Historique des Traits du carême

Tractus: c’est un chant réalisé d’une seule traite, en ce sens qu’il n’est pas entrecoupé d’un refrain (comme l’alleluia ou les antiennes d’offertoire et de communion), c’est donc un chant non responsorial (on dirait aujourd’hui: un chant qui n’a pas de couplets-refrain). Il ne faut pas y voir l’indication d’une particulière lenteur d’exécution et encore moins d’une monotonie.

Étant un chant non responsorial, il est démontré aujourd’hui qu’il est antérieur à celui-ci, donc antérieur au Ve siècle, qu’il a résisté à la généralisation un peu plus tardive des Alleluia. Les Traits se trouvent donc tous dans le temps liturgique du Carême (et des Quatre-Temps), qui est le temps liturgique le plus anciennement organisé. Ils y ont été préservés de l’élimination dont les menaçait le nouveau genre liturgique, l’Alleluia, lequel n’est jamais parvenu à pénétrer dans ce sanctuaire de l’année liturgique.

En revanche, partout ailleurs, les Traits ont été évincés par le psaume responsorial, l’ancêtre de notre graduel, à partir de la fin du IVe siècle, et par l’Alleluia, à partir du VIe siècle. Cela explique le petit nombre de Traits conservés et leur emplacement stratégique: mercredi, vendredi et dimanches de carême et Quatre-Temps.

Il n’existe que trois mélodies de Traits: une se développant sur le mode 8 et deux se développant sur le mode 2. Cela confirme d’ailleurs les considérations sur l’antériorité des Traits par rapport aux Graduels, Offertoires et Alleluia, lesquels se retrouvent dans les 8 modes. Plus on avance dans le temps, plus les mélodies sont diversifiées et le nombre de modes utilisés est grand. Par conséquent, l’absence de Traits d’autres modes que les deux que nous venons de citer est une preuve de leur très grande ancienneté. Leur caractère un peu archaïque n’enlève rien à la beauté, au contraire.

Les Traits sont les derniers vestiges de la psalmodie sans refrain, à la messe. Par conséquent, ils constituent le genre liturgique contemporain et immédiatement postérieur aux cantica que l’on retrouve par exemple à la Veillée pascale.

Psalmodie sans refrain, ornée par les chantres; psaumes chantés intégralement, voilà un peu les caractéristiques du Trait; voilà aussi ce qui explique certaines pièces a priori démeusurées, comme le Trait du 1er dimanche de carême (psaume 90) ou le Trait du dimanche des Rameaux (psaume 21). Il est fort probable qu’au début et jusqu’au Ve siècle, à l’époque où la liturgie romaine comptait deux lectures avant l’évangile, on coupait les Traits en deux, exécutant une partie après chaque lecture.

Voir la vidéo sur la structure des Traits.