Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.
INTROÏT
LE TEXTE
Ainsi donc, ils ont siégé, les princes ;
Et contre moi ils parlaient.
Aide-moi, Seigneur mon Dieu,
Car ton serviteur s’appliquait à tes lois.
Ps. – Bienheureux les purs sur le chemin.
Ceux qui marchent selon la loi du Seigneur. Ps. CXVIII, 23, 86, 1.
L’idée vient assez naturellement d’en faire l’application à Saint Etienne. Rien ne s‘y oppose. Toutefois cette interprétation ne satisfait pas pleinement parce que, compris de la sorte, le texte perd toute actualité. Encore que les Saints soient réellement présents aux offices célébrés en leur honneur, on ne saurait leur attribuer à ce moment-là des actes incompatibles avec leur état de béatitude ; telle ici cette prière : aide-moi, Seigneur mon Dieu ; Saint Etienne n’a plus besoin d’être aidé.
C’est pourquoi il est peut-être préférable de mettre cet Introït sur les lèvres du Christ. Par la voix de l’Eglise, en qui il se continue, il applique à Saint Etienne et à tous ceux qui ont comme lui souffert persécution, ces paroles qu’il s’est sans doute appliquées à lui-même lorsqu’il les disait au cours de sa vie terrestre. Ce faisant, c’est encore de lui qu’il les dit, car c’est lui qui est persécuté en tous ceux qui sont persécutés. Entendu ainsi du Corps mystique tout entier, le texte a tout son sens. Par une attention spéciale, il se réfère à Saint Etienne, au jour de sa fête, mais, s’appliquant au Christ total qui toujours, ici ou là, souffre de la persécution, il est toujours actuel.
LA MÉLODIE
Il n’est pas aisé de caractériser la première phrase. Ce n’est pas une plainte. Elle n’est pas non plus l’expression d’une âme triste ou accablée car, dans les manuscrits, tous les neumes sont légers : notamment les porrectus de étenim sedérunt, les distrophas de loquebantur, la tristropha de persecuti. Ce qu’il faut y voir, semble-t-il, c’est, après la constatation quelque peu sombre de étenim, l’énergie éternellement jeune du Christ et de l’Eglise se déployant dans une paix inaltérable et forte. Il s’y mêle une nuance d’indignation discrète, retenue, qui n’éclate pas, mais qui est partout. Assez fortement marquée sur étenim par la bivirga et l’inflexion au grave sur la clivis allongée, elle souligne les mots de nuances plus ou moins poussées : me, loquebantur, où l’on peut voir évoquées les paroles de haine des sanhédrites et de leurs comparses de tous les temps ; persecuti surtout, notez la tristropha, la remontée bien scandée des groupes binaires vers le podatus allongé et la cadence si brusque.
De cet état d’âme, jaillit la prière de la deuxième phrase, ardente et forte elle aussi. La mélodie quitte la tonique à laquelle elle revenait sans cesse, s’établit un instant sur le fa, monte à la dominante et, dans un admirable mouvement de supplication, s’élance jusqu’au do, où elle s’épanouit en un pressus qui concentre sur Déus méus toute l’ardeur de la demande. Les deux autres incises ont moins d’élan : elles sont un plaidoyer où, comme il convient, l’humilité a sa part ; d’où, peut-être, cette discrétion dans le mouvement mélodique.
Le Psaume est une louange pour ceux qui, comme le saint martyr, vont droit leur chemin et en même temps une contemplation de sa béatitude.
Dans la première, après avoir bien appuyé la double note qui est une bivirga, faire les porrectus de étenim légers, tout en veillant à ce qu’ils gardent leur valeur de trois temps ; relier cette première incise à la seconde par-dessus la demi-barre et arrondir le torculus de me ; ne pas forcer les distrophas de loquebantur ; bien articuler le dernier mot de la phrase, me.
Dans la seconde, élargir légèrement le second torculus de Domine et y intensifier le crescendo qui le rattache à Déus méus, lequel aura commencé dès le début de la phrase. Aucun ralentissement à la cadence de exercebatur.
GRADUEL
LE TEXTE
Ils ont siégé, les princes, et, contre moi, ils parlaient.
Et les méchants m’ont persécuté :
Verset. – Aide-moi, Seigneur mon Dieu,
Sauve-moi en raison de ta miséricorde. Ps. CXVIII, 86, 23. VI, 5.
Il est à peu près le même que celui de l’Introït. Dans la première partie, seul le mot étenim du début est en moins ; mais dans le Verset la fin a été modifiée : quia sérvus tuus a été remplacé par le verset 5 du Ps. VI ; un appel à la miséricorde au lieu du plaidoyer de l’Introït .
Il est bien à sa place après l’Epître. Le récit du martyre qui vient d’être lu rend cette attitude du Christ et de l’Eglise encore plus naturelle.
LA MÉLODIE
(V) Sedérunt principes et advérsum me loquebantur et iniqui persecuti sunt me.
L’expression aussi est la même que dans l’Introït, mais beaucoup plus poussée.
L’indignation n’est plus contenue. Elle a bien la même réserve sur sedérunt principes, mais elle s’en dégage tout de suite et par un mouvement très vif. Les quatre syllabes détachées de et advérsum me portent la mélodie à la dominante en une arsis pleine d’une ardeur ui s’intensifie, sur me d’abord, puis sur loquebantur, où l’on retrouve le motif de l’Introït, mais considérablement renforcé sur que par une double note qui est une bivirga épisématique dans les manuscrits et qui de ce fait est fortement appuyée. Sur et iniqui, l’indignation éclate vraiment ; admirable formule où e mêlent la véhémence de la passion et l’amertume de la souffrance ; celle-ci particulièrement dans l’intervalle de tierce mineure sur lequel s’achève le mot.
Le Verset. – Adjuva me Domine Déus méus Salvum me fac propter misericoridum tuam.
La formule de l’intonation, qui ne se retrouve qu’une autre fois, et sur le même texte, dans le premier des Graduels du Samedi des Quatre-Temps de Carême, est très caractéristique d’un appel pressant à l’aide divine. Par son élan qui va d’un trait à la dominante, elle met quelque chose d’angoissé sur ce début de la prière. Mais tout de suite, sur la vocalise de Domine, l’angoisse s’atténue, pour faire place à une pression délicate, qui peu à peu se transforme, au cours de la dernière incise, en un cri d’ardente supplication, lequel atteint son maximum d’intensité sur la première note de la clivis répercutée. On voudrait qu’elle se poursuive sur Déus méus, mais la formule s’y prête mal et la coupure n’est pas heureuse.
Le simple récitatif de la seconde phrase ne fait qu’adapter la mélodie à la longueur du texte, mais il est d’un très bel effet. Il met sur misericordium un accent d’humble prière parfaitement adapté et qui se continue tout le long de la formule finale, laquelle s’y prête fort bien d’ailleurs par son mouvement discret, ses notes longues et tout particulièrement par la double répercussion de l’avant-dernier neume.
Le mouvement doit être assez ample.
L’intonation, très retenue ; la double note est une bivirga épisématique. Bien faire les accents de advérsum me et de persecuti.
Dans le Verset ne pas presser adjuva me, bien que le mouvement soit un peu dégagé. Se complaire dans la vocalise de Domine, qui sera légèrement élargie. Y rattacher de très près Déus méus pour pallier à la mauvaise coupure.
Bien accentuer salvum ; et bien rythmer tout le passage syllabique.
ALLELUIA
LE TEXTE
Je vois les Cieux ouverts
Et Jésus debout à la droite du Dieu Puissant. Actes VII, 56.
Ce sont, à quelques détails près, les paroles que Saint Etienne prononça lors de son jugement, au moment où ses accusateurs frémissant de rage grinçaient des dents contre lui : « Rempli du Saint esprit et levant les yeux au ciel il vit la gloire de Dieu et Jésus, debout à la droite de Dieu, et il dit : Je vois les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu.» L’auteur pour accommoder le texte à la mélodie a remplacé Filium hominis par Jésum et fait précéder Déi de virtutis.
Au sens liturgique c’est encore Saint Etienne qui les chante par la voix de l’Eglise et elles sont aussi actuelles qu’à l’heure de son martyr, car c’est bien vrai qu’il voit le ciel et Jésus à la droite du Père : le mot de son extase est devenu le mot de son éternelle vision.
LA MÉLODIE
C’est celle de l’Alleluia de la Messe du jour de Noël. Ici encore c’est dans l’adaptation des mots aux intonations et aux cadences que réside l’expression.
Dans la première phrase, vidéo avec ses premières notes allongées et la progression du mouvement qui l’emporte au sommet du mode évoque admirablement le regard du Saint tendu vers le ciel en même temps que la surprise, la joie, l’admiration qui de plus en plus remplissent son âme. La deuxième incise, plus thétique, chante aussi très bien la béatitude où le fixe l’extase.
La seconde phrase, elle, se fait pleine de révérence ; elle adore comme dut le faire le martyr quand, à ses yeux ravis, le Fils de l’homme apparut à la droite du Dieu puissant.
La troisième prolonge cette joie béatifiante jusqu’à ce que l’enthousiasme, qui ne s’était pas encore révélé, vienne envelopper le mot Déi d’une exultation d’Hosanna.
En plus de ce qui a été recommandé pour l’Alleluia de Noël, on joindra ici très étroitement a déxtris à stantem.
OFFERTOIRE
LE TEXTE
Ils choisirent, les apôtres, Etienne (pour) lévite.
(Il était) rempli de foi et de l’Esprit-Saint.
Lequel lapidèrent les Juifs,
Alors qu’il priait et disait :
Seigneur Jésus, reçois mon esprit.
Alleluia !
Ce résumé de l’histoire de Saint Etienne est d’abord une réplique de l’Eglise à l’Evangile. Elle a entendu le diacre chanter la parole de Notre-Seigneur : «Voici que je vais vous envoyer des prophètes, des sages, des docteurs ; et vous tuerez les uns et vous sacrifierez les autres et vous en flagellerez plusieurs dans vos synagogues ; Jérusalem, qui tue les prophètes et qui lapide ceux qui te sont envoyés… » Elle chante alors l’histoire du Saint comme pour se dire à elle-même que dans son martyr s’est réalisée une fois de plus la prophétie du Christ.
Il est aussi un magnifique chant d’offrande. La prière accipe spiritum méum, sur laquelle il prend fin est en effet la prière de tous les sacrifices de la vie, de la mort et de l’éternité, de sorte qu’au moment où chacun doit s’offrir avec le prêtre sur les mêmes mots suscipe Domine, elle devient la plus vivante, des réalités, et pour le martyr qui là-haut continue son offrande, et pour nous qui mêlons la nôtre à la sienne, ici-bas.
LA MÉLODIE
Elle ne ressemble pas aux autres mélodies d’Offertoire. Elle est originale non seulement en ce sens qu’elle n’est pas centonisée – aucun Offertoire ne l’est – mais parce qu’elle sort de l’ordinaire. Il n’est d’ailleurs pas aisé de dire avec précision ce qui la fait si particulière : son étendue dans les deux tétracordes du mode, une certaine complaisance dans le grave avec un attrait vers les cadences pleines sur di, ce qui pour un rien évoquerait le majeur moderne, une très grande aisance dans le développement neumatique qui est riche et hardi ; par-dessus tout, une vie intense et je ne sais quoi de dramatique qui d’ailleurs sert parfaitement le texte.
Elle comprend deux parties nettement distinctes : le récit du drame et la prière du Martyr.
La première phrase, bien qu’elle se développe dans le grave et en dépit de sa richesse mélodique, est très simple. Elle raconte l’élection, c’est tout ; Elle le fait avec emphase en marquant les mots d’un fort relief – notez la double note de elegérunt, qui est une bivirga épisématique, et l’arsis de apostoli – mais elle n’enveloppe le récit d’aucun sentiment particulier, si ce n’est d’une paix tranquille.
La seconde est consacrée au saint Martyr. Son nom se trouvant dans le mouvement thétique de la première phrase ne pouvait être mis en évidence autant qu’on l’eût désiré, mais voici les mots qui le caractérisent : plénum fide et Spiritu Sancto, les mots qui disent sa sainteté, qui ont déterminé le choix des apôtres et qui le mettent dans la catégorie des sages et des prophètes envoyés par le Christ et que tua Jérusalem. La mélodie va les mettre en éclatant relief. Toutefois ce n’est ni fide, ni Spiritu Sancto qui ont le plus retenu l’attention de l’auteur, mais plénum. Aussi bien tous les chrétiens ont la foi et le Saint-Esprit, mais Saint Etienne en était rempli et c’est cette plénitude qui le caractérisait. Le mot est admirablement traité. La progression rythmique et mélodique conduit la voix doucement au sommet. Elle se pose, légère, sur la première double note et va se renforçant sur la seconde avant de s’arrondir au sommet et de retomber gracieusement sur fide. La première double note de fi est une bivirga épisématique ; simple nuance, mais combien expressive de la foi inflexible du jeune Martyr. Le mot s’achève en une cadence du IVe mode pleine de génération.
La mélodie ne s’y attarde pas, elle se relève tout de suite sur Spiritu Sancto. Sans traiter ce mot comme le plus important, l’auteur lui a tout de même donné un certain relief : les premières notes des clivis sont allongées ; et surtout la cadence en fa par le si naturel lui donne une expression de confiance, d’abandon, de paix absolue. C’est celle de toute la phrase d’ailleurs et elle est bien faite pour évoquer l’âme ardente certes mais si abandonnée du jeune lévite.
La troisième phrase est en contraste absolu. L’indignation que provoque le drame se manifeste dès le premier mot par les répercussions et plus encore par la retombée brusque fa-do. Elle se fait de plus en plus violente sur les rythmes binaires ascendants de lapidavérunt jusqu’à devenir un cri de stupeur sur la distropha et la bivirga répercutée du sommet. Notez que c’est la même formule que sur plénum, mais ici les trois podatus qui l’amènent et, plus encore, l’image de la lapidation et le sentiment qui s’en dégage détruisent le caractère paisible qu’elle avait dans la phrase précédente et en font, au contraire, quelque chose de dur où se mêlent de la souffrance et une colère qui se contient à peine et qui trouve d’ailleurs, sur le pressus de judaei l’accent qui lui convient. Cette indignation douloureuse d’un moment se change en douceur, admiration, vénération sur orantem et dicéntem. C’est une autre image : celle du martyr en extase ; on ne voit plus la scène d’horreur, on est tout à la paix qui se dégage du Saint en prière.
Domine Jésu, accipe spriritum méum… A l’encontre du récit où tant de sentiments se trouvent mêlés, ici, tout est simple. L’âme du jeune diacre est avec Dieu dans un abandon plein d’amour et c’est déjà la joie de la béatitude qui passe dans les mots qu’il dit ; L’invocation Domine Jésu est une merveille de calme, de repos, de paix souriante, avec une nuance de plénitude que lui donnent les beaux intervalles larges et sonores. Le mouvement thétique se poursuit sur accipe avec un accent de prière délicat, qui va devenir dans le splendide élan de spiritum le dernier cri d’amour du Martyr… et le nôtre.
Tous s’achève dans la paix joyeuse de l’Alleluia, le mot de la louange éternelle dans laquelle il est entré, et où nous le suivons.
Eviter dans l’exécution toute recherche d’effet. Le conseil est de mise ici plus que partout ailleurs, en raison du caractère dramatique du texte et de la mélodie. Dans une analyse, il faut dire les nuances avec des mots qui n’ont pas assez de nuances ; l’exécution doit y suppléer. Suivre scrupuleusement le rythme et demeurer dans l’esprit du texte ; et tout sera bien.
Certains détails demandent un soin particulier.
Dans la première phrase ; la bivirga de elegérunt qui sera fortement appuyée. Dans la seconde, le mot plénum qu’il ne faut pas pousser mais envelopper de paix, appuyer fortement la double note du sommet, qui est une bivirga. Celle de fide doit être très expressive. Mais le mouvement ne doit pas être ralenti. Poser avec un peu d’ampleur les premières notes des podatus de lapidavérunt, dont la bivirga du sommet sera traitée comme celle de plénum.
Dans la dernière phrase, Domine un peu élargi et très lié. Spiritum de même, mais le sommet assez fort ; notez la bivirga. Un peu plus de mouvement à l’Alleluia, mais la dernière incise très élargie.
COMMUNION
LE TEXTE
Je vois les cieux ouverts,
Et Jésus se tenant à la droite de la puissance de Dieu :
Seigneur Jésus, reçois mon esprit,
Et n’attribue pas à ceux-ci le péché,
Car ils ne savent pas ce qu’ils font. Act. VII, 56, 59, 60. – Luc. XXIII, 34.
Ce sont les paroles mêmes de Saint Etienne. Elles forment ici un tout mais en fait elles ont été prononcées par le Saint en trois circonstances différentes ; la première à la fin de son plaidoyer, la seconde pendant qu’on le lapidait, la troisième juste au moment de mourir, la dernière incise exceptée. Celle-ci ne fut prononcée que par Notre Seigneur sur la Croix, mais elle est tout à fait à sa place ici.
Dans le cadre liturgique, c’est encore le saint Martyr qui par la voix de l’Eglise fait entendre les paroles qui continuent d’être dans l’éternité l’expression de son âme glorifiée. Mais chacun doit avoir soin de faire sien, comme dans l’Offertoire, accipe spiritum méum. C’est le mot par excellence de l’âme qui communie. L’union du Christ avec nous se fait dans le don réciproque de nos deux êtres. Il se donne, nous nous donnons : Domine Jésu, accipe spiritum méum. Le texte devient ainsi une vivante réalité.
LA MÉLODIE
Trois phrases ayant chacune son objet précis : vision, offrande, prière.
Dans la première, Saint Etienne dit ce qu’il voit et il le dit à mesure qu’il le voit. Ce sont d’abord les cieux ouverts. Il n’y a pas de doute que ce fut pour lui une joie indicible, mais à peine en eut-il conscience que la vision se précisa et qu’à la droite du Père, apparut le Seigneur Jésus debout dans la gloire. Une vague de béatitude dut alors soulever son âme et en faire jaillir un cri d’admiration et d’amour. C’est cette progression de joie que la mélodie exprime. Elle débute sur vidéo caélos apértos dans une tonalité imprécise ; le mouvement non plus ne se dessine que discrètement du fa au si b ; c’est que la joie du saint Martyr ne fait que commencer, ses yeux cherchent encore. Mais voici la vision nette du Christ Jésus ; par une modulation brusquée, la mélodie s’élance d’un bond à la dominante et là, sur les hauteurs, prolonge et développe le cri de joie extatique qui remplit l’âme du Saint, la déborde et va se perdre pour finir sur virtutis Déi dans l’adoration et la paix.
Cette vision, comme toutes les visions, s’achève dans l’amour qui se donne, Domine Jesus accipe spiritum méum. L’élan de joie s’accentue encore, tout en étant de plus en plus pénétré de paix. La mélodie rebondit du sol au ré puis, par une courbe extrêmement gracieuse, vient se reposer sur la dominante pour redescendre par degrés paisiblement vers la tonique. Il y a dans toute cette phrase quelque chose de simple, d’aimable, on dirait bien : de souriant. C’est toute l’âme, si pure, du Saint qui, en présence de son Sauveur enfin trouvé, se remet à lui, dans un geste qui est naturel, parce qu’il est de toujours. Il ne demande pas au Christ de le recevoir : il se donne.
La troisième phrase est très différente. C’est encore une prière, mais une prière d’intercession cette fois. Ne statuas illis… Le mélodie module vers la cadence du IVe mode où elle prend le ton de douce pression que permet l’amitié, puis elle devient grave et nuancée de honte sur peccatum comme si le jeune Martyr assumait quelque chose de la cruelle humanité, et elle s’achève dans la paix, sur le mot d’excuse qui rappelle au Christ sa propre miséricorde.
Ne pas traîner. Un bon mouvement, sans presser, jusqu’à la fin de la première phrase, avec une ferveur croissante. Bien accentuer le pressus de Déi.
Domine Jésu, léger, très lié, gracieux ; heureux plutôt que suppliant. La double note de Jésu est une bivirga ; l’appuyer doucement en renforçant la voix vers l’accent de decipe et l’on aura l’admirable expression d’amour tendre et fort qui convient. Toute la phrase un peu plus lente et aussi immatérielle que possible.
Veiller à garder jusqu’au bout le mouvement. Relier de très près peccatum à illis. Prendre le temps d’articuler la dernière syllabe de nésciunt sur le punctum, qui, de ce fait, sera allongé.
Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici