L'introït Suscepimus Deus du VIIIe dimanche après la Pentecôte par la Schola Bellarmina
Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.
INTROÏT
LE TEXTE
Versez votre rosée, cieux, d'en haut, et que le nuages pleuvent le Juste. Qu'elle s'ouvre, la terre, Et qu'elle germe le Sauveur.
Ps.- Les cieux disent la gloire de Dieu
Et l'œuvre de ses mains, il la proclame, le firmament. Isaïe, XLV, 8 - Ps. XVIII, 2.
Au chapitre XLV, Isaïe rapporte ce qu'il a entendu le Seigneur dire à Cyrus, qu'il va susciter pour être son christ, sauver le peuple et rebâtir la cité et le temple. A la vision de ce sauveur d'un moment, par delà lequel il voit le Messie et son œuvre éternelle, il est transporté et, interrompant sa prophétie, lance vers le ciel son désir ardent pour que soit bâtie la venue des deux libérateurs. Il le fait sous la forme poétique de la rosée qui fait germer la plante, symbolisant ainsi l'action divine qui fera de Cyrus et du Christ des sauveurs parfaits.
Au sens liturgique, c'est l’Église qui appelle le Messie. Rien n'est à changer dans l'image du prophète, mais il faut lui donner tout son sens divin. La rosée sollicitée du ciel, c'est l'action fécondante du Saint-Esprit ; la terre, c'est Notre-Dame, fleur de la race, qui s'ouvre au sommet de la tige de Jessé et qui, fécondée sous l'ombre mystérieuse de l'Esprit du Très-Haut, va produire son fruit divin ; le Verbe fait chair.
Cette prière admirable et tout à fait à sa place le Mercredi des Quatre-Temps, tout entier consacré à l'Annonciation. Il faut lui garder ici la même interprétation ; d'autant que, par l'Offertoire et la Communion tout au moins, le mystère continue d'être fêté. Et il faut la chanter comme la prière suprême, entendue de Dieu par delà les siècles, et qui a contribué à faire venir plus tôt l'heure du Messie et de Notre-Dame ; mais aussi, comme la supplication qui va mériter aux âmes de recevoir le Verbe fait chair quand il va revenir et de se livrer à l'influence de son Esprit comme la terre à la rosée, lui donnant ainsi ce qu'il attend d'elles pour réaliser la plénitude de son Incarnation.
Le Psaume, lui, n'est pas une prière ; il est la constatation joyeuse des merveilles de Dieu qui se réalisent dans le mystère.
LA MÉLODIE
Une prière ardente de deux phrases qui s'opposent ici, encore, suivant le texte, comme le ciel et la terre.
La première est un admirable mouvement de l'âme portant on désir, comme dans le graduel. Qui sédes, aussi haut que possible, jusqu'aux nuées fécondes d'où va venir la céleste rosée, puis redescendant douce et paisible comme descendra le Juste qu'elle chante. La supplication est ardente sur le pressus de caeli, les quilismas de désuper, le pressus de pluant, mais il n'y a pas d'inquiétude, de doute, d'angoisse ; au contraire, une grande sérénité et une joie discrète se mêlent partout à la prière dans la tonalité claire du mode de fa ; la joie de l'Eglise qui sait, car elle en jouit déjà, tout le bonheur qu'il y a pour elle dans cette pluie fécondante qu'elle sollicite.
La seconde a moins d'élan. C'est la terre que l'Eglise regarde et encore qu'il s'agisse de Notre-Dame, ce chef-d'œuvre de grâce qui va produire la nature humaine du Christ, n'est-elle pas tout en bas par comparaison avec l'infinie perfection du verbe qui va y descendre ? Et puis, c'est le mystère dont la profondeur ne saurait se chanter ; Aussi, après l'ardeur de la supplication sur aperiatur, la mélodie revient-elle au mode de ré, et en des neumes qui s'effacent de plus en plus, elle s'éteint, gracieusement d'ailleurs, sur Salvatorem, le mot du désir.
La deuxième note de ra dans Rorate doit être élargie. Le crescendo de la première incise sera ardent mais sans éclat ; c'est une prière. Bien accentuer nubes et aller sur le pressus de pluant en progression.
Veiller à ce que tur dans aperiatur ait bien sa valeur et qu'on ait le temps d'articuler. Térra sera légèrement retenu ainsi que les quatre dernières notes de gérminet.
Le Psaume sera chanté dans un bon mouvement et pénétré déjà de la joie du « Gloria in excelsis » qu'il prophétise.
GRADUEL
LE TEXTE
Il est proche, le Seigneur,
De tous ceux qui l'invoquent,
De tous ceux qui l'invoquent dans la vérité.
Verset. - La louange du Seigneur,
Elle la chantera, ma bouche,
Et que toute chair bénisse le Seigneur. Ps. CXLIV, 18, 21.
Dans la première partie, le psalmiste exprime une idée très simple ; à savoir que le Seigneur est tout disposé à écouter ceux qui le prient. Toutefois, il a précisé d'un mot : ceux qui le prient dans la vérité ; c'est-à-dire qui lui demandent, en toute sincérité, des chose vraies ; entendons : ceux qui sont conformes à sa volonté, car la vérité, c'est, en même temps, ce que Dieu pense et ce que Dieu veut.
Le Verset, lui, est un hommage de reconnaissance de l'âme qui promet à Dieu une louange sans fin en retour de la bienveillance qu'il lui témoigne.
Au sens liturgique, peut-être serait-on porté à s'appuyer sur les premiers mots Prope est Dominus pour faire entrer ce texte dans le cadre de l'Avent. Ce ne serait pas absolument exact car c'est en tout temps que le Seigneur exauce ceux qui savent le prier. Il ne faut pas non plus le rattacher à l'Epître qui vient d'être lue, mais à l'Epître du mercredi précédent pour laquelle il a été choisi. Dans cette Epître, on nous ait entendre l'histoire d'Achaz qui, par manque de confiance, refusa de demander un prodige au Seigneur et qui reçut, en réplique, d'Isaïe la fameuse prophétie qui annonçait le prodige des prodiges : « Le Seigneur vous donnera lui-même un signe : Voilà qu'une Vierge concevra et enfantera un Fils et son nom sera Emmanuel ». A la fin de ce récit, ces deux versets viennent sur es lèvres de l'Eglise comme une sorte de réflexion. Repliée sur elle-même et gardant bien présent à l'esprit tout ce qu'elle vient d'entendre, elle se dit : Achaz a eu tort...Le Seigneur est tout près de ceux qui l'invoquent et bientôt il sera plus près d‘eux encore ; car le prophète a dit que Celui qui doit venir aura nom Emmanuel, ce qui veut dire : Dieu est avec nous.
Cette annonce précise de l'Incarnation amène alors la grande louange du Verset. Laudem Domini...
LA MÉLODIE
(V) Prope est Dominus omnibus invocantibus éum omnibus qui invoquant éum in verita te.
Elle est composée de trois formules : celle de Prope est Dominus et les deux de éum. Ces formules sont reliées entre elles par les motifs presque syllabiques de omnibus invocantibus et de omnibus qui invoquant. Un seul mot est original, in veritate, encore s'achève-t-il en une formule finale commune.
Le fait qu'elle est à ce point centonisée n'empêche pas qu'elle soit très expressive. L'auteur s'est servi de formules toutes faites mais il les a choisies pour le texte et les a disposées de telle sorte qu'elles puissent en exprimer au mieux le contenu. Notez qu'elles sont placées sur les mots importants : Dominus, le nom divin, et éum qui le représente ; et que, par le contraste que font leurs neumes avec les motifs syllabiques qui les entourent, elles les mettent en particulier relief. Aussi bien est-ce le mot de l'Epître : Pete signum a Domino, dit Isaïe. Non tentabo Dominum, répond Achaz. Propter hoc dabit Dominus ipse vobis signum, réplique le prophète.
L'intonation est grave. (Cette formule n'est employée que sur le mot Dominus ; de sorte qu'elle est moins une formule centon qu'un motif réservé uniquement au nom du Seigneur, comme plusieurs autres.) Mais ce serait une erreur d'y voir la moindre tristesse. Au contraire, on y discerne déjà en une nuance discrète la joie qui se dégage du texte et qui caractérise tout le Graduel. Toute pénétrée de respect, elle se retient, s'efface, sur le nom divin, mais, sitôt après, elle se laisse aller, se développe sur omnibus invocantibus et va s'épanouir sur éum en un bel élan qui se détend dans la plénitude de la cadence en fa. Elle passe dans la seconde phrase, s'élève avec grâce sur omnibus, puis redescend dans le grave où elle se revêt à nouveau sur éum d'une certaine révérence qu'elle garde jusqu'à la fin.
Le Verset. - Laudem Domini loquétur os méum Et benedicat omnis caro nomen sanctum éjus.
La joie est ici enthousiaste. Lancée avec une ferme assurance sur la distropha de Laudem, elle se développe en une sorte de contemplation sur Domini : légère, souple, heureuse. Une nuance de tendresse plus marquée passe avec le si b, puis l'exaltation, grandissant à nouveau, va vers loquétur os méum où elle atteint toute sa puissance d'expression sur les mots mêmes qui disent la joie de pouvoir chanter à jamais.
L'enthousiasme est le même dans la seconde phrase. Sitôt qu'elle a été ramenée à la dominante, la mélodie s'élance à l'extrême limite du mode, enveloppant de toute sa puissance l'ardent souhait de l'Eglise. Elle s'y arrête d'ailleurs ensuite en un gracieux mouvement descendant, puis, pour finir, se pénètre à nouveau de tendre respect sur nomen sanctum éjus.
Comme on le voit, ce verset a un caractère de joie éclatante qui ne s'est pas encore rencontré au cours de l'Avent. L'auteur a-t-il voulu donner là comme une première annonce de la joie de Noël et en pénétrer déjà l'âme des fidèles ? On a d'autant plus de raisons de le croire que les formules 53 et 54 sont particulières à la période de la Nativité. On les trouve ailleurs, mais elles sont si fréquemment répétées au temps de Noël qu'elles contribuent, sans aucun doute, pour leur part, à créer l'atmosphère musicale. El semble que ce soit comme le début d'un crescendo de joie qui, parant du Mercredi des Quatre-Temps, jour consacré à l'Annonciation, jour de l'Incarnation, atteint toute sa puissance aux jours de Noël et de l'Epiphanie.
Ne pas chanter l'intonation avec des effet de basse, mais avec la simplicité et la douceur qui conviennent à une contemplation paisible. Le crescendo est le premier éum sera discret et mené dès le début de l'incise ; C'est une formule assez délicate mais très expressive. Il y a sur le do une distropha, puis al première note de la clivis ou du climacus ; les distrophas seront posées doucement et la voix, renforcée, ira vers la note qui suit pour la répercuter, délicatement. Il s'en suivra une onction pénétrée de ferveur qui servira admirablement le pronom éjus qui tient la place de Dominus.
Retenir quelque peu veritate ; la tristropha, douce. Bien distinguer dans la vocalise qui suit, sur le la, les deux distrophas, du pressus ; lles reçoivent doucement le posé de la voix ; de même celle qui se trouve sur le do dans la dernière incise.
C'est une bivirga qu'il y a sur Laudem au début du Verset ; qu'elle soit appuyée, forte et bien lancée. Sur Domini, deux distrophas et répercussion sur la première note de la clivis ; même interprétation que plus haut. Une bivirga avant les deux climacus qui finissent la première phrase ; bien accuser la première note du second.
La tristropha de os, légère. Bien pendre grade à donner toute leur valeur aux trois notes qui précèdent les notes doubles de méum ; les retenir légèrement évitera le danger d'en faire un triolet. Poser nettement l'épisème vertical de omnis, allonger même un peu la note. (Dans plusieurs cas, la 2ème note est un quilisma.) Un gracieux ralenti sur sanctum, qui se poursuivra sur éjus jusqu'à la fin.
ALLELUIA
LE TEXTE
Viens, Seigneur et ne tarde pas.
Pardonne les péchés de ton peuple.
Cette phrase ne se trouve pas dans l'Ecriture. L'idée en est très simple et s'applique sans difficulté à l'un ou à l'autre des sens de l'Avent. C'est une prière dont l'objet est nettement déterminé : la prière de tout le peuple de Dieu, de toute l'Eglise, suppliant le Christ de venir sauver le monde.
LA MÉLODIE
On la rencontre deux autres fois au cours de l'année : le XXe Dimanche après la Pentecôte (Alleluia Paratum cor méum) et à la messe Loquebar d'une Vierge Martyre (Alleluia Adducentur).
Elle commence dans le grave et se meut lentement dans toute la première phrase, comme la prière très humble du pécheur qui n'ose pas lever les yeux, accablé qu'il est sous ses fautes. Ce n'est que dans la seconde incise qu'elle prend un peu d'ardeur, il y a sur et noli tardare un très bel accent de pressante supplication.
Dans la seconde phrase, la prière est plus aisée sur relaxa. La longue vocalise de facinora est, en elle-même, assez indifférente, mais elle prend, avec les mots, un caractère de prière fort bien adapté. Il y a, dans la répétition du motif initial, une progression qui fait la supplication de plus en plus forte. La première fois, elle monte par trois degrés au si b ; la seconde fois, par un seul mouvement de quarte, elle atteint le do qu'elle marque d'un pressus ; la troisième, elle s'y pose sans préparation et y demeure trois temps. Il y a là une vigueur accrue du plus heureux effet. La mélodie redescend ensuite dans le grave et finit sur une formule propre à certains graduels du Ier mode, elle aussi très priante et très humble, avec une touche assez marquée de crainte révérentielle.
L'Alleluia, lui, est du IIIe mode, mais l'unité demeure parfaite et l'expression y trouve son bien. L'Alleluia ayant en lui-même un caractère de louange que le contraste rend plus marqué encore.
Prendre garde de faire trop longue la double note initiale de l'Alleluia, lequel doit avoir un certain mouvement. Bien balancer le rythme de l'arsis ; la vocalise légère.
Veni Domine tranquille et discret. Crescendo sur noli ; tardare sans éclat. Noter que, dans les thésis de la seconde phrase, toutes les notes doubles sont des distrophas, légères donc ; de même les deux qui précèdent la clivis sur le do, à la dernière reprise du motif. Par contre plé dans plébis est une bivirga. Lier avec soin les grands intervalles de l'avant-dernière incise.
OFFERTOIRE
LE TEXTE
Salut, Marie, de grâce remplie,
Le Seigneur (est) avec toi.
Bénie (es-)tu entre les femmes,
Et béni le fruit de ton sein.
C'est la salutation de l'Ange Gabriel à Notre-Dame et celle d'Elisabeth combinées en un seul texte, lequel forme la première partie de la Salutation angélique. Il n'y manque que le dernier mot, Jésus, qui d'ailleurs ne fut pas dit par Elisabeth.
Au sens liturgique toutefois, ce n'est ni l'Archange ni Elisabeth qui saluent Notre-Dame ; la combinaison des deux salutations en un seul texte s'y oppose. C'est toute l'Eglise qui, au moment où est commémorée la Conception de Notre Seigneur, fait monter sa louange vers celle que Dieu a choisie pour sa mère. Elle a entendu, au cours de la semaine écoulée, le mercredi, le récit de l'Annonciation, le vendredi, celui de la Visitation ; elle recueille, sur les lèvres de l'Archange et d'Elisabeth, les paroles inspirées pour les redire à Notre-Dame, comme l'hommage le plus parfait qu'elle puisse rendre à sa sainteté incomparable et à sa maternité divine.
Bien noter que c'est une salutation. Ceci implique que les chanteurs soient en communication directe avec Notre-Dame : qu'ils chantent pour elle et qu'ils aient conscience que du haut du ciel, elle les écoute et reçoit leur hommage dans la joie de son cœur maternel.
LA MÉLODIE
Quatre phrases (Ave Maria gratia plena ne forme qu'une seule phrase. La grande barre qui suit Maria doit être considérée comme une demi-barre). Les trois premières, en progression l'une sur l'autre, conduisent l'idée jusqu'à Benedicta tu, point culminant de la louange. La quatrième redescend vers le grave où elle s'achève dans la contemplation du mystère.
Il n'y a pas d'éclat dans l'Ave de l'intonation ; c'est un salut gracieux enveloppé de vénération profonde et tendre. Tout le long de la première phrase, l'âme se complaît dans cette attitude d'humble hommage ; elle s'anime seulement, d'un accent de ferveur, sur le nom béni. Un bel élan, habilement préparé, porte la syllabe accentuée de Maria à la dominante où les notes doubles et répercutées mettent un peu plus d'ardeur, d'admiration et d'amour. Mais ce n'est qu'en passant. Elle revient au grave sur gratia pléna et s'y enveloppe plus encore de contemplation ; aussi bien y a-t-l ici quelque chose de plus que la salutation. C'est déjà le mystère, le mystère indicible de l'Immaculée. La phrase s'achève sur pléna par un pressus qui met bien en valeur ce mot de plénitude, qui ne peut se dire que du Christ et de sa Mère.
Dès le début de la seconde phrase, la mélodie, établie sans préparation sur la dominante, prend tout de suite une allure de louange éclatante. C'est une qualité nouvelle que l'Eglise salue en Notre-Dame : son union avec Dieu. La plénitude de la grâce, c'est déjà le Seigneur avec l'âme ; mais, sur les lèvres de l'Archange, le Dominus técum indiquait une modalité spéciale de l'union divine. Le Seigneur est avec Notre-Dame comme il n'est avec personne. C'est de cette union merveilleuse que l'Eglise félicite Marie. La mélodie la sert admirablement. Le s'épanouit sur Dominus en un beau motif plein d'élan, deux fois répété, qui dit l'admiration enthousiaste que provoque l'infinie grandeur de Dieu, tandis que, sur técum, elle se retient comme recueillie, étonnée, confondue d'admiration, devant l'ineffable sainteté de Notre-Dame.
Elle se reprend sur Benedicat tu pour s'élancer cette fois à la limite de son étendue. C'est le troisième mot de a louange. Il est la conséquence des deux autres. C'est parce qu'elle est pleine de grâce et que le Seigneur est avec elle que Marie est bénie entre toutes les femmes ; nouvelle Eve, celle que toutes les nations diront Bienheureuse. La mélodie le met au-dessus de tout ; elle dépasse la dominante, monte et plane, à loisir, dans les hauteurs, s'appuyant sur des notes doubles et des pressus qui lui permettent de déployer toute sa puissance et de colorer d'accents de ferveur ce mot de bénédiction. Il s'achève sur le pronom tu en une belle cadence pleine et large qui va tout droit à Notre-Dame avec une nuance délicate de tendresse. La seconde incise ramène à la dominante le mot muliéribus. L'admiration s'y prolonge, toujours fervente ; notez le pressus et le torculus avec son mouvement hardi de quarte retombant sur la bivirga de la syllabe accentuée. D'une façon assez inattendue, la phrase s'achève par une cadence en demi-ton sur si qui laisse la mélodie en suspens, comme si l'Eglise, évoquant en une sorte de contemplation toutes les femmes de la race, les voyait se perdre en une perspective infinie, tendues en un geste de bénédiction vers Notre-Dame qui, de très haut, enveloppée dans la gloire du Verbe Incarné, les domine toutes de l'éclat de sa maternité.
La quatrième phrase est, de toutes, la plus profonde. Ici, c'est le mystère ; le mystère du Verbe fait chair dans le sein de Notre-Dame. La mélodie abandonne les hauteurs, descend par degrés, sur benedictus qu'elle souligne seulement d'un pressus, descend encore sur fructus, puis demeure dans le grave, presque sans se mouvoir. Un motif deux fois répété de quelques notes qui montent et descendent par degrés conjoints sur véntris, un dernier pressus sur tui comme pour faire rejaillir la gloire du Fils sur la Mère - car c'est pour le Fils qu'est toute la louange dans cette dernière phrase - et c'est tout. L'ineffable ne saurait s'exprimer.
Il faut chanter avec beaucoup de souplesse. On y veillera particulièrement dans l'intonation. Le climacus qui s'achève sur la première note pointée sera légèrement retenu pour donner à cette demi-cadence sur mi toute sa valeur d'admiration gracieuse et tendre.
Chanter Maria avec beaucoup de ferveur. Les deux premières notes de ri bien appuyées, assez fortes, avec l'élan de l'accentuation : ce sont deux virgas ; les deux autres sont des distrophas ; la répercussion en sera délicate et il y aura un crescendo jusqu'à la répercussion, très délicate aussi, de la virga. La cadence sur sol très peu ralentie, de façon à rattacher Maria à gratia pléna. Une pause.
Discret a tempo au départ de Dominus dont les thésis seront légères, comme le sera la tristropha de técum, qu'on renforcera toutefois pour la lier au climacus. Sur ne dans Benedicta, une bivirga, bien l'appuyer et mener le crescendo e un bel enthousiasme vers le pressus. Conduire avec mesure l'admirable descente de benedictus fructus, sans que la voix perde brusquement de sa sonorité. Véntris tui très lien avec le salicus bien doux.
COMMUNION
LE TEXTE
Voici qu'une Vierge concevra
Et enfantera un Fils,
Et il sera appelé de son nom Emmanuel. Isaïe, VII, 14.
Cette parole fut dite comme une prophétie par Isaïe à Achaz. « Le Seigneur vous donnera lui-même un signe : voici qu'une vierge enfantera... » Le signe promis arrivera le jour de l'Annonciation. C'est le mot même du prophète en effet que l'Archange dit à Notre-Dame : « Voici que vous concevrez et enfanterez un Fils et vous lui donnerez le nom de Jésus ».
Ce texte est tout à fait à sa place le jour où est commémorée l'Annonciation. Toutefois il ne semble pas qu'il doive être chanté ici comme une prophétie ; c'est l'Eglise qui après avoir entendu la parole du Prophète à l'Epître, et celle de l'Ange à l'Evangile, y revient, au moment de la communion. Contemplant dans la lumière de la grâce sacramentelle, l'Incarnation qui se prolonge par l'Eucharistie dans tout le Corps Mystique, elle chante la joie de l'Emmanuel, du Dieu avec nous, en même temps que le mystère de Noël dans lequel à nouveau va s'accomplir mystiquement la parole divine.
LA MÉLODIE
Une joie émerveillée ; on en caractériserait bien ainsi, en deux mots l'expression. Elle est très discrète dans sa première incise, avec quelque chose de recueilli, de contemplatif, répandu sur toute la thésis de concipiet. Dans une sorte de jouissance profonde, l'âme admire le mystère de la Vierge Mère.
Et voilà qu'elle s'anime et que son admiration prend de l'ampleur. Un souffle puissant passe, qui emporte les mots dans l'enthousiasme, Filium après pariet, comme si l'âme, de plus en plus éclairée, réalisait ce qu'est le mystère de la maternité divine.
Mais, à peine a-t-elle saisi cette seconde merveille, qu'une troisième s'offre à elle : le mystère de Dieu avec nous cette fois, et vocabitur Emmanuel... Elle n'a pas le temps de s'arrêter si peu que ce soit ; de la première phrase, le souffle d'allégresse passe dans la seconde, l'entraînant dans la progression jusqu'à la distropha de vocabitur. Là quelque chose change. Le mystère s'étend. Il s'étend jusqu'à l'âme. Elle sent qu'elle y entre, en ce moment de la communion. Elle se recueille, se refermant sur les merveilles qui s'opèrent en elle. La mélodie la suit dans sa contemplation. Elle n'a plus le souci des notes éclatantes, ni des mouvements à grand espace ; elle se retient. Notez les clivis allongées de vocabitur, elle descend peu à peu vers le grave, jusqu'à ce qu'elle arrive à Emmanuel, le mot du mystère. Elle s'y complaît, en une formule qui, comme celle du véntris tui de l'Offertoire, se contente de quelques notes conjointes qui descendent et montent mais où passe toute la tendresse de l'âme pour l'Hôte divin qui est avec elle.
L'intonation paisible ; de même concipiet dont les podatus seront bien posés. Ceux de pariet aussi, tout le sommet en sera élargi. Le lier étroitement à Filium qui sera à peine retenu afin que l'enthousiasme aille croissant sur et vocabitur. C'est une bivirga qu'il y a sur vo. Retenir quelque peu tur. Beaucoup de grâce et de ferveur sur Emmanuel, qui sera très ralenti.
- Polyphonies pour l'Avent
- L'hymne Creator alme siderum en alternance grégorien/polyphonie
- L'hymne Creator alme siderum en grégorien
- Les cantiques de l'Avent (CD)
- Les cantiques de l'Avent (Partitions)
Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici
Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.
INTROÏT
LE TEXTE
Nous avons reçu, ô Dieu, ta miséricorde au milieu de ton temple. Comme ton nom, ainsi ta louange s’étend jusqu’aux confins de la terre. De justice est pleine ta main. Ps. – Grand est le Seigneur et digne de louange dans le Cité de Dieu sur la montagne sainte. Ps. XLVII, 10, 11, 1.
Le Psaume XLVII est un cantique de pèlerinage à Jérusalem. Il commence par un cri d’admiration : « Grand est le Seigneur. » Suit la description de la ville. Il y a alors, pour le moment où le pèlerin est dans le Temple, une strophe qui chante sa reconnaissance. « Nous avons reçu, ô Dieu, ta miséricorde au milieu de ton Temple… Ta louange est partout car ta main est pleine de justice ». Et par ce dernier mot, est évoquée sans doute la fidélité de Dieu à ses promesses.
Évidement, il ne s’agit pas ici du Temple de Jérusalem, encore qu’il ait été le sujet des leçons de Matines. Ces versets du psaume n’ont d’autre objet que de dire à Dieu notre reconnaissance pour les grâces innombrables que nous avons reçues de lui.
En tout premier lieu, pour le don de son Esprit qui a mis en nous la vie divine et qui l’entretient et qui nous pousse, par son action incessante, à la vivre à plein…Et pour tout le reste que chacun sait pour soi.
Ces grâces, nous les avons reçues dans son Temple : qu’on l’entende des Églises matérielles ou de l’Église spirituelle ou seulement de notre âme qui est bien le Temple du Dieu vivant.
Ainsi, pour tout ce qu’il lui a dispensé, à elle et à chacun de ses membres, l’Église remercie Dieu par ce chant de louange qu’elle voudrait voir s’étendre aussi loin que son nom : jusqu’aux extrémités du monde.
LA MÉLODIE
La première phrase est douce, tranquille. C’est une évocation toute simple des heures qui furent remplies des dons de Dieu. L’âme la chante dans le joie, sur le motif du Gaudeamus et du Jubilate et de tant d’autres chants d’allégresse. Une nuance de ferveur reconnaissante s’élève sur misericordiam mais c’est la joie qui domine, fraîche, souriante; notez les fines broderies de in medio templi tui et la cadence en fa.
De ces souvenirs heureux, la louange jaillit soudain éclatante, enthousiaste. L’âme, exaltée, fait monter la mélodie en un bond hardi, pour célébrer le nom divin qu’elle enveloppe ensuite de pieux respect sur tu Deus.
Puis elle expose son souhait ita et laus tua. Avec fermeté et emphase à la fois, notez la double note – une bivirga, – le torculus élargi, la ferveur du pressus de tua. La phrase s’achève comme la première, fines terrae rimant avec templi tui.
La troisième phrase est d’un caractère tout différent. Liée de très près à la précédente, elle est comme un témoignage à la sagesse de Dieu. La mélodie demeure dans le grave, comme si l’âme évoquait, dans sa vie intime, les innombrables fidélités du Seigneur qui fondent sa louange et sa joie.
GRADUEL
LE TEXTE
Sois pour moi un Dieu protecteur et un lieu de refuge, afin que tu me sauves.
Verset. – O dieu, en toi j’ai déjà espéré. Seigneur, non, je ne serai pas confondu à jamais. Ps. XXX, 3, 4, 1.
Le Psaume XXX est devenu le Psaume de l’abandon absolu dans la paix depuis que Notre-Seigneur s’est servi du verset 6e pour exprimer à son Père, au moment où il allait mourir, la remise de son âme pacifiée : In manus tuas commendo spiritum meum.
Ces trois versets forment une prière tout empreinte de confiance qui est bien à sa place après l’Épître. Saint Paul nous dit en effet que, si nous voulons suivre l’Esprit dans la voie de la mortification où il nous guide, nous serons vraiment les enfants de Dieu et ses héritiers. Cette mortification de toute notre vie pourrait nous effrayer, mais il y a le Père, et ce n’est pas un Esprit de crainte que nous avons reçu mais un Esprit de confiance filiale. Alors, nous l’appelons le Père, et nous lui demandons de nous recevoir comme un refuge où toute crainte s’évanouit.
LA MÉLODIE
« La première partie se déroule dans une atmosphère de douceur, de tendresse joyeuse, de paix abandonnée. Il n’y a pas d’angoisse, pas de supplication ardente; on sent que l’âme est sûre d’être exaucée; mieux encore, qu’elle l’est déjà… C’est moins une prière proprement dite qu’une sorte de parole d’amour dans laquelle l’âme demande uniquement pour recevoir une réponse où sera la tendresse de l’aimé. D’où le caractère d’intimité heureuse qui est partout ».
Nous écrivions ceci de l’Introït de la Quinquagésime. Nous pouvons l’écrire de ce graduel. Le texte est le même. La mélodie a une forme différente mais c’est bien le même climat. Notez la paix heureuse de la première phrase, avec sur protectorem une douce pression qui s’achève dans le grave en une nuance de bonheur profond. Un désir plus ardent monte sur refugii, mais dans la paix toujours; ce n’est pas un refuge contre l’ennemi qui menace que l’âme demande, mais un lieu de repos : les bras du Père pour s’y enfouir et y être à jamais.
La dernière phrase ut salvum me facias a bien la même joie assurée et baignée de tendresse abandonnée.
LE VERSET
Ici la joie est plus extérieure, plus exaltée. L’âme ne demande plus; elle a reçu ce qu’elle demandait, elle est dans les bras du Père, bien gardée; elle exulte. Le bel élan qui l’emporte sur Deus in te speravi, en pleine joie, en plein amour, qui s’épanouit un instant sur cette cadence suspendue do re, lumineuse et simple comme un sourire, et qui l’emmène se complaire dans une tendresse baignée de gratitude sur les neumes de Domine multipliés et retenus avec ferveur.
Puis c’est l’affirmation, la certitude absolue posée sur non et qui devient tout de suite, sur le motif de confundar la joie légère, exubérante de l’espoir enfin comblé. Le chœur reprenant sur in æternam chante l’éternité. Il y a dans cette formule finale, commune mais très belle, quelque chose de profond qui sert vraiment bien le mot.
ALLELUIA
LE TEXTE
Grand est le Seigneur et très digne de louange, dans la cité de notre Dieu, sur sa montagne sainte. Ps. XLVII, 1.
C’est l’exclamation qui commence le Psaume des pèlerins. Elle chante la grandeur de Dieu qui se dégage de la Cité, posée sur le Mont Sion comme le trône terrestre du Tout-Puissant.
Sion était l’image du ciel, la figure de cette Jérusalem céleste où nous allons, nous aussi, pèlerins de toute notre vie, pour y recueillir l’héritage du Père que nous autorise à réclamer l’Esprit qui nous a faits ses enfants. Nous la voyons dans le lointain, figurée à nos yeux par les splendeurs du monde matériel et les splendeurs, plus exaltantes encore, du monde spirituel. Ce n’est pas elle que nous chantons, c’est l’ineffable merveille que nous ne voyons pas, mais qui nous a été révélée : la beauté infinie de Dieu qui dépasse tout, la Jérusalem céleste elle-même, car il est la Cité et le Temple… Dominus enim Deus omnipotens templum illius est, et Agnus.
LA MÉLODIE
On a dit que l’Alleluia fait penser aux chansons du moyen âge. C’est bien vrai que sa montée en quinte et le retour au ré par le la et le do lui donne une teinte de musique primitive. Mais la répétition deux par deux des motifs du jubilus le rapproche plus encore des vocalises, toutes naïves mais d’une ligne et d’un rythme si purs, que l’on entend chanter parfois dans la campagne.
C’est le chant d’un enfant paisible, simple, heureux qui laisse passer son bonheur sur ses lèvres sans souci de ce qu’il chante, avec peut-être une pointe de désir qui se précisera avec le texte du verset.
Celui-ci reprend d’abord sur Magnus, les derniers neumes de l’Alleluia qui précèdent le jubilus, puis, sur Domine, jaillit une envolée de joie exubérante. Une envolée vraiment, car c’est léger comme un vol d’oiseau et souple et frais. Trois temps composés ternaires qui s’élèvent dans l’élan de l’accent tonique et qui vont, sans un ralenti, mais avec une délicatesse extrême, se poser sur la dernière syllabe du mot. Quelle louange exaltante et pure pour le nom divin ! Et Laudabilis s’y joint dans la même simplicité. Quatre temps binaires rythment la descente, puis il y a une remontée : le motif de magnus est redit sur valde qui se trouve ainsi comme en rejet, mais d’une façon si imprévue, si simple aussi « qu’on a l’impression que le compositeur arrivé là s’est aperçu qu’il n’avait pas suffisamment rendu toute la louange qui débordait de son cœur et que comme dédommagement il a ajouté ingénument ce petit valde. « Joie de l’Église à la pensée de tout ce que le Seigneur est pour elle et de l’héritage de béatitude auquel il convie les siens dans sa Cité Sainte.
Les neumes de l’Alleluia reviennent sur civitate et à nouveau sur in monte ejus. Ils prennent avec le texte, non pas de la gravité, c’est trop dire, mais comme une nuance de contemplation. L’Église est fixée sur le ciel et chante sa joie, mais en mêlant à la réalité béatifiante de demain l’espoir d’aujourd’hui de sorte qu’on décèlerait aisément sur le sommet du premier motif comme un élan de désir. Cette nuance disparaît ensuite et c’est la joie pure jusqu’à la fin de la thésis. Un nouvel élan sur in monte ravive le désir qui se mêle à nouveau à la joie sur le jubilus pour la troisième fois entendu.
On l’entendra une quatrième à la reprise de l’Alleluia, mais on ne s’en lasse pas car il berce vraiment la contemplation heureuse de la Cité sur la Sainte Montagne.
OFFERTOIRE
LE TEXTE
Le peuple qui est humble, tu le sauveras, Seigneur. Et les regards des superbes, tu les abaisseras. Car qui est Dieu en dehors de toi, Seigneur ? Ps. XVII. 28, 31.
Au centre du Psaume XVII, dans lequel David chante sa gratitude à Dieu qui l’a délivré de la poursuite de Saül, ces deux versets sont une attestation de la justice divine agissant en toute circonstance. Dieu est bon avec ceux qui sont droits et simples et il les sauve; il est dur avec les orgueilleux, ceux qui se dressent et le regardent avec mépris; il les abaisse. Il n’en saurait être autrement car qui est Dieu en dehors de lui ? Or, ceux qui le bravent, en fait placent au-dessus de lui, et cela ne se peut ni ne se doit
Cet offertoire ne se rattache pas à l’Évangile, mais il s’harmonise si parfaitement avec l’offrande du sacrifice qu’il semble avoir été fait pour l’accompagner. Cette offrande en effet est essentiellement un acte d’humilité. In spiritu humilitatis et in animo contrito suscipiamur a te Domine…
L’homme reconnaît que Dieu est tout, qu’il lui doit tout, et il se donne à lui; en retour Dieu l’accepte et, par le fait, le faisant sien, il le sauve. Les autres, ceux qui ont leurs regards pleins d’eux-mêmes et qui ne veulent pas s’offrir, il les abaissera en les laissant ce qu’ils sont pour un temps et en les mettant, à son heure, avec le premier qui n’a pas voulu s’offrir et qui, s’étant élevé au-dessus de Dieu, a été abaissé au-dessous de toute créature.
Notons toutefois que ce texte n’est ni une prière ni une offrande. C’est une affirmation. L’Église chante sa confiance à Dieu, au moment où il accepte son oblation.
LA MÉLODIE
Un chant de joie encore, mais avec sa couleur propre.
La première incise est simple, paisible, elle a le ton d’une conversation familière. Humilem est mis en relief par le salicus et la montée à la dominante, mais sans expression particulière. Tout de suite après, et sans transition, salvum facies jaillit dans un magnifique élan de joie. La montée do la do mi re do lui donne quelque chose d’exaltant qui devient peu à peu, sur la tristropha et sur la cadence si gracieuse la do sol fa sol, une sorte de recueillement, comme si l’âme, prenant conscience un instant de toute l’idée, se laissait aller à une gratitude baignée de tendresse, laquelle d’ailleurs s’épanche à loisir sur l’admirable motif de Domine. Cette ascension lente s’épanouit sur le sommet et retombe dans une plénitude que l’intervalle de quinte, et plus encore la proximité de si et de fa, font absolue.
La deuxième phrase est moins expressive, encore que sur humiliabis il y ait un élan assez marqué, et que le motif qui s’y développe ait une allure de joie bien assurée, voire quelque peu piquante.
Par contre la troisième phrase est une très belle proclamation de la puissance et de la justice de Dieu qui n’a personne au-dessus de lui et qui ne saurait supporter quiconque essaie de le dominer. Le mouvement monte sur quoniam dans un rythme syllabique ternaire net et ferme qui met quis Deus en pleine évidence, avec je ne sais quoi de fort qui le lance comme un défi aux superbes. Cette force, sur praeter te, devient une affirmation noble et fière pleine de grandeur. Domine est alors enveloppé dans un mouvement thétique de joie tendre qui ramène l’atmosphère de la première phrase. Notez le motif repris deux fois et esquissé encore sur la belle cadence en fa.
COMMUNION
LE TEXTE
Goûtez et voyez combien est suave le Seigneur. Heureux l’homme qui met son espoir en lui. Ps. XXXIII, 3 », 9.
Ce verset, dans lequel le Psalmiste nous invite à profiter de son expérience, est un curieux assemblage de mots : goûtez et voyez. Et pourtant, c’est l’ordre des choses. Il y a bien un premier regard sur l’objet pour savoir ce qu’il est, mais ce regard ne nous en donne pas la connaissance profonde, ne nous fait pas communier à ce qui en lui s’harmonise avec notre être et nous donne la joie. Il faut pour y arriver le regarder longuement, l’observer, l’étudier, sympathiser avec lui, l’aimer, devenir lui-même en quelque sorte; alors, dans la joie de l’amour, il se révèle et nous en jouissons vraiment.
Ainsi en va-t-il avec Dieu. Un regard de foi superficiel, ne saurait suffire à nous le faire connaître, c’est dans la méditation silencieuse de son être, de ses opérations, de sa vie, au contact de l’amour qu’il nous porte à tout instant, dans cette sympathie profonde où se fait l’échange de nos deux êtres que nous le connaissons, que nous sentons combien il est bon. Or c’est cela le goûter.
Ainsi entendu, comme ce verset est bien à sa pace sur les lèvres de l’Église au moment de la Communion : Goûter le Christ qui se donne à nous, dans l’Eucharistie, c’est l’aimer, en nous donnant à lui. Dans cet acte amour mutuel, se réalise notre transformation en lui; recevant alors sa lumière et la puissance de son amour, nous voyons mieux combien il est bon, doux et tendre et nous comprenons quel bonheur c’est pour nous d’espérer en lui, car après cette vision de ce qu’est Dieu, déjà si délectable, mais encore obscure, viendra l’autre. A force de goûter le Seigneur nous le verrons tel qu’il est… et ce sera le rassasiement absolu.
LA MÉLODIE
Une invitation délicate chante sur Gustate mais c’est vers videte que va le mouvement comme vers le mot qui importe. Il y a là, sur la tristropha, une prolongation très expressive; comme si l’Église savourait sa vision en même temps qu’elle invite à la partager.
Cette délectation s’étend ailleurs à toute la phrase. Elle trouve sa dernière expression sur suavis est Dominus, si évocateur des délicatesses de l’amour divin.
Sortant alors de sa délectation, l’Église s’exclame : « Bienheureux l’homme qui espère en lui. » Il y a un peu plus de mouvement au début mais la jouissance mystique revient très vite et la cadence finale de eo rime avec celle de Domine dans la même atmosphère
Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici