L'introït Factus est interprétée par la scholla Bellarmina
Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.
INTROÏT
LE TEXTE
Versez votre rosée, cieux, d'en haut, et que le nuages pleuvent le Juste. Qu'elle s'ouvre, la terre, Et qu'elle germe le Sauveur.
Ps.- Les cieux disent la gloire de Dieu
Et l'œuvre de ses mains, il la proclame, le firmament. Isaïe, XLV, 8 - Ps. XVIII, 2.
Au chapitre XLV, Isaïe rapporte ce qu'il a entendu le Seigneur dire à Cyrus, qu'il va susciter pour être son christ, sauver le peuple et rebâtir la cité et le temple. A la vision de ce sauveur d'un moment, par delà lequel il voit le Messie et son œuvre éternelle, il est transporté et, interrompant sa prophétie, lance vers le ciel son désir ardent pour que soit bâtie la venue des deux libérateurs. Il le fait sous la forme poétique de la rosée qui fait germer la plante, symbolisant ainsi l'action divine qui fera de Cyrus et du Christ des sauveurs parfaits.
Au sens liturgique, c'est l’Église qui appelle le Messie. Rien n'est à changer dans l'image du prophète, mais il faut lui donner tout son sens divin. La rosée sollicitée du ciel, c'est l'action fécondante du Saint-Esprit ; la terre, c'est Notre-Dame, fleur de la race, qui s'ouvre au sommet de la tige de Jessé et qui, fécondée sous l'ombre mystérieuse de l'Esprit du Très-Haut, va produire son fruit divin ; le Verbe fait chair.
Cette prière admirable et tout à fait à sa place le Mercredi des Quatre-Temps, tout entier consacré à l'Annonciation. Il faut lui garder ici la même interprétation ; d'autant que, par l'Offertoire et la Communion tout au moins, le mystère continue d'être fêté. Et il faut la chanter comme la prière suprême, entendue de Dieu par delà les siècles, et qui a contribué à faire venir plus tôt l'heure du Messie et de Notre-Dame ; mais aussi, comme la supplication qui va mériter aux âmes de recevoir le Verbe fait chair quand il va revenir et de se livrer à l'influence de son Esprit comme la terre à la rosée, lui donnant ainsi ce qu'il attend d'elles pour réaliser la plénitude de son Incarnation.
Le Psaume, lui, n'est pas une prière ; il est la constatation joyeuse des merveilles de Dieu qui se réalisent dans le mystère.
LA MÉLODIE
Une prière ardente de deux phrases qui s'opposent ici, encore, suivant le texte, comme le ciel et la terre.
La première est un admirable mouvement de l'âme portant on désir, comme dans le graduel. Qui sédes, aussi haut que possible, jusqu'aux nuées fécondes d'où va venir la céleste rosée, puis redescendant douce et paisible comme descendra le Juste qu'elle chante. La supplication est ardente sur le pressus de caeli, les quilismas de désuper, le pressus de pluant, mais il n'y a pas d'inquiétude, de doute, d'angoisse ; au contraire, une grande sérénité et une joie discrète se mêlent partout à la prière dans la tonalité claire du mode de fa ; la joie de l'Eglise qui sait, car elle en jouit déjà, tout le bonheur qu'il y a pour elle dans cette pluie fécondante qu'elle sollicite.
La seconde a moins d'élan. C'est la terre que l'Eglise regarde et encore qu'il s'agisse de Notre-Dame, ce chef-d'œuvre de grâce qui va produire la nature humaine du Christ, n'est-elle pas tout en bas par comparaison avec l'infinie perfection du verbe qui va y descendre ? Et puis, c'est le mystère dont la profondeur ne saurait se chanter ; Aussi, après l'ardeur de la supplication sur aperiatur, la mélodie revient-elle au mode de ré, et en des neumes qui s'effacent de plus en plus, elle s'éteint, gracieusement d'ailleurs, sur Salvatorem, le mot du désir.
La deuxième note de ra dans Rorate doit être élargie. Le crescendo de la première incise sera ardent mais sans éclat ; c'est une prière. Bien accentuer nubes et aller sur le pressus de pluant en progression.
Veiller à ce que tur dans aperiatur ait bien sa valeur et qu'on ait le temps d'articuler. Térra sera légèrement retenu ainsi que les quatre dernières notes de gérminet.
Le Psaume sera chanté dans un bon mouvement et pénétré déjà de la joie du « Gloria in excelsis » qu'il prophétise.
GRADUEL
LE TEXTE
Il est proche, le Seigneur,
De tous ceux qui l'invoquent,
De tous ceux qui l'invoquent dans la vérité.
Verset. - La louange du Seigneur,
Elle la chantera, ma bouche,
Et que toute chair bénisse le Seigneur. Ps. CXLIV, 18, 21.
Dans la première partie, le psalmiste exprime une idée très simple ; à savoir que le Seigneur est tout disposé à écouter ceux qui le prient. Toutefois, il a précisé d'un mot : ceux qui le prient dans la vérité ; c'est-à-dire qui lui demandent, en toute sincérité, des chose vraies ; entendons : ceux qui sont conformes à sa volonté, car la vérité, c'est, en même temps, ce que Dieu pense et ce que Dieu veut.
Le Verset, lui, est un hommage de reconnaissance de l'âme qui promet à Dieu une louange sans fin en retour de la bienveillance qu'il lui témoigne.
Au sens liturgique, peut-être serait-on porté à s'appuyer sur les premiers mots Prope est Dominus pour faire entrer ce texte dans le cadre de l'Avent. Ce ne serait pas absolument exact car c'est en tout temps que le Seigneur exauce ceux qui savent le prier. Il ne faut pas non plus le rattacher à l'Epître qui vient d'être lue, mais à l'Epître du mercredi précédent pour laquelle il a été choisi. Dans cette Epître, on nous ait entendre l'histoire d'Achaz qui, par manque de confiance, refusa de demander un prodige au Seigneur et qui reçut, en réplique, d'Isaïe la fameuse prophétie qui annonçait le prodige des prodiges : « Le Seigneur vous donnera lui-même un signe : Voilà qu'une Vierge concevra et enfantera un Fils et son nom sera Emmanuel ». A la fin de ce récit, ces deux versets viennent sur es lèvres de l'Eglise comme une sorte de réflexion. Repliée sur elle-même et gardant bien présent à l'esprit tout ce qu'elle vient d'entendre, elle se dit : Achaz a eu tort...Le Seigneur est tout près de ceux qui l'invoquent et bientôt il sera plus près d‘eux encore ; car le prophète a dit que Celui qui doit venir aura nom Emmanuel, ce qui veut dire : Dieu est avec nous.
Cette annonce précise de l'Incarnation amène alors la grande louange du Verset. Laudem Domini...
LA MÉLODIE
(V) Prope est Dominus omnibus invocantibus éum omnibus qui invoquant éum in verita te.
Elle est composée de trois formules : celle de Prope est Dominus et les deux de éum. Ces formules sont reliées entre elles par les motifs presque syllabiques de omnibus invocantibus et de omnibus qui invoquant. Un seul mot est original, in veritate, encore s'achève-t-il en une formule finale commune.
Le fait qu'elle est à ce point centonisée n'empêche pas qu'elle soit très expressive. L'auteur s'est servi de formules toutes faites mais il les a choisies pour le texte et les a disposées de telle sorte qu'elles puissent en exprimer au mieux le contenu. Notez qu'elles sont placées sur les mots importants : Dominus, le nom divin, et éum qui le représente ; et que, par le contraste que font leurs neumes avec les motifs syllabiques qui les entourent, elles les mettent en particulier relief. Aussi bien est-ce le mot de l'Epître : Pete signum a Domino, dit Isaïe. Non tentabo Dominum, répond Achaz. Propter hoc dabit Dominus ipse vobis signum, réplique le prophète.
L'intonation est grave. (Cette formule n'est employée que sur le mot Dominus ; de sorte qu'elle est moins une formule centon qu'un motif réservé uniquement au nom du Seigneur, comme plusieurs autres.) Mais ce serait une erreur d'y voir la moindre tristesse. Au contraire, on y discerne déjà en une nuance discrète la joie qui se dégage du texte et qui caractérise tout le Graduel. Toute pénétrée de respect, elle se retient, s'efface, sur le nom divin, mais, sitôt après, elle se laisse aller, se développe sur omnibus invocantibus et va s'épanouir sur éum en un bel élan qui se détend dans la plénitude de la cadence en fa. Elle passe dans la seconde phrase, s'élève avec grâce sur omnibus, puis redescend dans le grave où elle se revêt à nouveau sur éum d'une certaine révérence qu'elle garde jusqu'à la fin.
Le Verset. - Laudem Domini loquétur os méum Et benedicat omnis caro nomen sanctum éjus.
La joie est ici enthousiaste. Lancée avec une ferme assurance sur la distropha de Laudem, elle se développe en une sorte de contemplation sur Domini : légère, souple, heureuse. Une nuance de tendresse plus marquée passe avec le si b, puis l'exaltation, grandissant à nouveau, va vers loquétur os méum où elle atteint toute sa puissance d'expression sur les mots mêmes qui disent la joie de pouvoir chanter à jamais.
L'enthousiasme est le même dans la seconde phrase. Sitôt qu'elle a été ramenée à la dominante, la mélodie s'élance à l'extrême limite du mode, enveloppant de toute sa puissance l'ardent souhait de l'Eglise. Elle s'y arrête d'ailleurs ensuite en un gracieux mouvement descendant, puis, pour finir, se pénètre à nouveau de tendre respect sur nomen sanctum éjus.
Comme on le voit, ce verset a un caractère de joie éclatante qui ne s'est pas encore rencontré au cours de l'Avent. L'auteur a-t-il voulu donner là comme une première annonce de la joie de Noël et en pénétrer déjà l'âme des fidèles ? On a d'autant plus de raisons de le croire que les formules 53 et 54 sont particulières à la période de la Nativité. On les trouve ailleurs, mais elles sont si fréquemment répétées au temps de Noël qu'elles contribuent, sans aucun doute, pour leur part, à créer l'atmosphère musicale. El semble que ce soit comme le début d'un crescendo de joie qui, parant du Mercredi des Quatre-Temps, jour consacré à l'Annonciation, jour de l'Incarnation, atteint toute sa puissance aux jours de Noël et de l'Epiphanie.
Ne pas chanter l'intonation avec des effet de basse, mais avec la simplicité et la douceur qui conviennent à une contemplation paisible. Le crescendo est le premier éum sera discret et mené dès le début de l'incise ; C'est une formule assez délicate mais très expressive. Il y a sur le do une distropha, puis al première note de la clivis ou du climacus ; les distrophas seront posées doucement et la voix, renforcée, ira vers la note qui suit pour la répercuter, délicatement. Il s'en suivra une onction pénétrée de ferveur qui servira admirablement le pronom éjus qui tient la place de Dominus.
Retenir quelque peu veritate ; la tristropha, douce. Bien distinguer dans la vocalise qui suit, sur le la, les deux distrophas, du pressus ; lles reçoivent doucement le posé de la voix ; de même celle qui se trouve sur le do dans la dernière incise.
C'est une bivirga qu'il y a sur Laudem au début du Verset ; qu'elle soit appuyée, forte et bien lancée. Sur Domini, deux distrophas et répercussion sur la première note de la clivis ; même interprétation que plus haut. Une bivirga avant les deux climacus qui finissent la première phrase ; bien accuser la première note du second.
La tristropha de os, légère. Bien pendre grade à donner toute leur valeur aux trois notes qui précèdent les notes doubles de méum ; les retenir légèrement évitera le danger d'en faire un triolet. Poser nettement l'épisème vertical de omnis, allonger même un peu la note. (Dans plusieurs cas, la 2ème note est un quilisma.) Un gracieux ralenti sur sanctum, qui se poursuivra sur éjus jusqu'à la fin.
ALLELUIA
LE TEXTE
Viens, Seigneur et ne tarde pas.
Pardonne les péchés de ton peuple.
Cette phrase ne se trouve pas dans l'Ecriture. L'idée en est très simple et s'applique sans difficulté à l'un ou à l'autre des sens de l'Avent. C'est une prière dont l'objet est nettement déterminé : la prière de tout le peuple de Dieu, de toute l'Eglise, suppliant le Christ de venir sauver le monde.
LA MÉLODIE
On la rencontre deux autres fois au cours de l'année : le XXe Dimanche après la Pentecôte (Alleluia Paratum cor méum) et à la messe Loquebar d'une Vierge Martyre (Alleluia Adducentur).
Elle commence dans le grave et se meut lentement dans toute la première phrase, comme la prière très humble du pécheur qui n'ose pas lever les yeux, accablé qu'il est sous ses fautes. Ce n'est que dans la seconde incise qu'elle prend un peu d'ardeur, il y a sur et noli tardare un très bel accent de pressante supplication.
Dans la seconde phrase, la prière est plus aisée sur relaxa. La longue vocalise de facinora est, en elle-même, assez indifférente, mais elle prend, avec les mots, un caractère de prière fort bien adapté. Il y a, dans la répétition du motif initial, une progression qui fait la supplication de plus en plus forte. La première fois, elle monte par trois degrés au si b ; la seconde fois, par un seul mouvement de quarte, elle atteint le do qu'elle marque d'un pressus ; la troisième, elle s'y pose sans préparation et y demeure trois temps. Il y a là une vigueur accrue du plus heureux effet. La mélodie redescend ensuite dans le grave et finit sur une formule propre à certains graduels du Ier mode, elle aussi très priante et très humble, avec une touche assez marquée de crainte révérentielle.
L'Alleluia, lui, est du IIIe mode, mais l'unité demeure parfaite et l'expression y trouve son bien. L'Alleluia ayant en lui-même un caractère de louange que le contraste rend plus marqué encore.
Prendre garde de faire trop longue la double note initiale de l'Alleluia, lequel doit avoir un certain mouvement. Bien balancer le rythme de l'arsis ; la vocalise légère.
Veni Domine tranquille et discret. Crescendo sur noli ; tardare sans éclat. Noter que, dans les thésis de la seconde phrase, toutes les notes doubles sont des distrophas, légères donc ; de même les deux qui précèdent la clivis sur le do, à la dernière reprise du motif. Par contre plé dans plébis est une bivirga. Lier avec soin les grands intervalles de l'avant-dernière incise.
OFFERTOIRE
LE TEXTE
Salut, Marie, de grâce remplie,
Le Seigneur (est) avec toi.
Bénie (es-)tu entre les femmes,
Et béni le fruit de ton sein.
C'est la salutation de l'Ange Gabriel à Notre-Dame et celle d'Elisabeth combinées en un seul texte, lequel forme la première partie de la Salutation angélique. Il n'y manque que le dernier mot, Jésus, qui d'ailleurs ne fut pas dit par Elisabeth.
Au sens liturgique toutefois, ce n'est ni l'Archange ni Elisabeth qui saluent Notre-Dame ; la combinaison des deux salutations en un seul texte s'y oppose. C'est toute l'Eglise qui, au moment où est commémorée la Conception de Notre Seigneur, fait monter sa louange vers celle que Dieu a choisie pour sa mère. Elle a entendu, au cours de la semaine écoulée, le mercredi, le récit de l'Annonciation, le vendredi, celui de la Visitation ; elle recueille, sur les lèvres de l'Archange et d'Elisabeth, les paroles inspirées pour les redire à Notre-Dame, comme l'hommage le plus parfait qu'elle puisse rendre à sa sainteté incomparable et à sa maternité divine.
Bien noter que c'est une salutation. Ceci implique que les chanteurs soient en communication directe avec Notre-Dame : qu'ils chantent pour elle et qu'ils aient conscience que du haut du ciel, elle les écoute et reçoit leur hommage dans la joie de son cœur maternel.
LA MÉLODIE
Quatre phrases (Ave Maria gratia plena ne forme qu'une seule phrase. La grande barre qui suit Maria doit être considérée comme une demi-barre). Les trois premières, en progression l'une sur l'autre, conduisent l'idée jusqu'à Benedicta tu, point culminant de la louange. La quatrième redescend vers le grave où elle s'achève dans la contemplation du mystère.
Il n'y a pas d'éclat dans l'Ave de l'intonation ; c'est un salut gracieux enveloppé de vénération profonde et tendre. Tout le long de la première phrase, l'âme se complaît dans cette attitude d'humble hommage ; elle s'anime seulement, d'un accent de ferveur, sur le nom béni. Un bel élan, habilement préparé, porte la syllabe accentuée de Maria à la dominante où les notes doubles et répercutées mettent un peu plus d'ardeur, d'admiration et d'amour. Mais ce n'est qu'en passant. Elle revient au grave sur gratia pléna et s'y enveloppe plus encore de contemplation ; aussi bien y a-t-l ici quelque chose de plus que la salutation. C'est déjà le mystère, le mystère indicible de l'Immaculée. La phrase s'achève sur pléna par un pressus qui met bien en valeur ce mot de plénitude, qui ne peut se dire que du Christ et de sa Mère.
Dès le début de la seconde phrase, la mélodie, établie sans préparation sur la dominante, prend tout de suite une allure de louange éclatante. C'est une qualité nouvelle que l'Eglise salue en Notre-Dame : son union avec Dieu. La plénitude de la grâce, c'est déjà le Seigneur avec l'âme ; mais, sur les lèvres de l'Archange, le Dominus técum indiquait une modalité spéciale de l'union divine. Le Seigneur est avec Notre-Dame comme il n'est avec personne. C'est de cette union merveilleuse que l'Eglise félicite Marie. La mélodie la sert admirablement. Le s'épanouit sur Dominus en un beau motif plein d'élan, deux fois répété, qui dit l'admiration enthousiaste que provoque l'infinie grandeur de Dieu, tandis que, sur técum, elle se retient comme recueillie, étonnée, confondue d'admiration, devant l'ineffable sainteté de Notre-Dame.
Elle se reprend sur Benedicat tu pour s'élancer cette fois à la limite de son étendue. C'est le troisième mot de a louange. Il est la conséquence des deux autres. C'est parce qu'elle est pleine de grâce et que le Seigneur est avec elle que Marie est bénie entre toutes les femmes ; nouvelle Eve, celle que toutes les nations diront Bienheureuse. La mélodie le met au-dessus de tout ; elle dépasse la dominante, monte et plane, à loisir, dans les hauteurs, s'appuyant sur des notes doubles et des pressus qui lui permettent de déployer toute sa puissance et de colorer d'accents de ferveur ce mot de bénédiction. Il s'achève sur le pronom tu en une belle cadence pleine et large qui va tout droit à Notre-Dame avec une nuance délicate de tendresse. La seconde incise ramène à la dominante le mot muliéribus. L'admiration s'y prolonge, toujours fervente ; notez le pressus et le torculus avec son mouvement hardi de quarte retombant sur la bivirga de la syllabe accentuée. D'une façon assez inattendue, la phrase s'achève par une cadence en demi-ton sur si qui laisse la mélodie en suspens, comme si l'Eglise, évoquant en une sorte de contemplation toutes les femmes de la race, les voyait se perdre en une perspective infinie, tendues en un geste de bénédiction vers Notre-Dame qui, de très haut, enveloppée dans la gloire du Verbe Incarné, les domine toutes de l'éclat de sa maternité.
La quatrième phrase est, de toutes, la plus profonde. Ici, c'est le mystère ; le mystère du Verbe fait chair dans le sein de Notre-Dame. La mélodie abandonne les hauteurs, descend par degrés, sur benedictus qu'elle souligne seulement d'un pressus, descend encore sur fructus, puis demeure dans le grave, presque sans se mouvoir. Un motif deux fois répété de quelques notes qui montent et descendent par degrés conjoints sur véntris, un dernier pressus sur tui comme pour faire rejaillir la gloire du Fils sur la Mère - car c'est pour le Fils qu'est toute la louange dans cette dernière phrase - et c'est tout. L'ineffable ne saurait s'exprimer.
Il faut chanter avec beaucoup de souplesse. On y veillera particulièrement dans l'intonation. Le climacus qui s'achève sur la première note pointée sera légèrement retenu pour donner à cette demi-cadence sur mi toute sa valeur d'admiration gracieuse et tendre.
Chanter Maria avec beaucoup de ferveur. Les deux premières notes de ri bien appuyées, assez fortes, avec l'élan de l'accentuation : ce sont deux virgas ; les deux autres sont des distrophas ; la répercussion en sera délicate et il y aura un crescendo jusqu'à la répercussion, très délicate aussi, de la virga. La cadence sur sol très peu ralentie, de façon à rattacher Maria à gratia pléna. Une pause.
Discret a tempo au départ de Dominus dont les thésis seront légères, comme le sera la tristropha de técum, qu'on renforcera toutefois pour la lier au climacus. Sur ne dans Benedicta, une bivirga, bien l'appuyer et mener le crescendo e un bel enthousiasme vers le pressus. Conduire avec mesure l'admirable descente de benedictus fructus, sans que la voix perde brusquement de sa sonorité. Véntris tui très lien avec le salicus bien doux.
COMMUNION
LE TEXTE
Voici qu'une Vierge concevra
Et enfantera un Fils,
Et il sera appelé de son nom Emmanuel. Isaïe, VII, 14.
Cette parole fut dite comme une prophétie par Isaïe à Achaz. « Le Seigneur vous donnera lui-même un signe : voici qu'une vierge enfantera... » Le signe promis arrivera le jour de l'Annonciation. C'est le mot même du prophète en effet que l'Archange dit à Notre-Dame : « Voici que vous concevrez et enfanterez un Fils et vous lui donnerez le nom de Jésus ».
Ce texte est tout à fait à sa place le jour où est commémorée l'Annonciation. Toutefois il ne semble pas qu'il doive être chanté ici comme une prophétie ; c'est l'Eglise qui après avoir entendu la parole du Prophète à l'Epître, et celle de l'Ange à l'Evangile, y revient, au moment de la communion. Contemplant dans la lumière de la grâce sacramentelle, l'Incarnation qui se prolonge par l'Eucharistie dans tout le Corps Mystique, elle chante la joie de l'Emmanuel, du Dieu avec nous, en même temps que le mystère de Noël dans lequel à nouveau va s'accomplir mystiquement la parole divine.
LA MÉLODIE
Une joie émerveillée ; on en caractériserait bien ainsi, en deux mots l'expression. Elle est très discrète dans sa première incise, avec quelque chose de recueilli, de contemplatif, répandu sur toute la thésis de concipiet. Dans une sorte de jouissance profonde, l'âme admire le mystère de la Vierge Mère.
Et voilà qu'elle s'anime et que son admiration prend de l'ampleur. Un souffle puissant passe, qui emporte les mots dans l'enthousiasme, Filium après pariet, comme si l'âme, de plus en plus éclairée, réalisait ce qu'est le mystère de la maternité divine.
Mais, à peine a-t-elle saisi cette seconde merveille, qu'une troisième s'offre à elle : le mystère de Dieu avec nous cette fois, et vocabitur Emmanuel... Elle n'a pas le temps de s'arrêter si peu que ce soit ; de la première phrase, le souffle d'allégresse passe dans la seconde, l'entraînant dans la progression jusqu'à la distropha de vocabitur. Là quelque chose change. Le mystère s'étend. Il s'étend jusqu'à l'âme. Elle sent qu'elle y entre, en ce moment de la communion. Elle se recueille, se refermant sur les merveilles qui s'opèrent en elle. La mélodie la suit dans sa contemplation. Elle n'a plus le souci des notes éclatantes, ni des mouvements à grand espace ; elle se retient. Notez les clivis allongées de vocabitur, elle descend peu à peu vers le grave, jusqu'à ce qu'elle arrive à Emmanuel, le mot du mystère. Elle s'y complaît, en une formule qui, comme celle du véntris tui de l'Offertoire, se contente de quelques notes conjointes qui descendent et montent mais où passe toute la tendresse de l'âme pour l'Hôte divin qui est avec elle.
L'intonation paisible ; de même concipiet dont les podatus seront bien posés. Ceux de pariet aussi, tout le sommet en sera élargi. Le lier étroitement à Filium qui sera à peine retenu afin que l'enthousiasme aille croissant sur et vocabitur. C'est une bivirga qu'il y a sur vo. Retenir quelque peu tur. Beaucoup de grâce et de ferveur sur Emmanuel, qui sera très ralenti.
- Polyphonies pour l'Avent
- L'hymne Creator alme siderum en alternance grégorien/polyphonie
- L'hymne Creator alme siderum en grégorien
- Les cantiques de l'Avent (CD)
- Les cantiques de l'Avent (Partitions)
Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici
Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.
LECONS DES MATINES : Naissance et vocation de Samuel I. Rois I.
EPÎTRE : l’amour de Dieu pour nous jusqu’à la mort, modèle de note charité envers le prochain (I Jean. III. 13. 18.)
EVANGILE : Parabole de ceux qui refusent l’invitation au banquet et de ceux qui sont invités à les remplacer. (Luc XIV. 16, 24.)
IDÉE CENTRALE : Il semble que tout peut se grouper, sans qu’on ait à solliciter les textes, autour de l’idée de la miséricordieuse bonté du Seigneur sans cesse penchée sur nous et toujours prête, pour peu qu’on la sollicite, ou même sans qu’on y pense, pourvu qu’on ne s’y oppose pas, à aider notre marche vers la Béatitude de l’éternité.
Evoquée déjà à Matines, dans l’épisode d’Anne la stérile à qui le Seigneur donne Samuel, elle se précise dans la collecte : « Tu ne cesses pas, Seigneur, de diriger ceux que, dans ta sollicitude, tu as établis dans ton amour ». Dans l’Epître, elle nous est présentée comme le modèle de notre charité fraternelle. « Nous avons connu l’amour de Dieu à ce qu’il a donné sa vie pour nous ; nous aussi nous devons donner notre vie pour nos frères ». A l’Evangile, elle est en plein relief sous la figure de l’homme riche qui appelle au banquet, pour remplacer ceux qui n’ont pas accepté de venir, « les pauvres, les estropiées, les aveugles, les boiteux… ». En ce dimanche dans l’Octave de la fête du Saint-Sacrement, nous demeurons ainsi dans l’atmosphère baignée de miséricorde de l’Eucharistie.
INTROÏT
LE TEXTE
Il s’est fait, le Seigneur, mon protecteur. Il m’a tiré dehors, au large. Il m’a sauvé parce qu’il m’a voulu.
Ps. – Je t’aimerai, Seigneur, ma force. Le Seigneur est mon abri, mon refuge et mon libérateur. Ps. XVII. 19, 20 – 2,3.
Ces deux versets du psaume XVII font allusion à l’un des nombreux incidents de la vie de David où, assailli par des ennemis puissants, il fut finalement délivré, « tiré au large » par le Seigneur.
L’Eglise s’en sert ici pour chanter elle aussi sa reconnaissance. Si souvent, au cours de son histoire, le Seigneur l’a tirée des mains de ceux qui voulaient la détruire ou, tout au moins, entraver sa liberté ! Avec elle nous pouvons tous dire notre propre gratitude car, en maintes circonstances, dont la plupart nous échappent, le Seigneur nous a « tirés au large », nous aussi, nous dégageant des horizons limités de la vie matérielle et nous plaçant dans les perspectives infinies de sa propre vie, tout à fait en dehors des atteintes de nos ennemis, si nous le voulons. Enfin par son sacrifice, et par l’Eucharistie qui nous en applique le mérite, il nous a sauvés. Et cela parce qu’il nous voulait : Quoniam voluisti me. Ce sont les mots les plus marquants du texte. Il faut les prendre dans leur sens strict. Il ne nous a pas gardés, protégés, sauvés parce qu’il avait quelque intérêt à le faire ; il ne nous a pas aimés parce qu’il y avait en nous quelque chose d’aimable qui l’attirait ; il nous a choisis dans un acte de sa volonté éternelle parce qu’il nous a voulus : c’est tout. Toute sa miséricordieuse bonté tient dans ce choix gratuit, pour lequel nous ne chanterons jamais assez notre reconnaissance.
LA MÉLODIE
L’intonation est toute pénétrée de joie. C’est celle du Gaudeámus, du Jubiláte, du Roráte. L’âme, dès le premier mot, exulte, toute au bonheur d’être libérée du péché et des limites étroites du monde, au large dans l’amour, fixée sur les horizons infinis de la Béatitude vers laquelle elle va. Après une nuance de vénération, qui l’incline en passant sur le mot Dóminus, la mélodie monte, en une progression ternaire légère et souple, vers la dominante d’où elle s’élance, de plus en plus ardente, sur les doubles notes de edúxit pour s’épanouir, large et éclatante, sur latitúdinem.
La seconde phrase est tout autre. Il s’agit du salut. L’âme n’exulte plus. C’est quelque chose de si profond, de si mystérieux que cette prédestination éternelle ! Elle se replie sur son bonheur, sa joie devient toute intérieure. La mélodie, après avoir souligné ne d’un salicus atteint la tonique, par une progression descendante, en s’étendant autant qu’elle peut sur toutes les syllabes elle remonte égrenant la reconnaissance sur les neumes qui se serrent, se multiplient, s’étalent enfin en une cadence que l’âme retient autant qu’elle peut, comme si elle ne pouvait se résoudre à cesser son chant.
Le Psaume alors, par son rythme plus vif, sort l’âme de sa contemplation et la fait chanter son amour en un bel accent de tendresse heureuse.
L’intonation sera légère et Dóminus de même. Mais, dès le premier torculus de protéctor commencera le crescendo qui ira en progression discrète mais constante jusqu’à latitúdinem. Les doubles notes de edúxit et de latitúdinem sont des bivirgus épisématiques.
Retenez quelque peu le mouvement de la seconde phrase et faites la cadence finale très expressive.
GRADUEL
LE TEXTE
Vers le Seigneur, quand j’étais dans la tribulation, j’ai crié, et il m’a exaucé.
Verset. – Seigneur, délivre mon âme des lèvres méchantes et de la langue rusée. Ps. CXIX. 1, 2.
Le Psaume CXIX est une prière pour être délivré des mauvaises langues. Le premier Verset. – dont est faite la première partie du Graduel – en est comme le prélude ; le Psalmiste se remémore, à titre d’encouragement, les cas où son recours à Dieu a été exaucé, puis il expose sa requête dans le second qui compose le verset.
Ce Graduel est chanté une première fois le Vendredi qui suit le Ie Dimanche de Carême après qu’on a lu à l’Épître l’histoire de Joseph. Il est là tout à fait à sa place, on le voit, après le récit de ce complot fratricide. Ici, il a aussi son sens après l’Épître qui contient les conseils de Saint Jean sur la Charité. L’Église demande d’abord de n’être pas calomniée, d’être délivrée de ceux qui sans cesse la poursuivent de leurs paroles de haine, et en particulier de celui qui, par jalousie, accuse ses membres devant Dieu jour et nuit : Satan (Apoc XII.10.). Mais sans doute demande-t-elle aussi que ses membres cessent de se déchirer entre eux et pratiquent la Charité du Christ en s’aimant les uns les autres comme il nous a aimés, miséricordieux et silencieux sous l’injure jusqu’à la mort.
LA MÉLODIE
Ad dóminum ⎜dum tribulárer ⎜clamávi et exaudívit ⎜me ⎜⎜.
L’intonation a quelque chose de grave qui enveloppe de vénération le nom divin, mais c’est une gravité toute pénétrée de bonheur ; les intervalles sont pleins et la cadence sur do bien majeure, il y a même sur la double note de Do un accent de ferveur qui avive encore la joie. Tribulárer ne fait que conduire la mélodie à la dominante, mais la montée à partir de fa sur les trois notes de l’accord parfait et la tristropha du sommet où la voix s’étale légère y font monter, toujours plus vive, l’allégresse, qui va s’épanouir à loisir sur le très beau motif de clamávi. Avec des nuances, il va de soi. Il y a entre autres sur les clivis allongées et sur la triple note qui suit comme une évocation des jours où de l’âme angoissée jaillissaient, ardents et pleins de confiance, les appels au Seigneur.
La mélodie redescend sur et exaudívit en un motif que le salicus et le pressus font particulièrement expressif. On y sent le bonheur de l’âme et, plus encore, la reconnaissance dont elle déborde au souvenir des interventions divines. C’est cette gratitude qui, sur me, s’exalte et monte vers le Seigneur ; admirable mouvement, vibrant et retenu à la fois, et qui s’achève balancé sur des rythmes d’une plénitude et d’une paix totales.
Le Verset. – Dómine libera ánimam meam ⎜a lábiis ⎜iníquis et ⎜a lingua ⎜dolósa ⎜⎜.
Par le climacus qui descend au la et les retours répétés sur le si, la mélodie, sur Dómine, comme le texte d’ailleurs, devient une supplication que la double note de ne et les épisèmes horizontaux font très pressante. Une sorte de cadence sur le la par le sol donne un instant l’impression que l’âme est apaisée ; mais, non, sur la double note – une bivirga épisématique – et sur les deux tristrophas c’est encore la plainte qui se prolonge. Il y a bien une petite remontée au ré mais l’élan retombe sur le si b et c’est dans la même atmosphère de prière suppliante, que s’achève le mot. Cette atmosphère s’alourdit encore, si l’on peut dire, sur líbera ánimam – notez les deux salicus et la tristropha de méam. La cadence, il est vrai est en fa et le motif de lábiis est celui des versets enthousiastes, comme si l’âme voulait se dégager de ce qui lui pèse ; mais il ne s’épanouit pas au fa supérieur et, sur iníquis, le motif de clamávi, qui évoquait tout à l’heure les heures d’angoisse, revient. Même les deux retombées, en fa pourtant, de lingua dolósa reçoivent, des notes longues et de la répercussion, quelque chose de pesant. L’âme, accablée sous les coups des langues mauvaises, ne peut vraiment que se plaindre et supplier.
Il faut bien se garder de faire pesante l’intonation ; la double note est bien une bivirg épisématique mais elle n’implique aucune lourdeur, elle souligne seulement le mot. Dum tribulárer suivra alors dans un mouvement léger qu’on n’aura pas à forcer. Clamávi aussi sera léger ; la triple note est une trivirga épisématique, la prolonger. Ralentissez à peine la cadence sur do.
Faites très expressif le podatus de vit dans exaudívit et retenez tout le motif de me.
Le verset sera plus lent. La double note sur do de ne dans Dómine est une bivirga épisématique, de même celle qui précède la tristropha sur fa.
Faites très expressives les clivis allongées de iníqui. La triple note est une trivirga, comme dans clamávi.
ALLELUIA
LE TEXTE
Seigneur, mon Dieu, en toi j’ai espéré. Sauve-moi de tous mes persécuteurs et délivre-moi. Psm. VII. 2.
C’est la même supplication que dans le verset du Graduel. Au lieu des mauvaises langues, c’est des persécuteurs que l’Église demande à être délivrée, mais il n’est pas de persécution sans calomnies, médisances et mensonges et ceux qui manquent à la justice par la langue sont bien des persécuteurs.
LA MÉLODIE
Nous l’avons déjà trouvée à la fête du Saint Nom de Jésus. Adaptée là à un texte de louange, elle avait perdu son caractère de prière ; nous pouvons l’admirer ici et nous laisser pénétrer et animer par ses nuances délicates.
La supplication est très humble sur Dómine Déus, mais sans contrainte, confiante même et pénétrée de tendresse ; notez plutôt le posé délicat en mi de la dernière syllabe de Dómine, le retard avant le quilisma, les pressus de déus surtout. C’est cette confiance, d’abord contenue, qui s’épanouit sur in te sperávi comme en un cri par lequel l’âme, avant de l’invoquer, remet le Seigneur en présence de la fidélité qu’elle lui a gardée. Le ralenti des derniers neumes et la cadence sur la gardent à ce rappel ardent son caractère de supplication.
C’est une heureuse transition à la prière humble qui revient au début de la seconde phrase sur Sálvum me fac. Sur ómnibus persequéntibus le motif de sperávi s’élève à nouveau ; la montée, ralentie par un torculus allongé et un porrectus, s’adapte bien à l’ardeur de la supplication qui se poursuit dans le grave sur la même thésis que sálvum me fac. Alors pour la troisième fois le motif de in te sperávi monte avec ardeur sur libera me, comme un cri de détresse qui se détend ensuite doucement sur les neumes du jubilus.
Il y a dans ce verset un mélange de discrétion et d’audace qui est bien l’attitude de l’âme en peine devant le Seigneur infiniment bon et infiniment grand aussi.
Chantez dans un mouvement de prière très simple et très lié. Ralentissez les quelques notes qui précèdent le quilisma de Dómine, mais par contre ne retenez que très peu meus qui doit rejoindre in te sperávi où s’achève l’idée. Marquez bien les trois podatus qui montent en arsis. Même liaison étroite entre fac et omni dans la seconde phrase.
La vocalise finale de me sera très liée et très thétique.
OFFERTOIRE
LE TEXTE
Seigneur, reviens et délivre mon âme, Sauve-moi par ta miséricorde. Ps. VI. 5.
Ce verset que David chantait lorsque le Seigneur détournait de lui sa face est ici une émouvante paraphrase de la parabole des invités au banquet, lue à l’Évangile. L’âme a conscience d’avoir souvent refusé les invitations à ce banquet du Seigneur, qu’il ne faut pas seulement entendre ici de la communion Eucharistique mais de tout entretien d’amour avec les divines Personnes résidant en nous. Les derniers mots lui donnent sans doute à réfléchir : « aucun de ceux qui avaient été invités ne goûtera de ma table ». Ce n’est pas qu’elle ait peur de perdre à jamais le Seigneur aimé, elle n’est pas de ceux qui ont refusé définitivement, elle ne l’a fait que par faiblesse ; mais elle sent en elle des liens qui la lient à mille choses et elle a tant de peine à les briser… Elle appelle à son aide la miséricorde du Seigneur qui comprend si bien ? Reviens, et délivre-moi…
LA MÉLODIE
Il n’en saurait être de plus simple ; un tenue sur le fa avec quelques broderies à la tierce, c’est tout. Pas d’angoisse, pas de pression non plus ; l’âme sait bien au fond que la parole terrible n’est pas pour elle. Aussi est-ce sur un ton d’intimité, nuancée de joie, qu’elle parle au Seigneur.
Dans la première phrase le mot éripe est délicatement mis en relief par les deux torculus – le second allongé – avant la cadence, si expressive d’une paix heureuse. Dans la seconde, c’est propter misericórdiam tuam sur une formule pleine de sérénité.
Chantez dans une grande simplicité. Il faut seulement accentuer délicatement, bien rythmer, et élargir la dernière incise en faisant une légère pression sur le pressus de propter.
COMMUNION
LE TEXTE
Je chanterai au Seigneur qui de biens m’a comblé. Et je chanterai des Psaumes au nom du Seigneur le Très-Haut. Ps. XII. 6.
L’âme qui dans l’Offertoire demandait au Seigneur de revenir, a été exaucée. Le Seigneur est revenu, et il l’a invitée au banquet à nouveau. Il l’a même invitée en épouse. En ce moment, elle ne fait qu’un avec lui et comme elle sent en elle sa force libératrice qui agit, tout naturellement la joie reconnaissante monte à ses lèvres et elle chante.
LA MÉLODIE
Elle ne fait que moduler du commencement à la fin. Modulations hardies qui surviennent brusquement mais qui expriment ainsi, de la façon la plus heureuse, la progression de la joie dans l’âme.
Elle est d’abord très retenue, tout intérieure et comme contemplative sur cantábo Dómino ; l’âme jouit de son Dieu et semble ne chanter que pour elle et pour lui sa musique profonde. Brusquement, après la cadence en demi-ton, un intervalle majeur du VIIIe mode monte sur qui bona ; l’idée de tout ce qu’elle a reçu, et de ce qu’elle vient de recevoir, à l’instant même, dans l’Eucharistie, excite à ce point la reconnaissance de l’âme qu’elle ne retient plus son chant ; il monte, s’affirme – notez les notes doubles – s’éclaire d’une joie qui a comme besoin de s’épancher ; la cadence est encore en la mais les si b ont disparu et, d’autre part, toute impression de mineur en est écartée.
Sur cette idée de reconnaissance, l’enthousiasme jaillit. On le sent déjà dans les premières notes légères de la deuxième phrase. Sur nómini, il éclate, vibrant, et la mélodie monte aussi haut que peut monter la voix. Elle redescend sur les rythmes souples et légers de Dómini qui se courbent pleins de vénération et, toujours sans souci des modes, continuent à se courber gracieux et tendres et à se revêtir à nouveau de l’intimité contemplative sur la cadence en la de la fin, claire et aimable comme un sourire heureux.
Il n’y a qu’à suivre l‘expression pour être dans le juste mouvement.
Commencez assez doucement. La première note de Dómino et la quatrième, qui est la première du climacus, pourront être légèrement allongées. Etalez un peu la cadence de míhi.
La montée sur nómini sera très en élan : la première phrase de ni allongée et le torculus très arrondi ; se complaire sur Altíssimi.
Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici