Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.
LEÇONS DES MATINES : Mort de Jézabel. Règne d’Athalie. (IV Rois. IX. X)
ÉPÎTRE : le Saint-Esprit inspire tout en nous pour l’utilité commune. En dehors de lui rien de bon ne peut venir de nous. (I Cor. XII. 2-11).
ÉVANGILE : Le Pharisien et le publicain. (Luc. XVIII. 91. 4)
IDÉE CENTRALE : Il semble que l’on peut tout ramener autour de l’épître. Rien de bon ne se fait en dehors de l’Esprit du Christ qui est en nous pour nous guider et nous utiliser en vue du bien commun. Nos propres actions peuvent avoir des effets heureux, mais qui passent.
L’exemple de Jézabel celui d’Athalie et celui du Pharisien sont typiques. Ils ont agi par orgueil; ils finissent mal. Le Publicain par contre est justifié et exalté parce qu’il a utilisé l’Esprit qui l’inspirait. La collecte elle-même peut être entendue dans ce sens, car nous ne « courrons vers les biens promis » que sous l’inspiration et la conduite de l’Esprit; c’est donc la docilité à l’entendre et à le suivre que nous demandons en fait à la Toute-Puissance de Dieu.
INTROÏT
LE TEXTE
Comme j’invoquais le Seigneur, il entendit ma voix (et me mit à l’abri) de ceux qui me cherchaient. Et il les a humiliés, lui qui est avant les siècles et demeure éternellement. Jette ta pensée sur le Seigneur et lui-même prendra soin de toi. Ps. – Exauce, Dieu, ma prière et ne dédaigne pas ma supplication. Écoute-moi et exauce-moi. Ps. LIV. 17, 18, 20, 29, 2.
Le Psalmiste qui, dans la première partie du Psaume, s’est lamenté sur le mal que lui font ses ennemis, se remémore, pour se donner confiance, ce que le Seigneur a fait pour lui dans le passé et s’exhorte à tout lui abandonner une fois de plus : « jette ta pensée, ton souci sur le Seigneur… »
Au sens liturgique, l’Église se rappelant, elle aussi, les bienfaits répétés du Seigneur, s’exhorte, et exhorte les siens, à s’en remettre à lui ou plus précisément à son Esprit qui a mission de nous guider et de nous garder.
LA MÉLODIE
Les deux premières phrases, comme dans le texte, ne sont qu’un récitatif, mais l’auteur l’a voulu très orné et très expressif.
La succession de quatre temps composés ternaires en mouvement arsique donne au début de la première phrase quelque chose de décidé, de vif même, et de joyeux aussi, comme si après une longue délibération l’âme mettait en pratique, sur le champ, la décision qu’elle vient de prendre : « tu as été exaucée jadis, jette encore ton souci sur le Seigneur ». Le mouvement s’épanouit sur la tristropha de exaudi en une nuance délicate qui évoque les souvenirs heureux Après une légère détente il rebondit sur appropinquant; la bivirga y met comme une touche de terreur, au souvenir des ennemis menaçants.
Dans la deuxième phrase, la mélodie, d’abord très calme, s’anime peu à peu sur humiliaviteos. Ce sont les souvenirs heureux qui continuent. Mais sur qui est ante saecula et manet in æternum à l’idée de l’éternité de Dieu, si magnifiquement décrite en ces quelques mots, une sorte de grandeur mystique la pénètre. Notez les deux doubles notes de qui est ante saeculamanet qui fixent la mélodie sur do et les deux pressus qui, par degré, la ramènent à la tonique. C’est noble, grand, somptueux comme un cortège royal.
Tout autre est la dernière phrase. On sent l’âme comme déchargée du poids de son souci et heureuse de faire partager aux autres son expérience. Son chant s’allège; il monte joyeux vers Domino qu’il enveloppe d’un motif aimable puis met te en un admirable relief; soit qu’elle se parle à elle-même ou qu’elle s’adresse à un ami, elle sait et dit avec insistance combien, malgré sa petitesse et son indignité, elle est précieuse devant le Seigneur. Ce texte est celui du graduel du IIIe Dimanche après la Pentecôte. Dans un genre différent l’expression est la même. On aura profit à le constater, notamment sur te, où l’insistance est également remarquable.
La prière se fait alors, dans le psaume, légère et riche d’espoir.
GRADUEL
LE TEXTE
Garde-moi? Seigneur, comme la pupille de l’œil. Sous l’ombre de tes ailes protège-moi. Verset. – De ton visage que ma justification sorte, que tes yeux voient l’équité. Ps. XVI. 8.
Ces versets par lesquels, sous des images si expressives, David demandait à Dieu de le garder, comme son bien précieux, dans la chaleur de son amour et de le juger avec un visage plein de la joie de son innocence, servent ici à l’Église pour solliciter la même protection et la même justice. Elle a bien des dangers autour d’elle, bien des attirances mauvaises s’exercent sur ses membres par les idoles muettes dont parle Saint Paul dans l’Épître; elle voudrait qu’ils demeurent sous cette conduite de l’Esprit qui les fasse penser, juger, vouloir selon Dieu. Prière de l’Église. Prière de chacun de nous… Custodi me Domine.
LA MÉLODIE
La première phrase a un caractère d’intimité très marqué. C’est comme une prière du fond de l’âme, confiée, murmurée à un ami. La mélodie ne dépasse pas la tierce dans la première incise; mais, dans cette réserve humble et familière à la fois, quelle pression sur l’être cher qui peut aider ! Notez la double note de me qui fait la voix s’y appuyer comme en un accent de détresse et la thésis qui suit; plainte délicate qui devient prière intense sur les longs neumes de Domine. Il y a sur pupillam un petit élan qui entraîne la mélodie vers le sib, mais si retenu, si timide, avec cette plainte à peine émise, émouvante, et qui s’étend jusqu’à la dernière note de oculi.
Dès le début de la seconde phrase il y a un changement. L’arsis est mouvementée, avec de grands intervalles qui portent la prière sur les pressus de umbra et de alarum. Ce n’est pas que la supplication soit angoissée ni même plus intense : la mélodie s’est seulement éclairée. La sérénité du mode de fa pénètre tout et, sur alarum, se dessine le motif des grandes allégresses du Ve mode. Incontestablement, c’est la joie. La cadence en mi de tuorum apporte à cette joie une nuance de repos qui se poursuit sur protege, s’étale, s’élargit jusqu’à la cadence qui ramène tout en re, mais seulement pour finir. C’est comme si l’âme se trouvait enfin dans le refuge sollicité et, blottie dans les bras du Père, lui disait, tranquille désormais, apaisée, joyeuse, sous cette protection divine: « sous tes ailes étendues garde-moi bien ».
Le verset
La prière continue, mais différente; ce n’est ni le murmure d’intimité, ni la joie parfois éclatante de la première partie. Il y a ici plus de paix et de sérénité. C’est d’abord pour chanter vultu tuo comme un bercement léger sur la sol puis sur do la et une cadence paisible sur fa. L’âme contemple le visage aimé, c’est tout. Cette contemplation se prolonge sur Judicium meum. Ce n’est que sur prodeat que monte un accent de supplication, très beau d’ailleurs dans sa simplicité.
Dans la seconde phrase, la joie revient. Elle est aussi marquée que sur sub umbra dans la première partie mais, ici, toute contemplative. Notez plutôt la douce paix de la vocalise de tui qui monte et descend par degrés conjoints sur des rythmes d’une grâce exquise.
Ces deux premières phrases chantaient la joie de la Rédemption entrevue par-delà le péché, dans le Graduel de la messe du Mercredi des Cendres.
Sur videant le mouvement s’amplifie et la supplication domine à son tour, fervente, avec une nuance de plainte assez marquée sur la dernière syllabe
ALLELUIA
LE TEXTE
A toi convient, un hymne, ô Dieu, dans Sion. Et à toi on acquittera un vœu dans Jérusalem. Ps. LXIV. 2.
Après la demande du Graduel, l’action de grâces. L’âme a trouvé un chaud refuge sous les ailes protectrices; elle peut dire maintenant sa louange et le vœu qu’elle accomplira pour témoigner de sa gratitude.
On attendait sur ce texte qui évoque Jérusalem et les cérémonies du Temple une joie plus exubérante, celle-ci est sans emphase, simple, intime comme celle du Graduel.
LA MÉLODIE
Les podatus de la première incise ne font en somme que conduire le mouvement vers Deus, enveloppé, lui, d’une belle révérence, aimable, gracieuse et d’une grande délicatesse par la cadence en si. L’incise qui suit est toute consacrée à Sion qui, comme toujours, est chantée avec amour. L’âme contemple la Cité Sainte, l’Église, le Ciel, et s’enflamme peu à peu de désir; notez le pressus, la distropha, la répercussion, les deux notes doubles, et le pressus; il y a là un mouvement dont l’ardeur monte, encore qu’elle soit retenue.
La deuxième phrase est plus développée. Chaque mot a son motif, si l’on peut dire. Tibi, bien en relief au sommet, s’achève sur la même nuance délicate de Deus, une quarte au-dessus; reddetur a la ferveur de la promesse et de la gratitude à la fois, sur la distropha, la répercussion et la cadence en demi-ton par la clivis allongée et le pressus; votum, hanté comme Sion et Jérusalem, déroule sa longue vocalise contemplative dans un rythme d’une ordonnance admirable où la joie et l’amour se mêlent en des motifs simples à travers lesquels passe le désir de la Cité Sainte… et du Ciel où tout ne sera que louange et gratitude.
OFFERTOIRE
C’est celui du Ier Dimanche de l’Avent . Son caractère de prière très humble convient admirablement ici après la parabole du Pharisien et du Publicain. Il est l’expression de cette âme très simple priant au bas du Temple, et qui fut justifiée et exaltée. Il doit être l’expression de notre confiance abandonnée montant avec le sacrifice vers le Père qui nous donnera en retour l’Esprit et ses dons pour nous guider vers la Cité Sainte, où, dans la Gloire du Christ, nous serons à jamais exaltés pour avoir partagé son abaissement.
COMMUNION
LE TEXTE
Tu accepteras le sacrifice de justice, les oblations et les holocaustes sur ton autel, Seigneur. Ps. L. 21.
Très belle adaptation à la Communion du dernier verset du Miserere. Et quelle belle conclusion de toute la messe ! Nous avons jeté nos soucis sur le Seigneur à la fin de l’Introït, nous lui avons demandé, dans le Graduel, de nous couvrir de l’ombre de ses ailes, nous lui avons dit notre gratitude dans l’Alleluia, à l’Offertoire, nous offrant avec son Fils, nous avons affirmé notre confiance en sa venue. Nous avons maintenant l’âme telle qu’il la veut. Il peut venir prendre en nous la place du Maître et recevoir nos holocaustes et nos oblations. Il ne saurait les refuser, car elles lui viennent à travers son Fils qui nous a transformés en lui.
LA MÉLODIE
Elle est aimable, familière, douce. Il n’y a pas de sentiment particulièrement marqué mais une égalité d’âme paisible. C’est le mot altare qui l’emporte; il a une belle expression de respect, de révérence profonde et aimante.
Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici