La Fête du Sacré-Coeur

L’introït Cogitationes interprété par la Schola Bellarmina

Table des matières

Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.

INTROÏT

LE TEXTE

Les pensées de son cœur de génération en génération (sont) qu’il enlève la mort de leurs âmes et qu’il les nourrisse dans leur faim.

Ps.Exultez, justes, dans le Seigneur. Aux cœurs droits, convient la louange. Ps. XXXII. 11,19,1.

La fête du Sacré-Cœur est la fête de l’amour du Christ pour les hommes. Cet amour est de toute éternité, in generatióne et generatiónem, car le Christ éternellement prédestiné n’a jamais cessé d’avoir, à tout instant, sa tendresse fixée sur les siens.C’est dans ce sens qu’il faut entendre ici ces paroles du Psaume. Le Verbe, de toute éternité, le Christ, depuis le temps où il a prix forme humaine, pas un instant n’a cessé d’avoir à la pensée tous les hommes et chacun des hommes pour les sauver et pour entretenir en eux sa vie par l’aliment de sa parole et de son Corps Eucharistique.
L’Église, en pleine conscience de ce que le Christ fait pour ses membres, chante ces paroles, comme un hommage de reconnaissance émue au Cœur infiniment miséricordieux, puis elle appelle tous les fidèles à proclamer leur gratitude, comme il convient aux cœurs droits.

LA MÉLODIE

La moitié de la première phrase, jusqu’à in generatiónem est empruntée à l’Introït Dómine refúgium du mardi de la première semaine de Carême, le reste, et jusqu’à la fin, à différents passages de l’Introït Laetare du IVe Dimanche de Carême.
Le premier emprunt donne satisfaction; il y a même une belle expression de gravité et d’humble réserve dans la modulation en la de Cordis ejus et le quilisma de generatiónem qui semble en amorcer la prolongation, mais les rythmes bondissants de generatiónem y font succéder brusquement, et sans raison, une joie bruyante dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle n’est pas à sa place. Même sur les mots éruat a morte dans la phrase suivante, est-elle bien ce qu’il faut ? La dernière incise est mieux adaptée, mais un autre mode que le Ve eut été plus dans l’atmosphère, Il faut bien le reconnaître.
En raison du texte, il faut prendre un mouvement assez ample, qu’on gardera bien vivant il va de soi; mais il s’impose pour garder à l’ensemble la gravité qui convient.
Faites bien, de la première phrase, un seul mouvement en liant étroitement les incises entre elles; il faut surtout y veiller entre la première et la seconde. Ne forcez pas le crescendo de génératiónem. Le motif demande ici une expression toute différente de celle qu’il a dans l’Introït Laetare.
Ralentissez progressivement in fame.
Le Psaume, un élan joyeux.

GRADUEL

LE TEXTE

Doux et juste (est) le Seigneur. A cause de cela il donnera une loi (qui les sauvera) à ceux qui tombent sur le  chemin.

Verset. Il conduira les humbles dans la justice et enseignera aux doux ses voies. Ps. XXIV. 8,9.

A la fin de l’épître, Saint Paul souhaite que par notre union avec le Christ, présent dans notre âme, nous puissions recevoir le sens de l’amour divin et que nous l’ayons au point que notre vie soit pleine de la plénitude de Dieu qui est Amour.
L’ Église, ici encore sous la forme d’une contemplation baignée de gratitude, chante ce don de l’Infinie Miséricorde qui nous vient du Cœur de Jésus. Non seulement le Seigneur ne détruit pas le pécheur mais il l’aime au point de le relever, de le reprendre en main, de le guider sur le chemin où il est tombé et, après l’avoir rétabli dans la justice, de lui enseigner sa propre voie, comme celle qui va droit à la Béatitude, savoir : l’amour jusqu’au sacrifice.

LA MÉLODIE

L’intonation est celle du Graduel Ecce quonam bonum du XXIe Dimanche après la Pentecôte; le reste est calqué sur le Graduel Concupivit Rex, de la messe Vultum tuum du commun d’une Vierge.
Nulle part la mélodie ne revêt d’expression très marquée. Le bel élan de début, qui chante le Roi dans l’original, se trouve ici sur et et, encore que ce soit vers le seigneur qu’il monte il perd un peu de sa chaleur sur cette conjonction. Par contre, sur la thésis de Dóminus, l’âme trouve un très beau motif pour dire sa tendre vénération.
Il y a plus de mouvement dans la seconde phrase, mais l’élan de delinquéntibus a-t-il bien raison d’être, sur ce mot de pénitence ? C’est encore au Roi qu’il s’adresse dans le Graduel Concupívit. In via est mieux servi, il y a dans tout le motif une ferveur à travers laquelle chacun peut faire passer sa gratitude pour l’aide qu’il a reçue et continue de recevoir sur le chemin.
Le verset, tout entier calqué sur celui du Graduel Ecce quam bonum, est mieux adapté au texte. Les deux mots mansuétos et mites ont toute la douceur qui convient et le mouvement, en sa progression vers le sommet, met bien en valeur docébit, le mot de la miséricorde du Christ répandant sur les siens la lumière de l’infinie sagesse. L’Église pleinement consciente de tout ce qu’elle reçoit y trouve l’élan qu’appelle la ferveur de sa gratitude. La cadence finale, dans le grave, est très heureuse, car elle évoque la plénitude et la profondeur de la joie que trouvent les doux sur les pas du Christ.
On veillera à faire de toute la première phrase un seul mouvement qui aura son arsis suprême sur les premières notes de et et qui sera lié.
Dans la seconde phrase, le torculus de hoc sera très peu allongé et tout de suite relié à legem. L’accent de delinquéntibus est difficile à faire entre deux valeurs longues; y veiller. Relier étroitement in via à delinquéntibus.
Le verset sera plus léger. On retiendra les cinq premières notes de mansuétos; ce don docébit
sera souple. Garder à toute la reprise du chœur sa joie profonde.

ALLELUIA

LE TEXTE

Prenez mon joug sur vous. Et apprenez de moi que doux je suis, et humble de cœur. Et vous trouverez la paix pour vos âmes. Math. XI.19.

Notre Seigneur entre en scène et nous dit que pour expérimenter la douceur et la sagesse de son amour souhaitées par Saint Paul dans l’Épître, chantées par l’Église au Graduel, il faut prendre pour soi son joug, c’est à dire se mettre sous sa volonté. N’est ce pas là tout l’amour ? C’est alors seulement que nous en saisirons les mille délicatesses et que nous comprendrons toute la miséricorde qu’il déploie sur le chemin pour nous garder dans sa paix.

LA MÉLODIE

Elle revêt cette invitation à l’amour et à la paix d’une tendresse très vive que d’aucuns peuvent même trouver exagérée ou tout au moins pas assez spirituelle.
L’intonation est très belle. Quelle admirable invitation, pénétrée de douceur humble et tendre ! La phrase suit dans le même sentiment, et, est bien adaptée, à part peut-être que méum est trop séparé de jugum et qu’il a un développement excessif pour la simplicité de Notre Seigneur. La cadence super nos par contre, a une nuance de supplication très simple mais prenante.
La seconde phrase, elle aussi, est de bonne venue, mais on s’explique mal le long développement neumatique de et encore qu’il ne fasse qu’un avec le mot humilis, bien ardent d’ailleurs lui-même pour chanter l’humilité. La même critique pourrait s’appliquer à réquiem
qui reprend le même motif. Sans doute l’auteur s’est-il plus préoccupé de l’expression de l’ensemble que de celle des détails.
Il ne faut pas pousser l’expression en chantant : elle est à son extrême limite dans le texte. Que les pressus par exemple soient trop appuyés et il y aura un excès de sensibilité déplorable. Il faut, ici plus que partout, les préparer de loin et en faire un simple épanouissement de l’arsis. Liez bien les grandes descentes. Elargissez les larges intervalles de et et de réquiem. Mêlez à la tendresse la virilité ferme et forte.

OFFERTOIRE

C’est la première partie de l’Impropérium du Dimanche des Rameaux; le chant du Christ qui se plaint de n’être pas aimé.
Ce chef d’œuvre garde toute sa beauté ici. Mais comme on regrette que la cadence finale en VIIIe mode soit si brusquement amenée. Elle y perd toute sa valeur de plainte. Il faut y faire un grand ralenti depuis non pour pallier à ce défaut.

COMMUNION

LE TEXTE

Un des soldats, de sa lance, son côté ouvrit et aussitôt il sortit du sang et de l’eau. Jean XIX.34.

Ce sang et cette eau ont toujours été regardés comme le symbole de la grâce sortant du Christ immolé pour se répandre sur les hommes : le sang symbole de l’Eucharistie, l’eau symbole du Baptême. Mais par delà la grâce, c’est l’amour qu’ils symbolisent : le Christ nous donnât jusqu’à la dernière goutte de son sang et nous appelant à lui donner notre vie dans la mesure où il nous la demande.
C’est sans aucun doute, ce symbolisme sacré qui a fait choisir ce verset comme Communion. Chanté par l’Église au moment où le symbole devient la divine réalité du Christ et de l’âme se donnant l’un à l’autre, victimes l’un et l’autre de l’amour, il prend un relief particulièrement émouvant.

LA MÉLODIE

L’original se trouve au 5 Juin pour la fête de Saint Boniface sur le texte que voici : « Celui qui vaincra, je lui donnerai de s’asseoir avec moi sur mon trône. » Ce sont des paroles riches de gloire d’où la forme légère et joyeuse de la mélodie. Encore que l’Église ait lieu d’être toute à la joie à cause des grâces qui se cachent sous la cruelle réalité du Christ immolé, on aimerait que sa joie fut moins extérieure. Peut-être y a-t-il ici quelque chose de trop léger pour un texte si chargé de mystère.
Il faut chanter l’ensemble plutôt lentement pour garder à ces paroles si profondes et si mystérieuses la gravité qui convient. Retenez discrètement la cadence en si de apéruit et faites celle de aqua bien expressive.

 

Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici