Le Lundi de Pentecôte

Table des matières

Commentaires des pièces de cette messe par Dom Baron.

 

INTROÏT

 

LE TEXTE

Il les a nourris de la fleur de froment.
Allelúia.
Et du miel de la pierre il les a rassasiés.
Allelúia, Allelúia, Allelúia.

Ps. Acclamez Dieu, notre aide.
Poussez des cris de joie au Dieu de Jacob. Ps. LXXX. 17, 2.
Les expressions imagées de ces deux versets ont à peine besoin d’explication. La fleur de froment c’est l’Eucharistie dont le Seigneur a nourri les nouveaux chrétiens d’hier sitôt après leur baptême. Le miel de la pierre a le même sens. (Les abeilles font parfois leur miel dans le creux des rochers en Palestine) Pétra aútem érat Chrístus dit Saint Augustin dans son commentaire du Psaume, citant Saint Paul (I. Cor. X. 4.). C’était aussi une allusion au mélange de lait et de miel que l’on donnait aux premiers communiants pour symboliser la suavité du Christ dans l’Eucharistie. La progression des verbes est à noter : cibávit éos, saturávit éos. Il les a nourris, il les a rassasiés…rassasiés, car on a tout ce qu’on peut désirer dans le Christ, même dès cette terre, sans parler de la Béatitude dont la vision de Dieu comblera dans l’éternité notre faim et notre soif de bonheur : Satiábor cum apparúerit gloria túa. (Je  serai rassasié quand se montrera ta gloire. Ps. XVI, 15.)
L’Eglise, quand elle chante cet Introït, n’a pas à l’esprit ceux-là seuls qui ont fait leur première communion au cours de la Vigile – ils sont très rares désormais – mais tous ceux qui en ont fait revivre la grâce à l’occasion de la Pentecôte. Plus encore : tous les communiants de tous les temps qui sont au ciel et au purgatoire, car, eux aussi, à leur façon, ont pris part à la liturgie Eucharistique de la Vigile. C’est à eux tous qu’elle pense en se redisant à elle-même, en une sorte de contemplation, le verset du psaume qui devient ainsi l’expression de sa reconnaissance et de son admiration enthousiaste pour cette nourriture divine dont Dieu a voulu nourrir ses membres.

LA MÉLODIE

L’âme berce d’abord sa pensée sur les rythmes passibles et souples de cibávit éos, puis, à l’évocation de l’Eucharistie, qui lui est présentée sous l’image de la fleur de froment, elle s’anime un peu et met sur ádipe un accent de ferveur où passe son amour reconnaissant. C’est toute la première phrase.
Il y a plus de mouvement dans la seconde. L’âme contemple toujours, mais, à mesure que l’idée de l’Eucharistie se renforce avec l’image nouvelle et qu’apparaît le rassasiement de l’éternelle vision, l’ardeur se lève en elle et la laisse aller. On le sent dès les premières notes ; elles vont, en une arsis pleine d’élan vers Pétra qui figure ici le Christ. Il y a ensuite une petite thésis délicate puis l’élan reprend et s’accentue sur saturávit où il devient enthousiaste. La détente se fait alors sur les trois Allelúia qui ramènent peu à peu la paisible contemplation du début.
Chantez simplement, doucement. Dans la première phrase, faites l’accent de ádipe léger et arrondi, que votre voix retombe douce sur la tristropha, descende délicatement sur fruménti et se relève, sans effort toujours sur l’Allelúia. Dans  la seconde, il faudra faire sentir l’enthousiasme. Le départ sera a tempo et la voix ira se renforçant sur Pétra. Appuyez bien cette double note, c’est une bivirga épisématique. C’est le Christ que vous chantez là. Ne vous arrêtez pas toutefois, allez vers l’accent de mélle ; qu’il soit léger, comme aussi la thésis qui suit. Puis, dans le même mouvement tout en élan, mais élargi, chantez, presqu’à pleine voix sur saturávit, votre reconnaissance et vote espoir de l’éternelle vie. Après quoi viendront les  Allelúia, chacun avec son arsis et sa thésis, mais enveloppés dans le grand rythme qui les ramènera, en un beau dégradé à la cadence finale. Notez que le premier part du fa, le second du mi et la troisième du ré ; progression descendante après la progression montante.
Le Psaume n’est plus une contemplation, mais une invitation à louer Dieu. Il doit être brillant. L’Introït reprendra ensuite en demi-teinte.

ALLELÚIA

LE TEXTE

Ils annonçaient en diverses langues, les Apôtres,
Les merveilles de Dieu. Act. II. 4, 11.

Il ne s’agit pas seulement dans ce verset du miracle des langues qui eut lieu le matin de la Pentecôte mais aussi de celui qui se produisit, lors du baptême des premiers gentils par Saint Pierre, dans la maison de Corneille et dont le sous-diacre vient de faire le récit à l’Epître. L’Eglise enveloppe les deux dans sa pensée durant les instants qui suivent et, dans sa contemplation elle dit à Dieu sa joie de le voir se manifester ainsi avec tant d’éclat, et prolonger, par les merveilles de sa grâce, dans les âmes la louange de son nom, sur toute la surface de la terre, et dans toutes les langues du monde.

LA MÉLODIE

Elle est très joyeuse dans l’Allelúia, mais d’une joie qui n’a pas d’éclat. Délicate et comme intérieure sur les premières notes, elle ne commence à s’extérioriser que sur la montée fa – si b. Beau mouvement d’ailleurs qui s’épanouit en une sonorité claire sur le porrectus et le torculus de la dernière syllabe et se détend ensuite en neumes très rythmés qui l’amènent à la cadence sur do. Il ne s’y pose qu’à peine, une arsis le lance à nouveau vers le la. Il en redescend en se balançant sur deux motifs qui se répondent avec grâce et, doucement, touchent trois fois la tonique avant de s’y poser enfin.
Ce caractère de musique intérieure est très marqué dans la première incise du verset loquebántur. L’Eglise médite ; notez la longue tenue sur fa avec ses répercussions, et la descente si paisible des deux climacus et de la clivis vers le do. Sur váriis línguis, le mot du miracle, la joie s’élève. Elle retrouve la première partie du jubilus et s’y déploie à loisir mais, au lieu de revenir au ré, elle remonte au contraire et s’épanouit sur le mot apóstoli dans l’admiration des apôtres et de l’œuvre du Saint Esprit en eux et dans les âmes de tous les Chrétiens.
La dernière phrase reprend l’Allelúia entier qui se trouve fort bien de magnália Déi pour louer dans la joie les merveilles de Dieu.
Il ne faut pas chanter fort les premières notes de l’Allelúia. Ménager un bon crescendo qui commencera délicatement sur le fa et aura toute sa force sur le porrectus qu’on élargira légèrement.
Retenez le mouvement sur loquebántur qui a quelque chose de mystérieux et reliez-y d’assez près váriis en lui donnant a même expression que dans l’Allelúia. Autant que possible, ne pas respirer au quart de barre. Lier aussi de très près apóstoli à línguis et mener le crescendo jusqu’à la note répercutée. Faire la reprise a tempo mais sans excès, sur magnália.

ALLELÚIA II

Véni Sáncte Spíritus.
Comme à la Fête de la Pentecôte.

SÉQUENCE

Véni Sáncte Spíritus.
Comme à la Fête de la Pentecôte.

OFFERTOIRE

LE TEXTE

Comme un tonnerre, il se fait entendre du ciel, le Seigneur,
Et le Très-Haut fit éclater sa voix.
Et apparurent les sources des eaux. Ps. XVII. 14, 16.
Dans ces deux versets, le Psalmiste décrit l’orage, symbole de la colère de Dieu contre les ennemis de son peuple ; le tonnerre et la violence du vent et des tremblements de terre qui soulèvent les flots, au point qu’on découvre, au fond de la mer, et des fleuves, la source de leurs eaux.
Dans le cadre liturgique de la Pentecôte c’est le vent impétueux et l’apparition des langues de feu qui sont évoqués, celles-ci symbolisant le Saint Esprit, source des eaux merveilleuses de la grâce qui allaient couler sur les trois mille auditeurs de Saint Pierre et se répandre jusqu’à la fin des temps sur touts les âmes de bonne volonté. Ainsi, sur ces quelques mots, l’Eglise trouve de quoi chanter les deux objets qu’elle se propose : le miracle du Jour et son développement, l’effusion de la grâce baptismale sur le monde.

LA MÉLODIE

Le texte n’est qu’un récit ; il ne se prête pas à l’expression de sentiments très vifs. La mélodie ne s’y applique pas non plus. Elle se déroule dans une atmosphère de joie paisible en revêtant seulement les mots de longs neumes sur lesquels l’âme trouve le temps de saisir et d’exprimer ce que le texte lui suggère.
Elle monte tout de suitée de ré au la dans la première phrase, brode autour et redescend sur le mi en une cadence qui enveloppe Dóminus d’admiration et de tendresse reconnaissante.
Dans la seconde, elle s’établit dès le début sur le la mais le mouvement est le même. La cadence mystique de Dóminus se retrouve sur Altíssime. Dédit vócem est très insistant, mais toujours méditatif ; la cadence sur ré assez inattendue.
Il y a plus de mouvement dans la troisième phrase. On le sent tout de suite dans la montée joyeuse de apparuérunt, les mots aussi sont moins chargés de neumes.
Avec l’Allelúia, la contemplation paisible revient et tout s’achève sur la cadence mystique entendue pour la quatrième fois.
Plus que toutes les autres prières de l’office, celle-ci est délicate ; précisément parce qu’elle est dépourvue de tout effet. Il faut la chanter à mi-voix, comme une méditation, dans un mouvement pas rapide, mais bien vivant. Evitez de traîner surtout sur les cadences en mi ; elles deviendraient plaintives, alors qu’elles sont l’expression d’une joie toute pénétrée de tendresse pour le Seigneur. On notera qu’elles ne se trouvent que sur Dóminus, Altíssime, Allelúia et apparuérunt, le verbe qui annonce la grâce du jour.

COMMUNION

LE TEXTE

Le Saint Esprit vous enseignera
Allelúia.
Tout ce que je vous aurai dit.
Allelúia. Jean XIV. 16.

Au moment où ses membres communient, l’Eglise se redit les paroles que Notre Seigneur disait à ses Apôtres après la Cène. Elles sont bien à leur place. Par la grâce du sacrement en effet, la charité croît et, le Saint Esprit se fait mieux entendre parce que, devenus plus aimants, nous sommes plus attentifs à saisir ce qu’il nous dit.

LA MÉLODIE

Aimable et douce dans l’intonation, elle s’élève sur docébit vos en une joie enthousiaste pénétrée de certitude, qui enveloppe tout jusqu’à la fin. Comme si l’Eglise voulait dire aux jeunes baptisés, au seuil de leur vie chrétienne, et rappeler à tous ses membres, que l’Esprit de lumière étant en eux ils n’ont pas à avoir peur ; il les mène à la lumière de l’éternelle vérité.
Il faut chanter dans un mouvement alerte et à pleine voix, les accents bien marqués et sans arrêt. Ne ralentir qu’à la cadence finale qui sera posée.

 

Epître, évangile et préface chantés de cette messe, voir ici