie fécondante qu'elle sollicite.

La seconde a moins d'élan. C'est la terre que l'Eglise regarde et encore qu'il s'agisse de Notre-Dame, ce chef-d'œuvre de grâce qui va produire la nature humaine du Christ, n'est-elle pas tout en bas par comparaison avec l'infinie perfection du verbe qui va y descendre ? Et puis, c'est le mystère dont la profondeur ne saurait se chanter ; Aussi, après l'ardeur de la supplication sur aperiatur, la mélodie revient-elle au mode de ré, et en des neumes qui s'effacent de plus en plus, elle s'éteint, gracieusement d'ailleurs, sur Salvatorem, le mot du désir.

La deuxième note de ra dans Rorate doit être élargie. Le crescendo de la première incise sera ardent mais sans éclat ; c'est une prière. Bien accentuer nubes et aller sur le pressus de pluant en progression.

Veiller à ce que tur dans aperiatur ait bien sa valeur et qu'on ait le temps d'articuler. Térra sera légèrement retenu ainsi que les quatre dernières notes de gérminet.

Le Psaume sera chanté dans un bon mouvement et pénétré déjà de la joie du « Gloria in excelsis » qu'il prophétise.

GRADUEL

LE TEXTE

Il est proche, le Seigneur,
De tous ceux qui l'invoquent,
De tous ceux qui l'invoquent dans la vérité.

Verset. - La louange du Seigneur,
Elle la chantera, ma bouche,
Et que toute chair bénisse le Seigneur. Ps. CXLIV, 18, 21.

Dans la première partie, le psalmiste exprime une idée très simple ; à savoir que le Seigneur est tout disposé à écouter ceux qui le prient. Toutefois, il a précisé d'un mot : ceux qui le prient dans la vérité ; c'est-à-dire qui lui demandent, en toute sincérité, des chose vraies ; entendons : ceux qui sont conformes à sa volonté, car la vérité, c'est, en même temps, ce que Dieu pense et ce que Dieu veut.

Le Verset, lui, est un hommage de reconnaissance de l'âme qui promet à Dieu une louange sans fin en retour de la bienveillance qu'il lui témoigne.

Au sens liturgique, peut-être serait-on porté à s'appuyer sur les premiers mots Prope est Dominus pour faire entrer ce texte dans le cadre de l'Avent. Ce ne serait pas absolument exact car c'est en tout temps que le Seigneur exauce ceux qui savent le prier. Il ne faut pas non plus le rattacher à l'Epître qui vient d'être lue, mais à l'Epître du mercredi précédent pour laquelle il a été choisi. Dans cette Epître, on nous ait entendre l'histoire d'Achaz qui, par manque de confiance, refusa de demander un prodige au Seigneur et qui reçut, en réplique, d'Isaïe la fameuse prophétie qui annonçait le prodige des prodiges : « Le Seigneur vous donnera lui-même un signe : Voilà qu'une Vierge concevra et enfantera un Fils et son nom sera Emmanuel ». A la fin de ce récit, ces deux versets viennent sur es lèvres de l'Eglise comme une sorte de réflexion. Repliée sur elle-même et gardant bien présent à l'esprit tout ce qu'elle vient d'entendre, elle se dit : Achaz a eu tort...Le Seigneur est tout près de ceux qui l'invoquent et bientôt il sera plus près d‘eux encore ; car le prophète a dit que Celui qui doit venir aura nom Emmanuel, ce qui veut dire : Dieu est avec nous.

Cette annonce précise de l'Incarnation amène alors la grande louange du Verset. Laudem Domini...

LA MÉLODIE

(V) Prope est Dominus omnibus invocantibus éum omnibus qui invoquant éum in verita te.

Elle est composée de trois formules : celle de Prope est Dominus et les deux de éum. Ces formules sont reliées entre elles par les motifs presque syllabiques de omnibus invocantibus et de omnibus qui invoquant. Un seul mot est original, in veritate, encore s'achève-t-il en une formule finale commune.

Le fait qu'elle est à ce point centonisée n'empêche pas qu'elle soit très expressive. L'auteur s'est servi de formules toutes faites mais il les a choisies pour le texte et les a disposées de telle sorte qu'elles puissent en exprimer au mieux le contenu. Notez qu'elles sont placées sur les mots importants : Dominus, le nom divin, et éum qui le représente ; et que, par le contraste que font leurs neumes avec les motifs syllabiques qui les entourent, elles les mettent en particulier relief. Aussi bien est-ce le mot de l'Epître : Pete signum a Domino, dit Isaïe. Non tentabo Dominum, répond Achaz. Propter hoc dabit Dominus ipse vobis signum, réplique le prophète.

L'intonation est grave. (Cette formule n'est employée que sur le mot Dominus ; de sorte qu'elle est moins une formule centon qu'un motif réservé uniquement au nom du Seigneur, comme plusieurs autres.) Mais ce serait une erreur d'y voir la moindre tristesse. Au contraire, on y discerne déjà en une nuance discrète la joie qui se dégage du texte et qui caractérise tout le Graduel. Toute pénétrée de respect, elle se retient, s'efface, sur le nom divin, mais, sitôt après, elle se laisse aller, se développe sur omnibus invocantibus et va s'épanouir sur éum en un bel élan qui se détend dans la plénitude de la cadence en fa. Elle passe dans la seconde phrase, s'élève avec grâce sur omnibus, puis redescend dans le grave où elle se revêt à nouveau sur éum d'une certaine révérence qu'elle garde jusqu'à la fin.

Le Verset. - Laudem Domini loquétur os méum Et benedicat omnis caro nomen sanctum éjus.

La joie est ici enthousiaste. Lancée avec une ferme assurance sur la distropha de Laudem, elle se développe en une sorte de contemplation sur Domini : légère, souple, heureuse. Une nuance de tendresse plus marquée passe avec le si b, puis l'exaltation, grandissant à nouveau, va vers loquétur os méum où elle atteint toute sa puissance d'expression sur les mots mêmes qui disent la joie de pouvoir chanter à jamais.

L'enthousiasme est le même dans la seconde phrase. Sitôt qu'elle a été ramenée à la dominante, la mélodie s'élance à l'extrême limite du mode, enveloppant de toute sa puissance l'ardent souhait de l'Eglise. Elle s'y arrête d'ailleurs ensuite en un gracieux mouvement descendant, puis, pour finir, se pénètre à nouveau de tendre respect sur nomen sanctum éjus.

Comme on le voit, ce verset a un caractère de joie éclatante qui ne s'est pas encore rencontré au cours de l'Avent. L'auteur a-t-il voulu donner là comme une première annonce de la joie de Noël et en pénétrer déjà l'âme des fidèles ? On a d'autant plus de raisons de le croire que les formules 53 et 54 sont particulières à la période de la Nativité. On les trouve ailleurs, mais elles sont si fréquemment répétées au temps de Noël qu'elles contribuent, sans aucun doute, pour leur part, à créer l'atmosphère musicale. El semble que ce soit comme le début d'un crescendo de joie qui, parant du Mercredi des Quatre-Temps, jour consacré à l'Annonciation, jour de l'Incarnation, atteint toute sa puissance aux jours de Noël et de l'Epiphanie.

Ne pas chanter l'intonation avec des effet de basse, mais avec la simplicité et la douceur qui conviennent à une contemplation paisible. Le crescendo est le premier éum sera discret et mené dès le début de l'incise ; C'est une formule assez délicate mais très expressive. Il y a sur le do une distropha, puis al première note de la clivis ou du climacus ; les distrophas seront posées doucement et la voix, renforcée, ira vers la note qui suit pour la répercuter, délicatement. Il s'en suivra une onction pénétrée de ferveur qui servira admirablement le pronom éjus qui tient la place de Dominus.

Retenir quelque peu veritate ; la tristropha, douce. Bien distinguer dans la vocalise qui suit, sur le la, les deux distrophas, du pressus ; lles reçoivent doucement le posé de la voix ; de même celle qui se trouve sur le do dans la dernière incise.

C'est une bivirga qu'il y a sur Laudem au début du Verset ; qu'elle soit appuyée, forte et bien lancée. Sur Domini, deux distrophas et répercussion sur la première note de la clivis ; même interprétation que plus haut. Une bivirga avant les deux climacus qui finissent la première phrase ; bien accuser la première note du second.

La tristropha de os, légère. Bien pendre grade à donner toute leur valeur aux trois notes qui précèdent les notes doubles de méum ; les retenir légèrement évitera le danger d'en faire un triolet. Poser nettement l'épisème vertical de omnis, allonger même un peu la note. (Dans plusieurs cas, la 2ème note est un quilisma.) Un gracieux ralenti sur sanctum, qui se poursuivra sur éjus jusqu'à la fin.

ALLELUIA

LE TEXTE

Viens, Seigneur et ne tarde pas.
Pardonne les péchés de ton peuple.

Cette phrase ne se trouve pas dans l'Ecriture. L'idée en est très simple et s'applique sans difficulté à l'un ou à l'autre des sens de l'Avent. C'est une prière dont l'objet est nettement déterminé : la prière de tout le peuple de Dieu, de toute l'Eglise, suppliant le Christ de venir sauver le monde.

LA MÉLODIE

On la rencontre deux autres fois au cours de l'année : le XXe Dimanche après la Pentecôte (Alleluia Paratum cor méum) et à la messe Loquebar d'une Vierge Martyre (Alleluia Adducentur).

Elle commence dans le grave et se meut lentement dans toute la première phrase, comme la prière très humble du pécheur qui n'ose pas lever les yeux, accablé qu'il est sous ses fautes. Ce n'est que dans la seconde incise qu'elle prend un peu d'ardeur, il y a sur et noli tardare un très bel accent de pressante supplication.

Dans la seconde phrase, la prière est plus aisée sur relaxa. La longue vocalise de facinora est, en elle-même, assez indifférente, mais elle prend, avec les mots, un caractère de prière fort bien adapté. Il y a, dans la répétition du motif initial, une progression qui fait la supplication de plus en plus forte. La première fois, elle monte par trois degrés au si b ; la seconde fois, par un seul mouvement de quarte, elle atteint le do qu'elle marque d'un pressus ; la troisième, elle s'y pose sans préparation et y demeure trois temps. Il y a là une vigueur accrue du plus heureux effet. La mélodie redescend ensuite dans le grave et finit sur une formule propre à certains graduels du Ier mode, elle aussi très priante et très humble, avec une touche assez marquée de crainte révérentielle.

L'Alleluia, lui, est du IIIe mode, mais l'unité demeure parfaite et l'expression y trouve son bien. L'Alleluia ayant en lui-même un caractère de louange que le contraste rend plus marqué encore.

Prendre garde de faire trop longue la double note initiale de l'Alleluia, lequel doit avoir un certain mouvement. Bien balancer le rythme de l'arsis ; la vocalise légère.

Veni Domine tranquille et discret. Crescendo sur noli ; tardare sans éclat. Noter que, dans les thésis de la seconde phrase, toutes les notes doubles sont des distrophas, légères donc ; de même les deux qui précèdent la clivis sur le do, à la dernière reprise du motif. Par contre plé dans plébis est une bivirga. Lier avec soin les grands intervalles de l'avant-dernière incise.

OFFERTOIRE

LE TEXTE

Salut, Marie, de grâce remplie,
Le Seigneur (est) avec toi.
Bénie (es-)tu entre les femmes,
Et béni le fruit de ton sein.

C'est la salutation de l'Ange Gabriel à Notre-Dame et celle d'Elisabeth combinées en un seul texte, lequel forme la première partie de la Salutation angélique. Il n'y manque que le dernier mot, Jésus, qui d'ailleurs ne fut pas dit par Elisabeth.

Au sens liturgique toutefois, ce n'est ni l'Archange ni Elisabeth qui saluent Notre-Dame ; la combinaison des deux salutations en un seul texte s'y oppose. C'est toute l'Eglise qui, au moment où est commémorée la Conception de Notre Seigneur, fait monter sa louange vers celle que Dieu a choisie pour sa mère. Elle a entendu, au cours de la semaine écoulée, le mercredi, le récit de l'Annonciation, le vendredi, celui de la Visitation ; elle recueille, sur les lèvres de l'Archange et d'Elisabeth, les paroles inspirées pour les redire à Notre-Dame, comme l'hommage le plus parfait qu'elle puisse rendre à sa sainteté incomparable et à sa maternité divine.

Bien noter que c'est une salutation. Ceci implique que les chanteurs soient en communication directe avec Notre-Dame : qu'ils chantent pour elle et qu'ils aient conscience que du haut du ciel, elle les écoute et reçoit leur hommage dans la joie de son cœur maternel.

LA MÉLODIE

Quatre phrases (Ave Maria gratia plena ne forme qu'une seule phrase. La grande barre qui suit Maria doit être considérée comme une demi-barre). Les trois premières, en progression l'une sur l'autre, conduisent l'idée jusqu'à Benedicta tu, point culminant de la louange. La quatrième redescend vers le grave où elle s'achève dans la contemplation du mystère.

Il n'y a pas d'éclat dans l'Ave de l'intonation ; c'est un salut gracieux enveloppé de vénération profonde et tendre. Tout le long de la première phrase, l'âme se complaît dans cette attitude d'humble hommage ; elle s'anime seulement, d'un accent de ferveur, sur le nom béni. Un bel élan, habilement préparé, porte la syllabe accentuée de Maria à la dominante où les notes doubles et répercutées mettent un peu plus d'ardeur, d'admiration et d'amour. Mais ce n'est qu'en passant. Elle revient au grave sur gratia pléna et s'y enveloppe plus encore de contemplation ; aussi bien y a-t-l ici quelque chose de plus que la salutation. C'est déjà le mystère, le mystère indicible de l'Immaculée. La phrase s'achève sur pléna par un pressus qui met bien en valeur ce mot de plénitude, qui ne peut se dire que du Christ et de sa Mère.

Dès le début de la seconde phrase, la mélodie, établie sans préparation sur la dominante, prend tout de suite une allure de louange éclatante. C'est une qualité nouvelle que l'Eglise salue en Notre-Dame : son union avec Dieu. La plénitude de la grâce, c'est déjà le Seigneur avec l'âme ; mais, sur les lèvres de l'Archange, le Dominus técum indiquait une modalité spéciale de l'union divine. Le Seigneur est avec Notre-Dame comme il n'est avec personne. C'est de cette union merveilleuse que l'Eglise félicite Marie. La mélodie la sert admirablement. Le s'épanouit sur Dominus en un beau motif plein d'élan, deux fois répété, qui dit l'admiration enthousiaste que provoque l'infinie grandeur de Dieu, tandis que, sur técum, elle se retient comme recueillie, étonnée, confondue d'admiration, devant l'ineffable sainteté de Notre-Dame.

Elle se reprend sur Benedicat tu pour s'élancer cette fois à la limite de son étendue. C'est le troisième mot de a louange. Il est la conséquence des deux autres. C'est parce qu'elle est pleine de grâce et que le Seigneur est avec elle que Marie est bénie entre toutes les femmes ; nouvelle Eve, celle que toutes les nations diront Bienheureuse. La mélodie le met au-dessus de tout ; elle dépasse la dominante, monte et plane, à loisir, dans les hauteurs, s'appuyant sur des notes doubles et des pressus qui lui permettent de déployer toute sa puissance et de colorer d'accents de ferveur ce mot de bénédiction. Il s'achève sur le pronom tu en une belle cadence pleine et large qui va tout droit à Notre-Dame avec une nuance délicate de tendresse. La seconde incise ramène à la dominante le mot muliéribus. L'admiration s'y prolonge, toujours fervente ; notez le pressus et le torculus avec son mouvement hardi de quarte retombant sur la bivirga de la syllabe accentuée. D'une façon assez inattendue, la phrase s'achève par une cadence en demi-ton sur si qui laisse la mélodie en suspens, comme si l'Eglise, évoquant en une sorte de contemplation toutes les femmes de la race, les voyait se perdre en une perspective infinie, tendues en un geste de bénédiction vers Notre-Dame  qui, de très haut, enveloppée dans la gloire du Verbe Incarné, les domine toutes de l'éclat de sa maternité.

La quatrième phrase est, de toutes, la plus profonde. Ici, c'est le mystère ; le mystère du Verbe fait chair dans le sein de Notre-Dame. La mélodie abandonne les hauteurs, descend par degrés, sur benedictus qu'elle souligne seulement d'un pressus, descend encore sur fructus, puis demeure dans le grave, presque sans se mouvoir. Un motif deux fois répété de quelques notes qui montent et descendent par degrés conjoints sur véntris, un dernier pressus sur tui comme pour faire rejaillir la gloire du Fils sur la Mère - car c'est pour le Fils qu'est toute la louange dans cette dernière phrase - et c'est tout. L'ineffable ne saurait s'exprimer.

Il faut chanter avec beaucoup de souplesse. On y veillera particulièrement dans l'intonation. Le climacus qui s'achève sur la première note pointée sera légèrement retenu pour donner à cette demi-cadence sur mi toute sa valeur d'admiration gracieuse et tendre.

Chanter Maria avec beaucoup de ferveur. Les deux premières notes de ri bien appuyées, assez fortes, avec l'élan de l'accentuation : ce sont deux virgas ; les deux autres sont des distrophas ; la répercussion en sera délicate et il y aura un crescendo jusqu'à la répercussion, très délicate aussi, de la virga. La cadence sur sol très peu ralentie, de façon à rattacher Maria à gratia pléna. Une pause.

Discret a tempo au départ de Dominus dont les thésis seront légères, comme le sera la tristropha de técum, qu'on renforcera toutefois pour la lier au climacus. Sur ne dans Benedicta, une bivirga, bien l'appuyer et mener le crescendo e un bel enthousiasme vers le pressus. Conduire avec mesure l'admirable descente de benedictus fructus, sans que la voix perde brusquement de sa sonorité. Véntris tui très lien avec le salicus bien doux.

COMMUNION

LE TEXTE

Voici qu'une Vierge concevra
Et enfantera un Fils,
Et il sera appelé de son nom Emmanuel. Isaïe, VII, 14.

Cette parole fut dite comme une prophétie par Isaïe à Achaz. « Le Seigneur vous donnera lui-même un signe : voici qu'une vierge enfantera... » Le signe promis arrivera le jour de l'Annonciation. C'est le mot même du prophète en effet que l'Archange dit à Notre-Dame : « Voici que vous concevrez et enfanterez un Fils et vous lui donnerez le nom de Jésus ».

Ce texte est tout à fait à sa place le jour où est commémorée l'Annonciation. Toutefois il ne semble pas qu'il doive être chanté ici comme une prophétie ; c'est l'Eglise qui après avoir entendu la parole du Prophète à l'Epître, et celle de l'Ange à l'Evangile, y revient, au moment de la communion. Contemplant dans la lumière de la grâce sacramentelle, l'Incarnation qui se prolonge par l'Eucharistie dans tout le Corps Mystique, elle chante la joie de l'Emmanuel, du Dieu avec nous, en même temps que le mystère de Noël dans lequel à nouveau va s'accomplir mystiquement la parole divine.

LA MÉLODIE

Une joie émerveillée ; on en caractériserait bien ainsi, en deux mots l'expression. Elle est très discrète dans sa première incise, avec quelque chose de recueilli, de contemplatif, répandu sur toute la thésis de concipiet. Dans une sorte de jouissance profonde, l'âme admire le mystère de la Vierge Mère.

Et voilà qu'elle s'anime et que son admiration prend de l'ampleur. Un souffle puissant passe, qui emporte les mots dans l'enthousiasme, Filium après pariet, comme si l'âme, de plus en plus éclairée, réalisait ce qu'est le mystère de la maternité divine.

Mais, à peine a-t-elle saisi cette seconde merveille, qu'une troisième s'offre à elle : le mystère de Dieu avec nous cette fois, et vocabitur Emmanuel... Elle n'a pas le temps de s'arrêter si peu que ce soit ; de la première phrase, le souffle d'allégresse passe dans la seconde, l'entraînant dans la progression jusqu'à la distropha de vocabitur. Là quelque chose change. Le mystère s'étend. Il s'étend jusqu'à l'âme. Elle sent qu'elle y entre, en ce moment de la communion. Elle se recueille, se refermant sur les merveilles qui s'opèrent en elle. La mélodie la suit dans sa contemplation. Elle n'a plus le souci des notes éclatantes, ni des mouvements à grand espace ; elle se retient. Notez les clivis allongées de vocabitur, elle descend peu à peu vers le grave, jusqu'à ce qu'elle arrive à Emmanuel, le mot du mystère. Elle s'y complaît, en une formule qui, comme celle du véntris tui de l'Offertoire, se contente de quelques notes conjointes qui descendent et montent mais où passe toute la tendresse de l'âme pour l'Hôte divin qui est avec elle.

L'intonation paisible ; de même concipiet dont les podatus seront bien posés. Ceux de pariet aussi, tout le sommet en sera élargi. Le lier étroitement à Filium qui sera à peine retenu afin que l'enthousiasme aille croissant sur et vocabitur. C'est une bivirga qu'il y a sur vo. Retenir quelque peu tur. Beaucoup de grâce et de ferveur sur Emmanuel, qui sera très ralenti.

 

Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici

Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.

LEÇONS DES MATINES : Au peuple qui lui a demandé un roi, Dieu a donné Saül. Samuel le consacre. (1. Rois, IX-X) EPITRE : Il faut s’abandonner au Seigneur, lui remettre ses soucis, et lui faire confiance. (1 Pierre. V. 6-II.) EVANGILE : Les paraboles de la brebis et de la drachme retrouvées. (Luc XV, 1710.)
Ce dimanche est, comme le précédent, sous le signe de la miséricordieuse bonté de notre Dieu qui nous sollicite, nous poursuit et n’a de cesse qu’elle ne nous ait ramenés dans la voie du bonheur, si nous nous en écartons. C’est par miséricorde que Dieu donne à son peuple le roi sage qu’il sollicite. Plus avisée que les juifs, l’Eglise demande au Seigneur, dans la collecte, de faire un acte de miséricorde plus marqué encore et d’être lui-même notre guide dans notre marche, à travers les joies de la terre, vers les joies éternelles. Il lui répond dans l’Epître, par la voix de Saint Pierre, de ne pas se soucier à l’excès mais d’avoir confiance en lui qui, après les inévitables souffrances de la vie, « nous appellera à son éternelle gloire  » Et Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même vient nous dire à l’Evangile, en deux émouvantes paraboles, jusqu’où va sa miséricorde; jusqu’à laisser tout le troupeau pour la brebis perdue qu’il cherche et qu’il ramène sur ses épaules; jusqu’à bouleverser toute la maison pour retrouver la drachme qui manque au trésor, afin de se réjouir, avec le ciel entier, d’avoir enfin tout son monde avec lui…
Comme cet office, sans que l’auteur ait eu l’idée de l’y adapter, entre bien dans la liturgie de la fête du Sacré-Cœur !

INTROIT

LE TEXTE

Regarde-moi et prends-moi en pitié. Seigneur. Car je suis seul et pauvre. Vois mon abaissement et ma peine, et pardonne-moi tous mes péchés. Ps.Vers toi, Seigneur, j’ai élevé mon âme. Mon Dieu, en toi je me confie, je n’aurai pas à rougir. Ps. XXIV, 16, 18, 1, 2. Ces deux versets sont ici, comme ils l’étaient sur les lèvres de David, l’appel vers Dieu des âmes qui sont loin de lui; brebis perdues, égarées ou seulement appelées à plus d’amour et qui, conscientes de leurs fautes, de leurs misères, de leurs impuissances, attendent l’aide du Divin Pasteur pour retrouver l’intimité et la douce chaleur du bercail.

LA MÉLODIE

C’est une prière très humble et très aimante. Elle est d’abord discrète, réservée dans la première incise. On sent que l’âme a conscience de son péché, de sa faiblesse; mais elle n’est pas accablée, elle n’est pas triste non plus. Elle aime et elle sait qu’elle est aimée: d’où ce ton de confiance simple, intime de réspice in memiserére mei. Il y a là une très belle supplication, retenue encore, mais émouvante de simplicité et de tendresse. Elle s’avive au cours de la seconde incise, à mesure que l’âme expose sa misère. Quoniam inops et pauper sum ego est un très beau mouvement. Doucement relié au mot Domine par les deux notes longues qui entourent le quilisma, il se renforce sur le salicus de la dominante et atteint toute sa puissance d’expression sur pauper sum ego. La progression est très mesurée; ce n’est pas un cri, ce n’est toujours qu’une pression ardente certes mais humble. C’est peut-être d’ailleurs sur les groupes thétiques : la clivis allongée de pauper et le pressus de ego, que la prière est la plus émouvante. Elle y prend un ton de plainte délicate, qui n’ose pas insister, mais qui est irrésistible par la tendresse dont elle s’enveloppe. Dans la seconde phrase, l’âme plaide plus qu’elle ne prie. Elle étale sa misère et insiste pour que le Seigneur la voie; notez le retour au do de la tristropha et du pressus, la courbe descendante de humilitatem meam qui parle par elle-même, et la remontée sur laborem, lourde de tout le poids de la peine qu’il faut porter.La troisième phrase a quelque chose de grave qu’on ne trouve pas dans les deux autres. La misère y est précisée: peccata, pardonne-moi mes péchés. C’est une prière de contrition, d’où cette touche de honte, cette nuance de regret qui retient la mélodie sur les notes basses. Il n’y a que sur Deus meus que la supplication retrouve son expression de tendresse et de confiance heureuse. Celle-ci passe dans le psaume, qui s’élève comme un beau chant d’espoir joyeux et fort. Chantez très simplement la première incise en balançant bien le motif de miserere mei; la première note de ré légèrement allongée. Veillez à ne pas faire de contraste avec la seconde; il faut ménager la transition sur quoniam et mener le crescendo progressivement. Dans la seconde phrase, arrondissez et élargissez quelque peu les notes isolées de vide humililatem. La thésis qui enveloppe toute la phrase se continue dans la suivante jusqu’à Deus meus; il faut la conduire progressivement. comme on aura conduit l’arsis de la première.

GRADUEL

LE TEXTE

Jette ton souci sur le Seigneur et lui-même t’aidera. Verset. Dès que j’ai crié vers le Seigneur il a exaucé ma voix. Ps. LIV.23,17,19. Ces versets, ainsi arrangés, forment un tout qui entre dans le cadre liturgique de ce Dimanche comme une très belle paraphrase de l’Epître. Le premier, en effet, reprend, presque mot pour mot, la parole de Saint Pierre « jetez en lui toutes vos sollicitudes car lui-même prend soin de vous ». L’Eglise le chante pour encourager à la confiance, pousser à l’abandon la brebis de l’Introït qui, dans sa détresse, appelait l’aide du Seigneur et qui se sent peut-être quelque peu effrayée de la parole de l’apôtre évoquant le lion rugissant qui rôde sans cesse et la souffrance des croix qui se profilent sur le chemin du bercail. Elle ajoute, pour la réconforter plus efficacement encore, le témoignage de sa propre expérience. « Dès que j’ai crié vers lui j’ai été exaucée. »

LA MÉLODIE

L’intonation est gracieuse, aimable; c’est tout. Mais aussitôt la mélodie s’élève en un élan où passent, non seulement de la sympathie, mais la force d’une expérience heureuse qui veut se communiquer. Il met tuum en plein relief et s’épanouit sur Domino en une très belle nuance de vénération pénétrée de gratitude. L’incise qui suit chante la miséricorde du Seigneur. Quelle insistance sur te ! Les deux clivis allongées, les deux doubles notes, et le mouvement qui va, de plus en plus arsique, vers la distropha et la bivirga de la cadence; comme si l’Eglise sentait le besoin d’aller au-devant de l’objection que l’âme pourrait faire de son indignité en l’assurant avec force de l’amour attentif que lui porte le Seigneur. La mélodie enveloppe ensuite enutriet d’une gravité où se mêlent de la gratitude et une nuance de joie délicate pour finir.

ALLELUIA

LE TEXTE

Dieu un juge fuste, fort et patient. Est-ce qu’il va s’irriter à longueur de jour? Ps. VII. 12. L’interrogation qui termine ce verset est à prendre dans le sens négatif. Le psalmiste veut dire que le Seigneur a sa justice en main, qu’il l’appliquera à son heure et qu’il est assez patient pour supporter ce qu’on lui fait sans avoir à se mettre en colère à chaque instant. Cette parole est encore pour la brebis égarée loin du bercail. L’Eglise la lui chante moins pour l’amener à la crainte que pour l’encourager au contraire à avoir confiance en la patience du Seigneur qui n’est en colère que contre celui qui s’obstine.

LA MÉLODIE

Deus judex justus est revêtu d’une solennité ferme et forte qui s’impose, avec une nuance de sévérité très marquée dans la descente si rythmée sol-re-mi-do et. plus encore. dans la remontée en quinte au sol et au si. Fortis a la même expression. Patiens, par contre, est très lié, avec quelque chose de doux et d’aimable ; l’insistance qu’y mettent le salicus et le quilisma et sa place au sommet de la mélodie montrent bien que l’Eglise a voulu le mettre en relief très marqué, d’autant que la phrase suivante se développe, elle aussi, dans celte atmosphère paisible. On pourrait même trouver, sans forcer l’expression, une fine pointe d’esprit sur cette interrogation quelque peu ironique. La formule finale s’en dégage dans une splendide montée de joie; la joie de l’âme, heureuse de la patience dont Dieu l’a si généreusement gratifiée. Aussi bien, cette joie, qui est celle de l’Alleluia, enveloppe toute la pièce et en fait un autre beau chant de réconfort pour l’âme retenue loin de Dieu et un hommage de louange à la miséricorde du Bon Pasteur que nous allons voir à l’œuvre dans l’Evangile.

OFFERTOIRE

LE TEXTE

Qu’ils espèrent en toi Ceux qui connaissent ton nom, Seigneur, car tu n’abandonnes pas ceux qui te cherchent. Chantes au Seigneur qui habite en Sion car il n’a pas oublié le cri des affligés. Ps. IX. 11, 12, 13. Le Psaume IX est un chant par lequel David exprime à Dieu sa reconnaissance pour l’aide qu’il en a reçue. Il est d’abord pure louange, mais, au verset 11, le psalmiste à l’idée de tous ceux qui comme lui passent par des heures difficiles, lance un souhait qui va vers Dieu et vers eux à la fois: puissent-ils faire comme j’ai fait: espérer en toi. Cette parenthèse close, il reprend sa louange: Psallite, chantez au Seigneur. Après le récit des paraboles de la Brebis et de la Drachme retrouvées, ces trois versets sont le chant de l’Eglise émue par la miséricorde du Seigneur dont un exemple si touchant vient de lui être mis sous les yeux. Elle souhaite que les âmes en détresse recourent à lui, lui fassent confiance et le louent de sa sollicitude à tout instant en éveil.

LA MÉLODIE

Le IIIe mode donne à tout ce chant un caractère d’intériorité émue qui traduit admirablement le sentiment de gratitude profonde qui est au fond de l’âme, en même temps que la sympathie à ceux qui sont dans l’épreuve. C’est une mélodie qui n’a pas d’éclat; on n’y trouve pas non plus les accents de supplication ardente que nous trouvions sur les mêmes mots dans le Graduel de la Septuagésime. C’est plutôt dans une atmosphère de contemplation paisible que l’Eglise formule son souhait. Après un départ bien en mouvement sur Sperent, avec l’accent du désir qui monte vif et fervent, les retombées sur si donnent tout de suite un ton d’intimité que le beau mouvement de nomen tuum, avec les deux clivis allongées, fait plus expressif encore et plus délicat. Dans la seconde phrase, la fermeté de la confiance est très marquée par le salicus de non, la triple note de derelinquis, la cadence sur fa, avec sa nuance de paix heureuse qui se prolonge sur quaeréntes et la belle cadence en sol si si assurée. Vient alors l’invitation à la louange. Pour la cinquième fois, le motif sol-la-do-si-do donne le branle. Sur la tristropha douce et ardente à la fois, l’invitation se fait pressante, mais dans la même atmosphère d’intériorité ; le motif de Domino le dit assez avec sa cadence en fa. Aussi bien, l’âme tout de suite s’arrête et contemple. L’incise qui habitat in Sion est très caractéristique de cette contemplation par ses neumes à degrés conjoints se répétant trois fois sur des motifs semblables et, plus encore, par sa cadence en fa prolongée par la tristropha. L’âme est fixée sur le Seigneur qui, de Sion, veille sur les siens. Elle se reprend sur quoniam non pour exprimer une dernière fois sa confiance. Le motif rappelle de très près celui qui revêt les mêmes mots dans le Graduel de la Septuagésime, mais ici la contemplation qui le baigne encore lui enlève de son ardeur communicative. La cadence finale est admirable de tendresse et de gratitude heureuse.

COMMUNION

LE TEXTE

Je vous le dis, il y a de la joie chez les anges de Dieu pour un seul pécheur qui fait pénitence. Luc XV. 10. Dernier mot de l’Evangile. Parole merveilleuse qui ouvre devant nous les horizons des joies célestes et nous permet d’y percevoir quelque chose des répercussions qu’ont sur tous les anges les actes de repentir de nos pauvres âmes. Le Christ Jésus dit ces paroles au moment de la communion comme pour atténuer la peine qui pourrait se lever en nous, au moment où nous nous reposons sur lui dans la chaleur du bercail, au souvenir de la brebis égarée, entêté, paresseuse ou fuyante que nous fûmes: « Je vous le dis en vérité, il y a de la joie chez les anges….

LA MÉLODIE

C’est bien la joie, simple, vive, ardente aussi. Notez cette intonation montant au et s’y posant dans la belle lumière d’un sourire plein de tendresse heureuse, puis les rythmes légers allant vers la cadence de Dei, gracieuse et pénétrée de vénération, enfin le mot paeniténtiam retenu dans la paix qui enveloppe tout et s’achevant sur la cadence en fa qui tombe comme un soupir de bonheur profond.   Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici

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