Douzième dimanche après la Pentecôte (XII)

Messes du Temporal

dimanche 28 août 2022

Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.

INTROÏT

LE TEXTE

Versez votre rosée, cieux, d'en haut, et que le nuages pleuvent le Juste.
 Qu'elle s'ouvre, la terre, 
Et qu'elle germe le Sauveur.

Ps.- Les cieux disent la gloire de Dieu
Et l'œuvre de ses mains, il la proclame, le firmament. Isaïe, XLV, 8 - Ps. XVIII, 2.

Au chapitre XLV, Isaïe rapporte ce qu'il a entendu le Seigneur dire à Cyrus, qu'il va susciter pour être son christ, sauver le peuple et rebâtir la cité et le temple. A la vision de ce sauveur d'un moment, par delà lequel il voit le Messie et son œuvre éternelle, il est transporté et, interrompant sa prophétie, lance vers le ciel son désir ardent pour que soit bâtie la venue des deux libérateurs. Il le fait sous la forme poétique de la rosée qui fait germer la plante, symbolisant ainsi l'action divine qui fera de Cyrus et du Christ des sauveurs parfaits.

Au sens liturgique, c'est l’Église qui appelle le Messie. Rien n'est à changer dans l'image du prophète, mais il faut lui donner tout son sens divin. La rosée sollicitée du ciel, c'est l'action fécondante du Saint-Esprit ; la terre, c'est Notre-Dame, fleur de la race, qui s'ouvre au sommet de la tige de Jessé et qui, fécondée sous l'ombre mystérieuse de l'Esprit du Très-Haut, va produire son fruit divin ; le Verbe fait chair.

Cette prière admirable et tout à fait à sa place le Mercredi des Quatre-Temps, tout entier consacré à l'Annonciation. Il faut lui garder ici la même interprétation ; d'autant que, par l'Offertoire et la Communion tout au moins, le mystère continue d'être fêté. Et il faut la chanter comme la prière suprême, entendue de Dieu par delà les siècles, et qui a contribué à faire venir plus tôt l'heure du Messie et de Notre-Dame ; mais aussi, comme la supplication qui va mériter aux âmes de recevoir le Verbe fait chair quand il va revenir et de se livrer à l'influence de son Esprit comme la terre à la rosée, lui donnant ainsi ce qu'il attend d'elles pour réaliser la plénitude de son Incarnation.

Le Psaume, lui, n'est pas une prière ; il est la constatation joyeuse des merveilles de Dieu qui se réalisent dans le mystère.

LA MÉLODIE

Une prière ardente de deux phrases qui s'opposent ici, encore, suivant le texte, comme le ciel et la terre.

La première est un admirable mouvement de l'âme portant on désir, comme dans le graduel. Qui sédes, aussi haut que possible, jusqu'aux nuées fécondes d'où va venir la céleste rosée, puis redescendant douce et paisible comme descendra le Juste qu'elle chante. La supplication est ardente sur le pressus de caeli, les quilismas de désuper, le pressus de pluant, mais il n'y a pas d'inquiétude, de doute, d'angoisse ; au contraire, une grande sérénité et une joie discrète se mêlent partout à la prière dans la tonalité claire du mode de fa ; la joie de l'Eglise qui sait, car elle en jouit déjà, tout le bonheur qu'il y a pour elle dans cette pluie fécondante qu'elle sollicite.

La seconde a moins d'élan. C'est la terre que l'Eglise regarde et encore qu'il s'agisse de Notre-Dame, ce chef-d'œuvre de grâce qui va produire la nature humaine du Christ, n'est-elle pas tout en bas par comparaison avec l'infinie perfection du verbe qui va y descendre ? Et puis, c'est le mystère dont la profondeur ne saurait se chanter ; Aussi, après l'ardeur de la supplication sur aperiatur, la mélodie revient-elle au mode de ré, et en des neumes qui s'effacent de plus en plus, elle s'éteint, gracieusement d'ailleurs, sur Salvatorem, le mot du désir.

La deuxième note de ra dans Rorate doit être élargie. Le crescendo de la première incise sera ardent mais sans éclat ; c'est une prière. Bien accentuer nubes et aller sur le pressus de pluant en progression.

Veiller à ce que tur dans aperiatur ait bien sa valeur et qu'on ait le temps d'articuler. Térra sera légèrement retenu ainsi que les quatre dernières notes de gérminet.

Le Psaume sera chanté dans un bon mouvement et pénétré déjà de la joie du « Gloria in excelsis » qu'il prophétise.

GRADUEL

LE TEXTE

Il est proche, le Seigneur,
De tous ceux qui l'invoquent,
De tous ceux qui l'invoquent dans la vérité.

Verset. - La louange du Seigneur,
Elle la chantera, ma bouche,
Et que toute chair bénisse le Seigneur. Ps. CXLIV, 18, 21.

Dans la première partie, le psalmiste exprime une idée très simple ; à savoir que le Seigneur est tout disposé à écouter ceux qui le prient. Toutefois, il a précisé d'un mot : ceux qui le prient dans la vérité ; c'est-à-dire qui lui demandent, en toute sincérité, des chose vraies ; entendons : ceux qui sont conformes à sa volonté, car la vérité, c'est, en même temps, ce que Dieu pense et ce que Dieu veut.

Le Verset, lui, est un hommage de reconnaissance de l'âme qui promet à Dieu une louange sans fin en retour de la bienveillance qu'il lui témoigne.

Au sens liturgique, peut-être serait-on porté à s'appuyer sur les premiers mots Prope est Dominus pour faire entrer ce texte dans le cadre de l'Avent. Ce ne serait pas absolument exact car c'est en tout temps que le Seigneur exauce ceux qui savent le prier. Il ne faut pas non plus le rattacher à l'Epître qui vient d'être lue, mais à l'Epître du mercredi précédent pour laquelle il a été choisi. Dans cette Epître, on nous ait entendre l'histoire d'Achaz qui, par manque de confiance, refusa de demander un prodige au Seigneur et qui reçut, en réplique, d'Isaïe la fameuse prophétie qui annonçait le prodige des prodiges : « Le Seigneur vous donnera lui-même un signe : Voilà qu'une Vierge concevra et enfantera un Fils et son nom sera Emmanuel ». A la fin de ce récit, ces deux versets viennent sur es lèvres de l'Eglise comme une sorte de réflexion. Repliée sur elle-même et gardant bien présent à l'esprit tout ce qu'elle vient d'entendre, elle se dit : Achaz a eu tort...Le Seigneur est tout près de ceux qui l'invoquent et bientôt il sera plus près d‘eux encore ; car le prophète a dit que Celui qui doit venir aura nom Emmanuel, ce qui veut dire : Dieu est avec nous.

Cette annonce précise de l'Incarnation amène alors la grande louange du Verset. Laudem Domini...

LA MÉLODIE

(V) Prope est Dominus omnibus invocantibus éum omnibus qui invoquant éum in verita te.

Elle est composée de trois formules : celle de Prope est Dominus et les deux de éum. Ces formules sont reliées entre elles par les motifs presque syllabiques de omnibus invocantibus et de omnibus qui invoquant. Un seul mot est original, in veritate, encore s'achève-t-il en une formule finale commune.

Le fait qu'elle est à ce point centonisée n'empêche pas qu'elle soit très expressive. L'auteur s'est servi de formules toutes faites mais il les a choisies pour le texte et les a disposées de telle sorte qu'elles puissent en exprimer au mieux le contenu. Notez qu'elles sont placées sur les mots importants : Dominus, le nom divin, et éum qui le représente ; et que, par le contraste que font leurs neumes avec les motifs syllabiques qui les entourent, elles les mettent en particulier relief. Aussi bien est-ce le mot de l'Epître : Pete signum a Domino, dit Isaïe. Non tentabo Dominum, répond Achaz. Propter hoc dabit Dominus ipse vobis signum, réplique le prophète.

L'intonation est grave. (Cette formule n'est employée que sur le mot Dominus ; de sorte qu'elle est moins une formule centon qu'un motif réservé uniquement au nom du Seigneur, comme plusieurs autres.) Mais ce serait une erreur d'y voir la moindre tristesse. Au contraire, on y discerne déjà en une nuance discrète la joie qui se dégage du texte et qui caractérise tout le Graduel. Toute pénétrée de respect, elle se retient, s'efface, sur le nom divin, mais, sitôt après, elle se laisse aller, se développe sur omnibus invocantibus et va s'épanouir sur éum en un bel élan qui se détend dans la plénitude de la cadence en fa. Elle passe dans la seconde phrase, s'élève avec grâce sur omnibus, puis redescend dans le grave où elle se revêt à nouveau sur éum d'une certaine révérence qu'elle garde jusqu'à la fin.

Le Verset. - Laudem Domini loquétur os méum Et benedicat omnis caro nomen sanctum éjus.

La joie est ici enthousiaste. Lancée avec une ferme assurance sur la distropha de Laudem, elle se développe en une sorte de contemplation sur Domini : légère, souple, heureuse. Une nuance de tendresse plus marquée passe avec le si b, puis l'exaltation, grandissant à nouveau, va vers loquétur os méum où elle atteint toute sa puissance d'expression sur les mots mêmes qui disent la joie de pouvoir chanter à jamais.

L'enthousiasme est le même dans la seconde phrase. Sitôt qu'elle a été ramenée à la dominante, la mélodie s'élance à l'extrême limite du mode, enveloppant de toute sa puissance l'ardent souhait de l'Eglise. Elle s'y arrête d'ailleurs ensuite en un gracieux mouvement descendant, puis, pour finir, se pénètre à nouveau de tendre respect sur nomen sanctum éjus.

Comme on le voit, ce verset a un caractère de joie éclatante qui ne s'est pas encore rencontré au cours de l'Avent. L'auteur a-t-il voulu donner là comme une première annonce de la joie de Noël et en pénétrer déjà l'âme des fidèles ? On a d'autant plus de raisons de le croire que les formules 53 et 54 sont particulières à la période de la Nativité. On les trouve ailleurs, mais elles sont si fréquemment répétées au temps de Noël qu'elles contribuent, sans aucun doute, pour leur part, à créer l'atmosphère musicale. El semble que ce soit comme le début d'un crescendo de joie qui, parant du Mercredi des Quatre-Temps, jour consacré à l'Annonciation, jour de l'Incarnation, atteint toute sa puissance aux jours de Noël et de l'Epiphanie.

Ne pas chanter l'intonation avec des effet de basse, mais avec la simplicité et la douceur qui conviennent à une contemplation paisible. Le crescendo est le premier éum sera discret et mené dès le début de l'incise ; C'est une formule assez délicate mais très expressive. Il y a sur le do une distropha, puis al première note de la clivis ou du climacus ; les distrophas seront posées doucement et la voix, renforcée, ira vers la note qui suit pour la répercuter, délicatement. Il s'en suivra une onction pénétrée de ferveur qui servira admirablement le pronom éjus qui tient la place de Dominus.

Retenir quelque peu veritate ; la tristropha, douce. Bien distinguer dans la vocalise qui suit, sur le la, les deux distrophas, du pressus ; lles reçoivent doucement le posé de la voix ; de même celle qui se trouve sur le do dans la dernière incise.

C'est une bivirga qu'il y a sur Laudem au début du Verset ; qu'elle soit appuyée, forte et bien lancée. Sur Domini, deux distrophas et répercussion sur la première note de la clivis ; même interprétation que plus haut. Une bivirga avant les deux climacus qui finissent la première phrase ; bien accuser la première note du second.

La tristropha de os, légère. Bien pendre grade à donner toute leur valeur aux trois notes qui précèdent les notes doubles de méum ; les retenir légèrement évitera le danger d'en faire un triolet. Poser nettement l'épisème vertical de omnis, allonger même un peu la note. (Dans plusieurs cas, la 2ème note est un quilisma.) Un gracieux ralenti sur sanctum, qui se poursuivra sur éjus jusqu'à la fin.

ALLELUIA

LE TEXTE

Viens, Seigneur et ne tarde pas.
Pardonne les péchés de ton peuple.

Cette phrase ne se trouve pas dans l'Ecriture. L'idée en est très simple et s'applique sans difficulté à l'un ou à l'autre des sens de l'Avent. C'est une prière dont l'objet est nettement déterminé : la prière de tout le peuple de Dieu, de toute l'Eglise, suppliant le Christ de venir sauver le monde.

LA MÉLODIE

On la rencontre deux autres fois au cours de l'année : le XXe Dimanche après la Pentecôte (Alleluia Paratum cor méum) et à la messe Loquebar d'une Vierge Martyre (Alleluia Adducentur).

Elle commence dans le grave et se meut lentement dans toute la première phrase, comme la prière très humble du pécheur qui n'ose pas lever les yeux, accablé qu'il est sous ses fautes. Ce n'est que dans la seconde incise qu'elle prend un peu d'ardeur, il y a sur et noli tardare un très bel accent de pressante supplication.

Dans la seconde phrase, la prière est plus aisée sur relaxa. La longue vocalise de facinora est, en elle-même, assez indifférente, mais elle prend, avec les mots, un caractère de prière fort bien adapté. Il y a, dans la répétition du motif initial, une progression qui fait la supplication de plus en plus forte. La première fois, elle monte par trois degrés au si b ; la seconde fois, par un seul mouvement de quarte, elle atteint le do qu'elle marque d'un pressus ; la troisième, elle s'y pose sans préparation et y demeure trois temps. Il y a là une vigueur accrue du plus heureux effet. La mélodie redescend ensuite dans le grave et finit sur une formule propre à certains graduels du Ier mode, elle aussi très priante et très humble, avec une touche assez marquée de crainte révérentielle.

L'Alleluia, lui, est du IIIe mode, mais l'unité demeure parfaite et l'expression y trouve son bien. L'Alleluia ayant en lui-même un caractère de louange que le contraste rend plus marqué encore.

Prendre garde de faire trop longue la double note initiale de l'Alleluia, lequel doit avoir un certain mouvement. Bien balancer le rythme de l'arsis ; la vocalise légère.

Veni Domine tranquille et discret. Crescendo sur noli ; tardare sans éclat. Noter que, dans les thésis de la seconde phrase, toutes les notes doubles sont des distrophas, légères donc ; de même les deux qui précèdent la clivis sur le do, à la dernière reprise du motif. Par contre plé dans plébis est une bivirga. Lier avec soin les grands intervalles de l'avant-dernière incise.

OFFERTOIRE

LE TEXTE

Salut, Marie, de grâce remplie,
Le Seigneur (est) avec toi.
Bénie (es-)tu entre les femmes,
Et béni le fruit de ton sein.

C'est la salutation de l'Ange Gabriel à Notre-Dame et celle d'Elisabeth combinées en un seul texte, lequel forme la première partie de la Salutation angélique. Il n'y manque que le dernier mot, Jésus, qui d'ailleurs ne fut pas dit par Elisabeth.

Au sens liturgique toutefois, ce n'est ni l'Archange ni Elisabeth qui saluent Notre-Dame ; la combinaison des deux salutations en un seul texte s'y oppose. C'est toute l'Eglise qui, au moment où est commémorée la Conception de Notre Seigneur, fait monter sa louange vers celle que Dieu a choisie pour sa mère. Elle a entendu, au cours de la semaine écoulée, le mercredi, le récit de l'Annonciation, le vendredi, celui de la Visitation ; elle recueille, sur les lèvres de l'Archange et d'Elisabeth, les paroles inspirées pour les redire à Notre-Dame, comme l'hommage le plus parfait qu'elle puisse rendre à sa sainteté incomparable et à sa maternité divine.

Bien noter que c'est une salutation. Ceci implique que les chanteurs soient en communication directe avec Notre-Dame : qu'ils chantent pour elle et qu'ils aient conscience que du haut du ciel, elle les écoute et reçoit leur hommage dans la joie de son cœur maternel.

LA MÉLODIE

Quatre phrases (Ave Maria gratia plena ne forme qu'une seule phrase. La grande barre qui suit Maria doit être considérée comme une demi-barre). Les trois premières, en progression l'une sur l'autre, conduisent l'idée jusqu'à Benedicta tu, point culminant de la louange. La quatrième redescend vers le grave où elle s'achève dans la contemplation du mystère.

Il n'y a pas d'éclat dans l'Ave de l'intonation ; c'est un salut gracieux enveloppé de vénération profonde et tendre. Tout le long de la première phrase, l'âme se complaît dans cette attitude d'humble hommage ; elle s'anime seulement, d'un accent de ferveur, sur le nom béni. Un bel élan, habilement préparé, porte la syllabe accentuée de Maria à la dominante où les notes doubles et répercutées mettent un peu plus d'ardeur, d'admiration et d'amour. Mais ce n'est qu'en passant. Elle revient au grave sur gratia pléna et s'y enveloppe plus encore de contemplation ; aussi bien y a-t-l ici quelque chose de plus que la salutation. C'est déjà le mystère, le mystère indicible de l'Immaculée. La phrase s'achève sur pléna par un pressus qui met bien en valeur ce mot de plénitude, qui ne peut se dire que du Christ et de sa Mère.

Dès le début de la seconde phrase, la mélodie, établie sans préparation sur la dominante, prend tout de suite une allure de louange éclatante. C'est une qualité nouvelle que l'Eglise salue en Notre-Dame : son union avec Dieu. La plénitude de la grâce, c'est déjà le Seigneur avec l'âme ; mais, sur les lèvres de l'Archange, le Dominus técum indiquait une modalité spéciale de l'union divine. Le Seigneur est avec Notre-Dame comme il n'est avec personne. C'est de cette union merveilleuse que l'Eglise félicite Marie. La mélodie la sert admirablement. Le s'épanouit sur Dominus en un beau motif plein d'élan, deux fois répété, qui dit l'admiration enthousiaste que provoque l'infinie grandeur de Dieu, tandis que, sur técum, elle se retient comme recueillie, étonnée, confondue d'admiration, devant l'ineffable sainteté de Notre-Dame.

Elle se reprend sur Benedicat tu pour s'élancer cette fois à la limite de son étendue. C'est le troisième mot de a louange. Il est la conséquence des deux autres. C'est parce qu'elle est pleine de grâce et que le Seigneur est avec elle que Marie est bénie entre toutes les femmes ; nouvelle Eve, celle que toutes les nations diront Bienheureuse. La mélodie le met au-dessus de tout ; elle dépasse la dominante, monte et plane, à loisir, dans les hauteurs, s'appuyant sur des notes doubles et des pressus qui lui permettent de déployer toute sa puissance et de colorer d'accents de ferveur ce mot de bénédiction. Il s'achève sur le pronom tu en une belle cadence pleine et large qui va tout droit à Notre-Dame avec une nuance délicate de tendresse. La seconde incise ramène à la dominante le mot muliéribus. L'admiration s'y prolonge, toujours fervente ; notez le pressus et le torculus avec son mouvement hardi de quarte retombant sur la bivirga de la syllabe accentuée. D'une façon assez inattendue, la phrase s'achève par une cadence en demi-ton sur si qui laisse la mélodie en suspens, comme si l'Eglise, évoquant en une sorte de contemplation toutes les femmes de la race, les voyait se perdre en une perspective infinie, tendues en un geste de bénédiction vers Notre-Dame  qui, de très haut, enveloppée dans la gloire du Verbe Incarné, les domine toutes de l'éclat de sa maternité.

La quatrième phrase est, de toutes, la plus profonde. Ici, c'est le mystère ; le mystère du Verbe fait chair dans le sein de Notre-Dame. La mélodie abandonne les hauteurs, descend par degrés, sur benedictus qu'elle souligne seulement d'un pressus, descend encore sur fructus, puis demeure dans le grave, presque sans se mouvoir. Un motif deux fois répété de quelques notes qui montent et descendent par degrés conjoints sur véntris, un dernier pressus sur tui comme pour faire rejaillir la gloire du Fils sur la Mère - car c'est pour le Fils qu'est toute la louange dans cette dernière phrase - et c'est tout. L'ineffable ne saurait s'exprimer.

Il faut chanter avec beaucoup de souplesse. On y veillera particulièrement dans l'intonation. Le climacus qui s'achève sur la première note pointée sera légèrement retenu pour donner à cette demi-cadence sur mi toute sa valeur d'admiration gracieuse et tendre.

Chanter Maria avec beaucoup de ferveur. Les deux premières notes de ri bien appuyées, assez fortes, avec l'élan de l'accentuation : ce sont deux virgas ; les deux autres sont des distrophas ; la répercussion en sera délicate et il y aura un crescendo jusqu'à la répercussion, très délicate aussi, de la virga. La cadence sur sol très peu ralentie, de façon à rattacher Maria à gratia pléna. Une pause.

Discret a tempo au départ de Dominus dont les thésis seront légères, comme le sera la tristropha de técum, qu'on renforcera toutefois pour la lier au climacus. Sur ne dans Benedicta, une bivirga, bien l'appuyer et mener le crescendo e un bel enthousiasme vers le pressus. Conduire avec mesure l'admirable descente de benedictus fructus, sans que la voix perde brusquement de sa sonorité. Véntris tui très lien avec le salicus bien doux.

COMMUNION

LE TEXTE

Voici qu'une Vierge concevra
Et enfantera un Fils,
Et il sera appelé de son nom Emmanuel. Isaïe, VII, 14.

Cette parole fut dite comme une prophétie par Isaïe à Achaz. « Le Seigneur vous donnera lui-même un signe : voici qu'une vierge enfantera... » Le signe promis arrivera le jour de l'Annonciation. C'est le mot même du prophète en effet que l'Archange dit à Notre-Dame : « Voici que vous concevrez et enfanterez un Fils et vous lui donnerez le nom de Jésus ».

Ce texte est tout à fait à sa place le jour où est commémorée l'Annonciation. Toutefois il ne semble pas qu'il doive être chanté ici comme une prophétie ; c'est l'Eglise qui après avoir entendu la parole du Prophète à l'Epître, et celle de l'Ange à l'Evangile, y revient, au moment de la communion. Contemplant dans la lumière de la grâce sacramentelle, l'Incarnation qui se prolonge par l'Eucharistie dans tout le Corps Mystique, elle chante la joie de l'Emmanuel, du Dieu avec nous, en même temps que le mystère de Noël dans lequel à nouveau va s'accomplir mystiquement la parole divine.

LA MÉLODIE

Une joie émerveillée ; on en caractériserait bien ainsi, en deux mots l'expression. Elle est très discrète dans sa première incise, avec quelque chose de recueilli, de contemplatif, répandu sur toute la thésis de concipiet. Dans une sorte de jouissance profonde, l'âme admire le mystère de la Vierge Mère.

Et voilà qu'elle s'anime et que son admiration prend de l'ampleur. Un souffle puissant passe, qui emporte les mots dans l'enthousiasme, Filium après pariet, comme si l'âme, de plus en plus éclairée, réalisait ce qu'est le mystère de la maternité divine.

Mais, à peine a-t-elle saisi cette seconde merveille, qu'une troisième s'offre à elle : le mystère de Dieu avec nous cette fois, et vocabitur Emmanuel... Elle n'a pas le temps de s'arrêter si peu que ce soit ; de la première phrase, le souffle d'allégresse passe dans la seconde, l'entraînant dans la progression jusqu'à la distropha de vocabitur. Là quelque chose change. Le mystère s'étend. Il s'étend jusqu'à l'âme. Elle sent qu'elle y entre, en ce moment de la communion. Elle se recueille, se refermant sur les merveilles qui s'opèrent en elle. La mélodie la suit dans sa contemplation. Elle n'a plus le souci des notes éclatantes, ni des mouvements à grand espace ; elle se retient. Notez les clivis allongées de vocabitur, elle descend peu à peu vers le grave, jusqu'à ce qu'elle arrive à Emmanuel, le mot du mystère. Elle s'y complaît, en une formule qui, comme celle du véntris tui de l'Offertoire, se contente de quelques notes conjointes qui descendent et montent mais où passe toute la tendresse de l'âme pour l'Hôte divin qui est avec elle.

L'intonation paisible ; de même concipiet dont les podatus seront bien posés. Ceux de pariet aussi, tout le sommet en sera élargi. Le lier étroitement à Filium qui sera à peine retenu afin que l'enthousiasme aille croissant sur et vocabitur. C'est une bivirga qu'il y a sur vo. Retenir quelque peu tur. Beaucoup de grâce et de ferveur sur Emmanuel, qui sera très ralenti.

 

Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici

Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.

LECONS DES MATINES : En Août : Prov. Eccles. Sag. Ecclésiastique.

En Septembre : (Job.)

EPITRE : Dieu nous a faits ministres de l’Esprit qui vivifie et non la lettre qui tue. (II Cor. 3)

ÉVANGILE : Précepte et pratique de la Charité envers le prochain. Parabole du Bon Samaritain. (Luc X.)

IDEE CENTRALE : Il n’y en a pas qui s’impose, mais la parabole de l’Évangile s’y prêterait fort bien. Elle est en effet une application judicieuse de la maxime si profonde de l’Esprit vivifie, la lettre tue. C’est bien parce qu’il avait jugé selon l’Esprit que le Samaritain regarda comme son prochain le voyageur qui gisait blessé au bord de la route, alors que, jugeant selon la lettre, les juifs de toutes classes avaient passé leur chemin sans s’en soucier parce qu’il n’était pas des leurs. Mais il faut aller plus loin et voir dans ce petit drame la figure du drame de l’humanité. C’est elle – et nous en elle – qui gît sur le chemin, ouverte de toutes les plaies qui se sont multipliées et envenimées depuis que l’ennemi l’a dépouillée et laissée impuissante à la porte du Jardin. Et les hommes ont passé; les sages, et les prêtres de toutes sortes, indifférents, jusqu’à ce que le Christ, envoyé par l’Esprit pour la sauver, se soit penché sur elle, l’ait prise sur ses épaules, conduite à l’hôtellerie et, après avoir payé pour elle, se soucie à tout instant de lui rendre la santé et toute la puissance de vie qu’elle avait avant le drame. C’est bien lui, sa miséricorde, son prochain le plus proche, qui s’offre à nous en exemple. Vade et fac similiter.

INTROÏT

LE TEXTE

Dieu, à mon aide viens. Seigneur, à mon aide hâte-toi. Qu’ils soient confondus et couverts de honte, mes ennemis, ceux qui cherchent mon âme.
Ps. – Qu’ils soient rejetés en arrière et qu’ils rougissent ceux qui me veulent du mal.

Ps. LXIX, 2-3-4.

Cette prière, dans son sens général, est toujours de mise sur les lèvres de l’Église car, ici ou là, ses ennemis ne cessent de se dresser. Elle devient émouvante dans l’idée de cette messe, telle que nous venons de la dégager. Elle peut être entendue en effet, comme la supplication de l’humanité gisant sur le chemin qui va de Jérusalem à Jéricho – de la cité d’en haut à celle d’en bas – et demandant au Père l’aide qui lui rendra la santé et tiendra en respect, dans la confusion de sa défaite, l’ennemi qui l’a mise en ce pitoyable état et qui attend la mort.

LA MÉLODIE

Elle est dans l’ensemble une prière très calme, encore que dans la première phrase, presque syllabique se décèle un mouvement assez vif vers adjutorum meum; mais la cadence, bien posée sur do, est très paisible.

Dans la seconde phrase, la supplication est plus poussée. On le sent dès le premier mot. Il y a dans la cadence sur mi de Domine une nuance de plainte délicate et la demande monte pressante, sur me et sur festina.

L’idée de la troisième phrase est différente, c’est une sorte de malédiction lancée sur des ennemis. La mélodie y est parfaitement adaptée. Notez la teneur sur do, avec la double note de confundantur qui est une bivirga épisématique, la reprise de ce motif sur revereantur et la cadence de mei dans le grave; il y a en tout cela une volonté forte, obstinée, dure même, qui appelle la vengeance. Le mouvement monte, dans la même expression sur qui quaerunt animam, avec juste une détente rapide sur meam pour finir. Le Psaume, reprend d’ailleurs l’idée, avec plus de force encore dans le rythme de la psalmodie.

GRADUEL

LE TEXTE

Je bénirai le Seigneur en tout temps. Toujours sa louange sera dans ma bouche.

Verset. – Dans le Seigneur, se glorifiera mon âme. Ils écouteront, les doux, et se réjouiront. Ps. XXXIII. 2, 3.

En reconnaissance de l’aide qu’il lui a apportée dans les heures difficiles, le Psalmiste proclame qu’il ne cessera de dire au Seigneur sa gratitude et qu’il ne cherchera qu’en lui sa louange. Il exprimera ensuite dans ces chants le bonheur qu’il y aura trouvé, et les doux, ceux qui cherchent le Seigneur dans la paix et l’humble service, prendront leur joie à l’entendre.

Ces deux versets forment une très belle paraphrase de l’Épître. L’Église dit au Père sa gratitude pour avoir trouvé en lui sa puissance et pour avoir reçu l’Esprit vivificateur qui la mène avec tous les siens à l’éternelle louange. In Domino laudabitur anima mea.

Quel beau chant de reconnaissance sur les lèvres du voyageur blessé, de l’humanité, ramenée par la Miséricordieuse Bonté du Christ dans la Cité et entourée là de toutes les délicatesses de l’amour.

LA MÉLODIE

De longues tenues répétées la gardent dans une réserve discrète tout le long de la première incise. Elle n’est pas sombre ni même grave, mais recueillie. Elle ne monte pas. C’est le fond de l’âme qu’elle exprime. Elle enveloppe ainsi Benedicam Dominum d’une révérence gracieuse, pénétrée de gratitude et de joie profonde. Passé le nom divin, l’enthousiasme, jusque là contenu, l’emporte sur les hauteurs où elle s’épanouit à loisir. C’est alors sur in omni tempore

la joie tout court. Une joie légère qui se déroule en des formules souples s’élevant toujours plus et s’étirant, sans souci de finir dirait-on, comme pour symboliser la gratitude heureuse qui, elle non plus, ne voudrait pas cesser de s’exprimer. On notera la dernière incise sur laquelle le mouvement se détend et qui, alors qu’on croyait tout achevé sur la cadence en ré, conduit l’idée sur le si où l’on retrouve, en une nuance délicate, la joie profonde et tendre du début.

Dans la seconde phrase, la joie est moins expansive. La première incise s’achève d’ailleurs sur la même cadence en si que la première phrase, et l’on retrouve sur me la même demi-cadence, par la clivis do-sol, que sur ejus. Mais l’enthousiasme renaît, et plus ardent encore sur la vocalise qui suit, emportant la mélodie jusqu’au sol et la ramenant, par des intervalles harmonieux et dans un rythme admirable, à la trivirga où elle s’arrête longuement, comme pour y concentrer la joie avant de s’achever sur une cadence en la du IIe mode

Le verset

Il commence en sol. Cette modulation brusque vers le grave, tout à fait en contraste avec l’exultante cadence de meo, produit une impression de recueillement profond. Aussi bien, c’est le motif de Dominum qui chante à nouveau sur Domino. Laudabitur anima mea demeure dans cette atmosphère. C’est la formule de laudabimur tota die du Graduel Liberasti nos Domine du XXIIIe Dimanche après la Pentecôte , mais une quarte au-dessous, ce qui enlève à la joie dont elle est imprégnée son caractère éclatant.

La deuxième phrase, elle, chante les doux. Elle est d’une exquise suavité. Audiant, par le retard de la clivis et la remontée au sol est enveloppé d’une paix baignée de tendresse qui s’exalte peu à peu sur mansueti. La douceur est alors célébrée sur des rythmes d’une grâce achevée. Entre autres cette retombée do-ré-sol-la répétée puis prolongée, la seconde fois, par le torculus do-ré-la qui se trouve lui-même redit deux fois, aussitôt après, un ton au-dessus. C’est cette succession de quartes descendantes qui donne tant de grâce à ce motif qui va d’ailleurs, de fluctuations en fluctuations, en un splendide mouvement vers le sommet. Il s’y épanouit un instant sur quelques neumes délicats, puis se détend sur les longues tenues de la thésis qui se balancent, paisibles, sur le do et sur le la avant d’atteindre le fa.

A la reprise du chœur la joie exulte à nouveau. Trois temps composés binaires conduisent le mouvement vers un motif très fin où il s’épanouit un instant, qu’il reprend et d’où il part pour une dernière envolée sur le fa en plein enthousiasme. Il revient alors, paisible et heureux, à la tonique par la formule modale si expressive de plénitude.

ALLELUIA

LE TEXTE

Seigneur, Dieu de mon salut, pendant le jour j’ai crié et pendant la nuit, devant toi.

Ps. LXXXVII, 2.

Ces deux versets, dans le Psaume, sont le prélude d’une longue plainte. Il n’y a nulle raison ici de leur donner ce caractère de supplication angoissée. Détachés de leur contexte, ils prennent un sens ordinaire; on pourrait même traduire clamavi simplement par : j’ai prié.

L’Église en effet ne fait pas autre chose par ces quelques mots que de dire au Seigneur qu’il en sera de sa prière comme de la louange; elle n’a pas cessé, elle ne cessera pas.

LA MÉLODIE

Elle a bien ce caractère de tranquillité, de paix, d’abandon qui est l’attitude de la prière simple et confiante.

Il n’y a rien d’angoissé sur la montée de Domine Deus; c’est un salut gracieux, plein de révérence, avec une nuance délicate de joie et de tendresse sur la cadence de salutis meae.

In die est en relief par l’arsis qui monte en quarte sur la distropha, mais Clamavi est une belle thésis toute en repos. Nocte aussi est souligné par le salicus et par la montée vers la dominante, mais la vocalise du jubilus est un chant de paix, et non un cri d’angoisse; les rythmes qui se succèdent si réguliers, ternaires vers les pressus dans la première incise, binaires vers les notes doubles dans la seconde et la troisième le disent assez.

OFFERTOIRE

LE TEXTE

Il pria Moyse, en présence du Seigneur son Dieu et dit : « Pourquoi, Seigneur, es-tu irrité contre ton peuple ? Apaise la colère de ton âme. Rappelle-toi Abraham, Isaac et Jacob, à qui tu as juré de donner la terre où coulent le lait et le miel. » Et apaisé il devint, le Seigneur, quant au mal qu’il avait dit qu’il ferait à son peuple.

Exode XXXII, 11, 13, 14.

C’est un texte qui relate un événement historique, il faut donc le mettre dans son cadre. Pendant que Moyse était sur le Sinaï, le peuple se prosterna devant le veau d’or. Dieu dit à Moyse : « Le peuple a la tête dure. Laisse-moi; que ma colère s’échauffe et que je le détruise et que je fasse de toi la tête d’une grande nation ». Moyse se mit alors à prier et c’est le résumé de sa prière que nous avons ici : pourquoi te fâcher ? calme-toi, souviens-toi de tes promesses à nos pères. Dieu alors s’apaisa et revint sur son projet de châtiment.

C’est sans doute l’Épître, où il est fait mention de Moyse et l’Évangile, où il est question de la loi, qui ont déterminé le choix de ce texte, mais il vient bien aussi, après l’épisode du bon Samaritain.

L’Église nous montre le Seigneur, dans ce geste de miséricorde comme notre modèle: « soyez miséricordieux comme votre Père céleste est miséricordieux ». Elle fait plus encore. A travers la figure de Moyse et à travers sa prière, elle fait elle-même le bon Samaritain; elle prie le Seigneur d’épargner à l’humanité les vengeances qui à tant de titres pèsent sur elles… car le veau d’or est toujours debout, hélas!

LA MÉLODIE

Il en est peu d’aussi dramatique.

La première phrase, deux fois répétée, est comme l’ouverture du drame. Mélodie grave, un peu triste. Faut-il y voir la honte de l’humanité idolâtre que Moyse portait sur lui et que l’Église porte après lui en souvenir de cet incident ? La nuance en serait assez marquée sur Domini et plus encore sur dixit, la seconde fois surtout quand le mot, dépouillé de tout ornement est réduit à la simple cadence sur sol.

La prière s’élève alors sur la double note de quare par un mouvement de quarte ascendante qui la fait paraître quelque peu osée. Il est possible que Moyse ait eu, en cette circonstance où le salut du peuple était en jeu, plus d’audace avec Dieu qu’à aucune autre heure de sa vie, mais on aurait tort d’interpréter ce quare comme une mise en demeure présentée au Seigneur d’avoir à s’expliquer sur sa colère. Ce serait aller à l’encontre de l’attitude constante des Juifs qui, devant le Très Haut, était de crainte, voire de terreur. Moyse plaide; sa plaidoirie va être très forte tout à l’heure, ici elle est humble. On pourrait même dire, timide. Notez que Dominus est léger, que les double notes de trasceris sont une distropha et une tristropha, l’une et l’autre légères aussi, que les pressus sont thétiques. Je veux bien que dans les manuscrits le second podatus de quare soit un pes quassus et que la première note en soit allongée et appuyée, mais rien n’indique qu’elle doive être frappée et dure.

La supplication s’avive dans la seconde phrase. On sent que Moyse perd peu à peu sa timidité. Il s’enhardit; notamment dans la montée vers la tristropha de parce et sur la double note de animae – une virga et un pes quassus encore – sans excès toutefois; sa réserve respectueuse demeure dans toute la vocalise de tuae.

Mais voici l’argument décisif : le rappel des grand noms et de la promesse qui leur fut faite. Il s’agit de justice cette fois. Moyse n’a plus peur, il parle fort. Sur l’accent tonique de memento la mélodie monte du sol au ré et s’y fixe, elle se fait impérieuse et prend de l’ampleur. Il semble que tout le passé se dresse et crie dans la voix de Moyse. Admirable évocation et si expressive sur chaque nom; notez le quilisma et la montée vers la virga allongée du sommet sur Abraham, le pressus de Isaac, et sur et les quatre répercussions qui insistent et préparent la montée vers le fa, grandiose, solennelle et qui se détend sur Jacob en une cadence enveloppant de vénération gracieuse le nom du Patriarche.

A cette nomenclature glorieuse et sainte se joint tout de suite le mot de la promesse, plus que cela, du pacte d’alliance : quibus jurasti. Mais ce n’est pas ce mot, pourtant si fort, que Moyse met en évidence, c’est terram; la Terre Promise; la terre mystérieuse vers laquelle tant de regards, tant de désirs se sont portés aux jours de l’oppression, la terre, lointaine encore, vers laquelle tout le peuple marche depuis le Nil et la Mer Rouge, la terre d’où sortira le Messie. Les mots ici font plus qu’évoquer, ils décrivent. Sur la distropha répercutée, qui prolonge la dernière syllabe de terram, Moyse cherche dans l’espace le pays merveilleux de sa race et, l’âme remplie de tout ce qu’il en sait, il module sa joie sur lac et mel en des neumes souples, fluides, doux et délectables comme le lait et le miel aux rayons dorés. Il y a là comme au point d’orgue. La prière a pris fin et le Seigneur s’est apaisé.

Le récitant reprend alors le fil de l’histoire pour chanter cet apaisement divin : Et placatus factus est Dominus… La mélodie passe en fa et, sur les trois notes de l’accord parfait, monte vers le mi, baignée de paix et de joie. Elle enveloppe Dominus de vénération aimante et de gratitude. Sur malignitate, par un motif doux et gracieux répété deux fois, elle insiste pour marquer le malheur qui a été évité et l’importance de la grâce obtenue. Et l’allégresse continue jusqu’à ce que, sur populo suo, toute la reconnaissance, la tendresse et la joie se perdent dans la contemplation du peuple élu.

COMMUNION

LE TEXTE

Du fruit de tes œuvres, Seigneur, la terre se rassasiera, afin que tu fasses sortir le pain de la terre, et que le vin réjouisse le cœur de l’homme, et que le visage brille sous l’huile, et que le pain fortifie le cœur de l’homme. Ps. CIII. 13, 14, 15.

Ces trois versets ont été choisis, cette fois encore, en raison du temps de la moisson. Ils sont comme une action de grâces que l’Église fait monter vers Dieu. Mais parmi tous les fruits de la terre, le pain et le vin ont été choisis, il va de soi, à cause de la Communion, et c’est l’Eucharistie qui nourrit les hommes, les fortifie et les rassasie de joie qu’elle chante, en fait; et avec quelle actualité vivante, au moment même où se réalise le sacrement de vie.

LA MÉLODIE

La première phrase est très simple, presque syllabique. Mais quel beau rythme plein de joie sur ces trois notes qui vont et viennent du fa au la et du la au fa!

La même simplicité continue dans la seconde jusqu’à ce que la joie du vin soit mise en relief par une arsis plus exultante.

Dans la troisième, il y a plus de vie encore sur exhilarant qui s’épanouit comme un sourire heureux. Le mouvement se détend ensuite en une très belle thésis sur in oléo. Après une belle arsis qui chante l’Eucharistie sur et panis cor hominis la phrase s’achève, très douce et très simple sur les quatre notes de confirmet.

 

Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici

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