La répétition de l'introït Dominus illuminatio mea
Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.
INTROÏT
LE TEXTE
Versez votre rosée, cieux, d'en haut, et que le nuages pleuvent le Juste. Qu'elle s'ouvre, la terre, Et qu'elle germe le Sauveur.
Ps.- Les cieux disent la gloire de Dieu
Et l'œuvre de ses mains, il la proclame, le firmament. Isaïe, XLV, 8 - Ps. XVIII, 2.
Au chapitre XLV, Isaïe rapporte ce qu'il a entendu le Seigneur dire à Cyrus, qu'il va susciter pour être son christ, sauver le peuple et rebâtir la cité et le temple. A la vision de ce sauveur d'un moment, par delà lequel il voit le Messie et son œuvre éternelle, il est transporté et, interrompant sa prophétie, lance vers le ciel son désir ardent pour que soit bâtie la venue des deux libérateurs. Il le fait sous la forme poétique de la rosée qui fait germer la plante, symbolisant ainsi l'action divine qui fera de Cyrus et du Christ des sauveurs parfaits.
Au sens liturgique, c'est l’Église qui appelle le Messie. Rien n'est à changer dans l'image du prophète, mais il faut lui donner tout son sens divin. La rosée sollicitée du ciel, c'est l'action fécondante du Saint-Esprit ; la terre, c'est Notre-Dame, fleur de la race, qui s'ouvre au sommet de la tige de Jessé et qui, fécondée sous l'ombre mystérieuse de l'Esprit du Très-Haut, va produire son fruit divin ; le Verbe fait chair.
Cette prière admirable et tout à fait à sa place le Mercredi des Quatre-Temps, tout entier consacré à l'Annonciation. Il faut lui garder ici la même interprétation ; d'autant que, par l'Offertoire et la Communion tout au moins, le mystère continue d'être fêté. Et il faut la chanter comme la prière suprême, entendue de Dieu par delà les siècles, et qui a contribué à faire venir plus tôt l'heure du Messie et de Notre-Dame ; mais aussi, comme la supplication qui va mériter aux âmes de recevoir le Verbe fait chair quand il va revenir et de se livrer à l'influence de son Esprit comme la terre à la rosée, lui donnant ainsi ce qu'il attend d'elles pour réaliser la plénitude de son Incarnation.
Le Psaume, lui, n'est pas une prière ; il est la constatation joyeuse des merveilles de Dieu qui se réalisent dans le mystère.
LA MÉLODIE
Une prière ardente de deux phrases qui s'opposent ici, encore, suivant le texte, comme le ciel et la terre.
La première est un admirable mouvement de l'âme portant on désir, comme dans le graduel. Qui sédes, aussi haut que possible, jusqu'aux nuées fécondes d'où va venir la céleste rosée, puis redescendant douce et paisible comme descendra le Juste qu'elle chante. La supplication est ardente sur le pressus de caeli, les quilismas de désuper, le pressus de pluant, mais il n'y a pas d'inquiétude, de doute, d'angoisse ; au contraire, une grande sérénité et une joie discrète se mêlent partout à la prière dans la tonalité claire du mode de fa ; la joie de l'Eglise qui sait, car elle en jouit déjà, tout le bonheur qu'il y a pour elle dans cette pluie fécondante qu'elle sollicite.
La seconde a moins d'élan. C'est la terre que l'Eglise regarde et encore qu'il s'agisse de Notre-Dame, ce chef-d'œuvre de grâce qui va produire la nature humaine du Christ, n'est-elle pas tout en bas par comparaison avec l'infinie perfection du verbe qui va y descendre ? Et puis, c'est le mystère dont la profondeur ne saurait se chanter ; Aussi, après l'ardeur de la supplication sur aperiatur, la mélodie revient-elle au mode de ré, et en des neumes qui s'effacent de plus en plus, elle s'éteint, gracieusement d'ailleurs, sur Salvatorem, le mot du désir.
La deuxième note de ra dans Rorate doit être élargie. Le crescendo de la première incise sera ardent mais sans éclat ; c'est une prière. Bien accentuer nubes et aller sur le pressus de pluant en progression.
Veiller à ce que tur dans aperiatur ait bien sa valeur et qu'on ait le temps d'articuler. Térra sera légèrement retenu ainsi que les quatre dernières notes de gérminet.
Le Psaume sera chanté dans un bon mouvement et pénétré déjà de la joie du « Gloria in excelsis » qu'il prophétise.
GRADUEL
LE TEXTE
Il est proche, le Seigneur,
De tous ceux qui l'invoquent,
De tous ceux qui l'invoquent dans la vérité.
Verset. - La louange du Seigneur,
Elle la chantera, ma bouche,
Et que toute chair bénisse le Seigneur. Ps. CXLIV, 18, 21.
Dans la première partie, le psalmiste exprime une idée très simple ; à savoir que le Seigneur est tout disposé à écouter ceux qui le prient. Toutefois, il a précisé d'un mot : ceux qui le prient dans la vérité ; c'est-à-dire qui lui demandent, en toute sincérité, des chose vraies ; entendons : ceux qui sont conformes à sa volonté, car la vérité, c'est, en même temps, ce que Dieu pense et ce que Dieu veut.
Le Verset, lui, est un hommage de reconnaissance de l'âme qui promet à Dieu une louange sans fin en retour de la bienveillance qu'il lui témoigne.
Au sens liturgique, peut-être serait-on porté à s'appuyer sur les premiers mots Prope est Dominus pour faire entrer ce texte dans le cadre de l'Avent. Ce ne serait pas absolument exact car c'est en tout temps que le Seigneur exauce ceux qui savent le prier. Il ne faut pas non plus le rattacher à l'Epître qui vient d'être lue, mais à l'Epître du mercredi précédent pour laquelle il a été choisi. Dans cette Epître, on nous ait entendre l'histoire d'Achaz qui, par manque de confiance, refusa de demander un prodige au Seigneur et qui reçut, en réplique, d'Isaïe la fameuse prophétie qui annonçait le prodige des prodiges : « Le Seigneur vous donnera lui-même un signe : Voilà qu'une Vierge concevra et enfantera un Fils et son nom sera Emmanuel ». A la fin de ce récit, ces deux versets viennent sur es lèvres de l'Eglise comme une sorte de réflexion. Repliée sur elle-même et gardant bien présent à l'esprit tout ce qu'elle vient d'entendre, elle se dit : Achaz a eu tort...Le Seigneur est tout près de ceux qui l'invoquent et bientôt il sera plus près d‘eux encore ; car le prophète a dit que Celui qui doit venir aura nom Emmanuel, ce qui veut dire : Dieu est avec nous.
Cette annonce précise de l'Incarnation amène alors la grande louange du Verset. Laudem Domini...
LA MÉLODIE
(V) Prope est Dominus omnibus invocantibus éum omnibus qui invoquant éum in verita te.
Elle est composée de trois formules : celle de Prope est Dominus et les deux de éum. Ces formules sont reliées entre elles par les motifs presque syllabiques de omnibus invocantibus et de omnibus qui invoquant. Un seul mot est original, in veritate, encore s'achève-t-il en une formule finale commune.
Le fait qu'elle est à ce point centonisée n'empêche pas qu'elle soit très expressive. L'auteur s'est servi de formules toutes faites mais il les a choisies pour le texte et les a disposées de telle sorte qu'elles puissent en exprimer au mieux le contenu. Notez qu'elles sont placées sur les mots importants : Dominus, le nom divin, et éum qui le représente ; et que, par le contraste que font leurs neumes avec les motifs syllabiques qui les entourent, elles les mettent en particulier relief. Aussi bien est-ce le mot de l'Epître : Pete signum a Domino, dit Isaïe. Non tentabo Dominum, répond Achaz. Propter hoc dabit Dominus ipse vobis signum, réplique le prophète.
L'intonation est grave. (Cette formule n'est employée que sur le mot Dominus ; de sorte qu'elle est moins une formule centon qu'un motif réservé uniquement au nom du Seigneur, comme plusieurs autres.) Mais ce serait une erreur d'y voir la moindre tristesse. Au contraire, on y discerne déjà en une nuance discrète la joie qui se dégage du texte et qui caractérise tout le Graduel. Toute pénétrée de respect, elle se retient, s'efface, sur le nom divin, mais, sitôt après, elle se laisse aller, se développe sur omnibus invocantibus et va s'épanouir sur éum en un bel élan qui se détend dans la plénitude de la cadence en fa. Elle passe dans la seconde phrase, s'élève avec grâce sur omnibus, puis redescend dans le grave où elle se revêt à nouveau sur éum d'une certaine révérence qu'elle garde jusqu'à la fin.
Le Verset. - Laudem Domini loquétur os méum Et benedicat omnis caro nomen sanctum éjus.
La joie est ici enthousiaste. Lancée avec une ferme assurance sur la distropha de Laudem, elle se développe en une sorte de contemplation sur Domini : légère, souple, heureuse. Une nuance de tendresse plus marquée passe avec le si b, puis l'exaltation, grandissant à nouveau, va vers loquétur os méum où elle atteint toute sa puissance d'expression sur les mots mêmes qui disent la joie de pouvoir chanter à jamais.
L'enthousiasme est le même dans la seconde phrase. Sitôt qu'elle a été ramenée à la dominante, la mélodie s'élance à l'extrême limite du mode, enveloppant de toute sa puissance l'ardent souhait de l'Eglise. Elle s'y arrête d'ailleurs ensuite en un gracieux mouvement descendant, puis, pour finir, se pénètre à nouveau de tendre respect sur nomen sanctum éjus.
Comme on le voit, ce verset a un caractère de joie éclatante qui ne s'est pas encore rencontré au cours de l'Avent. L'auteur a-t-il voulu donner là comme une première annonce de la joie de Noël et en pénétrer déjà l'âme des fidèles ? On a d'autant plus de raisons de le croire que les formules 53 et 54 sont particulières à la période de la Nativité. On les trouve ailleurs, mais elles sont si fréquemment répétées au temps de Noël qu'elles contribuent, sans aucun doute, pour leur part, à créer l'atmosphère musicale. El semble que ce soit comme le début d'un crescendo de joie qui, parant du Mercredi des Quatre-Temps, jour consacré à l'Annonciation, jour de l'Incarnation, atteint toute sa puissance aux jours de Noël et de l'Epiphanie.
Ne pas chanter l'intonation avec des effet de basse, mais avec la simplicité et la douceur qui conviennent à une contemplation paisible. Le crescendo est le premier éum sera discret et mené dès le début de l'incise ; C'est une formule assez délicate mais très expressive. Il y a sur le do une distropha, puis al première note de la clivis ou du climacus ; les distrophas seront posées doucement et la voix, renforcée, ira vers la note qui suit pour la répercuter, délicatement. Il s'en suivra une onction pénétrée de ferveur qui servira admirablement le pronom éjus qui tient la place de Dominus.
Retenir quelque peu veritate ; la tristropha, douce. Bien distinguer dans la vocalise qui suit, sur le la, les deux distrophas, du pressus ; lles reçoivent doucement le posé de la voix ; de même celle qui se trouve sur le do dans la dernière incise.
C'est une bivirga qu'il y a sur Laudem au début du Verset ; qu'elle soit appuyée, forte et bien lancée. Sur Domini, deux distrophas et répercussion sur la première note de la clivis ; même interprétation que plus haut. Une bivirga avant les deux climacus qui finissent la première phrase ; bien accuser la première note du second.
La tristropha de os, légère. Bien pendre grade à donner toute leur valeur aux trois notes qui précèdent les notes doubles de méum ; les retenir légèrement évitera le danger d'en faire un triolet. Poser nettement l'épisème vertical de omnis, allonger même un peu la note. (Dans plusieurs cas, la 2ème note est un quilisma.) Un gracieux ralenti sur sanctum, qui se poursuivra sur éjus jusqu'à la fin.
ALLELUIA
LE TEXTE
Viens, Seigneur et ne tarde pas.
Pardonne les péchés de ton peuple.
Cette phrase ne se trouve pas dans l'Ecriture. L'idée en est très simple et s'applique sans difficulté à l'un ou à l'autre des sens de l'Avent. C'est une prière dont l'objet est nettement déterminé : la prière de tout le peuple de Dieu, de toute l'Eglise, suppliant le Christ de venir sauver le monde.
LA MÉLODIE
On la rencontre deux autres fois au cours de l'année : le XXe Dimanche après la Pentecôte (Alleluia Paratum cor méum) et à la messe Loquebar d'une Vierge Martyre (Alleluia Adducentur).
Elle commence dans le grave et se meut lentement dans toute la première phrase, comme la prière très humble du pécheur qui n'ose pas lever les yeux, accablé qu'il est sous ses fautes. Ce n'est que dans la seconde incise qu'elle prend un peu d'ardeur, il y a sur et noli tardare un très bel accent de pressante supplication.
Dans la seconde phrase, la prière est plus aisée sur relaxa. La longue vocalise de facinora est, en elle-même, assez indifférente, mais elle prend, avec les mots, un caractère de prière fort bien adapté. Il y a, dans la répétition du motif initial, une progression qui fait la supplication de plus en plus forte. La première fois, elle monte par trois degrés au si b ; la seconde fois, par un seul mouvement de quarte, elle atteint le do qu'elle marque d'un pressus ; la troisième, elle s'y pose sans préparation et y demeure trois temps. Il y a là une vigueur accrue du plus heureux effet. La mélodie redescend ensuite dans le grave et finit sur une formule propre à certains graduels du Ier mode, elle aussi très priante et très humble, avec une touche assez marquée de crainte révérentielle.
L'Alleluia, lui, est du IIIe mode, mais l'unité demeure parfaite et l'expression y trouve son bien. L'Alleluia ayant en lui-même un caractère de louange que le contraste rend plus marqué encore.
Prendre garde de faire trop longue la double note initiale de l'Alleluia, lequel doit avoir un certain mouvement. Bien balancer le rythme de l'arsis ; la vocalise légère.
Veni Domine tranquille et discret. Crescendo sur noli ; tardare sans éclat. Noter que, dans les thésis de la seconde phrase, toutes les notes doubles sont des distrophas, légères donc ; de même les deux qui précèdent la clivis sur le do, à la dernière reprise du motif. Par contre plé dans plébis est une bivirga. Lier avec soin les grands intervalles de l'avant-dernière incise.
OFFERTOIRE
LE TEXTE
Salut, Marie, de grâce remplie,
Le Seigneur (est) avec toi.
Bénie (es-)tu entre les femmes,
Et béni le fruit de ton sein.
C'est la salutation de l'Ange Gabriel à Notre-Dame et celle d'Elisabeth combinées en un seul texte, lequel forme la première partie de la Salutation angélique. Il n'y manque que le dernier mot, Jésus, qui d'ailleurs ne fut pas dit par Elisabeth.
Au sens liturgique toutefois, ce n'est ni l'Archange ni Elisabeth qui saluent Notre-Dame ; la combinaison des deux salutations en un seul texte s'y oppose. C'est toute l'Eglise qui, au moment où est commémorée la Conception de Notre Seigneur, fait monter sa louange vers celle que Dieu a choisie pour sa mère. Elle a entendu, au cours de la semaine écoulée, le mercredi, le récit de l'Annonciation, le vendredi, celui de la Visitation ; elle recueille, sur les lèvres de l'Archange et d'Elisabeth, les paroles inspirées pour les redire à Notre-Dame, comme l'hommage le plus parfait qu'elle puisse rendre à sa sainteté incomparable et à sa maternité divine.
Bien noter que c'est une salutation. Ceci implique que les chanteurs soient en communication directe avec Notre-Dame : qu'ils chantent pour elle et qu'ils aient conscience que du haut du ciel, elle les écoute et reçoit leur hommage dans la joie de son cœur maternel.
LA MÉLODIE
Quatre phrases (Ave Maria gratia plena ne forme qu'une seule phrase. La grande barre qui suit Maria doit être considérée comme une demi-barre). Les trois premières, en progression l'une sur l'autre, conduisent l'idée jusqu'à Benedicta tu, point culminant de la louange. La quatrième redescend vers le grave où elle s'achève dans la contemplation du mystère.
Il n'y a pas d'éclat dans l'Ave de l'intonation ; c'est un salut gracieux enveloppé de vénération profonde et tendre. Tout le long de la première phrase, l'âme se complaît dans cette attitude d'humble hommage ; elle s'anime seulement, d'un accent de ferveur, sur le nom béni. Un bel élan, habilement préparé, porte la syllabe accentuée de Maria à la dominante où les notes doubles et répercutées mettent un peu plus d'ardeur, d'admiration et d'amour. Mais ce n'est qu'en passant. Elle revient au grave sur gratia pléna et s'y enveloppe plus encore de contemplation ; aussi bien y a-t-l ici quelque chose de plus que la salutation. C'est déjà le mystère, le mystère indicible de l'Immaculée. La phrase s'achève sur pléna par un pressus qui met bien en valeur ce mot de plénitude, qui ne peut se dire que du Christ et de sa Mère.
Dès le début de la seconde phrase, la mélodie, établie sans préparation sur la dominante, prend tout de suite une allure de louange éclatante. C'est une qualité nouvelle que l'Eglise salue en Notre-Dame : son union avec Dieu. La plénitude de la grâce, c'est déjà le Seigneur avec l'âme ; mais, sur les lèvres de l'Archange, le Dominus técum indiquait une modalité spéciale de l'union divine. Le Seigneur est avec Notre-Dame comme il n'est avec personne. C'est de cette union merveilleuse que l'Eglise félicite Marie. La mélodie la sert admirablement. Le s'épanouit sur Dominus en un beau motif plein d'élan, deux fois répété, qui dit l'admiration enthousiaste que provoque l'infinie grandeur de Dieu, tandis que, sur técum, elle se retient comme recueillie, étonnée, confondue d'admiration, devant l'ineffable sainteté de Notre-Dame.
Elle se reprend sur Benedicat tu pour s'élancer cette fois à la limite de son étendue. C'est le troisième mot de a louange. Il est la conséquence des deux autres. C'est parce qu'elle est pleine de grâce et que le Seigneur est avec elle que Marie est bénie entre toutes les femmes ; nouvelle Eve, celle que toutes les nations diront Bienheureuse. La mélodie le met au-dessus de tout ; elle dépasse la dominante, monte et plane, à loisir, dans les hauteurs, s'appuyant sur des notes doubles et des pressus qui lui permettent de déployer toute sa puissance et de colorer d'accents de ferveur ce mot de bénédiction. Il s'achève sur le pronom tu en une belle cadence pleine et large qui va tout droit à Notre-Dame avec une nuance délicate de tendresse. La seconde incise ramène à la dominante le mot muliéribus. L'admiration s'y prolonge, toujours fervente ; notez le pressus et le torculus avec son mouvement hardi de quarte retombant sur la bivirga de la syllabe accentuée. D'une façon assez inattendue, la phrase s'achève par une cadence en demi-ton sur si qui laisse la mélodie en suspens, comme si l'Eglise, évoquant en une sorte de contemplation toutes les femmes de la race, les voyait se perdre en une perspective infinie, tendues en un geste de bénédiction vers Notre-Dame qui, de très haut, enveloppée dans la gloire du Verbe Incarné, les domine toutes de l'éclat de sa maternité.
La quatrième phrase est, de toutes, la plus profonde. Ici, c'est le mystère ; le mystère du Verbe fait chair dans le sein de Notre-Dame. La mélodie abandonne les hauteurs, descend par degrés, sur benedictus qu'elle souligne seulement d'un pressus, descend encore sur fructus, puis demeure dans le grave, presque sans se mouvoir. Un motif deux fois répété de quelques notes qui montent et descendent par degrés conjoints sur véntris, un dernier pressus sur tui comme pour faire rejaillir la gloire du Fils sur la Mère - car c'est pour le Fils qu'est toute la louange dans cette dernière phrase - et c'est tout. L'ineffable ne saurait s'exprimer.
Il faut chanter avec beaucoup de souplesse. On y veillera particulièrement dans l'intonation. Le climacus qui s'achève sur la première note pointée sera légèrement retenu pour donner à cette demi-cadence sur mi toute sa valeur d'admiration gracieuse et tendre.
Chanter Maria avec beaucoup de ferveur. Les deux premières notes de ri bien appuyées, assez fortes, avec l'élan de l'accentuation : ce sont deux virgas ; les deux autres sont des distrophas ; la répercussion en sera délicate et il y aura un crescendo jusqu'à la répercussion, très délicate aussi, de la virga. La cadence sur sol très peu ralentie, de façon à rattacher Maria à gratia pléna. Une pause.
Discret a tempo au départ de Dominus dont les thésis seront légères, comme le sera la tristropha de técum, qu'on renforcera toutefois pour la lier au climacus. Sur ne dans Benedicta, une bivirga, bien l'appuyer et mener le crescendo e un bel enthousiasme vers le pressus. Conduire avec mesure l'admirable descente de benedictus fructus, sans que la voix perde brusquement de sa sonorité. Véntris tui très lien avec le salicus bien doux.
COMMUNION
LE TEXTE
Voici qu'une Vierge concevra
Et enfantera un Fils,
Et il sera appelé de son nom Emmanuel. Isaïe, VII, 14.
Cette parole fut dite comme une prophétie par Isaïe à Achaz. « Le Seigneur vous donnera lui-même un signe : voici qu'une vierge enfantera... » Le signe promis arrivera le jour de l'Annonciation. C'est le mot même du prophète en effet que l'Archange dit à Notre-Dame : « Voici que vous concevrez et enfanterez un Fils et vous lui donnerez le nom de Jésus ».
Ce texte est tout à fait à sa place le jour où est commémorée l'Annonciation. Toutefois il ne semble pas qu'il doive être chanté ici comme une prophétie ; c'est l'Eglise qui après avoir entendu la parole du Prophète à l'Epître, et celle de l'Ange à l'Evangile, y revient, au moment de la communion. Contemplant dans la lumière de la grâce sacramentelle, l'Incarnation qui se prolonge par l'Eucharistie dans tout le Corps Mystique, elle chante la joie de l'Emmanuel, du Dieu avec nous, en même temps que le mystère de Noël dans lequel à nouveau va s'accomplir mystiquement la parole divine.
LA MÉLODIE
Une joie émerveillée ; on en caractériserait bien ainsi, en deux mots l'expression. Elle est très discrète dans sa première incise, avec quelque chose de recueilli, de contemplatif, répandu sur toute la thésis de concipiet. Dans une sorte de jouissance profonde, l'âme admire le mystère de la Vierge Mère.
Et voilà qu'elle s'anime et que son admiration prend de l'ampleur. Un souffle puissant passe, qui emporte les mots dans l'enthousiasme, Filium après pariet, comme si l'âme, de plus en plus éclairée, réalisait ce qu'est le mystère de la maternité divine.
Mais, à peine a-t-elle saisi cette seconde merveille, qu'une troisième s'offre à elle : le mystère de Dieu avec nous cette fois, et vocabitur Emmanuel... Elle n'a pas le temps de s'arrêter si peu que ce soit ; de la première phrase, le souffle d'allégresse passe dans la seconde, l'entraînant dans la progression jusqu'à la distropha de vocabitur. Là quelque chose change. Le mystère s'étend. Il s'étend jusqu'à l'âme. Elle sent qu'elle y entre, en ce moment de la communion. Elle se recueille, se refermant sur les merveilles qui s'opèrent en elle. La mélodie la suit dans sa contemplation. Elle n'a plus le souci des notes éclatantes, ni des mouvements à grand espace ; elle se retient. Notez les clivis allongées de vocabitur, elle descend peu à peu vers le grave, jusqu'à ce qu'elle arrive à Emmanuel, le mot du mystère. Elle s'y complaît, en une formule qui, comme celle du véntris tui de l'Offertoire, se contente de quelques notes conjointes qui descendent et montent mais où passe toute la tendresse de l'âme pour l'Hôte divin qui est avec elle.
L'intonation paisible ; de même concipiet dont les podatus seront bien posés. Ceux de pariet aussi, tout le sommet en sera élargi. Le lier étroitement à Filium qui sera à peine retenu afin que l'enthousiasme aille croissant sur et vocabitur. C'est une bivirga qu'il y a sur vo. Retenir quelque peu tur. Beaucoup de grâce et de ferveur sur Emmanuel, qui sera très ralenti.
- Polyphonies pour l'Avent
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- L'hymne Creator alme siderum en grégorien
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- Les cantiques de l'Avent (Partitions)
Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici
Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.
IDÉE CENTRALE : La Providence. Dieu dispose tout avec force et douceur pour qu’à travers la béatitude des hommes qui veulent se laissez guider, se réalise sa gloire. Cette Providence se manifeste avec éclat dans l’histoire de David et de Goliath. L’enfant aux cheveux roux, choisi à un moment critique de l’histoire d’Israël, tue avec sa fronde le géant tout armé et sauve le peuple. Figure du Christ qui triomphera de Satan et sauvera le monde.
Il ne suffit pas toutefois d’être dirigé, il faut se laisser diriger, c’est ce que l’Église demande dans la Collecte : « Seigneur que le cours du monde soit pour nous paisible sous la conduite de votre Providence ».
Il restera les épreuves ; elles sont les inévitables fruits du péché mais St. Paul, à l’Épître, nous dit qu’il n’y a pas de proportion entre elles et la gloire qui les dépasse infiniment et qu’elles sont, comme toute chose, des moyens dont Dieu se sert pour notre béatitude.
Enfin, ce soin que Dieu prend du monde est illustré, à l’Évangile, par l’incident de la pêche miraculeuse. Le Christ conduit la barque au bon endroit et, là où ils ont pêché en vain toute la nuit, les apôtres prennent tant de poissons que leurs filets se rompent. Figure de l’Église qui, sous la direction du Christ et de Pierre qui le représente, s’en va prendre les hommes pour les amener à Dieu, leur Béatitude.
INTROÏT
LE TEXTE
Le Seigneur est ma lumière et mon salut, qui craindrai-je ? Le Seigneur est le défenseur de ma vie, de qui aurai-je peur ? Ceux qui me persécutent, mes ennemis, ont trébuché et sont tombés.
Ps. – S’il se dresse devant moi une armée, il ne craindra pas, mon cœur. Ps. XXVI. 1, 2, 3.
Le Psaume XXVI est un chant de confiance triomphante. Dans la lumière d’en haut, le Psalmiste a une conscience si vive de la force protectrice de Dieu autour de lui qu’il se laisse aller à un enthousiasme qui frôle la témérité.
Dans le cadre liturgique de ce Dimanche, consacré à la Providence, il n’y a rien à ajouter à ces deux versets. L’Église, éclairée par le Christ son chef, sait que tout est disposé pour la gloire du Père et, qu’en fin de compte quoi qu’il arrive, c’est elle qui aura le dernier mot. Elle le dit à la face de ses ennemis et de Satan leur chef, qu’elle voit, dans une vision proche ou lointaine trébucher et tomber les uns sur les autres.
LA MELODIE
Elle donne à ce texte déjà si expressif par lui-même un ton de confiance joyeuse, enthousiaste, vibrante, avec même cette nuance de défi que l’on trouve dans les élans de foi d’une jeunesse bouillante d’ardeur. Aussi bien, c’est l’Église éternellement jeune qui chante l’infinie puissance de son chef ; le vainqueur de la mort et de Satan.
Des notes longues, sans cesse ramenées au fa par la tierce inférieure, donnent à la première phrase une force extraordinaire. Il n’y a pas d’éclat ; c’est une volonté qui se pose, assurée, ferme comme une ligne infranchissable.
L’enthousiasme qui a déjà monté sur quem timébo s’élève plus ardent sur Dominus qui, au début de la seconde phrase, reprend à la quinte supérieure, le motif de l’intonation. Toutes les affirmations sur fa s’en trouvent renforcées, amenant, pour finir, cet admirable cri de fierté audacieuse, quelque peu téméraire même : a quo trepidabo ?
L’idée de la troisième phrase est autre : l’Église voit ses ennemis défaits. Elle se laisse aller à la joie, une joie qui est débordante, dès le début, sur qui tribulant ; le motif qui glorifie le Christ dans le verset du Graduel Christus factus est, le Jeudi Saint .
Elle se revêt ensuite d’une autorité et d’une force qui, sur les notes longues de mei et de infirmati sunt a quelque chose de dur, comme l’épée du vainqueur sur l’ennemi prosterné.
Le Psaume est dans le même esprit de confiance et de bravoure.
GRADUEL
LE TEXTE
Sois propice, Seigneur, à nos péchés afin qu’elles ne disent pas , les nations : Où est leur Dieu ? Verset. Aide-nous, Dieu notre salut, et, pour l’honneur de ton nom, Seigneur, libère-nous. Ps. LXXVIII. 9, 8.
Le Psaume LXXVIII est une élégie sur la destruction de Jérusalem. Pour finir, le peuple désolé, qui voit dans cette épreuve le châtiment du péché, supplie le Seigneur de lui pardonner et de le délivrer.
C’est de cette supplication qu’est fait ce Graduel. Il est chanté une première fois, le samedi des Quatre-Temps du Carême. Il est tout à fait à sa place en cette période de pénitence. Ici de même après la lecture de l’Épître. Saint Paul nous dit : « La création a été assujettie à la vanité, mais elle vit dans l’espoir qu’elle sera affranchie de la servitude de la corruption pour avoir part à la liberté de la gloire des enfants de Dieu. » L’ Église demeure sur cette idée ; elle vit, dans cette servitude qui attache le monde à la vanité, la grande épreuve devant laquelle tout succombe et elle supplie le Seigneur, qui de tout tire son bien, de la dégager de cet esclavage et de le faire servir à sa gloire, selon les desseins de le Providence qui a bien disposé toutes choses et cela pour l’honneur de son nom, car il a promis.
LA MÉLODIE
C’est une très belle prière, humble, grave avec des accents d’intense ferveur.
L’intonation, quelque peu sombre, est admirablement adaptée à une demande de pardon. Sur la double note du début, comme sur la retombée de esto, la supplication vraiment monte de très bas, on sent l’âme courbée dans le repentir de ses fautes. Cette pression se développe sur le beau motif de Domine, presque exclusivement réservé au nom divin , mais, discrètement, timidement. C’est seulement sur peccatis que la ferveur pousse la mélodie ; l’élan est alors admirable, très priant, émouvant même. Très vite arrêté, comme il convient à la prière humble, il se détend sur nostris en une cadence en demi-ton qui supplie délicatement.
Les phrases suivantes ne sont plus de la prière pure. L’âme plaide plus qu’elle ne demande. Elle fait valoir habilement les railleries des nations idolâtres qui monteront en fait vers le Seigneur s’il ne se décide pas à agir : « Où est-il leur Dieu ? » Il y a quelque chose de plus vif dans la mélodie, sur dicant en particulier et sur gentes, mais sans éclat, comme en une atmosphère de honte.
Le mouvement est encore plus prononcé, plus dégagé, plus hardi sur ubi est ; l’insistance plus vive aussi – notez les deux notes doubles – mais l’attitude humble demeure, notamment sur la descente retenue de eorum.
Adjuva nos Deus monte comme un appel pressant qui devient peu à peu sur Deus noster comme un cri angoissé, et qui se détend ensuite en cadence empreinte de tristesse. C’est le motif qui chante l’exaltation du Christ dans le verset du Graduel Christus factus est ; il faut bien admettre qu’il se prête parfaitement ici à cette ardente supplication.
Vient ensuite, comme dans la première partie, le plaidoyer. Il est très insistant sur honorem ; notez les épisèmes horizontaux. Formule centon qui reçoit des emplois divers mais qui est ici fort bien adaptée car elle donne un relief considérable au mot qui fait la valeur de l’argument devant Dieu : honorem, son honneur. Brusquement, sur nominis tui, la mélodie devient un récitatif tout simple. Il est d’un grand effet. L’âme, à l’évocation du nom divin, se fait à nouveau toute humble et pleine de vénération, et c’est dans une atmosphère de supplication discrète et pénétrée de repentir qu’elle chante le mot qui demande la délivrance : libera nos. Les notes longues, les épisèmes horizontaux, les répercussions de la finale y mettent l’accent peut-être le plus émouvant de toute la prière.
ALLELUIA
LE TEXTE
Dieu qui sièges sur ton trône et juges selon l’équité, sois le refuge des pauvres dans la tribulation. Ps. IX. 5, 10.
Le Psaume IX est une louange au Seigneur. Israël chante sa délivrance et remercie Dieu de l’avoir sauvé. Au verset 5 on lit : « Tu m’as fait justice. Tu t’es assis sur ton trône, toi qui juges selon l’équité, » et au verset 10 : « Le Seigneur s’est fait le refuge du pauvre, ».
En mettant les verbes à l’impératif on a transformé ce texte de louange en prière. L’objet en est le même que dans le Graduel : un appel au Seigneur pour que, délivrés de cette vanité du créé qui retient en nous l’épanouissement de la vie de Dieu, nous réalisions ce que Dieu veut de nous, dans sa Providence, pour sa Gloire et notre Béatitude.
LA MÉLODIE
Il faut évidemment la chanter comme une prière, en notant bien toutefois qu’elle n’est pas une supplication ardente comme le Graduel.
La première phrase est moins une prière proprement dite qu’un titre donné à Dieu, et la mélodie la traite comme telle. Deus a quelque chose de simple, d’aimable, on dirait bien de familier. L’incise de qui sedes super Thronum, elle, est comme une admiration de la majesté de Dieu. Prise par l’image évocatrice des splendeurs célestes, l’âme est comme fixée en contemplation. Elle oublie qu’elle demande et ce qu’elle demande, elle admire et jouit, berçant sa joie sur des rythmes souples qui montent et s’élargissent, à mesure que se déploient les beautés qui s’offrent à elle. C’est le même procédé que dans le Graduel Qui sedes du IIIe Dimanche de l’Avent. La formule n’est pas originale, on la trouve dans le verset du Graduel Benedictus, le Dimanche dans l’Octave de l’Épiphanie, elle est là aussi une contemplation de la paix et de la justice qui viendront des montagnes et des collines, sur le peuple. La même formule encore chante, dans le Graduel Clamaverunt de la messe Salus autem du commun de plusieurs martyrs, la paix qu’apporte le Seigneur à ceux qui sont dans la tribulation.
Dans la deuxième phrase, qui, elle, est bien l’exposé de la demande, la mélodie est vraiment déprécative, notamment dans la montée de esto et plus encore dans la descente de pauperum, retenue si à propos par l’influence du quilisma, mais la prière demeure simple et sans pression ; tout au plus pourrait-on déceler quelques accents plus marqués dans le jubilus sur les virgas des sommets.
OFFERTOIRE
LE TEXTE
Éclaire mes yeux, de crainte que je ne m’endorme dans la mort, de peur qu’il ne dise mon ennemi : j’ai prévalu sur lui. Ps. XII. 4, 5.
Le Psaume XII est la prière d’un malheureux dans l’épreuve, qui se croit abandonné de Dieu. Il se plaint d’abord puis, de la plainte, jaillit la supplication dont est fait cet Offertoire : Éclaire mes yeux assombris, obscurcis par la tristesse, les soucis, les larmes… que je voie la force que tu es, ou alors le sommeil de la mort va venir et ce sera sur moi le cri de triomphe de l’ennemi : Je l’ai vaincu.
Cet offertoire est chanté une première fois le samedi qui précède le Troisième Dimanche de Carême. Il fait suite, là, à l’histoire de l’Enfant prodigue et il est bien alors la voix du malheureux qui commence à se repentir.. et la nôtre. Ici on voit moins comment il s’adapte à l’Évangile de la pêche miraculeuse. On pourrait peut-être le mettre sur les lèvres de Saint Pierre. Celui-ci est en effet d’autant plus attitré à faire cette prière qu’il s’endormira hélas ! à l’heure la plus dangereuse de sa vie et que, faute d’avoir les yeux ouverts, il se laissera prendre au piège de Satan jusqu’à renier son Maître. Mais sans doute est-il mieux encore d’en faire le chant de l’Église. Elle est symbolisée ici par la barque, le Christ et les futurs apôtres. C’est Notre-Seigneur qui les guide vers le large et leur fait jeter le filet au bon endroit. Sans lui point de pêche fructueuse et bientôt la tempête. Sans lui, maintenant encore, qu’en serait-il de la barque ?
L’Église a conscience de la lumière qu’il lui faut. Elle la demande à Dieu afin que, guidée par sa Providence vers les bancs poissonneux, elle sache jeter le filet, éviter les écueils, tenir bon contre les vents forts et contraires et que, toujours en éveil, toute dans la clarté et forte de la force du Christ, elle tienne en respect l’ennemi et l’empêche de prévaloir.
LA MÉLODIE
La première incise est une prière toute simple sans insistance ni pression ; le ton est aimable, familier, avec une nuance de tendresse délicate sur la cadence en mi du IVe mode. La montée sur meos a un peu plus de mouvement, et une touche de crainte se perçoit déjà sur le demi-ton de la cadence en la. C’est la peur qui monte. Elle éclate sur nequando. Il y a sur la double note qui attaque brusquement le do – c’est une bivirga épisématique – comme un frisson ; il passe ensuite dans toute l’incise particulièrement marqué dans la descente de nequando sur fa et sur le pressus de obdormiam. Mais c’est sur morte que l’anxiété est le plus marquée ; la triple note du sommet – une trivirga dont les deux premières sont épisématiques – amenée par la clivis allongée, et la cadence sur mi font ce motif vraiment chargé d’angoisse.
Peut-être la frayeur croît-elle encore dans la seconde phrase ; il y a comme une répulsion d’horreur sur le motif de dicat, répété sur inimici, la triple note là encore, est une trivirga, les deux premières épisématiques.
Praevalui adversus eum est traité en style direct ; c’est l’ennemi lui-même qui parle. La mélodie qui descend, de plus en plus lourde, évoque la pression progressive de l’ennemi qui écrase son adversaire en disant lentement et avec un accent de joie mauvaise, à mesure qu’il le sent perdre vie, le mot de son triomphe : Je l’ai eu … Cette descente est unique dans tout le répertoire. Quel réalisme ! La joie du vainqueur continue sur adversus eum, plus légère, mais bien marquée là aussi, par le mouvement du début do-fa-re-mi et surtout par les deux tristrophas encadrant le motif sol-la-sol-re. Il n’est pas jusqu’à la cadence du IVe mode, si mystique d’ordinaire, qui ne sonne ici comme un ricanement moqueur.
COMMUNION
LE TEXTE
Le Seigneur est mon firmament, et mon refuge, et mon libérateur ; mon Dieu, mon aide ! Ps. XVII. 3.
Nous retrouvons pour finir cette messe la belle confiance du début. Dans la communion, l’âme a pris conscience de la force du Christ en elle, elle sent qu’il la protège, et que par lui, avec lui, en lui, elle surmontera les épreuves de chaque jour, et qu’elles finiront, ces épreuves, en poids de gloire. De cette certitude lumineuse, la joie jaillit en elle et pour l’exprimer, elle ne trouve pas mieux que les paroles, surchargées d’épithètes symboliques par lesquelles David remerciait Dieu de l’avoir protégé : le Seigneur est le firmament qui la couvre, l’atmosphère où elle respire, le refuge où elle se cache; il est son libérateur ; celui qui lui permet, comme jadis au petit David, de vaincre le Goliath de toujours.
LA MÉLODIE
Une joie douce où passent les ardeurs d’une tendresse reconnaissante l’enveloppe toute.
L’intonation sur le nom divin est gracieuse. Tout de suite après, la ferveur se déploie en accents vifs et délicats sur les pressus de firmamentum, les quilismas de refugium et de meum ; elle va jusqu’à l’enthousiasme sur liberator meus ; un enthousiasme qui monte, retenu, mesuré avec les torculus et s’épanouit à loisir sur les deux pressus.
La seconde phrase est plus douce et plus tendre surtout le premier Deus meus. Admirable mot d’amour que l’âme adresse directement à Dieu et qui rappelle le Rex meus et Deus meus de la Communion Passer invenit du IIIe Dimanche de Carême. Adjutor meus, sur le motif de firmamentum meum renforce encore la protestation d’amour et l’achève en une cadence paisible et heureuse.
Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici