Les chants de cette messe sont communs aux dimanches suivants jusqu’au 1er dimanche de l’Avent.
Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.
Nous groupons sous ce titre les Dimanches qui suivent le XXIIIe. Ce sont, on le sait, ceux d’après l’Epiphanie qui n’ont pas pu trouver place avant la Septuagésime, et le XXIVe ou dernier.
L’idée centrale est toujours la fin du monde sous ses deux aspects : la peur du jugement dernier et des épreuves qui le précéderont, et la joie de l’éternité toute proche.
Les chants demeurent ceux du XXIIIe Dimanche. Ils sont, il va de soi, parfaitement adpatés. Les lectures le sont moins. Toutefois, il est facile chaque Dimanche, de trouver dans l’Épître et dans l’Évangile une phrase, un mot, une allusion qui les rattache à l’idée centrale, leur donnant ainsi un sens liturgique qui s’accorde avec celui du Graduel, de l’Allelúia, de l’Offertoire.
IIIe Dimanche après l’Épiphanie
L’Épître, qui recommande de ne pas rendre le mal pour le mal, se termine ainsi : « Ne vous vengez pas vous-mêmes : mais laissez agir la colère de Dieu car il est écrit : A moi la vengeance, c’est moi qui rétribuerai, dit le Seigneur…Ne vous laissez pas vaincre par le mal mais triomphez du mal par le bien ». C’est ce qui se produira au jugement dernier ; le Seigneur se vengera, rétribuera et triomphera du mal par le bien. La louange de gratitude du Graduel, comme la plainte et la supplication angoissée de l’Allelúia sont tout à fait à leur place après ces paroles qui promettent la récompense et menacent du châtiment.
L’Evangile relate deux miracles : la guérison d’un lépreux et celle du serviteur du Centurion de Capharnaüm. Ce dernier épisode prend fin sur cette parole à la fois consolante et terrible de Notre Seigneur : « Je vous le dis en vérité je n’ai pas trouvé une si grande foi dans Israël. Aussi je vous dis que beaucoup viendront de l’Orient et de l’Occident et auront place au festin avec Abraham, Isaac et Jacob dans le royaume des cieux, mais les fils du royaume seront jetés dans les ténèbres extérieures ; là où il y aura des pleurs et des grincements de dents ». Quelle allusion nette au jugement dernier ! L’offertoire avec sa plainte et la joie délicate qui perce dans la seconde phrase est sur nos lèvres la prière humble du lépreux et du centurion par laquelle nous demandons, nous aussi, à être purifiés, guéris pour entrer dans la société des élus ; avec une nuance de crainte que fait naître en nous cette exclusion prononcée contre ant de fils du royaume.
IVe Dimanche après l’Epiphanie
L”Epître nous prêche l’amour du prochain qui est la plénitude de la loi. Elle ne contient aucune allusion à la fin des temps.
Le Graduel qui remercie Dieu de nous avoir délivrés de la haine de nos ennemis et qui chante l’éternité où nous serons tous un dans le Seigneur est une belle paraphrase de ce conseil de charité en même temps qu’un désir ardent du jour sans fin où il se réalisera pleinement. L’Allelúia peut fort bien être interprété comme la prière qui implore du Seigneur la grâce qu’il nous faut pour accomplir cette plénitude de la loi.
La tempête apaisée dont l’Evangile nous fait le récit est l’image des bouleversements terribles de la fin du monde, qui s’apaiseront soudain à l’avènement du Christ Glorieux. L’offertoire y est donc parfaitement adapté. Il dit et notre crainte et déjà la joie de la paix éternelle qui suivra.
Ve Dimanche après l’Epiphanie
On entend ceci à l’Epître : « Que la paix du Christ, à laquelle vous avez été appelés pour ne former qu’un seul corps, règne dans vos cœurs : et soyez reconnaissants…Exhortez-vous les uns les autres par des psaumes et des cantiques spirituels, chantant à Dieu dans vos cœurs…quoi que vous fassiez en paroles ou en œuvres, faites tout au nom du Seigneur Jésus-Christ, rendant grâce par lui à Dieu le Père ».
Le Graduel, en chantant la reconnaissance de l’Eglise et en évoquant les joies qu’elle aura à louer le Seigneur au nom du Christ, et in nómine tuo confitébimur in saécula, est la mise en pratique immédiate de ce conseil de Saint Paul.
L’Allelúia se rapporte plutôt à l’Evangile. C’est la parabole de l’ivraie semée par « l’ennemi » dans le champ du Père de famille et qui au temps de la moisson est liée en gerbes pour être brûlée tandis que le blé est amassé dans le grenier. Le temps de la moisson c’est le jour du Jugement. L’offertoire, comme l’Allelúia est la prière de l’Eglise à la veille de la moisson…et la nôtre pour que nous soyons tous les grains de blé qui monteront dans les greniers du Père.
VIe Dimanche après l’Epiphanie
A la fin de l’Epître, Saint Paul félicite les habitants de Thessalonique de s’être convertis « quittant les idoles pour servir le Dieu vivant et véritable, et pour attendre du ciel son Fils qu’il a ressuscité des morts, Jésus qui nous a délivrés de la colère à venir». Et le Graduel chante : « Liber asti nos Dómine, tu nous as délivrés Seigneur…et nous te louerons à jamais quand tu seras venu et que tu nous auras pris avec toi dans ta gloire ». Mais d’ici là, il y a l’épreuve, et la mort, et le jugement : De profúndis clamávi…
La parabole du grain de sénevé, devenu le grand arbre où viennent se percher tous les oiseaux du ciel, évoque l’aspect glorieux du dernier jour, quand nous serons tous avec le Seigneur dans les hautes branches. Pour l’heure, nous crions encore d’en-bas…De profundis. Mais il passe déjà dans notre cri une paix et une joie qui ont un goût d’éternité.
XXIVe et dernier Dimanche après la Pentecôte
L’annonce de la fin ici est expresse, et les chants, plus encore que lors du XXIIIe Dimanche, sont d’une vivante actualité.
L’Epître nous demande de rendre grâce à Dieu « qui nous a rendu dignes d’avoir part à l’héritage des Saints dans la lumière, en nous délivrant de la puissance des ténèbres, pour nous transporter dans le royaume de son Fils bien-aimé, en qui nous avons reçu la rédemption par son sang et la rémission des péchés ». Admirable péroraison à tout ce que nous a dit Saint Paul en tant d’Epîtres. Elle suscite comme spontanément le chant de délivrance et de gratitude qu’est le Graduel : Liberásti nos Dómine…et nómini tuo confitébimur in saécula. Mais la délivrance n’est pas achevée, les puissances des ténèbres sont encore autour de nous, nous ne sommes pas fixés dans la lumière du royaume et nous continuons de prier d’en bas…De profundis, avec l’angoisse des dernières épreuves dans la voix.
L’Evangile nous les décrit en des termes effrayants qui sa valeur de supplication à l’Offertoire et à la plainte lourde de son premier verset deux fois entendue.
Pour que nous ne demeurions pas sous cette terreur, la voix douce et réconfortante du Christ Jésus vient nous dire avec tendresse dans la Communion ce qu’il nous avait déjà dit dans l’Introït : qu’il nous exaucera, qu’il nous ramènera à lui : et redúcam captivátem vestram…et fiet vobis. Et la confiance, et la paix, et la joie reviennent, en attendant la Béatitude de son visage à jamais contemplé.
Ainsi prend fin le drame de l’année liturgique. Il est sans dénouement. La fin des temps n’arrive pas.
A peine l’écho du fiet vobis s’est-il évanoui, à la fin de la semaine qui fait suite au XXIVe Dimanche après la Pentecôte, que, le samedi même, à vêpres, l’Eglise, soudain rajeunie de milliers d’années, se met à chanter à nouveau ce que chantaient dans leurs cœurs brûlants de désirs les premiers hommes hors du premier jardin. In illa die stillábunt montes dulcédinem…Ce jour-là elles distilleront, les montagnes, la fouceur : la douceur du Christ, la douceur de Dieu contemplé face à face.
L’Avent, l’attente de l’Avènement du Christ recommence.
Ainsi en sera-t-il jusqu’au dernier jour.
« Puis ce sera la fin, quand le Christ remettra le royaume à Dieu et au Père, après avoir anéanti toute principauté, toute puissance, toute force…Et lorsque tout lui aura été soumis, alors le Fils lui-même fera hommage à celui qui lui aura soumis toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous ». (I Cor. XV. 24-28)
Cette présentation par le Christ à son Père, des anges et des hommes glorifiés, tous un en lui, chantant la même louange que lui, soumis avec lui à Dieu devenu tout en tous, c’est la fin : ce pour quoi tout a été fait, ce vers quoi tout va dans le monde depuis le commencement, l’acte dans lequel Dieu trouvera la gloire qu’il attend de ses créatures et nous, notre béatitude.
C’est le dénouement.
Le dernier acte du drame.
LA LITURGIE DE L’ÉTERNITÉ.
Si la fête de Pâques est tôt dans l’année, les dimanches après l’Epiphanie (3e au 5e) qui n’ont pas pu être célébrés vont servir d’emploi pour allonger la liste des dimanches après la Pentecôte jusqu’à arriver au 1er dimanche de l’Avent.
Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici