L'introït In voluntate Domine par la Schola Bellarmina
Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.
INTROÏT
LE TEXTE
Versez votre rosée, cieux, d'en haut, et que le nuages pleuvent le Juste. Qu'elle s'ouvre, la terre, Et qu'elle germe le Sauveur.
Ps.- Les cieux disent la gloire de Dieu
Et l'œuvre de ses mains, il la proclame, le firmament. Isaïe, XLV, 8 - Ps. XVIII, 2.
Au chapitre XLV, Isaïe rapporte ce qu'il a entendu le Seigneur dire à Cyrus, qu'il va susciter pour être son christ, sauver le peuple et rebâtir la cité et le temple. A la vision de ce sauveur d'un moment, par delà lequel il voit le Messie et son œuvre éternelle, il est transporté et, interrompant sa prophétie, lance vers le ciel son désir ardent pour que soit bâtie la venue des deux libérateurs. Il le fait sous la forme poétique de la rosée qui fait germer la plante, symbolisant ainsi l'action divine qui fera de Cyrus et du Christ des sauveurs parfaits.
Au sens liturgique, c'est l’Église qui appelle le Messie. Rien n'est à changer dans l'image du prophète, mais il faut lui donner tout son sens divin. La rosée sollicitée du ciel, c'est l'action fécondante du Saint-Esprit ; la terre, c'est Notre-Dame, fleur de la race, qui s'ouvre au sommet de la tige de Jessé et qui, fécondée sous l'ombre mystérieuse de l'Esprit du Très-Haut, va produire son fruit divin ; le Verbe fait chair.
Cette prière admirable et tout à fait à sa place le Mercredi des Quatre-Temps, tout entier consacré à l'Annonciation. Il faut lui garder ici la même interprétation ; d'autant que, par l'Offertoire et la Communion tout au moins, le mystère continue d'être fêté. Et il faut la chanter comme la prière suprême, entendue de Dieu par delà les siècles, et qui a contribué à faire venir plus tôt l'heure du Messie et de Notre-Dame ; mais aussi, comme la supplication qui va mériter aux âmes de recevoir le Verbe fait chair quand il va revenir et de se livrer à l'influence de son Esprit comme la terre à la rosée, lui donnant ainsi ce qu'il attend d'elles pour réaliser la plénitude de son Incarnation.
Le Psaume, lui, n'est pas une prière ; il est la constatation joyeuse des merveilles de Dieu qui se réalisent dans le mystère.
LA MÉLODIE
Une prière ardente de deux phrases qui s'opposent ici, encore, suivant le texte, comme le ciel et la terre.
La première est un admirable mouvement de l'âme portant on désir, comme dans le graduel. Qui sédes, aussi haut que possible, jusqu'aux nuées fécondes d'où va venir la céleste rosée, puis redescendant douce et paisible comme descendra le Juste qu'elle chante. La supplication est ardente sur le pressus de caeli, les quilismas de désuper, le pressus de pluant, mais il n'y a pas d'inquiétude, de doute, d'angoisse ; au contraire, une grande sérénité et une joie discrète se mêlent partout à la prière dans la tonalité claire du mode de fa ; la joie de l'Eglise qui sait, car elle en jouit déjà, tout le bonheur qu'il y a pour elle dans cette pluie fécondante qu'elle sollicite.
La seconde a moins d'élan. C'est la terre que l'Eglise regarde et encore qu'il s'agisse de Notre-Dame, ce chef-d'œuvre de grâce qui va produire la nature humaine du Christ, n'est-elle pas tout en bas par comparaison avec l'infinie perfection du verbe qui va y descendre ? Et puis, c'est le mystère dont la profondeur ne saurait se chanter ; Aussi, après l'ardeur de la supplication sur aperiatur, la mélodie revient-elle au mode de ré, et en des neumes qui s'effacent de plus en plus, elle s'éteint, gracieusement d'ailleurs, sur Salvatorem, le mot du désir.
La deuxième note de ra dans Rorate doit être élargie. Le crescendo de la première incise sera ardent mais sans éclat ; c'est une prière. Bien accentuer nubes et aller sur le pressus de pluant en progression.
Veiller à ce que tur dans aperiatur ait bien sa valeur et qu'on ait le temps d'articuler. Térra sera légèrement retenu ainsi que les quatre dernières notes de gérminet.
Le Psaume sera chanté dans un bon mouvement et pénétré déjà de la joie du « Gloria in excelsis » qu'il prophétise.
GRADUEL
LE TEXTE
Il est proche, le Seigneur,
De tous ceux qui l'invoquent,
De tous ceux qui l'invoquent dans la vérité.
Verset. - La louange du Seigneur,
Elle la chantera, ma bouche,
Et que toute chair bénisse le Seigneur. Ps. CXLIV, 18, 21.
Dans la première partie, le psalmiste exprime une idée très simple ; à savoir que le Seigneur est tout disposé à écouter ceux qui le prient. Toutefois, il a précisé d'un mot : ceux qui le prient dans la vérité ; c'est-à-dire qui lui demandent, en toute sincérité, des chose vraies ; entendons : ceux qui sont conformes à sa volonté, car la vérité, c'est, en même temps, ce que Dieu pense et ce que Dieu veut.
Le Verset, lui, est un hommage de reconnaissance de l'âme qui promet à Dieu une louange sans fin en retour de la bienveillance qu'il lui témoigne.
Au sens liturgique, peut-être serait-on porté à s'appuyer sur les premiers mots Prope est Dominus pour faire entrer ce texte dans le cadre de l'Avent. Ce ne serait pas absolument exact car c'est en tout temps que le Seigneur exauce ceux qui savent le prier. Il ne faut pas non plus le rattacher à l'Epître qui vient d'être lue, mais à l'Epître du mercredi précédent pour laquelle il a été choisi. Dans cette Epître, on nous ait entendre l'histoire d'Achaz qui, par manque de confiance, refusa de demander un prodige au Seigneur et qui reçut, en réplique, d'Isaïe la fameuse prophétie qui annonçait le prodige des prodiges : « Le Seigneur vous donnera lui-même un signe : Voilà qu'une Vierge concevra et enfantera un Fils et son nom sera Emmanuel ». A la fin de ce récit, ces deux versets viennent sur es lèvres de l'Eglise comme une sorte de réflexion. Repliée sur elle-même et gardant bien présent à l'esprit tout ce qu'elle vient d'entendre, elle se dit : Achaz a eu tort...Le Seigneur est tout près de ceux qui l'invoquent et bientôt il sera plus près d‘eux encore ; car le prophète a dit que Celui qui doit venir aura nom Emmanuel, ce qui veut dire : Dieu est avec nous.
Cette annonce précise de l'Incarnation amène alors la grande louange du Verset. Laudem Domini...
LA MÉLODIE
(V) Prope est Dominus omnibus invocantibus éum omnibus qui invoquant éum in verita te.
Elle est composée de trois formules : celle de Prope est Dominus et les deux de éum. Ces formules sont reliées entre elles par les motifs presque syllabiques de omnibus invocantibus et de omnibus qui invoquant. Un seul mot est original, in veritate, encore s'achève-t-il en une formule finale commune.
Le fait qu'elle est à ce point centonisée n'empêche pas qu'elle soit très expressive. L'auteur s'est servi de formules toutes faites mais il les a choisies pour le texte et les a disposées de telle sorte qu'elles puissent en exprimer au mieux le contenu. Notez qu'elles sont placées sur les mots importants : Dominus, le nom divin, et éum qui le représente ; et que, par le contraste que font leurs neumes avec les motifs syllabiques qui les entourent, elles les mettent en particulier relief. Aussi bien est-ce le mot de l'Epître : Pete signum a Domino, dit Isaïe. Non tentabo Dominum, répond Achaz. Propter hoc dabit Dominus ipse vobis signum, réplique le prophète.
L'intonation est grave. (Cette formule n'est employée que sur le mot Dominus ; de sorte qu'elle est moins une formule centon qu'un motif réservé uniquement au nom du Seigneur, comme plusieurs autres.) Mais ce serait une erreur d'y voir la moindre tristesse. Au contraire, on y discerne déjà en une nuance discrète la joie qui se dégage du texte et qui caractérise tout le Graduel. Toute pénétrée de respect, elle se retient, s'efface, sur le nom divin, mais, sitôt après, elle se laisse aller, se développe sur omnibus invocantibus et va s'épanouir sur éum en un bel élan qui se détend dans la plénitude de la cadence en fa. Elle passe dans la seconde phrase, s'élève avec grâce sur omnibus, puis redescend dans le grave où elle se revêt à nouveau sur éum d'une certaine révérence qu'elle garde jusqu'à la fin.
Le Verset. - Laudem Domini loquétur os méum Et benedicat omnis caro nomen sanctum éjus.
La joie est ici enthousiaste. Lancée avec une ferme assurance sur la distropha de Laudem, elle se développe en une sorte de contemplation sur Domini : légère, souple, heureuse. Une nuance de tendresse plus marquée passe avec le si b, puis l'exaltation, grandissant à nouveau, va vers loquétur os méum où elle atteint toute sa puissance d'expression sur les mots mêmes qui disent la joie de pouvoir chanter à jamais.
L'enthousiasme est le même dans la seconde phrase. Sitôt qu'elle a été ramenée à la dominante, la mélodie s'élance à l'extrême limite du mode, enveloppant de toute sa puissance l'ardent souhait de l'Eglise. Elle s'y arrête d'ailleurs ensuite en un gracieux mouvement descendant, puis, pour finir, se pénètre à nouveau de tendre respect sur nomen sanctum éjus.
Comme on le voit, ce verset a un caractère de joie éclatante qui ne s'est pas encore rencontré au cours de l'Avent. L'auteur a-t-il voulu donner là comme une première annonce de la joie de Noël et en pénétrer déjà l'âme des fidèles ? On a d'autant plus de raisons de le croire que les formules 53 et 54 sont particulières à la période de la Nativité. On les trouve ailleurs, mais elles sont si fréquemment répétées au temps de Noël qu'elles contribuent, sans aucun doute, pour leur part, à créer l'atmosphère musicale. El semble que ce soit comme le début d'un crescendo de joie qui, parant du Mercredi des Quatre-Temps, jour consacré à l'Annonciation, jour de l'Incarnation, atteint toute sa puissance aux jours de Noël et de l'Epiphanie.
Ne pas chanter l'intonation avec des effet de basse, mais avec la simplicité et la douceur qui conviennent à une contemplation paisible. Le crescendo est le premier éum sera discret et mené dès le début de l'incise ; C'est une formule assez délicate mais très expressive. Il y a sur le do une distropha, puis al première note de la clivis ou du climacus ; les distrophas seront posées doucement et la voix, renforcée, ira vers la note qui suit pour la répercuter, délicatement. Il s'en suivra une onction pénétrée de ferveur qui servira admirablement le pronom éjus qui tient la place de Dominus.
Retenir quelque peu veritate ; la tristropha, douce. Bien distinguer dans la vocalise qui suit, sur le la, les deux distrophas, du pressus ; lles reçoivent doucement le posé de la voix ; de même celle qui se trouve sur le do dans la dernière incise.
C'est une bivirga qu'il y a sur Laudem au début du Verset ; qu'elle soit appuyée, forte et bien lancée. Sur Domini, deux distrophas et répercussion sur la première note de la clivis ; même interprétation que plus haut. Une bivirga avant les deux climacus qui finissent la première phrase ; bien accuser la première note du second.
La tristropha de os, légère. Bien pendre grade à donner toute leur valeur aux trois notes qui précèdent les notes doubles de méum ; les retenir légèrement évitera le danger d'en faire un triolet. Poser nettement l'épisème vertical de omnis, allonger même un peu la note. (Dans plusieurs cas, la 2ème note est un quilisma.) Un gracieux ralenti sur sanctum, qui se poursuivra sur éjus jusqu'à la fin.
ALLELUIA
LE TEXTE
Viens, Seigneur et ne tarde pas.
Pardonne les péchés de ton peuple.
Cette phrase ne se trouve pas dans l'Ecriture. L'idée en est très simple et s'applique sans difficulté à l'un ou à l'autre des sens de l'Avent. C'est une prière dont l'objet est nettement déterminé : la prière de tout le peuple de Dieu, de toute l'Eglise, suppliant le Christ de venir sauver le monde.
LA MÉLODIE
On la rencontre deux autres fois au cours de l'année : le XXe Dimanche après la Pentecôte (Alleluia Paratum cor méum) et à la messe Loquebar d'une Vierge Martyre (Alleluia Adducentur).
Elle commence dans le grave et se meut lentement dans toute la première phrase, comme la prière très humble du pécheur qui n'ose pas lever les yeux, accablé qu'il est sous ses fautes. Ce n'est que dans la seconde incise qu'elle prend un peu d'ardeur, il y a sur et noli tardare un très bel accent de pressante supplication.
Dans la seconde phrase, la prière est plus aisée sur relaxa. La longue vocalise de facinora est, en elle-même, assez indifférente, mais elle prend, avec les mots, un caractère de prière fort bien adapté. Il y a, dans la répétition du motif initial, une progression qui fait la supplication de plus en plus forte. La première fois, elle monte par trois degrés au si b ; la seconde fois, par un seul mouvement de quarte, elle atteint le do qu'elle marque d'un pressus ; la troisième, elle s'y pose sans préparation et y demeure trois temps. Il y a là une vigueur accrue du plus heureux effet. La mélodie redescend ensuite dans le grave et finit sur une formule propre à certains graduels du Ier mode, elle aussi très priante et très humble, avec une touche assez marquée de crainte révérentielle.
L'Alleluia, lui, est du IIIe mode, mais l'unité demeure parfaite et l'expression y trouve son bien. L'Alleluia ayant en lui-même un caractère de louange que le contraste rend plus marqué encore.
Prendre garde de faire trop longue la double note initiale de l'Alleluia, lequel doit avoir un certain mouvement. Bien balancer le rythme de l'arsis ; la vocalise légère.
Veni Domine tranquille et discret. Crescendo sur noli ; tardare sans éclat. Noter que, dans les thésis de la seconde phrase, toutes les notes doubles sont des distrophas, légères donc ; de même les deux qui précèdent la clivis sur le do, à la dernière reprise du motif. Par contre plé dans plébis est une bivirga. Lier avec soin les grands intervalles de l'avant-dernière incise.
OFFERTOIRE
LE TEXTE
Salut, Marie, de grâce remplie,
Le Seigneur (est) avec toi.
Bénie (es-)tu entre les femmes,
Et béni le fruit de ton sein.
C'est la salutation de l'Ange Gabriel à Notre-Dame et celle d'Elisabeth combinées en un seul texte, lequel forme la première partie de la Salutation angélique. Il n'y manque que le dernier mot, Jésus, qui d'ailleurs ne fut pas dit par Elisabeth.
Au sens liturgique toutefois, ce n'est ni l'Archange ni Elisabeth qui saluent Notre-Dame ; la combinaison des deux salutations en un seul texte s'y oppose. C'est toute l'Eglise qui, au moment où est commémorée la Conception de Notre Seigneur, fait monter sa louange vers celle que Dieu a choisie pour sa mère. Elle a entendu, au cours de la semaine écoulée, le mercredi, le récit de l'Annonciation, le vendredi, celui de la Visitation ; elle recueille, sur les lèvres de l'Archange et d'Elisabeth, les paroles inspirées pour les redire à Notre-Dame, comme l'hommage le plus parfait qu'elle puisse rendre à sa sainteté incomparable et à sa maternité divine.
Bien noter que c'est une salutation. Ceci implique que les chanteurs soient en communication directe avec Notre-Dame : qu'ils chantent pour elle et qu'ils aient conscience que du haut du ciel, elle les écoute et reçoit leur hommage dans la joie de son cœur maternel.
LA MÉLODIE
Quatre phrases (Ave Maria gratia plena ne forme qu'une seule phrase. La grande barre qui suit Maria doit être considérée comme une demi-barre). Les trois premières, en progression l'une sur l'autre, conduisent l'idée jusqu'à Benedicta tu, point culminant de la louange. La quatrième redescend vers le grave où elle s'achève dans la contemplation du mystère.
Il n'y a pas d'éclat dans l'Ave de l'intonation ; c'est un salut gracieux enveloppé de vénération profonde et tendre. Tout le long de la première phrase, l'âme se complaît dans cette attitude d'humble hommage ; elle s'anime seulement, d'un accent de ferveur, sur le nom béni. Un bel élan, habilement préparé, porte la syllabe accentuée de Maria à la dominante où les notes doubles et répercutées mettent un peu plus d'ardeur, d'admiration et d'amour. Mais ce n'est qu'en passant. Elle revient au grave sur gratia pléna et s'y enveloppe plus encore de contemplation ; aussi bien y a-t-l ici quelque chose de plus que la salutation. C'est déjà le mystère, le mystère indicible de l'Immaculée. La phrase s'achève sur pléna par un pressus qui met bien en valeur ce mot de plénitude, qui ne peut se dire que du Christ et de sa Mère.
Dès le début de la seconde phrase, la mélodie, établie sans préparation sur la dominante, prend tout de suite une allure de louange éclatante. C'est une qualité nouvelle que l'Eglise salue en Notre-Dame : son union avec Dieu. La plénitude de la grâce, c'est déjà le Seigneur avec l'âme ; mais, sur les lèvres de l'Archange, le Dominus técum indiquait une modalité spéciale de l'union divine. Le Seigneur est avec Notre-Dame comme il n'est avec personne. C'est de cette union merveilleuse que l'Eglise félicite Marie. La mélodie la sert admirablement. Le s'épanouit sur Dominus en un beau motif plein d'élan, deux fois répété, qui dit l'admiration enthousiaste que provoque l'infinie grandeur de Dieu, tandis que, sur técum, elle se retient comme recueillie, étonnée, confondue d'admiration, devant l'ineffable sainteté de Notre-Dame.
Elle se reprend sur Benedicat tu pour s'élancer cette fois à la limite de son étendue. C'est le troisième mot de a louange. Il est la conséquence des deux autres. C'est parce qu'elle est pleine de grâce et que le Seigneur est avec elle que Marie est bénie entre toutes les femmes ; nouvelle Eve, celle que toutes les nations diront Bienheureuse. La mélodie le met au-dessus de tout ; elle dépasse la dominante, monte et plane, à loisir, dans les hauteurs, s'appuyant sur des notes doubles et des pressus qui lui permettent de déployer toute sa puissance et de colorer d'accents de ferveur ce mot de bénédiction. Il s'achève sur le pronom tu en une belle cadence pleine et large qui va tout droit à Notre-Dame avec une nuance délicate de tendresse. La seconde incise ramène à la dominante le mot muliéribus. L'admiration s'y prolonge, toujours fervente ; notez le pressus et le torculus avec son mouvement hardi de quarte retombant sur la bivirga de la syllabe accentuée. D'une façon assez inattendue, la phrase s'achève par une cadence en demi-ton sur si qui laisse la mélodie en suspens, comme si l'Eglise, évoquant en une sorte de contemplation toutes les femmes de la race, les voyait se perdre en une perspective infinie, tendues en un geste de bénédiction vers Notre-Dame qui, de très haut, enveloppée dans la gloire du Verbe Incarné, les domine toutes de l'éclat de sa maternité.
La quatrième phrase est, de toutes, la plus profonde. Ici, c'est le mystère ; le mystère du Verbe fait chair dans le sein de Notre-Dame. La mélodie abandonne les hauteurs, descend par degrés, sur benedictus qu'elle souligne seulement d'un pressus, descend encore sur fructus, puis demeure dans le grave, presque sans se mouvoir. Un motif deux fois répété de quelques notes qui montent et descendent par degrés conjoints sur véntris, un dernier pressus sur tui comme pour faire rejaillir la gloire du Fils sur la Mère - car c'est pour le Fils qu'est toute la louange dans cette dernière phrase - et c'est tout. L'ineffable ne saurait s'exprimer.
Il faut chanter avec beaucoup de souplesse. On y veillera particulièrement dans l'intonation. Le climacus qui s'achève sur la première note pointée sera légèrement retenu pour donner à cette demi-cadence sur mi toute sa valeur d'admiration gracieuse et tendre.
Chanter Maria avec beaucoup de ferveur. Les deux premières notes de ri bien appuyées, assez fortes, avec l'élan de l'accentuation : ce sont deux virgas ; les deux autres sont des distrophas ; la répercussion en sera délicate et il y aura un crescendo jusqu'à la répercussion, très délicate aussi, de la virga. La cadence sur sol très peu ralentie, de façon à rattacher Maria à gratia pléna. Une pause.
Discret a tempo au départ de Dominus dont les thésis seront légères, comme le sera la tristropha de técum, qu'on renforcera toutefois pour la lier au climacus. Sur ne dans Benedicta, une bivirga, bien l'appuyer et mener le crescendo e un bel enthousiasme vers le pressus. Conduire avec mesure l'admirable descente de benedictus fructus, sans que la voix perde brusquement de sa sonorité. Véntris tui très lien avec le salicus bien doux.
COMMUNION
LE TEXTE
Voici qu'une Vierge concevra
Et enfantera un Fils,
Et il sera appelé de son nom Emmanuel. Isaïe, VII, 14.
Cette parole fut dite comme une prophétie par Isaïe à Achaz. « Le Seigneur vous donnera lui-même un signe : voici qu'une vierge enfantera... » Le signe promis arrivera le jour de l'Annonciation. C'est le mot même du prophète en effet que l'Archange dit à Notre-Dame : « Voici que vous concevrez et enfanterez un Fils et vous lui donnerez le nom de Jésus ».
Ce texte est tout à fait à sa place le jour où est commémorée l'Annonciation. Toutefois il ne semble pas qu'il doive être chanté ici comme une prophétie ; c'est l'Eglise qui après avoir entendu la parole du Prophète à l'Epître, et celle de l'Ange à l'Evangile, y revient, au moment de la communion. Contemplant dans la lumière de la grâce sacramentelle, l'Incarnation qui se prolonge par l'Eucharistie dans tout le Corps Mystique, elle chante la joie de l'Emmanuel, du Dieu avec nous, en même temps que le mystère de Noël dans lequel à nouveau va s'accomplir mystiquement la parole divine.
LA MÉLODIE
Une joie émerveillée ; on en caractériserait bien ainsi, en deux mots l'expression. Elle est très discrète dans sa première incise, avec quelque chose de recueilli, de contemplatif, répandu sur toute la thésis de concipiet. Dans une sorte de jouissance profonde, l'âme admire le mystère de la Vierge Mère.
Et voilà qu'elle s'anime et que son admiration prend de l'ampleur. Un souffle puissant passe, qui emporte les mots dans l'enthousiasme, Filium après pariet, comme si l'âme, de plus en plus éclairée, réalisait ce qu'est le mystère de la maternité divine.
Mais, à peine a-t-elle saisi cette seconde merveille, qu'une troisième s'offre à elle : le mystère de Dieu avec nous cette fois, et vocabitur Emmanuel... Elle n'a pas le temps de s'arrêter si peu que ce soit ; de la première phrase, le souffle d'allégresse passe dans la seconde, l'entraînant dans la progression jusqu'à la distropha de vocabitur. Là quelque chose change. Le mystère s'étend. Il s'étend jusqu'à l'âme. Elle sent qu'elle y entre, en ce moment de la communion. Elle se recueille, se refermant sur les merveilles qui s'opèrent en elle. La mélodie la suit dans sa contemplation. Elle n'a plus le souci des notes éclatantes, ni des mouvements à grand espace ; elle se retient. Notez les clivis allongées de vocabitur, elle descend peu à peu vers le grave, jusqu'à ce qu'elle arrive à Emmanuel, le mot du mystère. Elle s'y complaît, en une formule qui, comme celle du véntris tui de l'Offertoire, se contente de quelques notes conjointes qui descendent et montent mais où passe toute la tendresse de l'âme pour l'Hôte divin qui est avec elle.
L'intonation paisible ; de même concipiet dont les podatus seront bien posés. Ceux de pariet aussi, tout le sommet en sera élargi. Le lier étroitement à Filium qui sera à peine retenu afin que l'enthousiasme aille croissant sur et vocabitur. C'est une bivirga qu'il y a sur vo. Retenir quelque peu tur. Beaucoup de grâce et de ferveur sur Emmanuel, qui sera très ralenti.
- Polyphonies pour l'Avent
- L'hymne Creator alme siderum en alternance grégorien/polyphonie
- L'hymne Creator alme siderum en grégorien
- Les cantiques de l'Avent (CD)
- Les cantiques de l'Avent (Partitions)
Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici
Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.
LEÇONS DES MATINES : En Octobre : Les Machabées. En Novembre : Les Prophètes.EPÎTRE : Il faut se revêtir de la force que Dieu nous donne pour être fort dans l’épreuve. (Ephes. VI. 10. 17.)EVANGILE : Parabole du débiteur insolvable. (Math. XVIII. 23, 35)IDÉE CENTRALE : C’est toujours vers la fin des temps que tout est orienté. Armez-vous de toute la force du Christ, nous dit Saint Paul dans l’Epître, afin de pouvoir tenir ferme « contre le diable, la chair, le sang, les princes de ce monde de ténèbres, les esprits mauvais répandus dans les régions de l’air… ». Notre Seigneur dans l’évangile nous avertit d’autre part qu’il faudra rendre compte et qu’il est prudent, pour se concilier la miséricorde du Père, d’être nous-mêmes miséricordieux. Au milieu de ces conseils en vue des ultimes épreuves, l’Eglise évoque dans ses chants, comme des modèles, les figures suppliantes des grands persécutés, Mardochée, Esther, Job.
INTROÏT
LE TEXTE
Dans votre volonté, Seigneur, toutes les choses sont établies, et il n’est personne qui puisse résister à votre volonté. C’est vous en effet qui avez fait toutes choses : le ciel et la terre et tout ce qui dans le cercle du ciel est contenu. Le Maître de tout vous êtes.
Ps. – *Heureux les sans tache dans la voie, Ceux qui marchent dans la loi du Seigneur.*Esther XIII. 9, 10, 11.Ps. CXVIII. 1.
Ces trois versets sont le début de la prière que fit Mardochée lorsqu’il eût décidé Esther à entreprendre auprès d’Assuérus la démarche qui devait sauver le peuple. Elle n’avait pas accepté d’abord ; elle risquait la mort. Son oncle insista. « Si tu ne parles pas maintenant, les Juifs seront délivrés d’une autre manière, mais toi et la maison de ton père vous périrez. Et qui sait si ce n’est pas pour un temps comme celui-ci que tu es parvenue à la dignité royale ? Alors Esther lui répondit : Va, rassemble tous les juifs de Suse et priez pour moi. Ne mangez, ni ne buvez pendant trois jours et trois nuits,et, moi aussi, je jeûnerai avec mes servantes, puis j’entrerai chez le roi, contre la loi, non appelée, me livrant à la mort ou au danger. » (Esther. IV. 12. 17.)
Alors Mardochée, se souvenant de toutes les œuvres du Seigneur, pria ainsi :Seigneur, Seigneur, Roi tout puissant, Dans ta volonté toutes les choses sont établies Et personne ne peut résister à ta volonté Si tu as décidé de sauver Israël. Tu as fait le ciel et la terre Et tout ce qui est contenu dans leurs limites. Tu es le maître de tout. Nul ne peut résister à ta majesté… Et maintenant, ne méprise pas ton peuple. Exauce notre prière et sois favorable A notre sort qui se joue. Change en joie notre deuil. Et, afin que, vivants, nous louions ton nom, Ne ferme pas la bouche de ceux qui chantent. (Esther. IV. 12. 17.)
Il convenait de citer en entier cette admirable prière ; elle aidera à entrer dans l’atmosphère de cet épisode tragique qui figurait de loin les jours où le monde, lui aussi, sera sur le point de finir.Elle a toutefois été considérablement modifiée pour composer cet Introït. Non seulement on en a retranché ce qui était particulier au peuple Juif, notamment : « si tu as décidé de sauver ton peuple Israël » ; mais on a supprimé l’invocation de début : « Seigneur, Seigneur, Roi tout puissant » et on l’a coupée à l’endroit même où commence la demande précise : «Et maintenant, ne méprise pas ton peuple ». Il en résulte qu’elle n’a plus rien d’une prière de demande ; elle est un acte de confiance en la Providence, rien de plus.Ce que l’Église chante ici, c’est donc sa foi et son espérance en Dieu qui la garde et la sauve. Elle voit les évènements se dérouler, le cataclysme qui vient, le monde excité, nerveux, angoissé, sachant bien ce qu’il a fait et ce qu’il a mérité, mais ne sachant pas ce qui va lui arriver. Elle sait, elle, que tout est pour la gloire du Père et l’éternelle béatitude des élus. Alors, calme au milieu de l’agitation des esprits, dans une paix absolue, elle dit à Dieu sa confiance toute simple et tout abandonnée.
LA MÉLODIE
C’est précisément cette simplicité et cette paix profonde qui la caractérisent. Pas une nuance d’angoisse ne la traverse. Elle est grave, certes, mais pas triste. Au contraire, la joie peu à peu la pénètre et, pour finir, c’est elle qui domine. Mais c’est une joie plus haute que la joie humaine : c’est l’exaltation de l’âme qui a trouvé son Dieu et qui bondit devant sa face.La première phrase tient en trois notes qui vont et viennent du ré au fa, avec seulement une échappée au do grave. Mais sous ce dépouillement mélodique extrême, on sent l’âme forte, sûre d’elle-même et de son Dieu. Une nuance de tendresse éclaire Dómine et révèle quelque peu l’amour dont est faite cette confiance absolue, tandis que univérsa sunt pósita s’établit sur une ligne, fixe comme le décret divin qui donne à chaque chose sa place dans l’ordre du monde.La mélodie monte un peu au début de la seconde phrase, elle prend du mouvement, de l’espace, s’allège aussi. Il y a là comme une nuance de joie profonde ; la joie de savoir à l’avance que tous les artifices des hommes et des « esprits de l’air » sont voués à un échec. En même temps, l’assurance devient plus ferme, sur les motifs de póssit et de resístere, qui viennent aboutir à la cadence si forte de voluntáti túæ.Dans la troisième phrase, à l’idée de la puissance créatrice de Dieu, la joie s’avive. Elle n’éclate pas, elle demeure dans le grave, très contenue, mais on la sent qui pénètre tout. Dans cette vision de la Toute Puissance se jouant avec les mondes et les menant depuis les siècles à la gloire dans laquelle, eux aussi, vont entrer, l’âme se repose et jouit. Elle s’exalte dans la montée de Tu énim. Sur ómnia, elle se délecte. Vient alors la description du ciel et de la terre. C’est d’abord un simple récitatif sur fa, mais rythmé, scandé comme les pas d’un cortège royal, puis une ondulation lente, solennelle, enveloppant caéli ámbitu d’une majesté qui se prolonge jusqu’à la cadence de continéntur.La dernière phrase est une proclamation de l’absolu domaine de Dieu sur le monde. La mélodie de ces quatre mots est d’une grandeur, d’une noblesse insurpassables. Un mouvement ascendant de trois temps composés binaires porte Dóminus du do au fa et le pose sur une tristropha qui lui donne une ampleur de solennelle vénération. Le même mouvement, reprenant élan sur ces trois notes, saisit alors chacune des syllabes de universórum et les entraine en une progression mélodique mesurée, cadencée, vers la clivis et le torculus du sommet. Là il s’élargit, retombe large et sonore sur deux notes longues qui rebondissent, et s’achève enfin en une cadence dont il double le climacus pour lui donner la majesté qui convient.Ainsi, excitée peu à peu par les images splendides du texte, l’âme a oubié qu’elle ne faisait que dire sa confiance tout simple : elle s’est mise à chanter, en une louange grandiose, le Dieu Tout-Puissant sur lequel elle s’appuie.Le psaume s’élève alors non pas tant comme un souhait que comme un chant d’allégresse sur lequel l’Eglise célèbre la pureté conservée ou recouvrée des siens, et pour finir, la gloire du Père, du Fils, et du Saint-Esprit.
Chantez la première phrase très simplement. Soulevez bien l’accent de Dómine et faites les tristropha légère avec un délicat accent de ferveur. Allongez quelque peu la première note des podatus de pó et de si dans pósita, de façon à bien rythmer cette cadence que vous éviterez de faire plaintive.Un peu plus d’énergie dans la seconde phrase. Faites les porrectus bien liés, et affirmez. Les deux podatus de voluntáti auront leur première note bien marquée et dans un rythme très ferme.Un crescendo discret mais bien net montera sur tu énim fecísti. Vous relierez coélum à ómnia et irez en crescendo sur coéli. Il faut qu’on sente l’enthousiasme pénétrer tout cet admirable mouvement.La dernière phrase sera plus ample, la progression des rythmes binaires très marquée sur universórum mais on veillera bien à ce qu’elle soit faite dans un legato absolu. Faites le ré de tu très souple entre les deux notes longues et élargissez les deux climacus.Le psaume sera pris dans un bon mouvement.
GRADUEL
LE TEXTE
*Seigneur, notre refuge vous êtes devenu de génération en génération.*Verset. – *Avant que les montagnes fûssent ou que fussent formés la terre et le monde, avant le siècle et jusqu’au siècle sans fin, vous êtes Dieu.*Ps. LXXXIX. 1. 2.
Ces deux versets sont peut-être de Moyse. Le premier dit bien sur ses lèvres et la reconnaissance du peuple pour la miséricorde que le Seigneur n’a cessé de lui témoigner et même implicitement sa confiance pour tout ce qu’il en attend dans l’avenir. Le second est comme un cri de l’âme confondue d’admiration à la pensée de l’éternité de Dieu.Ils ont ici le même sens sur les lèvres de l’Eglise. A la fin de cette histoire du monde qu’elle vient de revivre et au cours de laquelle elle a pu apprécier l’incomparable bienfait de la protection divine, de cette armure dont Saint Paul vient de nous faire la description, elle chante sa gratitude pour le passé et sa confiance pour l’avenir.
LA MÉLODIE
C’est la mélodie type des Graduels du IIe mode. Nous l’avons rencontré au cours de l’année sur des textes très divers, mais auxquels elle s’adaptait toujours fort bien. Elle a chanté ainsi la joie du Père sur le berceau de son Fils à la Messe de Minuit, la parole réconfortante du Père encore le Ier Dimanche de Carême, l’enthousiasme de l’Eglise le Dimanche de Pâques. L’adaptation ici, une fois de plus est excellente, car c’est encore la joie qu’elle chante : la joie que l’âme éprouve à dire au Seigneur combien il est bon et combien il est grand.Dès les premiers mots, on est dans une atmosphère d’intimité paisible, confiante, heureuse. La joie, d’abord discrète, se laisse quelque peu aller sur le bel élan de fáctus est, puis un accent de bonheur plus profond, amené par le si b, l’exalte sur nóbis et, par delà la cadence, elle s’en va croissant sur le récitatif de a generatióne pour atteindre sa plénitude sur la vocalise de la fin, en des courbes gracieuses qui se succèdent sans vouloir finir, comme si l’âme, insouciante du temps, ne pensait qu’au Seigneur et à la gratitude qu’elle lui dit.
Le Verset. – La mélodie ici est plus contemplative. Retenue quelque peu sur la thésis de móntes, elle prend du mouvement à mesure qu’elle s’élève, mais elle demeure paisible. Planant légère au-dessus du ré auquel elle demeure fixée, elle est vraiment faite pour ces paroles qui évoquent les temps mystérieux où l’Esprit planait, lui aussi, sur les eaux.Elle se fait grave sur saéculo pour chanter l’Eternité de Dieu et, très à propos, devient sur tu es Déus une louange enthousiaste.
Le mouvement dot être dégagé et la joie partout ; mais il faut bien veiller à l’exactitude du rythme, et très particulièrement à l’égalité des notes dans les temps composés, de façon à garder à la mélodie son caractère paisible.Rattachez de près la seconde phrase à la première. La double note qui la commence est une bivirga épisématique. Faites la vocalise de progénie très légère et menez-la, en un crescendo discret mais toujours entretenu, jusqu’à la cadence finale.Retenez la descente de móntes au début du verset. Reprenez ensuite le mouvement. La double note de et órbis est une bivirga épisématique. Faites la vocalise de progénie très légère et menez-la, en un crescendo discret mais toujours entretenu, jusqu’à la cadence finale.Retenez la descente de móntes au début du verset. Reprenez ensuite le mouvement. La double note de et órbis est une bivirga épisématique. Elargissez la cadence finale et répercutez la note qui a un épisème sur do.
ALLELÚIA
LE TEXTE
*Quand sortit Israël de l’Egypte, La maison de Jacob de chez le peuple barbare…*Ps. CXIII. 1.
Dans le psaume, ce verset n’a de sens que joint au suivant :
Quand sortit Israël d’Egypte,La maison de Jacob de chez le peuple barbare,Judas devint son sanctuaireIsraël son empire.
Ici, il se tient par lui-même si on l’entend comme une évocation et c’est ainsi qu’il faut l’entendre. Sur ces mots, riches de souvenirs heureux, l’Église chante le retour prochain dans la patrie, dans le paradis retrouvé, de l’humanité rachetée par le Christ et conduite par lui en triomphe au Père.
LA MÉLODIE
Elle va lentement vers Israël, se retenant dans son élan aux quilismas et aux pressus de In éxitu. Sur ce mot si cher, elle s’épanouit en un accent délicat de ferveur qui s’envole vers Aegýpto, lente toujours, mais pénétrée de joie ; une joie de rêve toute en demi-teinte, comme si l’âme, sur ce mot que dit la misère de la terre, laissait passer le bonheur qu’elle a déjà, à la pensée de la béatitude vers laquelle elle sera bientôt emmenée.La seconde phrase se développe dans la même atmosphère. Il y a sur Jacob le même accent de ferveur, et la même joie est partout répandue. Une nuance de mélancolie pénètre toutefois la vocalise de bárbaro. Ce n’est pas la tristesse d’avoir à quitter ce monde mais le désir de l’autre, qui perce à travers ces neumes délicats. Assez marqué sur les cadences ré mi ré fa, il s’intensifie sur la finale, prolongé comme un soupir ardent.
Balancez la montée vers Israël mais gardez-lui sa lourdeur. Ne heurtez pas le pressus ; préparez-le par un appui sur la note qui précède. Que Aegýpto soit très lié, de même pópulo. La vocalise de bárbaro sera douce ; la montée au la en crescendo discret, la cadence finale retenue.
OFFERTOIRE
LE TEXTE
Il y avait un homme sur la terre, nommé Job,Simple et droit et craignant DieuLequel Satan demanda à tenter.Et il fut donné à celui-ci pouvoir par le SeigneurSur son bien et sur sa chair.Il détruisit toute la richesse de cet homme et ses fils.Sa chair aussi, d’un horrible ulcère il affligea.Job. I.
Ces quelques lignes sont un résumé du premier chapitre du livre de Job. Après avoir modelé sa prière sur celle du sage et confiant Mardochée, l’Eglise contemple cet autre exemple de foi et de fidélité dans la tribulation. Mais en même temps qu’elle admire sa patience forte et douce, elle le voit comme sa propre figure et c’est elle-même qu’elle chante en chantant son histoire. Attaquée, torturée, tentée par Satan de toute manière en ses membres, elle aussi, elle a tenu et elle tiendra jusqu’à ce que, comme à Job, justice lui soit rendue. Ce sera précisément en ce jour suprême quand chacun recevra le poids de gloire mérité par ses souffrances et que le tentateur vaincu s’en ira, lié à jamais dans ses éternels liens de feu.
LA MÉLODIE
Le texte n’est qu’un récit, mais c’est un récit médité, une sorte de contemplation, disions-nous. La mélodie, elle aussi, a pris cette forme. Elle est de ces chants que l’on se chante à soi-même lorsqu’on s’arrête à penser et dans lesquels passent les sentiments que font naître en nous les idées et les images qui se succèdent. Le ton est réservé, l’atmosphère un peu triste, d’une tristesse de sympathie ; c’est comme une plainte compatissante qui s’avive avec la progression des malheurs évoqués.Les deux premières phrases présentent le personnage. C’est un portrait très simple tout enveloppé de la mélancolie discrète des formules du IIe mode. Térra a quelque chose de lourd comme l’épreuve. Sur Job, en rejet tout à fait à la fin de la phrase, passe une vénération profonde qui s’est développée depuis le début de l’incise sur les longs neumes de nómine.Cette vénération s’éclaire d’une nuance d’aimable sympathie par les beaux motifs de simplex et de réctus, au début de la seconde phrase, pour décrire la simplicité et la droiture du saint homme. On notera la progression du développement neumatique sur les trois mots en proportion de leur valeur : le salicus et la clivis allongée sur réctus et les neumes se multipliant sur *tímens Déum.*La présentation du personnage achevée, le drame commence par la requête de Satan. La mélodie prend tout de suite une tournure nouvelle. Une certaine vigueur, peut-être pénétrée de haine, passe dans le salicus et le pressus et la fait monter sur le ré, ferme, forte, un peu dure même. Elle se détend ensuite sur ut tentáret dans une nuance de compassion.
Et data est éi potéstas…Avec cette permission de Dieu octroyée au tentateur, l’intrigue se développe. La mélodie, établie tout de suite sur le ré, devient plus dégagée, plus animée aussi. Notez qu’elle est presque syllabique, ne s’attardant que pour mettre en relief les mots importants, avec des nuances très heureuses d’ailleurs pour chacun : potéstas est fort, Dómino enveloppé de vénération, et sur in facultáte éi in cárne, un motif très simple, répété deux fois, met une nuance de commisération qui devient émouvante sur la cadence de éjus.Dans les deux dernières phrases, où les malheurs de Job sont énumérés les uns après les autres, il n’y a plus autre chose que cette compassion émue. L’âme, comme atterrée, retient d’abord son sentiment dans le grave. Sur substántiam elle le laisse monter et il s’avive devant l’ampleur du désastre mais redevient tout de suite lourd de tristesse sur la cadence de fílios. Elle est très commune, cette cadence, mais elle est précédée sur et d’un motif qui porte un accent de douleur poignante. Alors, avec le dernier fléau, la commisération atteint sa plénitude. La mélodie marque les mots de notes expressives : pressus, épisèmes horizontaux, quilisma, qui les frappent d’un accent om passent à la fois de l’indignation et de la pitié. Il en résulte une plainte lourde, véhémente et douloureuse tout ensemble : la plainte de l’Eglise qui laisse passer la souffrance indignée que provoque en elle l’œuvre de Satan sur l’humanité.Par son caractère sombre, cet offertoire tranche sur la confiance paisible de l’Introït, du Graduel et de l’Allelúia. Il n’en était pas ainsi lorsqu’on en chantait les versets. Le dernier, qui était un cri ardent de Job vers la béatitude, éclairait d’une ferveur de désir ce spectacle de misère et lui donnait son vrai sens.
Une voix effacée s’impose : une voix de pitié.Les deux premières phrases demandent une grande simplicité. Retenez délicatement Job à la fin de la première et rattachez-y de près la seconde.Faites un arrêt assez marqué avant quem Satan et prenez de la vie dans l’arsis de pétiit ; marquez bien le pressus de ut. Un arrêt encore, et la troisième phrase plus légère. Retenez légèrement Dóminoéjus.
Faites un crescendo bien marqué vers substántiam en scandant la clivis et le podatus qui précèdent le mot.Les pressus de la dernière phrase seront très expressifs et la cadence de vulnerávit très retenue. La virga du sommet est épisématique.
COMMUNION
LE TEXTE
*Dans votre salut est mon âme Et en votre parole, j’ai espéré. Quand ferez-vous de mes persécuteurs le jugement ? Les méchants m’ont persécutés Aidez-moi, Seigneur, mon Dieu.*Ps. CXVIII. 81, 84, 86.
Prière ardente qui requiert du Seigneur un accomplissement de ses promesses. On y sent de l’anxiété : l’épreuve est proche, la parole de l’Epître et l’incident de l’Evangile font plus redoutable la grande terreur qui se profile à l’horizon ; le secours divin est indispensable, et c’est le moment de le réclamer quand le contact avec le Christ sauveur est établi par le sacrement.
LA MÉLODIE
Le texte intégral du premier verset est : « Après ton salut languit mon âme. » Si le verbe defécitsperávi un certain mouvement. C’est l’angoisse qui commence à monter.
n’eut pas été supprimé sans doute la mélodie eut-elle été plus ardente. Elle est simple, paisible, intime on sent l’âme toute reposée dans le Seigneur. Toutefois on discerne déjà surElle est très nette dans toute la seconde phrase. La mélodie s’est allégée et le mouvement sur la dominante a quelque chose de vif. A peine y a-t-il une petite détente sur judícium et l’angoisse monte à nouveau plus forte ; un souffle d’anxiété passe qui pousse le mouvement sur iníqui persecúti sunt me. Adjúva me est un véritable appel de détresse. Il s’apaise d’ailleurs très vite ou plutôt devient sur Dómine Déus méus une admirable supplication, douce, tendre, confiante.Ces sentiments qui se succèdent avec la rapidité de la vie donnent à cette antienne un caractère dramatique qui en fait un chef-d’œuvre.
La première incise doit être simple. Le crescendo commence sur túum dans la seconde et va vers la clivis de ra dans sperávi laquelle sera légèrement allongée.Mettez de la vie dans la seconde phrase. La cadence du judícium sera très peu retenue.Départ a tempo sur iníqui élargissez la première note du podatus. Ne commencez à retenir le mouvement que sur me.