Schola Bellarmina : choix artistiques

Votre Schola a édité à ce jour 32 disques comprenant l’année liturgique. Pourriez-vous nous dire tout d’abord qui est la Schola Bellarmina ?

B. Lorber : La Schola Bellarmina a sa petite histoire. Nous avons débuté en 1998 à Bruxelles avec cinq chantres qui étaient rompus au grégorien depuis de longues années. Avec eux, nous avons réalisé tous les enregistrements du Temporal, donc les dimanches et fêtes du cycle liturgique ; en tout, ce furent 14 disques que nous avons produits en trois ans.
Quand j’ai quitté Bruxelles, je me suis retrouvé en France, œuvrant toujours dans le domaine de la musique sacrée. En 2007, j’ai créé l’association Sacra Musica. A partir de là, nous avons continué les enregistrements avec des chanteurs professionnels, avec lesquels nous avons publié 8 volumes, ce qui nous amène actuellement à 15 volumes comportant 32 disques.

C’est donc une œuvre de longue haleine que vous avez entamé…
B.L.: Effectivement, nous avons commencé en 1998; mais par la force des choses, nous avons travaillé en pointillé. Entre-temps, nos disques ont connu du succès et cette demande m’a encouragé à continuer l’œuvre.

Qu’est-ce qui vous a poussé à une telle entreprise ?

B.L.: A l’origine, notre idée était de proposer une aide à tous les choristes qui pratiquent le grégorien. Le constat a été fait et il est universel : la plupart de ceux qui chantent éprouvent des difficultés pour répéter, d’où des carences dans la qualité d’interprétation.
 Le second but était de proposer une intégrale du répertoire grégorien, ce qui, pour l’instant, n’avait pas encore été réalisé. Tous ceux qui aiment la beauté du chant et de la liturgie de l’Eglise pourront ainsi écouter à tout moment la partie du répertoire qui les intéresse.

Il y a peu, le chant grégorien était en vogue ; c’était une mode. Plusieurs monastères ont édité des disques. Qu’est-ce qui distingue votre collection ?


B.L.: L’offre en disques de grégorien est effectivement importante aujourd’hui. Cependant, il s’agit, dans la plupart des cas, de morceaux choisis, ou de messes des principales fêtes de l’année liturgique. Vous pouvez trouver facilement une dizaine d’interprétations différentes de la messe de Pâques, mais aucune version du 17ème dimanche après la Pentecôte ou bien de la messe en l’honneur des Saints Pierre et Paul (29 juin). Notre œuvre monumentale comble donc un grand vide et c’est là sa force: l’exhaustivité.

Quel style d’interprétation avez-vous adopté ? Suivez-vous une école particulière ?

B.L.: Aucune. Les «écoles» font mode ; elles surgissent, puis elles passent. Le chant grégorien restera. Il est en quelque sorte aussi éternel que l’Eglise, parce qu’il est universel comme elle. Certes,nous avons pris comme référence la neumatique des livres de Solesmes, puisqu’ils forment aujourd’hui la base commune de la notation et de l’interprétation du chant grégorien. Il est vrai que nous apprécions l’interprétation de Dom Gajard. Mais nous ne sommes pas des inconditionnels d’une époque ou d’un chef; nous ne sommes pas non plus un chœur de moines ; l’ambiance et l’esprit de notre œuvre sont différents. Ayant un but plutôt pédagogique, nous avons misé sur un très petit chœur de trois ou quatre chantres, ce qui nous donne une précision indéniable. Un chœur de moines a un charme particulier ; notre charme à nous, c’est la précision. Et si un chœur de moines avance avec la majesté mais aussi le manque de maniabilité d’un paquebot, nous avançons comme une frégate, certes discrète, mais efficace.

N’aurait-il pas été utile de faire œuvre de recherche sur les manuscrits et de retrouver ainsi un style d’interprétation propre aux siècles où le grégorien a vu sa naissance ? Assurant ainsi une fidélité d’interprétation en dehors de tout reproche ?

B.L.: Nous laissons ce travail aux universitaires qui sont actuellement très actifs dans ce domaine. Il est évident qu’aujourd’hui nous ne chantons pas comme les chantres sous saint Grégoire le Grand, ni comme ceux du haut Moyen-Age. A chaque époque, son style; et même à chaque époque, différents styles suivant les différentes cultures. Le génie propre du chant grégorien vient de son universalité. Ecoutez trois chantres différents : l’un issu du bassin de culture germanique, l’autre d’un pays anglo-saxon et le troisième d’un pays latin, vous aurez vite compris qu’il n’y pas de style unique, ni de méthode modèle. Pourtant, chacun chante le grégorien ! Les mélodies sont figées sur papier, mais les hommes peuvent être de cultures très diverses. Loin des querelles des spécialistes sur les manuscrits de Laon ou St-Gall, nous avons préféré adopter un style liturgique, favorable à la prière, et nous croyons ainsi être proche au moins de l’esprit du chant grégorien.

Ne courez-vous pas le danger d’un certain pragmatisme ?

B.L.: Je ne pense pas que le chant grégorien ait été fait par des spécialistes autour d’une table. Dans l’Eglise, on a commencé à chanter- en reprenant en partie des mélodies de la synagogue, puisque les premiers chrétiens étaient pour une bonne part des juifs convertis – ensuite, on a noté sur papier. La démarche a donc été très pragmatique puisqu’il s’agissait avant tout de prier et non pas de chatouiller les oreilles.

Quels sont vos projets ?

B.L. : la réalisation d’un DVD d’apprentissage du chant grégorien, l’idée étant de pouvoir transmettre un maximum d’informations théoriques à ceux qui souhaitent apprendre le chant grégorien. Pour la pratique, nous organisons des stages d’apprentissage, ici à Lisieux.