Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.
INTROÏT
LE TEXTE
Chantez au Seigneur un cantique nouveau.
Alleluia.
Car des merveilles, il a fait le Seigneur,
Devant la face des nations il a révélé sa justice.
Alleluia, Alleluia.
Ps. Elle l’a sauvé, sa main et son saint bras. Ps. XCVII. 1, 2.
Le Psaume XCVII est une invitation à louer Dieu parce qu’il a manifesté sa justice devant les nations en sauvant maintes fois son peuple, selon les promesse qu’il lui avait faites.
Ces interventions de Dieu avaient en fait pour objet le Christ et ses membres. Elles se sont donc continuées, et elles se continueront jusqu’à la fin des temps, jusqu’au jour où devant toutes les nations soumises, a justice de Dieu sera totalement révélée. C’est alors seulement que le Psaume aura tout son sens : mais il l’a déjà d’une certaine manière à la fois actuelle et prophétique, si l’on peut dire, en chacun des mystères du Christ car ils sont bien une manifestation de la justice divine que le temps d’ailleurs fait de plus en plus éclatante. Or aucun ne la manifeste avec plus d’éclat que le mystère de la Résurrection. C’est donc dans le sens le plus littéral que l’Eglise entend ces deux versets. Elle les adresse à ses membres comme une invitation à louer le Seigneur qui a révélé une fois de plus sa justice devant les nations en ressuscitant le Christ d’entre les morts par la seule puissance « de sa main et de son bras ».
LA MÉLODIE
On ne trouve pas ici l’enthousiasme qui éclate partout dans le Jubilate du dimanche précédent. C’est une invitation pleine de joie, certes, mais simple, paisible, avec le caractère très particulier de bonté aimable et souriante de l’Introït du Dimanche de Quasimodo. Les deux mélodies d’ailleurs sont apparentées de très près ; à ce point que, dans l’une et dans l’autre, la deuxième phrase est la même.
Le salicus de Cantate met dans l’intonation une insistance délicate tout à fait de mise ; simple nuance de détail d’ailleurs qui se fond tout de suite dans la révérence toute gracieuse qui enveloppe Domino et dans la joie qui s’élève et se balance jeune, légère, souple sur les accents toniques et les rythmes ternaires de canticum novum.
Dans la seconde phrase, un rien d’enthousiasme passe dans la montée de mirabilia, et c’est à nouveau sur fecit Dominus et sur Alleluia le motif de l’intonation avec son insistance renouvelée, avant la cadence sur do si évocatrice de joie profonde.
Il y a une certaine gravité dans la première partie de la dernière phrase : revelavit surtout est très en relief ; la distropha, la retombée du mouvement sur le pressus puis sur la clivis allongée vont bien à ce mot qui dit le mystère. La nuance d’enthousiasme de mirabilia se retrouve alors sur justitiam et se prolonge sur les Alleluia qui chantent à nouveau la joie simple, jeune et fraiche du début.
Le mouvement sera assez vif. On arrondira bien l’accent de canticum. Léger crescendo sur quia mirabilia.
Les tristrophas et distrophas de génitum et de revelavit, douces. Gardez le mouvement jusqu’au bout.
ALLELUIA I
LE TEXTE
La droite du Seigneur a fait éclater sa puissance,
La droite du Seigneur m’a exalté. Ps. CXVII. 16.
C’est celui de l’Offertoire du IIe Dimanche après l’Epiphanie et du Jeudi Saint. L’interprétation, ici, ne saurait être différente, il va de soi.
Le Psaume CXVII fut sans doute composé pour la dédicace du second Temple, ares le retour de la captivité. Le peuple Juif y chante la puissance du Seigneur qui l’a délivré et qui lui a rendu son ancienne gloire. Ce sens en cachait un autre : la délivrance de l’humanité retenue sous l’emprise de Satan et son retour à Dieu, groupée dans le Christ, pour être offerte au Père comme le temple vivant dont les temples de pierre ne sont que la figure. C’est donc du monde chrétien qu’il s’agit. C’est le Christ, c’est tout le Corps mystique qui chante les merveilles que Dieu a faites pour le sauver et le glorifier.
En ce temps de Pâques, les merveilles sont là, toutes étalées sous nos yeux dans la Résurrection du Christ, dans la grâce des nouveaux baptisés et dans celle de tous les chrétiens devenue plus vivante et plus forte, dans la justice de Dieu enfin, de plus en plus exaltée. Saint Jacques, dans l’Epître a ramené toutes ces merveilles à leur source : « Toute grâce et tout don descendent du Père des lumières. De sa propre volonté il nous a engendrés par la parole de vérité afin que nous soyons comme les prémices de ses créatures… » L’Eglise les retient ces paroles, les contemple et trouve dans le verset du Psaume la parfaite expression de sa joie reconnaissante.
LA MÉLODIE
Un chant recueilli, intérieur, contemplatif que l’Eglise se chante à elle-même dans une atmosphère de vénération reconnaissante.
Il n’y a rien de plus dans la première phrase ; aussi bien l’idée est-elle d’ordre général.
Elle prend un tour plus actuel et plus personnel dans la seconde sur exaltavit me, le mot de la Résurrection, le mot de notre exaltation dans le Christ. La joie, la reconnaissance, la fierté le portent dans un magnifique élan au sommet du mode, lui donnant, sans sortir de l’atmosphère de contemplation, l‘éclat qui convient à la gloire qu’il chante.
L’Alleluia doit être exaltant – c’est le thème du dernier mot – mais en même temps léger et souple.
Bien ralentir les deux notes qui précèdent le quilisma de Déi pour lui donner l’expression de vénération qui convient au nom divin. La troisième note de fecit est un salicus.
Menez bien le crescendo de exaltavit me avec une bonne articulation de me. La reprise du chœur lui donnera l’ampleur et la force qui conviennent.
ALLELUIA II
LE TEXTE
Le Christ ressuscité d’entre les morts ne meurt plus.
La mort sur lui désormais ne dominera plus. Rom. VI, 9.
Cette simple affirmation de Saint Paul ne requiert ni explication ni commentaire.
L’Eglise s’en sert ici pour célébrer le triomphe du Christ sur la mort ; mais aussi pour chanter en espérance la résurrection future de tous ses membres. Et c’est encore l’idée du premier Alleluia, mais précisée dans l’exaltation suprême du Christ total ressuscité.
LA MÉLODIE
Elle est plus développée que celle de l’Alleluia précédent. La joie aussi est plus poussée. Avec une force de plus en plus pressante, elle prend tout l’arsis de resurgens ex mortuis et demeure jusqu’à la fin de la phrase ; notez les tons pleins de jam non moritur, si expressifs d’une pleine et totale satisfaction. Mais elle n’a pas d’éclat, toutes les notes se suivent par degrés conjoints et très rapprochés ; elle ne sort pas l’âme du recueillement paisible dans lequel elle contemple la béatitude du Christ…et la sienne dans les jours à venir ;
Dans la seconde phrase, l’affirmation a quelque chose de plus fort. Il y a une sorte de fierté, de défi victorieux dans la montée hardie de mors et dans la répercussion sur le si bémol et comme une joie triomphante dans les rythmes ternaires de la thésis.
Après la reprise du chœur, le non dominabitur monte en un crescendo d’allégresse qui se détend pour finir dans le paisible recueillement du début.
Il faut chanter Christus avec vénération mais sitôt après laisser la joie dominer. Le crescendo-accelerando se poursuivra jusqu’à la fin de mortuis sans brisure. Bien balancer la cadence de moritur qui est très affirmative.
De même le motif de mors doit être très articulé, la reprise sur le si bémol, nette et dans un mouvement assez vif. La première note du torculus de ultra, bien posée, un peu élargie. Il doit y avoir beaucoup de fermeté dans ce dernier neume.
OFFERTOIRE
C’est celui du IIe Dimanche après l’Epiphanie. Tout ce qui a été dit alors vaut ici, il va de soi. Il faut seulement élargir l’objet de la reconnaissance. Ce n’est plus seulement pour le miracle de Cana et pour l’Eucharistie que nous louons le Seigneur en ce temps de Pâques, c’est pour tout le mystère de la Rédemption ; pour la Résurrection du Christ pour la grâce du Baptême qui nous y fait participer, pour le Paraclet que l’Evangile annonce. « Venez et écoutez, et je vous dirai que de choses le Seigneur a faites pour mon âme… »
COMMUNION
LE TEXTE
Lorsque viendra le Paraclet, l’Esprit de vérité,
Il convaincra le monde de ce qu’est le péché,
La justice et le jugement,
Alleluia, Alleluia. Jean XVI. 13, 8.
Notre Seigneur prononça ces paroles après la Cène. Il va de soi que ce n’est pas dans cette atmosphère de la Passion qu’elles sont à prendre ici. Il faut les entendre ou de l’Eglise qui se les dit à elle-même dans sa contemplation du mystère pascal, ou du Christ qui, du Ciel, les redit à ses membres comme une annonce de la prochaine Pentecôte qui va renouveler la venue du Paraclet.
Rien ne permet de les rattacher directement à la Communion ; on peut dire cependant que la réception du sacrement cause, si elle est fervente, une nouvelle mission du Saint Esprit dans l’âme qui, de ce fait, se trouve éclairée par l’Esprit de cérite sur tout ce que le Christ a dit. Rien ne s’oppose donc à ce que ces paroles soient dites par le Christ dans l’intimité à l’âme qui le reçoit.
LA MÉLODIE
Elle a peu de mouvement ; les mots sont bien soulignés, mais sans développement mélodique considérable.
Toutefois une insistance assez marquée par les salicus sur Spiritus veritatis amène une cadence suspensive en si qui prépare le bel élan de ille arguet au débit de la seconde phrase. C’est là vraiment le point culminant de l’expression ; on y sent une joie fière ; celle du Christ qui va enfin triompher ; celle de l’âme qui se redresse devant le péché, l’injustice et toute la perfidie au milieu desquels elle vit et, dans la liberté de sa pensée intime, prend force, courage et joie à l’idée que bientôt va venir celui qui établira le droit véritable et le vengera de tout ce qui le diminue. L’énumération qui suit se fait sur des formules sans grand intérêt, mais les Alleluia raniment la joie pour finir.
Chantez avec simplicité le mouvement thétique de la première phrase ; le pressus de Paraclitus sera donc peu marqué. Par contre, appuyez bien les salicus sur le si, en leur donnant même un peu de mordant. Peu ou pas de ralenti à la cadence.
Le crescendo sur ille arguet léger et délicat.
Cantiques pour Pâques
Ecoutes de pièces
Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici