La Fête de la Sainte Famille

Introït Exultet gaudio interprété par la Schola Bellarmina

Table des matières

Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.

INTROÏT

LE TEXTE

Qu’il tressaille de joie, le Père du Juste !
Qu’ils se réjouissent, ton Père et ta Mère !
Qu’elle tressaille de joie, celle qui t’a mis au monde !

Ps.Qu’ils sont aimés, tes tabernacles, Dieu des vertus !
Elle soupire et languit, mon âme,
Sur les paroles du Seigneur. Prov. XXIII, 23. Ps. LXXXIII, 2, 3.

Dans le Livre des Proverbes, ces mots sont un compliment à l’adresse des parents de l‘homme qui pratique la sagesse.

Au sens liturgique, ils ne disent rien de plus, sinon que le Juste ici est le Sage par excellence, Notre Seigneur Jésus-Christ. Peut-être même vinrent-ils bien des fois comme spontanément sur les lèvres de ceux qui eurent l’occasion d’admirer les qualités du fils du charpentier de Nazareth. Peut-être furent-ils dits à Notre-Dame et à Saint Joseph comme une citation des Livres saints qui trouvait en eux son application. Peut-être même quelques docteurs du Temple, émerveillés, les prononcèrent-ils quand ils virent Notre Seigneur s’en aller, entre son Père et sa Mère qui venaient de le retrouver au milieu d’eux. En tout cas, c’et ainsi que l’Eglise les chante, comme un compliment à la Sainte Famille reconstituée dans la gloire. Ils prennent ainsi leur sens total et la destination dernière que le Saint-Esprit leur donna en inspirant l’Ecrivain sacré.

Le Psaume exprime le désir de rejoindre la Sainte Famille au ciel. Tant que l’âme est sur la terre, elle n’est que sur le parvis. C’est pourquoi elle soupire.

LA MÉLODIE

La mélodie n’est pas originale, il va de soi, puisque la fête est d’institution récente. Elle a été faite de formules empruntées ici et là aux Introïts du VIIe mode. Exultet Gaudio Pater Justi est calqué sur Audivit Dominus et misértus du Vendredi après les Cendres – Gaudeat Pater tuus, sur de laqueo pédes méos de l’Introït Oculi méi du IIIe dimanche du Carême. – Et mater tua, sur Patris méi de l’Introït Venite benedicti du Mercredi de Pâques. – Et exultet quae genuit te, sur et ne obtiviscaris voces quaeréntim te de l’Introït Réspice du XIIIe dimanche après la Pentecôte.

L’élan de la première incise, qui gravit en trois bonds l’octave entière pour s’épanouir sur Pater Justi, est admirable de proportion et d’à propos par la joie vibrante qui l’enveloppe toute, avec une nuance de vénération délicatement posée sur Justi. Cette joie a moins d’éclat dans la suite ; aussi bien c’est à Notre Seigneur que l’Eglise s’adresse désormais et un caractère de discrétion plus prononcée est tout à fait de mise. Notez le mot tuus, la cadence de mater tua et l’incise finale quae génuit te, avec leur accent de profonde admiration, qui en font une louange si délicate et si pleine de tendresse et à Saint Joseph et à Notre-Dame.

L’épisème horizontal de Pater pourra être renouvelé sur le podatus. Bien rattacher Mater tua à Pater tuus.

La cadence finale du Psaume est particulièrement expressive du désir ardent qui est dans le texte.

GRADUEL

LE TEXTE

Une seule chose j’ai demandée au Seigneur,
Et je la demanderai encore,
Que j’habite dans la maison du Seigneur
Tous les jours de ma vie.

Verset.Heureux ceux qui habitent dans ta maison, Seigneur.
Dans les siècles des siècles, ils te loueront. Ps. LXXXIII, 5.

Le sens littéral est très simple. Le psalmiste révèle l’objet constant de sa prière : qu’il puisse habiter dans le Temple, près de l’Arche où Dieu manifeste sa présence toute sa vie. Même idée dans le Verset, avec en plus l’évocation de l’éternité dont le Temple n’était que le parvis.

Ce fut sans aucun doute l’ardent désir de Notre-Dame et de Saint Joseph. Le Seigneur le combla au-delà de tout ce qu’ils espéraient, en leur donnant de vivre avec le Christ dans l’intimité de la maison de Nazareth, et il continue de le combler de plus en plus, dans la gloire.

C’est ce désir de la Sainte Famille qui nous arrive ainsi du passé. Mais, en même temps que l’Eglise lui prête sa voix, elle en fait le désir de tous ses membres.

Saint Paul vient de nous dire, dans l’Epître, que nous sommes un avec le Christ. Par lui, avec lui, et en lui, nous sommes donc de la famille divine ; frères du Christ, fils du Père et de Notre-Dame et de Saint Joseph, nous aussi. Ce que nous demandons, c’est d’être avec eux dans la maison de famille. La maison, c’est Dieu qui enveloppe tout de son être infini. Vivre en relation de pensée et d’amour avec eux tous, en lui, dans l’invisible présence, en attendant de les rejoindre et de les voir, dans l’éternelle et béatifiante vision, voilà ce que l’Eglise nous fait chanter, en union avec ce que Notre-Dame et Saint Joseph chantaient eux aussi dans leur cœur lorsqu’ils étaient, comme nous, sur la terre de désir.

LA MÉLODIE

(V) unam pétii a Domino, hanc requiram :
ut inhabitem in domo Domini omnibus diébus vitae méae.

C’est le Graduel du Vendredi qui suit les Cendres. La mélodie a seulement été allongée par une formule de remplissage entre Domini et la finale.

Le désir, très discret dans l’intonation, monte peu à peu sur Domine en un motif qui est presque exclusivement réservé au Nom divin ; formule très humble qui supplie d’en bas, s’élevant à peine. Il se fait insistant et ferme sur hanc requiram ; brusquement la mélodie passe à la dominante et par l’intervalle de tierce quatre fois répété, l’épisème horizontal, le pressus, elle marque la volonté forte de l’âme, résolue à obtenir, à force de prière, ce qu’elle demande. C’est cette supplication qui se développe ardente sur ut inhabitem. Formule originale d’une belle inspiration ; il y a dans tout le mouvement une chaleur que l’on sent retenue mais qui anime tout et qui se nuance très heureusement d’intimité sur Domini. Malheureusement l’incise finit sur la tonique en une cadence presque conclusive alors que le texte continue.

Le Verset.Beati qui habitant in domo tua Domine :
In saecula saeculorum laudabunt te.

La finale exceptée, il est calqué sur le Verset Beatus du Graduel Ego dixi du Ier Dimanche après la Pentecôte.

Le calque est heureux, comme fut heureux le choix des formules pour exprimer cette exclamation à la fois enthousiaste et pleine de désir. Elles ont de l’ardeur, de la joie, et se complètent l’une l’autre, Domine emportant la mélodie dans un magnifique élan qui dit au Seigneur l’ardeur de l’âme pour la béatitude qu’elle entrevoit, qu’elle salue et vers laquelle elle crie. Le motif de saeculorum, en broderies légère, sur des notes élevées, évoque, lui, la lointaine éternité que chantaient jadis les Saints Innocents. La finale est une formule commune qui donne au pronom te, objet à la fois du désir et de la louange, la vénération et la tendresse qui conviennent.

Il ne faut pas craindre de donner de la force à l’incise hanc requiram. Il y a là une révolution ferme qui doit être mise en évidence.

Continuer le mouvement avec la même force sur inhabitem avec un bel accent de ferveur. Lier de très près omnibus diébus à Domini afin de faire, autant qu’il se peut, l’unité de l’incise.

Rattacher aussi Domine à tua dans le Verset.

ALLELUIA

LE TEXTE

Vraiment tu es un Roi caché,
Dieu d’Israël, Sauveur. Isaïe XLV, 15.

Dans Isaïe, cette parole est une louange à Dieu qui, sans être vu, fait tout contribuer à la gloire et au salut d’Israël.

C’est évidemment le mot absconditus qui en a déterminé le choix pour la liturgie de la Sainte Famille et c’est à Notre Seigneur et aux trente années qu’il a vécu caché à Nazareth, qu’elle s’applique d’abord. Mais l’Eglise, en faisant le mot de sa louange, y mêle ici comme dans le Graduel, le désir, qui ne la quitte pas, d’avoir tous ses membres cachés avec Lui dans l’invisible Trinité, en attendant la béatifique vision.

LA MÉLODIE

Elle n’a sans doute pas été faite pour les paroles mais l’application est excellente. Il y a dans le premier mot de l’intonation une admiration pénétrée d’amour qui se développe ensuite très heureusement tout le long de la phrase. Déus Israël, qui dit la réalité cachée sous le mystère, domine tout, au début de la seconde phrase. Son motif plein d’élan et le pressus qui le couronne sont une très belle louange, qui se continue sur Salvator dans la nuance d’admiration aimante du début.

Ne pas chanter trop vite. Bien lier les deux phrases. La longue descente de la dernière incise de Salvator sera légèrement retenue et la remontée du re au sol avec grâce.

OFFERTOIRE

LE TEXTE

Ils portèrent Jésus, ses parents, à Jérusalem,
Afin de l’offrir au Seigneur. Luc II, 22.

C’est le début du récit de la Présentation de Notre Seigneur au temple. On  a seulement ajouté paréntes éjus, sans doute pour mettre plus en évidence le rôle de Notre-Dame et de Saint Joseph.

Ce fut le premier acte officiel de la Sainte Famille. L’évocation qui en est faite ici est donc bien adaptée à la fête ; et à l’Offertoire aussi, car ce fut la première fois que l’offrande de Notre Seigneur à son Père, toujours vivante en son âme, fut extériorisée en un sacrifice rituel, figure de celui qui allait venir, qui est venu, qui ne cesse plus.

L’Eglise, au moment où les fidèles offrent le Christ et s’offrent eux-mêmes avec lui au Père sous le symbole du pain et du vin, se chante à elle-même le récit de cette première offrande du Christ, comme pour rattacher la réalité à la figure et y prendre le modèle de son propre sacrifice.

LA MÉLODIE

C’est, à quelques détails près, celles de l’Offertoire de la Messe de minuit. Malheureusement le texte ici est très différent ; ce n’est qu’un simple récit. Il lui manque le lyrisme dont était enveloppé le Laeténtur caeli et qui concordait si parfaitement avec la joie délicate des rythmes et des cadences du IVe mode. Il reste que le caractère de contemplation heureuse qui s’en dégage, aide à faire de ce récit une méditation du mystère, dans la joie de Noël à nouveau évoquée.

Dans l’original, la première phrase finissait à éjus, elle a été ici prolongée jusqu’à Jérusalem, mais  la cadence sur re demeure conclusive ; il faut donc rattacher de très près in Jerusalem à Domino et bien poser sur le la la cadence de Jerusalem pour pallier à ce défaut.

COMMUNION

LE TEXTE

Il descendit, Jésus, avec eux, et vint à Nazareth ;
Et il leur était soumis. Luc II, 51.

C’est la fin de l’Evangile du jour.

Au moment où les fidèles viennent de communier, l’Eglise se dit à elle-même ces mots qui révèlent, dans le cadre de la Sainte Famille, le mystère de la soumission du Dieu fait homme à ses créatures et à travers elles au Père. Elle dessine ainsi l’attitude de l’âme devant la grâce qui vient en elle et qui doit la faire une avec le Christ ; dans l’absolue soumission au Père et à ceux en qui il a déposé son autorité.

LA MÉLODIE

C’est celle de la Communion de la Messe du jour de Noël.

L’intonation est très appropriée au mot et l’idée de soumission se trouve en pleine évidence dans le très beau mouvement de erat subditus, plein de joie comme l’était l’obéissance du Christ, comme doit être la nôtre. Cette joie, qu’on pourrait appeler ici la joie de la Sainte Famille, se dégage d’ailleurs de toute la pièce et lui donne son expression vraie.

Partitions

Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici