Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.

INTROÏT

LE TEXTE

Versez votre rosée, cieux, d'en haut, et que le nuages pleuvent le Juste.
 Qu'elle s'ouvre, la terre, 
Et qu'elle germe le Sauveur.

Ps.- Les cieux disent la gloire de Dieu
Et l'œuvre de ses mains, il la proclame, le firmament. Isaïe, XLV, 8 - Ps. XVIII, 2.

Au chapitre XLV, Isaïe rapporte ce qu'il a entendu le Seigneur dire à Cyrus, qu'il va susciter pour être son christ, sauver le peuple et rebâtir la cité et le temple. A la vision de ce sauveur d'un moment, par delà lequel il voit le Messie et son œuvre éternelle, il est transporté et, interrompant sa prophétie, lance vers le ciel son désir ardent pour que soit bâtie la venue des deux libérateurs. Il le fait sous la forme poétique de la rosée qui fait germer la plante, symbolisant ainsi l'action divine qui fera de Cyrus et du Christ des sauveurs parfaits.

Au sens liturgique, c'est l’Église qui appelle le Messie. Rien n'est à changer dans l'image du prophète, mais il faut lui donner tout son sens divin. La rosée sollicitée du ciel, c'est l'action fécondante du Saint-Esprit ; la terre, c'est Notre-Dame, fleur de la race, qui s'ouvre au sommet de la tige de Jessé et qui, fécondée sous l'ombre mystérieuse de l'Esprit du Très-Haut, va produire son fruit divin ; le Verbe fait chair.

Cette prière admirable et tout à fait à sa place le Mercredi des Quatre-Temps, tout entier consacré à l'Annonciation. Il faut lui garder ici la même interprétation ; d'autant que, par l'Offertoire et la Communion tout au moins, le mystère continue d'être fêté. Et il faut la chanter comme la prière suprême, entendue de Dieu par delà les siècles, et qui a contribué à faire venir plus tôt l'heure du Messie et de Notre-Dame ; mais aussi, comme la supplication qui va mériter aux âmes de recevoir le Verbe fait chair quand il va revenir et de se livrer à l'influence de son Esprit comme la terre à la rosée, lui donnant ainsi ce qu'il attend d'elles pour réaliser la plénitude de son Incarnation.

Le Psaume, lui, n'est pas une prière ; il est la constatation joyeuse des merveilles de Dieu qui se réalisent dans le mystère.

LA MÉLODIE

Une prière ardente de deux phrases qui s'opposent ici, encore, suivant le texte, comme le ciel et la terre.

La première est un admirable mouvement de l'âme portant on désir, comme dans le graduel. Qui sédes, aussi haut que possible, jusqu'aux nuées fécondes d'où va venir la céleste rosée, puis redescendant douce et paisible comme descendra le Juste qu'elle chante. La supplication est ardente sur le pressus de caeli, les quilismas de désuper, le pressus de pluant, mais il n'y a pas d'inquiétude, de doute, d'angoisse ; au contraire, une grande sérénité et une joie discrète se mêlent partout à la prière dans la tonalité claire du mode de fa ; la joie de l'Eglise qui sait, car elle en jouit déjà, tout le bonheur qu'il y a pour elle dans cette pluie fécondante qu'elle sollicite.

La seconde a moins d'élan. C'est la terre que l'Eglise regarde et encore qu'il s'agisse de Notre-Dame, ce chef-d'œuvre de grâce qui va produire la nature humaine du Christ, n'est-elle pas tout en bas par comparaison avec l'infinie perfection du verbe qui va y descendre ? Et puis, c'est le mystère dont la profondeur ne saurait se chanter ; Aussi, après l'ardeur de la supplication sur aperiatur, la mélodie revient-elle au mode de ré, et en des neumes qui s'effacent de plus en plus, elle s'éteint, gracieusement d'ailleurs, sur Salvatorem, le mot du désir.

La deuxième note de ra dans Rorate doit être élargie. Le crescendo de la première incise sera ardent mais sans éclat ; c'est une prière. Bien accentuer nubes et aller sur le pressus de pluant en progression.

Veiller à ce que tur dans aperiatur ait bien sa valeur et qu'on ait le temps d'articuler. Térra sera légèrement retenu ainsi que les quatre dernières notes de gérminet.

Le Psaume sera chanté dans un bon mouvement et pénétré déjà de la joie du « Gloria in excelsis » qu'il prophétise.

GRADUEL

LE TEXTE

Il est proche, le Seigneur,
De tous ceux qui l'invoquent,
De tous ceux qui l'invoquent dans la vérité.

Verset. - La louange du Seigneur,
Elle la chantera, ma bouche,
Et que toute chair bénisse le Seigneur. Ps. CXLIV, 18, 21.

Dans la première partie, le psalmiste exprime une idée très simple ; à savoir que le Seigneur est tout disposé à écouter ceux qui le prient. Toutefois, il a précisé d'un mot : ceux qui le prient dans la vérité ; c'est-à-dire qui lui demandent, en toute sincérité, des chose vraies ; entendons : ceux qui sont conformes à sa volonté, car la vérité, c'est, en même temps, ce que Dieu pense et ce que Dieu veut.

Le Verset, lui, est un hommage de reconnaissance de l'âme qui promet à Dieu une louange sans fin en retour de la bienveillance qu'il lui témoigne.

Au sens liturgique, peut-être serait-on porté à s'appuyer sur les premiers mots Prope est Dominus pour faire entrer ce texte dans le cadre de l'Avent. Ce ne serait pas absolument exact car c'est en tout temps que le Seigneur exauce ceux qui savent le prier. Il ne faut pas non plus le rattacher à l'Epître qui vient d'être lue, mais à l'Epître du mercredi précédent pour laquelle il a été choisi. Dans cette Epître, on nous ait entendre l'histoire d'Achaz qui, par manque de confiance, refusa de demander un prodige au Seigneur et qui reçut, en réplique, d'Isaïe la fameuse prophétie qui annonçait le prodige des prodiges : « Le Seigneur vous donnera lui-même un signe : Voilà qu'une Vierge concevra et enfantera un Fils et son nom sera Emmanuel ». A la fin de ce récit, ces deux versets viennent sur es lèvres de l'Eglise comme une sorte de réflexion. Repliée sur elle-même et gardant bien présent à l'esprit tout ce qu'elle vient d'entendre, elle se dit : Achaz a eu tort...Le Seigneur est tout près de ceux qui l'invoquent et bientôt il sera plus près d‘eux encore ; car le prophète a dit que Celui qui doit venir aura nom Emmanuel, ce qui veut dire : Dieu est avec nous.

Cette annonce précise de l'Incarnation amène alors la grande louange du Verset. Laudem Domini...

LA MÉLODIE

(V) Prope est Dominus omnibus invocantibus éum omnibus qui invoquant éum in verita te.

Elle est composée de trois formules : celle de Prope est Dominus et les deux de éum. Ces formules sont reliées entre elles par les motifs presque syllabiques de omnibus invocantibus et de omnibus qui invoquant. Un seul mot est original, in veritate, encore s'achève-t-il en une formule finale commune.

Le fait qu'elle est à ce point centonisée n'empêche pas qu'elle soit très expressive. L'auteur s'est servi de formules toutes faites mais il les a choisies pour le texte et les a disposées de telle sorte qu'elles puissent en exprimer au mieux le contenu. Notez qu'elles sont placées sur les mots importants : Dominus, le nom divin, et éum qui le représente ; et que, par le contraste que font leurs neumes avec les motifs syllabiques qui les entourent, elles les mettent en particulier relief. Aussi bien est-ce le mot de l'Epître : Pete signum a Domino, dit Isaïe. Non tentabo Dominum, répond Achaz. Propter hoc dabit Dominus ipse vobis signum, réplique le prophète.

L'intonation est grave. (Cette formule n'est employée que sur le mot Dominus ; de sorte qu'elle est moins une formule centon qu'un motif réservé uniquement au nom du Seigneur, comme plusieurs autres.) Mais ce serait une erreur d'y voir la moindre tristesse. Au contraire, on y discerne déjà en une nuance discrète la joie qui se dégage du texte et qui caractérise tout le Graduel. Toute pénétrée de respect, elle se retient, s'efface, sur le nom divin, mais, sitôt après, elle se laisse aller, se développe sur omnibus invocantibus et va s'épanouir sur éum en un bel élan qui se détend dans la plénitude de la cadence en fa. Elle passe dans la seconde phrase, s'élève avec grâce sur omnibus, puis redescend dans le grave où elle se revêt à nouveau sur éum d'une certaine révérence qu'elle garde jusqu'à la fin.

Le Verset. - Laudem Domini loquétur os méum Et benedicat omnis caro nomen sanctum éjus.

La joie est ici enthousiaste. Lancée avec une ferme assurance sur la distropha de Laudem, elle se développe en une sorte de contemplation sur Domini : légère, souple, heureuse. Une nuance de tendresse plus marquée passe avec le si b, puis l'exaltation, grandissant à nouveau, va vers loquétur os méum où elle atteint toute sa puissance d'expression sur les mots mêmes qui disent la joie de pouvoir chanter à jamais.

L'enthousiasme est le même dans la seconde phrase. Sitôt qu'elle a été ramenée à la dominante, la mélodie s'élance à l'extrême limite du mode, enveloppant de toute sa puissance l'ardent souhait de l'Eglise. Elle s'y arrête d'ailleurs ensuite en un gracieux mouvement descendant, puis, pour finir, se pénètre à nouveau de tendre respect sur nomen sanctum éjus.

Comme on le voit, ce verset a un caractère de joie éclatante qui ne s'est pas encore rencontré au cours de l'Avent. L'auteur a-t-il voulu donner là comme une première annonce de la joie de Noël et en pénétrer déjà l'âme des fidèles ? On a d'autant plus de raisons de le croire que les formules 53 et 54 sont particulières à la période de la Nativité. On les trouve ailleurs, mais elles sont si fréquemment répétées au temps de Noël qu'elles contribuent, sans aucun doute, pour leur part, à créer l'atmosphère musicale. El semble que ce soit comme le début d'un crescendo de joie qui, parant du Mercredi des Quatre-Temps, jour consacré à l'Annonciation, jour de l'Incarnation, atteint toute sa puissance aux jours de Noël et de l'Epiphanie.

Ne pas chanter l'intonation avec des effet de basse, mais avec la simplicité et la douceur qui conviennent à une contemplation paisible. Le crescendo est le premier éum sera discret et mené dès le début de l'incise ; C'est une formule assez délicate mais très expressive. Il y a sur le do une distropha, puis al première note de la clivis ou du climacus ; les distrophas seront posées doucement et la voix, renforcée, ira vers la note qui suit pour la répercuter, délicatement. Il s'en suivra une onction pénétrée de ferveur qui servira admirablement le pronom éjus qui tient la place de Dominus.

Retenir quelque peu veritate ; la tristropha, douce. Bien distinguer dans la vocalise qui suit, sur le la, les deux distrophas, du pressus ; lles reçoivent doucement le posé de la voix ; de même celle qui se trouve sur le do dans la dernière incise.

C'est une bivirga qu'il y a sur Laudem au début du Verset ; qu'elle soit appuyée, forte et bien lancée. Sur Domini, deux distrophas et répercussion sur la première note de la clivis ; même interprétation que plus haut. Une bivirga avant les deux climacus qui finissent la première phrase ; bien accuser la première note du second.

La tristropha de os, légère. Bien pendre grade à donner toute leur valeur aux trois notes qui précèdent les notes doubles de méum ; les retenir légèrement évitera le danger d'en faire un triolet. Poser nettement l'épisème vertical de omnis, allonger même un peu la note. (Dans plusieurs cas, la 2ème note est un quilisma.) Un gracieux ralenti sur sanctum, qui se poursuivra sur éjus jusqu'à la fin.

ALLELUIA

LE TEXTE

Viens, Seigneur et ne tarde pas.
Pardonne les péchés de ton peuple.

Cette phrase ne se trouve pas dans l'Ecriture. L'idée en est très simple et s'applique sans difficulté à l'un ou à l'autre des sens de l'Avent. C'est une prière dont l'objet est nettement déterminé : la prière de tout le peuple de Dieu, de toute l'Eglise, suppliant le Christ de venir sauver le monde.

LA MÉLODIE

On la rencontre deux autres fois au cours de l'année : le XXe Dimanche après la Pentecôte (Alleluia Paratum cor méum) et à la messe Loquebar d'une Vierge Martyre (Alleluia Adducentur).

Elle commence dans le grave et se meut lentement dans toute la première phrase, comme la prière très humble du pécheur qui n'ose pas lever les yeux, accablé qu'il est sous ses fautes. Ce n'est que dans la seconde incise qu'elle prend un peu d'ardeur, il y a sur et noli tardare un très bel accent de pressante supplication.

Dans la seconde phrase, la prière est plus aisée sur relaxa. La longue vocalise de facinora est, en elle-même, assez indifférente, mais elle prend, avec les mots, un caractère de prière fort bien adapté. Il y a, dans la répétition du motif initial, une progression qui fait la supplication de plus en plus forte. La première fois, elle monte par trois degrés au si b ; la seconde fois, par un seul mouvement de quarte, elle atteint le do qu'elle marque d'un pressus ; la troisième, elle s'y pose sans préparation et y demeure trois temps. Il y a là une vigueur accrue du plus heureux effet. La mélodie redescend ensuite dans le grave et finit sur une formule propre à certains graduels du Ier mode, elle aussi très priante et très humble, avec une touche assez marquée de crainte révérentielle.

L'Alleluia, lui, est du IIIe mode, mais l'unité demeure parfaite et l'expression y trouve son bien. L'Alleluia ayant en lui-même un caractère de louange que le contraste rend plus marqué encore.

Prendre garde de faire trop longue la double note initiale de l'Alleluia, lequel doit avoir un certain mouvement. Bien balancer le rythme de l'arsis ; la vocalise légère.

Veni Domine tranquille et discret. Crescendo sur noli ; tardare sans éclat. Noter que, dans les thésis de la seconde phrase, toutes les notes doubles sont des distrophas, légères donc ; de même les deux qui précèdent la clivis sur le do, à la dernière reprise du motif. Par contre plé dans plébis est une bivirga. Lier avec soin les grands intervalles de l'avant-dernière incise.

OFFERTOIRE

LE TEXTE

Salut, Marie, de grâce remplie,
Le Seigneur (est) avec toi.
Bénie (es-)tu entre les femmes,
Et béni le fruit de ton sein.

C'est la salutation de l'Ange Gabriel à Notre-Dame et celle d'Elisabeth combinées en un seul texte, lequel forme la première partie de la Salutation angélique. Il n'y manque que le dernier mot, Jésus, qui d'ailleurs ne fut pas dit par Elisabeth.

Au sens liturgique toutefois, ce n'est ni l'Archange ni Elisabeth qui saluent Notre-Dame ; la combinaison des deux salutations en un seul texte s'y oppose. C'est toute l'Eglise qui, au moment où est commémorée la Conception de Notre Seigneur, fait monter sa louange vers celle que Dieu a choisie pour sa mère. Elle a entendu, au cours de la semaine écoulée, le mercredi, le récit de l'Annonciation, le vendredi, celui de la Visitation ; elle recueille, sur les lèvres de l'Archange et d'Elisabeth, les paroles inspirées pour les redire à Notre-Dame, comme l'hommage le plus parfait qu'elle puisse rendre à sa sainteté incomparable et à sa maternité divine.

Bien noter que c'est une salutation. Ceci implique que les chanteurs soient en communication directe avec Notre-Dame : qu'ils chantent pour elle et qu'ils aient conscience que du haut du ciel, elle les écoute et reçoit leur hommage dans la joie de son cœur maternel.

LA MÉLODIE

Quatre phrases (Ave Maria gratia plena ne forme qu'une seule phrase. La grande barre qui suit Maria doit être considérée comme une demi-barre). Les trois premières, en progression l'une sur l'autre, conduisent l'idée jusqu'à Benedicta tu, point culminant de la louange. La quatrième redescend vers le grave où elle s'achève dans la contemplation du mystère.

Il n'y a pas d'éclat dans l'Ave de l'intonation ; c'est un salut gracieux enveloppé de vénération profonde et tendre. Tout le long de la première phrase, l'âme se complaît dans cette attitude d'humble hommage ; elle s'anime seulement, d'un accent de ferveur, sur le nom béni. Un bel élan, habilement préparé, porte la syllabe accentuée de Maria à la dominante où les notes doubles et répercutées mettent un peu plus d'ardeur, d'admiration et d'amour. Mais ce n'est qu'en passant. Elle revient au grave sur gratia pléna et s'y enveloppe plus encore de contemplation ; aussi bien y a-t-l ici quelque chose de plus que la salutation. C'est déjà le mystère, le mystère indicible de l'Immaculée. La phrase s'achève sur pléna par un pressus qui met bien en valeur ce mot de plénitude, qui ne peut se dire que du Christ et de sa Mère.

Dès le début de la seconde phrase, la mélodie, établie sans préparation sur la dominante, prend tout de suite une allure de louange éclatante. C'est une qualité nouvelle que l'Eglise salue en Notre-Dame : son union avec Dieu. La plénitude de la grâce, c'est déjà le Seigneur avec l'âme ; mais, sur les lèvres de l'Archange, le Dominus técum indiquait une modalité spéciale de l'union divine. Le Seigneur est avec Notre-Dame comme il n'est avec personne. C'est de cette union merveilleuse que l'Eglise félicite Marie. La mélodie la sert admirablement. Le s'épanouit sur Dominus en un beau motif plein d'élan, deux fois répété, qui dit l'admiration enthousiaste que provoque l'infinie grandeur de Dieu, tandis que, sur técum, elle se retient comme recueillie, étonnée, confondue d'admiration, devant l'ineffable sainteté de Notre-Dame.

Elle se reprend sur Benedicat tu pour s'élancer cette fois à la limite de son étendue. C'est le troisième mot de a louange. Il est la conséquence des deux autres. C'est parce qu'elle est pleine de grâce et que le Seigneur est avec elle que Marie est bénie entre toutes les femmes ; nouvelle Eve, celle que toutes les nations diront Bienheureuse. La mélodie le met au-dessus de tout ; elle dépasse la dominante, monte et plane, à loisir, dans les hauteurs, s'appuyant sur des notes doubles et des pressus qui lui permettent de déployer toute sa puissance et de colorer d'accents de ferveur ce mot de bénédiction. Il s'achève sur le pronom tu en une belle cadence pleine et large qui va tout droit à Notre-Dame avec une nuance délicate de tendresse. La seconde incise ramène à la dominante le mot muliéribus. L'admiration s'y prolonge, toujours fervente ; notez le pressus et le torculus avec son mouvement hardi de quarte retombant sur la bivirga de la syllabe accentuée. D'une façon assez inattendue, la phrase s'achève par une cadence en demi-ton sur si qui laisse la mélodie en suspens, comme si l'Eglise, évoquant en une sorte de contemplation toutes les femmes de la race, les voyait se perdre en une perspective infinie, tendues en un geste de bénédiction vers Notre-Dame  qui, de très haut, enveloppée dans la gloire du Verbe Incarné, les domine toutes de l'éclat de sa maternité.

La quatrième phrase est, de toutes, la plus profonde. Ici, c'est le mystère ; le mystère du Verbe fait chair dans le sein de Notre-Dame. La mélodie abandonne les hauteurs, descend par degrés, sur benedictus qu'elle souligne seulement d'un pressus, descend encore sur fructus, puis demeure dans le grave, presque sans se mouvoir. Un motif deux fois répété de quelques notes qui montent et descendent par degrés conjoints sur véntris, un dernier pressus sur tui comme pour faire rejaillir la gloire du Fils sur la Mère - car c'est pour le Fils qu'est toute la louange dans cette dernière phrase - et c'est tout. L'ineffable ne saurait s'exprimer.

Il faut chanter avec beaucoup de souplesse. On y veillera particulièrement dans l'intonation. Le climacus qui s'achève sur la première note pointée sera légèrement retenu pour donner à cette demi-cadence sur mi toute sa valeur d'admiration gracieuse et tendre.

Chanter Maria avec beaucoup de ferveur. Les deux premières notes de ri bien appuyées, assez fortes, avec l'élan de l'accentuation : ce sont deux virgas ; les deux autres sont des distrophas ; la répercussion en sera délicate et il y aura un crescendo jusqu'à la répercussion, très délicate aussi, de la virga. La cadence sur sol très peu ralentie, de façon à rattacher Maria à gratia pléna. Une pause.

Discret a tempo au départ de Dominus dont les thésis seront légères, comme le sera la tristropha de técum, qu'on renforcera toutefois pour la lier au climacus. Sur ne dans Benedicta, une bivirga, bien l'appuyer et mener le crescendo e un bel enthousiasme vers le pressus. Conduire avec mesure l'admirable descente de benedictus fructus, sans que la voix perde brusquement de sa sonorité. Véntris tui très lien avec le salicus bien doux.

COMMUNION

LE TEXTE

Voici qu'une Vierge concevra
Et enfantera un Fils,
Et il sera appelé de son nom Emmanuel. Isaïe, VII, 14.

Cette parole fut dite comme une prophétie par Isaïe à Achaz. « Le Seigneur vous donnera lui-même un signe : voici qu'une vierge enfantera... » Le signe promis arrivera le jour de l'Annonciation. C'est le mot même du prophète en effet que l'Archange dit à Notre-Dame : « Voici que vous concevrez et enfanterez un Fils et vous lui donnerez le nom de Jésus ».

Ce texte est tout à fait à sa place le jour où est commémorée l'Annonciation. Toutefois il ne semble pas qu'il doive être chanté ici comme une prophétie ; c'est l'Eglise qui après avoir entendu la parole du Prophète à l'Epître, et celle de l'Ange à l'Evangile, y revient, au moment de la communion. Contemplant dans la lumière de la grâce sacramentelle, l'Incarnation qui se prolonge par l'Eucharistie dans tout le Corps Mystique, elle chante la joie de l'Emmanuel, du Dieu avec nous, en même temps que le mystère de Noël dans lequel à nouveau va s'accomplir mystiquement la parole divine.

LA MÉLODIE

Une joie émerveillée ; on en caractériserait bien ainsi, en deux mots l'expression. Elle est très discrète dans sa première incise, avec quelque chose de recueilli, de contemplatif, répandu sur toute la thésis de concipiet. Dans une sorte de jouissance profonde, l'âme admire le mystère de la Vierge Mère.

Et voilà qu'elle s'anime et que son admiration prend de l'ampleur. Un souffle puissant passe, qui emporte les mots dans l'enthousiasme, Filium après pariet, comme si l'âme, de plus en plus éclairée, réalisait ce qu'est le mystère de la maternité divine.

Mais, à peine a-t-elle saisi cette seconde merveille, qu'une troisième s'offre à elle : le mystère de Dieu avec nous cette fois, et vocabitur Emmanuel... Elle n'a pas le temps de s'arrêter si peu que ce soit ; de la première phrase, le souffle d'allégresse passe dans la seconde, l'entraînant dans la progression jusqu'à la distropha de vocabitur. Là quelque chose change. Le mystère s'étend. Il s'étend jusqu'à l'âme. Elle sent qu'elle y entre, en ce moment de la communion. Elle se recueille, se refermant sur les merveilles qui s'opèrent en elle. La mélodie la suit dans sa contemplation. Elle n'a plus le souci des notes éclatantes, ni des mouvements à grand espace ; elle se retient. Notez les clivis allongées de vocabitur, elle descend peu à peu vers le grave, jusqu'à ce qu'elle arrive à Emmanuel, le mot du mystère. Elle s'y complaît, en une formule qui, comme celle du véntris tui de l'Offertoire, se contente de quelques notes conjointes qui descendent et montent mais où passe toute la tendresse de l'âme pour l'Hôte divin qui est avec elle.

L'intonation paisible ; de même concipiet dont les podatus seront bien posés. Ceux de pariet aussi, tout le sommet en sera élargi. Le lier étroitement à Filium qui sera à peine retenu afin que l'enthousiasme aille croissant sur et vocabitur. C'est une bivirga qu'il y a sur vo. Retenir quelque peu tur. Beaucoup de grâce et de ferveur sur Emmanuel, qui sera très ralenti.

 

Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici

Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.

 

LEÇONS DES MATINES : Histoire d’Abraham (Gen. XII).

EPÎTRE : Hymne à la Charité (I Cor. XIII)

ÉVANGILE : Annonce de la Passion ; Guérison de l’aveugle de Jéricho (Luc XVIII, 31-43).

STATION : Saint Pierre.

IDÉE CENTRALE : La grande figure d’Abraham domine et unifie tout. Dieu le choisit pour se faire un peuple. Il lui donne une foi inébranlable, une confiance absolue et une charité qui a toutes les qualités que nous décrit Saint Paul dans l’Epître. Dans cette soumission totale de son intelligence et de sa volonté, il est mené par Dieu, qui le fait réaliser ses desseins au milieu d’épreuves terribles. Il renouvelle l’alliance avec lui et le fait père d’une innombrable postérité, qui n’est pas seulement le peuple juif, mais tout le peuple chrétien qui en est l’achèvement.

Abraham était la figure du Christ qui devait, lui, donner au peuple de Dieu sa forme parfaite et le conduire, par la sagesse de sa vision et l’infinie miséricorde de sa charité, dans la terre promise de l’éternelle béatitude. Il demeure, par toutes ses qualités, le modèle du Chrétien qui doit, s’il veut recevoir comme lui en récompense la vision du Christ dans la joie, tendre de toutes ses forces vers la même foi, la même confiance, la même charité, et en vivre ; toutes choses qui sont le fruit du sacrifice que Pâques va ramener et renouveler devant nous pour que nous y entrions de plus en plus profondément.

INTROÏT

LE TEXTE

Sois pour moi un Dieu protecteur et un lieu de refuge afin que tu me sauves.
Car tu es mon firmament et mon refuge.
Et à cause de ton nom tu seras mon guide et tu me nourriras.

Ps.En toi, Seigneur, j’ai espéré, que je ne sois pas confondu.
Dans ta justice, délivre-moi. Ps. XXX, 3-4, 1.

Une expression est à préciser dans la traduction : própter nómen túum. Elle peut revêtir des sens légèrement différents : à cause de ta bonté, pour la gloire de ton nom, pour l’honneur de ton nom, en raison de ce que tu as promis en engageant ta parole. C’est le dernier qui est sans doute le plus dans le contexte, Dieu ayant fait à Abraham et à sa postérité de multiples promesses qui l’engageaient effectivement.

Ecrit par David au cours de ses persécutions, le Psaume XXXe est devenu le Psaume de l’abandon absolu dans la paix, depuis que Notre Seigneur s’est servi du verset 6e pour exprimer au Père, au moment où il allait mourir, la remise de son âme pacifiée : In mánus túas comméndo Spíritum méum…Entre tes mains je remets mon esprit.

C’est dans ce sens qu’il faut entendre les trois versets qui forment l’Introït. Ils sont la voix d’Abraham, du Christ, de tous ceux de leur race, de tous les membres de l’Eglise, demandant à Dieu de les recevoir, de les prendre en lui, de les couvrir de sa protection comme nous couvre le firmament ; de les nourrir, en leur donnant sans cesse le Pain de vie qui est son Verbe : Parole divine et Eucharistie. Tout cela, en attendant que, la mort nous ayant permis de mettre en acte toute notre puissance de vie, nous jouissions à jamais de la vision des Trois établis en paix dans la Terre promise et nourris éternellement, dans cette vision même, du pain des anges qui fait la béatitude.

LA MÉLODIE

Elle se déroule dans une atmosphère de douceur, de tendresse joyeuse, de paix abandonnée. Il n’y a pas d’angoisse, pas de supplication ardente ; on sent que l’âme est sûre d’être exaucée ; mieux encore, qu’elle l’est déjà. Elle a ce qu’elle demande : Dieu. Elle ne le cherche pas ; elle le possède, elle se repose en lui, réfugiée, à l’abri, couverte de sa tendresse dont elle expérimente la protection, forte comme un rocher à l’entrée d’une grotte, douce, lumineuse, immense et profonde comme le firmament. C’est moins une prière proprement dite qu’une sorte de parole d’amour, dans laquelle l’âme demande, uniquement pour recevoir une réponse où sera toute la tendresse de l’aimé. D’om le caractère d’intimité heureuse qui est partout.

Le développement mélodique est très restreint dans les deux premières phrases : quelques notes bien posées sur la tonique, une douce pression, qui commence sur les deux syllabes de Déum, monte en un rythme gracieux sur protectórem et se renouvelle, avec une nuance bien marquée de supplication, sur refúgii.  Après un accent un peu plus prononcé sur ut sálvam me qui met en relief le désir ardent qu’a l’âme d’être sauvée, cette douce ardeur se détend en un retour paisible et heureux à la tonique.

Même atmosphère de bonheur dans la second phrase mais nuancé d’une joie de plus en plus vive à mesure que se présentent à l’esprit les raisons d’avoir confiance. La mélodie a monté d’une tierce sur firmaméntum. Elle le fait à nouveau sur refúgium mais, dans l’une et l’autre incise, c’est vers méum que va tout le mouvement. Il y a là une tendresse que chacun comprend : « Tu es mon firmament à moi… » Gracieuse sur le premier méum, elle devient sur le second beaucoup plus ardente avec une nuance délicate de bonheur intime qui va trouver son plein développement dans la douceur profonde de la finale es tu.

La troisième phrase chante le guide bien aimé qui conduira l’âme dans les sentiers de la béatitude promise. Après avoir souligné d’un accent de ferme confiance própter nómen túum, le mot de la promesse, la mélodie dans un très bel élan s’élève d’une octave et va s’épanouir sur míhi dans un accent de joie enthousiaste cette fois ; la joie d’être conduit sur le chemin de la lumière et de l’amour par celui qui est la Lumière et l’Amour mêmes.

La dernière incise est, elle aussi, pleine de bonheur, mais d’un bonheur plus intime encore. La mélodie est revenue à la tonique ; elle souligne et d’un pressus sur lequel se mettra l’ardeur du désir, et, par une cadence bien posée sur la double note et le torculus allongé, elle s’achève dans la paix heureuse qui depuis le début ne l’a pas quittée.

Le Psaume reprend l’idée sur son rythme plein de joie et dans la même atmosphère.

Toutes les doubles notes ; celles de Déum, les deux – de méum, de própter, de enútries sont des bivirgas épisématiques. La première note du climacus de refúgii, dans certains manuscrits, est doublée d’une virga et les deux sont marquées d’un épisème. Bien les appuyer toutes, avec une pression délicate où passe le cœur. C’est de ces nuances d’intelligence et d’amour, disons : de vie, qu’est faite toute l’expression de cette pièce merveilleuse.

Retenir avec grâce le motif de Déum. Les porrectus de protectórem, légers. Bien accentuer sálvum.

Dans la deuxième phrase, veiller au phrasé de firmaméntum. Le crescendo de la troisième s’épanouira sur míhi avec une grande douceur.

GRADUEL

LE TEXTE

Tu es le Dieu qui fais des merveilles à toi tout seul :
Tu as fait connaître aux nations ta puissance.

Verset.Tu as délivré par ton bras ton peuple, les fils d’Israël et de Joseph. Ps. LXXVI, 15-16.

Dans leur sens littéral, ces deux versets ont trait à tout ce que Dieu a fait pour le peuple juif.

Ils s’appliquent ici d’une façon particulière à Abraham, au Christ, à l’Eglise. Par eux Dieu a manifesté sa puissance. Il a fait à Abraham et à sa race une place parmi les nations. Il a fait le Christ et l’Eglise conquérir les peuples eux-mêmes. Plus encore, il a, par son bras, sauvé tous les hommes, en les faisant un avec lui dans la charité et en les fixant dans l’éternelle béatitude de la Terre promise.

C’est son admiration et sa reconnaissance pour cette merveille d’amour, décrite en termes si précis par Saint Paul dans l’Epître, que l’Eglise chante dans le Graduel, comme un hommage à la miséricordieuse bonté qui l’a voulue et qui l’a faite.

LA MÉLODIE

(III) Tu es Déus qui fácis mirabília sólus
Nótam fecísti in géntibus virtútem túam.

L’intonation est admirable de révérence humble et douce. Montant du grave vers la cadence si fine de mi, elle amène le motif de Déus – presque exclusivement réservé au nom divin – qui se développe dans le même sentiment avec peut-être une nuance de tendresse plus marquée. Après cette première incise, qui nous établit en relation d’intimité avec le Seigneur, la mélodie s’emploie à chanter sa louange. Elle s’élève sur qui fácis mirabília dans un magnifique élan d’ardeur enthousiaste qui ne la quittera plus.

Par delà la cadence de sólus, où se retrouve la révérence du début, cette ardeur passe à la seconde phrase où elle s’intensifie en un mouvement hardi qui dit fort bien la joie et la fierté de ceux qui ont été l’objet et l’instrument de cette puissance divine ; Notez le pressus qui insiste sur le si de fecísti et ceux de géntibus qui mettent le mot en un relief si fort. Même cadence de vénération pour finir la phrase, et le mouvement repart sur virtútem. Ce n’est pas un élan hardi qui le caractérise cette fois, mais une série de notes longues. Bien posées et répercutées sur le mot même qui dit la puissance de Dieu, elles donnent très nettement l’impression d’une autorité qui s’impose et de la force qui l’impose.

Le Verset.Liberásti in bráchio túo pópulum túum, fílios Israël et Joseph.

L’expression est la même que dans la première partie. Aussi bien le sens aussi est le même ; c’est seulement un exemple particulier de la puissance divine se manifestant au monde. Une nuance de reconnaissance émue s’y mêle toutefois dans la première phrase, amenée par bráchio túo, si évocateur des bras du Christ étendus sur la Croix. Il s’agit de nous ; chacun de nous ayant été touché par les bras sauveurs, qui, à travers les sacrements, s’offrent à tous ceux qui veulent les saisir et profiter de leur force libératrice.

La mélodie a moins d’éclat cependant dans son ensemble. La première phrase s’achève bien sur la cadence du VIIIe mode, mais toute l’incise de bráchio túo demeure en la mineur, sans compter que, selon toute probabilité, l’intonation était sol-si et non sol-do. Cette nuance, où passe comme une touche délicate de compassion et de repentir, se prolonge sur pópulum túum tout le long de la seconde phrase. C’est une longue insistance. Les trois cadences en demi-ton sur si ou sur mi, y mettent comme une nuance de tendresse qui n’ose pas se laisser aller, retenue qu’elle est par le souvenir du passé.

Dans la troisième phrase, un bel accent de joie jeune, fraiche, ardente, soulève l’admirable vocalise qui, sur fílios Israël, chante la radieuse beauté de l’Eglise rachetée par le Christ et sans cesse embellie du vif éclat de son Sang précieux. On remarquera notamment le motif répété de la deuxième incise si léger, la grâce du retour de sol à do et la cadence qui, de la tristropha où s’est épanouie l’idée, descend vers le grave, mais s’arrête dans la plénitude du Ier mode cette fois. Le dernier mot repart en sol. C’est comme un nouveau mouvement qui se développe en une thésis, pleine de modération et de grâce, elle aussi, et qui s’achève sur la cadence du mode en une nuance toute de contemplation.

Il faut chanter avec vie, faute de quoi, au lieu d’une louange, ce serait une plainte. Elargir légèrement le torculus de fácis ; de même le motif de nótam.

Rattacher d’aussi près que possible virtútem à géntibus. Faire les répercussions de la troisième phrase assez fortes.

Dans le Verset, passer sans respirer par-dessus le quart de barre de túo, retenir légèrement le début de pópulum, y compris la montée qui suit le quart de barre.

Faire attention de ne pas précipiter fílios Israël après la cadence de túum ; lier et arrondir les sommets de la vocalise, ralentir la descente sur re. Bien rythmer la cadence de Joseph.

TRAIT

LE TEXTE

Acclamez le Seigneur, toute la terre,
Servez le Seigneur dans la joie ;
Entrez en sa présence avec joie.
Sachez que c’est le Seigneur qui, lui-même, est Dieu.
Lui nous a fait et non pas nous ;
Nous, nous sommes son peuple et les brebis de son pâturage. Ps. XCIX, 1-2.

Une invitation à louer Dieu et à le servir dans la joie. Elle vient ici fort à propos. Dans le Graduel, l’Eglise a glorifié le Seigneur pour tout ce qu’il a fait ; elle invite maintenant toute la terre et chacun de ses habitants à  se joindre à elle en une louange universelle.

LA MÉLODIE

Ce sont les formules ordinaires des Traits du VIIIe mode. L’application aux paroles n’a rien de particulier. Un mouvement alerte contribuera à donner à cette invitation son caractère d’appel joyeux.

La première phrase du dernier verset est originale. Elle attire l’attention sur et non ípsi nos, avec une pointe d’esprit peut-être ; mais elle est bien à sa place.

OFFERTOIRE

LE TEXTE

Béni es-tu Seigneur, enseigne-moi tes justes lois.
De mes lèvres, je dirai tous les préceptes de ta bouche. Ps. CXVIII, 12-13.

Ces deux versets sont une belle paraphrase de l’Évangile. « L’aveugle guéri le suivait en glorifiant Dieu et tout le peuple ayant vu cela rendit gloire à Dieu… » Nous sommes à la fois l’aveugle guéri et le peuple qui loue. Nous glorifions Dieu : Benedictus… ; et nous lui demandons ce que l’aveugle a demandé : de connaître de mieux en mieux sa volonté et de voir en toute circonstance ce qu’il convient de dire et ce qu’il convient de faire.

LA MÉLODIE

Elle est toute en demi-teinte ; il n’y a pas de supplication poussée dans la prière ni d’éclat dans la louange. Elle se développe dans une douce atmosphère de paix et de joie délicate. Elle n’a pas absolument le ton d’intimité de l’Introït mais s’en approche de très près.

Les deux punctums allongés de l’intonation, la grâce ravissante des rythmes binaires de ce premier mot, les clivis do-si répétées et allongées, elles aussi, donnent à toute la première partie quelque chose de très tendre et de très humble à la fois. L’âme, toute avec le Seigneur, ne sent pas le besoin de pousser sa prière mais se trouve en même temps comme timide dans l’expression de sa louange. Elle s’enhardit quelque peu sur le premier justificatiónes túas ; mais c’est seulement à la fin de la deuxième phrase, après qu’elle a redit, sur les mêmes notes, sa louange délicate, qu’elle lance sa joie sur túas en un très beau motif qui proclame en même temps son ardente admiration pour la sagesse et l’amour de celui qui est la lumière et qui la donne avec tant de bonté.

Il y a dans la troisième phrase plus de mouvement et aussi une nuance de fermeté – notamment sur lábiis méis et sur pronuntiávi – qui sert bien les mots de la promesse.

Après une nouvelle cadence en fa qui rime avec celle de túas, cette même ferme assurance se retrouve dans la troisième phrase qui s’achève en une très belle formule. L’âme toute en contemplation de la divine Sagesse, y berce son bonheur sur les rythmes admirables dont elle s’est déjà servie pour chanter les charmes de l’Epoux dans le Graduel Diffúsa est.

Ce chant demande beaucoup de délicatesse.

Bien élargir les clivis de dóce me. Elargir également quelque peu la montée sur in lábiis ; y relier pronuntiávi.

Relier aussi la dernière phrase à la précédente de très près. Oris demande beaucoup de soin. Pour lier comme il faut les intervalles de quarte sol-do, on élargira légèrement le sol. Bien balancer les rythmes binaires de túi.

COMMUNION

LE TEXTE

Ils mangèrent et furent rassasiés à l’excès ;
Et leur désir, il le leur accorda, le Seigneur ;
Ils ne furent pas déçus dans leur désir… Ps. LXXVII, 29-30.

Ces deux versets ont trait à la manne qui fut, dans le désert, la nourriture du peuple en marche vers la Terre promise. Dans un sens très large et en dehors du contexte, on peut l’entendre aussi des bienfaits matériels de toute sorte dont Dieu combla Abraham et sa postérité ; mais son vrai sens spirituel a trait à l’Eucharistie dont la manne était la figure.

Chant de communion parfaitement adapté. Au moment où elle se nourrit de la chair et du sang du Christ, l’Eglise se redit à elle-même ces mots par lesquels les Juifs chantaient la satisfaction de leur désir, comme le témoignage de la joie que lui apporte la communion et comme le gage de la béatitude dont, apr elle, elle jouira un jour dans la Terre promise de l’éternité.

LA MÉLODIE

Le texte n’est qu’un récit et l’auteur l’a traité comme tel, très sobrement, mais dans une atmosphère de joie profonde.

Joie sans éclat ici encore, mais qui est partout ; dans le mouvement discret de l’intonation qui va s’épanouir sur le pressus dans un rythme et une tonalité si franche, dans la souplesse admirable de saturáti sunt, dans les cadences profondes de nímis et de eórum si expressives d’une satisfaction totale, dans le beau mouvement de éis si plein de fervente gratitude pour la miséricorde du Seigneur qui se pencha sur les pèlerins de la Terre promise et qui continue de se pencher sur ceux de la Jérusalem céleste, dont nous sommes…

Dans la dernière phrase, il faut noter le bel accent de fraudáti. Cette constatation heureuse de la promesse tenue et dépassée se développe jusqu’à la fin.

Sur l’admirable motif de a desidério vient s’y ajouter l’assurance que le désir, sans cesse renaissant, de posséder toujours plus le Seigneur dans l’Eucharistie sera, lui aussi, sans cesse comblé… et au-delà.

Chanter avec beaucoup de souplesse.

Donner un peu de poids à la syllabe accentuée de manducavérunt, de même à la première note des podatus de et saturáti. Pas de ralenti à eórum. La double note de fraudáti est une bivirga épisématique. Qu’elle soit bien appuyée et que toute la confiance que donne à l’âme l’action miséricordieuse du Seigneur, y passe et se continue, mêlée au désir, sur a desidério, qui sera très expressif.

 Polyphonies pour le Carême

Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici

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